Mme Marion Canalès. Madame la ministre, je ne vous demandais pas un exposé général sur la protection de l'enfance.

Ma question est simple. Elle concerne le programme Pegase, qui est expérimenté dans six régions et treize départements. Le dispositif a fait ses preuves. Il a permis d'aider plus de 1 000 enfants, qui s'en sortent beaucoup mieux et qui peuvent reprendre le cours de leur vie. Il doit être généralisé.

Aujourd'hui, votre ministère travaille à une généralisation au rabais. La question est : allez-vous généraliser Pegase tel qu'il a été conçu, avec les mêmes exigences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

projet de loi de finances pour 20226 (v)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous avez fixé deux priorités : doter la France d'un budget et réaliser des économies.

Mais aujourd'hui, le constat est implacable : il n'y aura vraisemblablement pas de budget – nous nous dirigeons vers une loi spéciale –, et il n'y aura pas d'économies.

Car les concessions les plus lourdes que vous avez faites au parti socialiste – c'est le cas notamment de l'abandon de la réforme des retraites – l'ont été sans contrepartie notable en matière d'économies budgétaires.

M. Cédric Vial. Finalement, votre position de Premier ministre n'est-elle pas la seule chose que vous aurez réussi à sauver pendant cette discussion budgétaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, le temps presse. Il nous reste quarante-huit heures avant la commission mixte paritaire. Et si nous voulons les mettre utilement à profit, la priorité du moment n'est, je le crois, plus de se demander si le Gouvernement cherche à durer ou à agir pour les Français ici et maintenant.

Je pense que tout le monde l'a bien compris : un pays va mieux quand il a tout à la fois un budget et un gouvernement. Quand il n'a ni l'un ni l'autre, en général, il ne permet pas aux citoyens, aux entreprises, aux familles de se projeter.

Le Premier ministre a demandé à chacun quel était son objectif : jouer l'élection présidentielle de 2027 ou travailler pour les Français maintenant ? Si nous sommes là, c'est parce que nous voulons travailler pour les Français maintenant.

Il y a beaucoup de désinformation. Contrairement à un bruit qui circule malheureusement dans le pays, le PLFSS voté hier contient plus d'économies que les trois précédents, imposés par 49.3 : 4,6 milliards d'euros d'économies dans le PLFSS pour 2026 voté hier, contre 4,3 milliards d'euros pour 2025, 3,5 milliards d'euros pour 2023 et 1,7 milliard d'euros pour 2022. Revenons aux faits !

Si nous voulons réussir cette commission mixte paritaire dans deux jours, il faut qu'il y ait des échanges entre les sénateurs et les députés, entre les partis. Trouvons une méthode qui nous permette de travailler dans un moment où les délais sont très contraints ; ne laissons pas le temps jouer contre nous. C'est, me semble-t-il, ce qu'attendent les Français.

Dans les communes, dans les départements – vous connaissez bien les territoires – et dans les entreprises, où nous sommes nombreux à avoir travaillé, les Français savent se mettre d'accord. Les partenaires sociaux aussi savent trouver des accords. Pourquoi n'y arriverions-nous pas ici, à Paris, dans les hémicycles ? Nous avons su le faire sur le PLFSS, dans une assemblée fragmentée,…

M. Mathieu Darnaud. En lâchant tout !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. … avec des votes qui allaient des Républicains jusqu'aux écologistes.

À mon sens, pour le budget, pour nos armées, pour le ministère de l'intérieur, pour la justice, pour l'agriculture, nous pouvons et nous devons faire de même ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour la réplique.

M. Cédric Vial. Madame la ministre, j'ai entendu vos explications. Mais le mot que nous aurions aimé entendre, c'est : « pardon ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

Pardon pour la dissolution inexplicable et le chaos politique et démocratique que cette dernière a produit !

Pardon pour la situation insoutenable dans laquelle vous avez conduit notre pays en le noyant sous les flots de la dette ou du déficit public !

Pardon pour les propos inexcusables tenus au Sénat par votre ministre, M. Lescure (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.), qui refuse d'assumer sa responsabilité et afflige ceux qui, ici, ont fait le choix de défendre l'intérêt public !

