Le Gouvernement a eu à cœur de travailler en bonne intelligence avec la Chambre haute, dans un esprit de collaboration respectueuse de l'initiative parlementaire. Ce dialogue a porté ses fruits et le texte issu des travaux de votre commission est le résultat d'un véritable effort conjoint.

Il concilie les objectifs initiaux visés par M. Rochette et ses collègues et les préoccupations du Gouvernement, notamment en matière de sécurité juridique et de respect des principes constitutionnels.

Je salue également les améliorations apportées en commission qui renforcent la clarté et la robustesse du dispositif législatif. Elles illustrent parfaitement ce que peut être une action publique concertée et efficace au service de l'intérêt général.

L'enjeu de ce texte consiste, principalement, à mieux protéger nos concitoyens sur les routes et dans l'espace public. La vidéoverbalisation, soit la constatation d'infractions à distance grâce à des caméras de vidéoprotection, est un outil moderne au service de la sécurité routière et de la tranquillité publique.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics ont entrepris d'élargir les possibilités de verbalisation à distance afin de lutter contre les comportements dangereux ou inciviques au volant.

Ainsi, dès 2018, la liste des infractions routières pouvant être constatées sans interception a été significativement étendue. Cette évolution visait à améliorer le respect du code de la route et à diversifier les moyens de lutte contre les principales causes d'accident, tout en soulageant les forces de l'ordre de tâches de verbalisation chronophages.

Il y va également de la tranquillité publique : lutter contre les incivilités au volant, comme les stationnements illicites gênants ou les conduites dangereuses en milieu urbain, permet d'améliorer la qualité de vie de tous, piétons comme automobilistes. Personne ici ne souhaite que nos centres-villes se transforment en zones de non-droit routier où l'incivisme mettrait en péril la sécurité ou troublerait la sérénité de la collectivité.

La technologie Lapi s'avère précieuse pour atteindre ces objectifs. Ces dispositifs, qu'ils soient fixes ou embarqués, permettent, en lisant les plaques, l'identification instantanée des véhicules contrevenants.

Couplés à des caméras de vidéoprotection, ils facilitent l'identification des véhicules commettant des infractions ainsi que le travail d'enquête qui s'ensuit. En d'autres termes, ces systèmes confèrent aux forces de l'ordre une capacité de réaction et d'investigation nettement accrue, y compris contre des infractions multiples et organisées, par exemple les rodéos urbains coordonnés.

Mieux identifier pour mieux sanctionner : telle est la promesse de cet outil.

M. Bruno Belin. Très bien !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Derrière la sanction, nous visons toutefois avant tout la prévention, tant la certitude d'être identifié et verbalisé découragera les comportements illicites.

Les maires et les élus locaux, en première ligne pour garantir la tranquillité publique dans nos communes, attendent depuis longtemps un cadre juridique clair pour utiliser ces technologies, en lien avec les forces de sécurité.

Actuellement, les polices municipales ne sont pas autorisées à mettre en œuvre elles-mêmes un dispositif Lapi visant à collecter en temps réel toutes les plaques d'immatriculation filmées, même dans le but de répondre ultérieurement à des réquisitions judiciaires.

En l'état du droit, seules la police nationale, la gendarmerie nationale et les douanes peuvent déployer de tels systèmes pour la prévention et la répression d'infractions.

Le projet de loi relatif à l'extension des prérogatives, des moyens, de l'organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres, que votre assemblée examinera dans les prochaines semaines, vise à doter les polices municipales et les gardes champêtres d'outils pleinement efficaces pour le constat des infractions que ceux-ci seront autorisés à relever.

Il s'agit d'assurer une cohérence avec le droit en vigueur, qui prévoit déjà que les services de police et de gendarmerie nationales peuvent recourir à des dispositifs Lapi pour la poursuite d'infractions de même nature.

Si les collectivités territoriales peuvent contribuer au financement de ces caméras, elles ne le font aujourd'hui que par le biais de conventions avec le ministère de l'intérieur, lesquelles encadrent le processus et garantissent que les communes n'ont pas accès aux données collectées.

Cette situation a pu engendrer une certaine insécurité juridique ainsi que des frustrations. Des municipalités équipées de vidéoprotection souhaitent ainsi renforcer la surveillance du trafic ou du stationnement grâce aux dispositifs Lapi, mais se heurtent à des limites légales floues ou contraignantes.