Mme Laurence Rossignol. Vous êtes des petites choses, les LR ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Cédric Vial. Pardon pour les prélèvements préjudiciables, qui seront immanquablement faits sur le dos des collectivités locales, quand ces dernières assument pourtant leurs responsabilités avec des budgets à l'équilibre !

Pardon pour vos tergiversations indéfendables sur la politique énergétique du pays, qui mettent en cause sa sécurité, sa souveraineté et sa crédibilité !

Pardon pour votre inconstance irresponsable dans la mise en œuvre de la politique en direction de la jeunesse, du secteur audiovisuel ou de l'éducation !

Mme Laurence Rossignol. Nous ne sommes pas à la messe !

M. Cédric Vial. Pardon pour votre naïveté coupable en matière de politique d'immigration ou de sécurité !

Pardon pour votre incurie inacceptable dans l'accompagnement des enfants en situation de handicap, laissant des familles et des élèves dans des situations indignes de la République !

Pardon pour la situation inextricable dans laquelle vous avez plongé en quelques années notre pays et sa jeunesse.

Pardon ! Pardon ! Pardon !

M. Patrick Kanner. C'est Le Grand Pardon ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Cédric Vial. Des excuses préalables, voilà ce que nous attendions de vous !

M. le président. Il faut conclure. (Rires sur les travées du groupe SER.)

M. Cédric Vial. Mais vous n'assumez rien, et vous ne changerez donc rien pour les Français. Le Sénat n'y pourra rien. C'est à nos compatriotes que je dis : « Pardon ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

état des négociations sur le mercosur

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. La colère gronde chez les agriculteurs français et européens. Je le disais il y a quelques jours à Copenhague au commissaire Hansen : nos agriculteurs n'ont pas le moral. Ils l'exprimeront demain devant le Conseil européen.

On peut noter au minimum quatre irritants les concernant directement : la crise de la dermatose ; les inquiétudes sur la future politique agricole commune (PAC) ; le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour les engrais en particulier ; enfin, la signature imminente de l'accord entre les pays du Mercosur et l'Union européenne, que la Commission européenne veut à toute force imposer.

Sur ce dernier point, nous avons émis ici hier un signal fort en disant que nous refusions catégoriquement cet accord et que nous souhaitions la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par le Gouvernement. Nous considérons en effet que la procédure utilisée par la Commission est antidémocratique et dangereuse, parce que déséquilibrée pour nos agriculteurs et sans garantie pour les consommateurs.

Hier, le ministre chargé du commerce extérieur nous a expliqué ce que nous savions déjà sur l'accord lui-même, sans nous convaincre. Mais nous avons retenu que le Gouvernement ne souhaitait pas saisir la CJUE, alors que c'est un élément important du rapport de force et une garantie du respect des procédures européennes.

Les deux assemblées vous ont envoyé pratiquement le même message. Pourquoi ne souhaitez-vous pas y répondre positivement ? Pourquoi risquer, à côté de la fronde des agriculteurs, une fronde du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, vous avez entendu tout à l'heure le Premier ministre le dire avec beaucoup de clarté, comme l'avait fait la ministre de l'agriculture : la France considère que les conditions ne sont en aucun cas réunies pour qu'un vote puisse intervenir sur l'accord du Mercosur. Si la Commission devait toutefois passer en force, notre pays voterait non, et s'y opposerait avec beaucoup de fermeté.

Nous en sommes convaincus, c'est une question de justice et de considération vis-à-vis du monde agricole, qui traverse une crise sans précédent. Mais c'est aussi une question qui touche à notre souveraineté alimentaire. On parle beaucoup de la souveraineté industrielle : terres rares, défense, etc. Mais la souveraineté alimentaire est une composante essentielle de la souveraineté européenne.

Certes, le ministre délégué l'a dit hier, la saisine de la CJUE n'est pas l'option que nous avons retenue jusqu'à présent, car elle n'est pas suspensive de la procédure en cours.

Et l'opposition que nous avons marquée à la signature éventuelle d'un accord dans les prochains jours se double d'une mobilisation du Président de la République et du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, pour obtenir, Mercosur ou pas Mercosur, des concessions de la part de la Commission européenne au service de nos agriculteurs.

Certaines de ces concessions ont été obtenues. Nous avons enregistré des succès…

Mme Kristina Pluchet. Il n'y a rien de concret !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. C'est le cas notamment de la clause de sauvegarde, qui a été adoptée de manière transpartisane au Parlement européen hier et qui nous permettra de protéger les agricultrices et les agriculteurs européens.

D'autres avancées sont en train d'être obtenues, même s'il faut qu'elles puissent se concrétiser.

C'est le cas des mesures miroirs et des limites maximales de résidus, sur lesquelles nous attendons que la Commission présente des engagements fermes dans le cadre des réglementations alimentaires…

Mme Kristina Pluchet. Inapplicables !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. C'est le cas également des contrôles sur lesquels le commissaire que vous avez mentionné a annoncé des mesures, avec une augmentation des dispositifs de contrôle dans l'Union européenne et dans les pays tiers. Nous attendons d'en voir le résultat concret.

Mme Kristina Pluchet. Impossible !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Et il y a des conquêtes que nous irons chercher avec les dents…

Mme Kristina Pluchet. C'est du pipeau !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. C'est le cas de la politique agricole commune. Nous souhaitons qu'elle reste commune et sanctuarisée dans ses moyens.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Dans tous ces combats, la France n'est pas seule. Vous avez l'entendu, la Hongrie, la Pologne, l'Autriche et même l'Italie par la voix de sa présidente du conseil des ministres se sont ralliées à la France pour défendre aujourd'hui nos agriculteurs et nos agricultrices. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Marc Laménie et Bernard Fialaire applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, tout ce que vous m'avez dit, je le sais déjà.

Mais refuser de saisir la CJUE sous prétexte que cela n'aurait pas d'effet suspensif est, à mes yeux, une erreur. La saisine est une arme offensive, pour marquer l'opposition de la France.

Je me permets aussi de nuancer respectueusement vos propos sur la présidente du conseil des ministres de l'Italie. Cette dernière a simplement annoncé que le report pouvait s'imposer actuellement ; elle n'a jamais dit qu'elle s'opposerait à l'accord.

Mais, encore une fois, le Parlement, dans sa quasi-totalité, a demandé la saisine. Saisissez donc la CJUE, nom d'un chien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 7 janvier 2026, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq,

est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à assouplir les contraintes à l'usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre, présentée par M. Pierre Jean Rochette et plusieurs de ses collègues (proposition n° 66, texte de la commission n° 197, rapport n° 196).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Pierre Jean Rochette, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une voiture, un téléphone et une arme : voilà le parfait kit de base du criminel moyen en 2025. Ces trois outils sont autant de pistes à exploiter pour les forces de l'ordre, mais encore faut-il leur en donner les moyens techniques et législatifs.

Ce travail a déjà été fait pour le bornage téléphonique, qui est devenu un acte presque banal, mais essentiel à la résolution de nombreuses enquêtes en matière de narcotrafic et de terrorisme, notamment.

À l'instar de ce qui est possible pour leurs communications, il est indispensable que les forces de l'ordre disposent d'un outil opérationnel et efficace pour s'attaquer à la mobilité des criminels, traquer leurs déplacements et les toucher dans leurs flux.

Encadrés correctement, avec une marge de manœuvre suffisante, les dispositifs de lecture automatique des plaques d'immatriculation (Lapi) répondraient parfaitement à ce besoin et constitueraient un apport décisif à la lutte contre la criminalité.

Ces dispositifs désignent l'ensemble des algorithmes permettant la lecture automatisée d'une plaque d'immatriculation. En France, on en compte environ 650 – ce qui est trop peu – dans le parc étatique. Fixes ou mobiles, ils sont majoritairement utilisés par les services des douanes, la police nationale et la gendarmerie nationale, à des fins de prévention et de répression des infractions.