Votre proposition de loi répond utilement à ces préoccupations légitimes en offrant un cadre légal explicite et sécurisé pour l'usage des Lapi par les collectivités, en partenariat avec l'État.

Certains pourraient s'étonner de l'essor que nous donnons à ces dispositifs, mais nous n'introduisons pas un nouvel outil dont il faudrait prudemment tester l'efficacité : la technologie Lapi est une réalité déjà ancrée en France. Elle ne constitue pas un saut dans l'inconnu ; elle est le prolongement naturel de moyens existants.

Ces caméras sont déployées depuis plus d'une décennie au sein des forces de sécurité intérieure. On dénombre aujourd'hui 484 dispositifs fixes de ce type sur l'ensemble du territoire national ; près de 500 équipements, fixes ou mobiles, lisant automatiquement les plaques, opèrent déjà quotidiennement pour prévenir ou constater des infractions.

Ils servent à repérer les véhicules volés ou signalés, à surveiller les grands axes routiers, les abords de nos frontières, de nos ports ou de nos aéroports, et à appuyer les enquêtes judiciaires ; ils équipent les véhicules de patrouille de police ou de gendarmerie, mais aussi, dans un autre registre, ceux des sociétés chargées du contrôle du stationnement payant dans les grandes villes.

Le maillage technologique existe ; cette proposition de loi vise à en optimiser et à en sécuriser l'emploi.

Aborder un tel sujet technologique et sécuritaire impose, enfin, d'évoquer les libertés publiques et la proportionnalité. Dans cet hémicycle, comme au sein de la société, certains s'interrogent : jusqu'où aller dans l'usage de la vidéosurveillance automatisée ? Où placer le curseur entre efficacité policière et respect de la vie privée ?

Ces questionnements sont légitimes et le Gouvernement y a été particulièrement attentif. Notre ligne de conduite est claire : nous croyons à une utilisation équilibrée des technologies de sécurité, dans le strict respect des droits fondamentaux de nos concitoyens.

Cette proposition de loi apporte, à cet égard, des garanties concrètes en cantonnant l'usage des Lapi à des finalités graves et légitimes. Toute tentation d'utiliser ces dispositifs pour surveiller indûment les citoyens ou pour traquer la moindre infraction bénigne est exclue.

Le texte initial prévoyait de sanctuariser le fait de ne pas utiliser ce dispositif pour les infractions mineures, en réservant la consultation des données Lapi aux seuls crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, afin, précisément d'apporter des garanties face aux craintes de dérives liberticides ou d'usage disproportionné.

La rédaction issue des travaux de la commission des lois a finalement opté pour une énumération précise des infractions concernées, mais l'esprit demeure identique : il s'agit exclusivement de faits d'une particulière gravité ou d'une grande complexité. Sont ainsi visés, à titre d'exemple, le terrorisme, la criminalité organisée, les trafics de véhicules, les vols avec violence, les évasions de détenus dangereux, l'aide aux filières d'immigration clandestine ou encore la contrebande organisée.

En ciblant ainsi les usages, nous évacuons toute possibilité d'utiliser la technologie Lapi pour sanctionner le moindre dépassement mineur ou pour surveiller abusivement les déplacements du grand public. Seules des menaces sérieuses à l'ordre public et à la sécurité justifieront l'exploitation de ces données, et ce, toujours sous le contrôle de l'autorité judiciaire, s'agissant d'enquêtes pénales.

Enfin, ce point est capital, le dispositif législatif prévoit une surveillance étroite de la conformité et de la proportionnalité de ces systèmes par les autorités compétentes en matière de libertés publiques.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), gardienne de nos données personnelles, sera pleinement impliquée : elle devra ainsi donner un avis avant qu'un arrêté du ministre de l'intérieur ne fixe les normes techniques auxquelles devront se conformer les systèmes de vidéoprotection. Ce gage procédural garantit que les dispositifs déployés respecteront des standards précis de protection de la vie privée.

De plus, le décret en Conseil d'État annoncé encadrera strictement les conventions passées entre les collectivités et les forces de l'ordre, et définira une convention type.

L'objectif, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste donc à concilier l'efficacité policière, le respect des libertés publiques et la rationalité de l'action. Je vous assure que le Gouvernement partage pleinement cette philosophie. Nous ne cédons ni à un angélisme naïf ni à une approche sécuritaire aveugle qui négligerait les libertés. Nous traçons un chemin exigeant, mais nécessaire : celui d'une sécurité respectueuse de nos valeurs républicaines.

Les technologies telles que la lecture automatisée des plaques d'immatriculation ne doivent être ni diabolisées ni idéalisées. Elles constituent un outil, et seulement un outil, au service de la loi. Il nous appartient, en tant que responsables publics, il vous appartient, en tant que législateur, d'en définir les limites et les conditions d'emploi avec sagesse.

Tel est précisément l'objet de cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est favorable. Pour conclure, et afin de souligner l'importance que nous accordons à ce texte, je vous annonce d'ailleurs l'engagement de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. - Mme Isabelle Florennes applaudit également.))

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui un sujet qui, s'il n'est peut-être pas le plus spectaculaire, est devenu absolument central dans le quotidien de nos forces de sécurité : la lecture automatisée des plaques d'immatriculation.

Cette technologie, désormais ancrée dans les pratiques, accompagne les flux de circulation, renforce les contrôles aux frontières, facilite le travail des douanes et constitue, pour les enquêteurs, un repère précieux dans la reconstitution des déplacements.

Ce dispositif existe depuis plus de quinze ans et son apport opérationnel est reconnu par l'ensemble de ses utilisateurs. Les résultats parlent d'eux-mêmes, et les femmes et les hommes qui mènent les enquêtes savent à quel point ces outils peuvent faire basculer un dossier.

Pourtant, par un paradoxe bien français, alors que ces technologies se répandent dans de nombreux secteurs, y compris privés, celles d'entre elles qui devraient servir notre sécurité demeurent limitées par un cadre juridique devenu trop étroit. Parallèlement, les organisations criminelles font évoluer leurs propres méthodes, se numérisent et se déplacent plus vite et plus loin.

Ce constat s'impose dans tous les domaines : vols de véhicules destinés à l'exportation, trafics sillonnant le territoire, réseaux de passeurs ou repérages en amont d'actions violentes, la route est devenue leur premier outil logistique. Ne pas adapter notre droit reviendrait à refuser de voir une réalité à laquelle nos forces de l'ordre sont quotidiennement confrontées.

Le texte porté par notre excellent collègue Pierre Jean Rochette répond précisément à cet enjeu.

Loin de générer une complexité supplémentaire, il apporte de la cohérence et du bon sens ; il nous invite à hisser enfin nos dispositifs de sécurité au niveau des menaces contemporaines.

Nos forces de sécurité disposent trop souvent de moyens insuffisants pour suivre des déplacements. Parfois, un véhicule suspect n'apparaît dans une affaire qu'après plusieurs semaines d'investigation ; au moment où cette information deviendrait utile, les données ont déjà été supprimées. Ce décalage fragilise les enquêtes et, dans certains cas, nuit à la manifestation de la vérité.

Pour corriger cet état de fait, le texte propose trois avancées essentielles.

Premièrement, la proposition de loi clarifie le périmètre d'utilisation du dispositif Lapi. Il s'agit non pas de le généraliser, mais de concentrer son usage sur les infractions où la mobilité joue un rôle clé : vols organisés, filières criminelles ou évasions, c'est-à-dire dans les situations où il a une véritable efficacité, et seulement dans ces situations. C'est le choix de l'efficacité et de la responsabilité.

Deuxièmement, le délai de conservation des données est allongé pour correspondre à la réalité des enquêtes. Cette extension tient compte du temps long des investigations, au cours desquelles les connexions entre les individus, les lieux et les véhicules n'apparaissent pas toujours immédiatement. Les garde-fous demeurent, ils sont solides et vérifiables : les données inutiles ne seront pas conservées, les accès resteront strictement limités et l'ensemble sera encadré par des contrôles exigeants.

Troisièmement, enfin, s'agissant des collectivités, le texte propose une coopération. Nous saluons ce choix qui respecte la liberté locale tout en permettant de bâtir, territoire par territoire, des dispositifs adaptés. L'objectif n'est pas d'imposer, mais d'harmoniser et de rendre possible ce qui ne l'est pas suffisamment actuellement.

Mes chers collègues, il nous appartient d'écouter celles et ceux qui sont sur le terrain, d'entendre leurs besoins et de leur fournir des outils qui ne sont ni intrusifs ni extravagants, mais simplement adaptés à leur mission de protection.