Ils revêtent un intérêt tout particulier lorsque la nature de l'infraction nécessite la plus grande réactivité : je pense en particulier aux attaques terroristes, aux alertes enlèvement et aux tentatives de viol. Nous savons que, pour ces méfaits-là, le temps est une arme et qu'il faut aller vite.

Ces dispositifs servent également à lutter contre les modes de criminalité qui engendrent des flux importants, tels que le trafic d'êtres humains, les réseaux de passeurs et le trafic de drogue. Plus largement, ils permettent de limiter l'engagement humain et les prises de risque pour nos forces de l'ordre.

À titre d'exemple, au Royaume-Uni, les dispositifs Lapi sont à l'origine de 80 % des interventions policières, tandis que, aux États-Unis, ils conduisent à enregistrer 50 millions de plaques d'immatriculation par jour.

Si l'utilité de la technologie Lapi n'est plus à prouver, les remontées du terrain font cependant état d'un outil qui est loin d'être utilisé à son plein potentiel. On observe trois principaux points de blocage : des possibilités d'usage limitées ; un nombre trop restreint d'infractions ; des délais de conservation de données excessivement courts et un manque de matériel.

Ce texte entend y remédier et libérer le potentiel de cette technologie par un assouplissement raisonnable et réaliste de sa réglementation. En l'état actuel du droit, les articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du code de la sécurité intérieure fixent une liste exhaustive d'infractions pour lesquelles les forces de l'ordre sont autorisées à mettre en œuvre les dispositifs Lapi.

Plutôt qu'une liste incomplète, qui deviendra vite obsolète face à l'évolution galopante de la criminalité, j'avais initialement proposé un seuil de gravité à partir duquel l'usage des dispositifs Lapi par les forces de l'ordre serait autorisé.

L'élargissement de la liste proposé par le rapporteur, qui a été adopté en commission, représente un bon compromis, permettant de concilier mise en œuvre convenable des dispositifs Lapi et respect de la vie privée. Cette liste comprend désormais les infractions d'évasion réalisées par violence, effraction ou corruption.

Dans les deux cas, le seuil de gravité et la liste exhaustive ont en commun de ne cibler qu'un certain niveau d'infraction, car les dispositifs Lapi n'ont, en aucun cas, vocation à être utilisés pour de petites infractions ou des incivilités du quotidien.

J'en viens au délai de conservation des données.

La France se distingue dans l'Union européenne comme l'un des pays où les données Lapi sont conservées le moins longtemps, avec un délai initial de quinze jours, ne pouvant être allongé qu'à un mois seulement en cas de rapprochement positif.

Cela va complètement à l'encontre de la logique appliquée en matière de finalités autorisées pour l'usage de ces technologies, voulant que celles-ci soient réservées aux infractions d'une particulière gravité, qui sont par nature difficiles à combattre.

Les enquêteurs présents sur le terrain vous le diront, un délai de conservation des données court permet de résoudre de petites enquêtes de courte durée, là où les affaires complexes nécessitent des délais plus longs. Il semble donc indispensable d'allonger les délais de conservation des données en cohérence avec la gravité des infractions ciblées.

Le passage à un délai initial d'un mois, pouvant aller jusqu'à deux mois en cas de rapprochement positif, qui a été adopté par la commission, constitue une avancée positive. Toutefois, il me semble intéressant de converger vers le modèle belge.

En effet, la Belgique prévoit un délai de conservation des données Lapi d'un mois, pouvant être prolongé jusqu'à un an uniquement en cas de rapprochement positif, sous réserve de sa validation par un juge.

En prévoyant un délai supplémentaire réellement significatif en cas de rapprochement positif, ce mécanisme donne de véritables latitudes aux enquêteurs et préserve la vie privée. C'est précisément cet équilibre qui doit être recherché au travers de ce texte.

Ce principe est d'ailleurs appliqué en France pour l'accès des forces de l'ordre aux données téléphoniques. Dans cette logique, je vous proposerai, au cours de nos débats, un amendement visant à allonger les délais de conservation des données, s'inspirant du mécanisme belge.