Le dispositif Lapi est un instrument concret de sécurité publique ; il ne remplace pas l'expertise humaine, il la renforce ; il ne diminue pas nos libertés, il contribue à les protéger.

La sécurité n'est pas un obstacle à la liberté, elle en est la condition la plus élémentaire. L'adoption de ce texte contribuera à mieux protéger nos concitoyens et à soutenir l'effort de nos forces de l'ordre.

Vous l'aurez compris, les membres du groupe Les Indépendants voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Bruno Belin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité est la première préoccupation de nos concitoyens. Dès lors, tout ce qui y concourt doit être envisagé. C'est pourquoi les dispositifs Lapi doivent être soutenus.

Cette discussion nous renvoie aux débats que nous avons eus, il y a quelques jours, lors de l'examen des crédits de la mission « Sécurité », dont je suis le rapporteur spécial. Je me souviens notamment des auditions du directeur général de la police nationale (DGPN) et du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), qui sont demandeurs de tels outils.

Certes, nous nous sommes félicités de l'augmentation des crédits au-delà de ce qui était prévu par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) ainsi que des avancées du plan immobilier ; toutefois, il importe également de donner à nos forces de sécurité tous les moyens nécessaires au bon cheminement de leurs investigations. Nous disposons ici d'un système qui a fait ses preuves.

Bien évidemment, la question des libertés publiques ne saurait être écartée.

Les autorités compétentes, telles que la Cnil ou le Défenseur des droits, doivent disposer d'un droit de regard et pouvoir s'exprimer sur ce dispositif. Ayons toutefois conscience que nous traitons d'une technique qui n'est ni intrusive ni invasive ; elle possède une visée informative et, surtout, un caractère dissuasif.

Les nombreux élus ayant exercé un mandat municipal peuvent en attester : les communes qui ont mis en œuvre la vidéoprotection savent à quel point ce système améliore la situation. Il convient ainsi de généraliser cet outil sur les axes de circulation et dans les grands centres urbains, car cela contribuera à renforcer la sécurité.

J'apporte donc un soutien total à ce texte, tout en invitant à faire preuve d'imagination : des outils similaires existent déjà dans les gares et les aéroports ainsi qu'aux péages autoroutiers. Le texte que nous voterons cet après-midi doit permettre de passer des conventions avec les gestionnaires de ces lieux, parfois sous régime privé, afin d'assurer la transmission des informations à l'ensemble des forces de sécurité.

S'il fallait un exemple pour illustrer l'utilité d'une telle mesure, je citerais le dispositif « Alerte enlèvement », sujet auquel nous sommes tous particulièrement sensibles. Imaginez l'atout que représenterait ce système, grâce aux informations recueillies et à l'apport de l'intelligence artificielle, pour sécuriser un axe de déplacement.

Pour ces raisons, et sous réserve du respect des libertés individuelles que j'ai évoqué, je suis favorable à cette proposition et je souhaite la faire aboutir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe votera en faveur de la proposition de loi portée par notre collègue Pierre Jean Rochette et les membres du groupe Les Indépendants, dans le cadre de leur espace réservé. (Ah ! sur les travées du groupe INDEP.)

Nous soutiendrons ce texte pour deux raisons principales : d'une part, parce qu'il apporte une réponse adaptée à des problématiques précises ; d'autre part, parce que le travail réalisé en commission des lois a permis d'aboutir à une rédaction équilibrée et proportionnée.

Les dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation représentent aujourd'hui un outil d'une grande efficacité pour les enquêtes, notamment lorsqu'il s'agit de retrouver, dans les meilleurs délais, l'auteur présumé d'une infraction en retraçant les déplacements de son véhicule.

Toutefois, l'utilité de ce système est juridiquement très circonscrite. À ce stade, seules les douanes, la police nationale et la gendarmerie nationale sont légalement habilitées à le déployer, et ce uniquement dans le cadre de procédures limitées : terrorisme, criminalité organisée, vol et recel de véhicules, infractions douanières commises en bande organisée ou, à titre temporaire, lors de grands événements.

Force est de constater que, aujourd'hui, pour un vol aggravé ou une évasion réalisée par violence, effraction ou corruption, notre droit ne permet pas aux forces de l'ordre de recourir à ces dispositifs dans le cadre d'une enquête de droit commun.

Comment expliquer une telle situation à nos concitoyens, alors que ceux-ci sont de plus en plus nombreux à ne pas avoir confiance en la justice et à douter de son efficacité ? Mes chers collègues, pourquoi nous priver d'outils efficaces et utiles à la manifestation de la vérité, qui permettraient d'éviter des classements sans suite faute d'avoir pu identifier les personnes mises en cause ?

Au-delà de son caractère utile, cette proposition de loi nous semble équilibrée. Là où le texte initial visait à élargir le recours à ces dispositifs pour l'ensemble des crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, circonscrire ce champ d'application à des infractions spécifiques : vols aggravés et recels, évasions réalisées par violence, effraction ou corruption, et infractions d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier.

Le périmètre d'utilisation passe ainsi d'environ 2 400 crimes et délits à trois types d'infraction bien identifiés, pour lesquels l'usage d'un véhicule immatriculé s'avère récurrent. Ce texte est donc équilibré et ne constitue en rien une dérive liberticide ; il préserve notre État de droit.

N'oublions pas la maxime de Jean de La Fontaine selon laquelle « l'adversaire d'une vraie liberté est un désir excessif de sécurité ».

Dans la rédaction issue de la commission, je ne retrouve pas un tel désir excessif : les durées de conservation des données collectées par les dispositifs sont allongées pour passer d'un à deux mois en cas de rapprochement positif, contre actuellement quinze jours à un mois. Cet allongement se justifie par des contraintes opérationnelles. Je rappelle d'ailleurs que de nombreuses garanties existent déjà en la matière.

Je ne constate pas davantage d'excessivité dans la possibilité de conventionnement entre les autorités publiques compétentes et les forces de l'ordre pour le partage des données.

Enfin, je ne distingue toujours rien de tel en ce qui concerne les clauses de la convention type fixant les modalités de financement et d'intégration des données ainsi que les règles de collecte ou de partage, qui seront définies par un décret en Conseil d'État.

En réalité, ce texte apporte de la cohérence vis-à-vis de nos concitoyens comme de l'évolution même de notre droit.

Il préfigure les débats que nous aurons, je l'espère, en février prochain, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'extension des prérogatives, des moyens, de l'organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres, où il sera également question d'élargir le recours aux dispositifs Lapi.

En attendant, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte avec nous. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi de Pierre Jean Rochette qui tend à élargir et à encadrer l'usage des dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation.

Utilisés pour le contrôle du stationnement payant ou du respect du code de la route, ces dispositifs de lecture algorithmique peuvent également servir à la prévention et à la répression de certaines infractions graves par la police, la gendarmerie ou les douanes.

C'est dans ce second cadre que s'inscrit cette proposition de loi, laquelle vise, par ses trois articles, à « lever les points bloquants liés à leur usage ».

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n'est pas opposé à la poursuite de l'utilisation des outils Lapi déjà déployés. Ceux-ci démontrent leur efficacité pour retrouver des véhicules volés, pour lutter contre la criminalité organisée et le narcotrafic, ou encore pour prévenir et pour réprimer le terrorisme, conformément au cadre juridique issu des lois de 2003, 2006 et 2016.

Ce cadre, établi depuis de nombreuses années, a évolué au gré des progrès technologiques et de l'émergence de nouvelles menaces, tout en tenant compte, sous le regard vigilant du Conseil constitutionnel, de la nécessaire protection des droits et libertés. La généralisation de ces systèmes ne va pas, en effet, sans soulever des interrogations fondamentales quant à sa proportionnalité, son effet sur les libertés publiques et la responsabilité des collectivités.

Dans sa version initiale, la proposition de loi allait très loin à cet égard, en autorisant le recours aux dispositifs Lapi pour tous les crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Cela représentait près de 2 300 infractions, dont certaines étaient sans lien avec la circulation ou avec la criminalité organisée, comme le harcèlement scolaire.

Une telle extension serait non seulement disproportionnée, mais également contraire à la directive européenne Police-Justice, laquelle exige que les données à caractère personnel soient collectées par les autorités répressives pour des finalités déterminées, explicites et légitimes.

À l'inverse, cette rédaction exclurait étrangement des infractions pourtant liées aux véhicules, au motif que celles-ci seraient punies de moins de cinq ans de détention.

C'est pourquoi notre groupe a souscrit aux réécritures présentées par le rapporteur Christophe-André Frassa et adoptées par la commission des lois. Nous approuvons le maintien des infractions déjà prévues et l'ajout de nouvelles catégories, à la condition que ces dernières demeurent cohérentes avec l'usage actuel de cet outil.

La reformulation de l'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure doit ainsi permettre d'élargir son champ d'application sans pour autant transformer les dispositifs Lapi en un instrument de surveillance massive des véhicules et de leurs occupants.

Dans ce même esprit d'efficacité raisonnée au service des enquêtes menées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne s'oppose pas à l'allongement modéré des délais de conservation des données, comme prévu à l'article 2.

Rappelons que le Conseil constitutionnel avait validé le dispositif en 2006 en soulignant que la brièveté des délais, huit jours à l'époque, offrait une garantie contre un système généralisé de contrôle et était un gage de respect de la vie privée.

Nous veillerons à ce que ces durées n'ouvrent pas la porte à une conservation massive des données, un risque que pourraient induire certains amendements déposés sur ce texte.

Ni conservation massive de données ni surveillance généralisée par les algorithmes, cet équilibre justifie également notre vigilance quant à l'intégration des dispositifs Lapi dans tous les systèmes de vidéoprotection existants dans notre pays, qu'il s'agisse de ceux des collectivités locales mentionnées à l'article 3 ou de ceux des opérateurs privés visés dans certains amendements ou dans les propos de l'auteur du texte.

L'article 3 initial tendait à imposer que, à partir de 2028, tous les systèmes de vidéoprotection des collectivités intègrent un dispositif Lapi au moment de leur renouvellement.

Or ni la police nationale, ni la gendarmerie nationale, ni les collectivités locales, que nous avons reçues en audition avec le rapporteur, ne demandent que tout système de vidéoprotection déployé sur la voie publique soit systématiquement doté de cet outil.

D'abord, une telle mesure déposséderait les services de police, de gendarmerie et des douanes du choix de l'emplacement où ils souhaitent mettre en œuvre un tel dispositif, qu'il soit fixe ou mobile.

Ensuite, cela conduirait à des situations absurdes telles que l'installation d'outils de lecture de plaques dans des zones piétonnes dépourvues de circulation automobile.

Enfin, et surtout, une telle obligation de généralisation s'avérerait coûteuse pour les collectivités et contreviendrait quelque peu au principe de leur libre administration. Comment les communes ou les intercommunalités feraient-elles face à ce surcoût avéré, alors même que les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui servent à cofinancer leurs caméras actuelles, subissent des coupes dans le projet de loi de finances pour 2026 ?

Bref, il est heureux que, en écho à notre analyse, le rapporteur Christophe-André Frassa ait proposé à la commission des lois, qui les a validés, des ajustements conduisant à supprimer cette obligation faite aux collectivités locales ainsi qu'aux forces de sécurité. Mieux vaut envisager des conventions volontaires entre les acteurs concernés pour encadrer les modalités de partage des données, ainsi que l'identification et le financement des caméras équipées.

Pour parfaire les précautions nécessaires au respect des libertés individuelles et locales, le groupe socialiste propose d'ailleurs que le décret en Conseil d'État prévu par le rapporteur, en sus de l'arrêté technique du ministère, soit soumis à l'avis préalable de la Cnil, laquelle a déjà rendu des avis précieux en la matière.

Vous l'aurez compris, nous voterons en faveur de cette proposition de loi si le texte soumis au vote final évolue bien dans le sens que je viens d'indiquer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et INDEP.)

M. Ian Brossat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi visant à assouplir les contraintes relatives à l'usage des dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre.

De quoi s'agit-il précisément ?

Selon la Cnil, ces dispositifs désignent tout algorithme permettant la lecture automatisée d'une plaque d'immatriculation.

Mis en œuvre par les forces de l'ordre et par les douanes, cet outil permet à la fois de prévenir et de réprimer certaines infractions. À ce jour, il est utilisé pour constater les infractions au code de la route, lors de grands rassemblements de personnes, mais également pour lutter contre le terrorisme, la criminalité, le vol ou la contrebande.

Ces systèmes sont déployés sur l'ensemble du territoire, particulièrement dans les zones frontalières, portuaires et aéroportuaires, ainsi que sur les grands axes de transit national ou international.