Enfin, concernant le manque de matériel, la technologie Lapi n'a d'intérêt que si elle est accompagnée d'un maillage fin sur tout le territoire et de la mise en place de caméras capables de capter une image de bonne qualité. Or, je le répète, le parc étatique n'est composé que de 650 dispositifs, contre 5 000 en Belgique et 13 000 au Royaume-Uni, alors que ces territoires sont d'une superficie respectivement dix-huit fois et deux fois inférieure à celle de la France.

À cette sous-dotation manifeste s'ajoute la vétusté du matériel : de nombreuses caméras sont vieilles de dix ans et affichent un taux de déchet dans les images traitées allant jusqu'à 40 %.

L'article 3, adopté par la commission, apporte une première réponse en permettant aux autorités publiques – les principales concernées étant les communes – de recourir à un conventionnement avec les forces de l'ordre pour l'installation et la mise à disposition de données Lapi.

Si cette mesure va, là encore, dans le bon sens, il me semble que le texte passe, en l'état, à côté du gisement précieux que sont les réseaux autoroutiers, en particulier les gares de péage. Je vous proposerai donc un amendement visant à étendre le champ de l'article 3 aux sociétés concessionnaires d'autoroute.

Je vous le redis, mes chers collègues, le texte adopté en commission va dans le bon sens en ce qu'il acte de premières avancées significatives pour assurer un usage raisonnable et pleinement efficace des technologies Lapi, en réduisant l'asymétrie des moyens entre les forces de l'ordre et la criminalité organisée et en conciliant la vie privée et l'intérêt de l'enquête.

À cet égard, je remercie l'excellent rapporteur Christophe-André Frassa (Sourires.) et les sénateurs de la commission des lois pour les échanges constructifs que nous avons eus. Notre capacité à faire aboutir un texte équilibré sur ce sujet envoie un signal positif, en prévision des débats qui nous attendent dans les années à venir en matière de conciliation du développement technologique et les libertés publiques.

Aujourd'hui, nous parlons de Lapi ; demain, nous évoquerons probablement l'intelligence artificielle (IA) et les nombreux enjeux qu'elle soulève : défi de la souveraineté, garde-fous à mettre en place, développement sur mesure pour les usages opérationnels, etc.

Avant de finir, je tiens également à remercier le ministre de l'intérieur et son cabinet de leur implication sur ce sujet, d'autant qu'ils ont œuvré pour que le Gouvernement engage la procédure accélérée sur ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, RDPI et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour parler d'un sujet que certains connaissent très bien, celui des dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation.

Cette technologie, qui consiste en un algorithme permettant de lire automatiquement les plaques d'immatriculation, est utilisée depuis plusieurs années par les collectivités territoriales pour le contrôle du stationnement payant.

Les dispositifs Lapi peuvent également être mis en œuvre par les forces de sécurité intérieure dans deux cas.

D'une part, la police et la gendarmerie nationales sont autorisées à les utiliser pour la préservation de l'ordre public, lors de grands rassemblements de personnes, ou pour la prévention du terrorisme.

D'autre part, les services de police et de gendarmerie nationale et les douanes peuvent s'en servir pour faciliter la constatation, le rassemblement des preuves et la recherche des auteurs de certaines infractions limitativement énumérées : actes de terrorisme, infractions criminelles, infractions liées à la criminalité organisée, trafic de stupéfiants, vols de véhicule, etc.

Les échanges que j'ai pu avoir avec les forces de l'ordre ont mis en lumière la grande utilité opérationnelle de cette technologie pour l'élucidation des enquêtes, par exemple pour retrouver rapidement l'auteur d'une infraction.

Prenant acte de l'efficacité de ces dispositifs en matière répressive, l'excellent Pierre Jean Rochette (Rires sur les travées du groupe INDEP.), dont je salue le travail, a déposé une proposition de loi devant permettre leur utilisation accrue par les forces de sécurité intérieure.

À cet effet, le texte prévoit en son article 1er d'élargir les finalités permettant l'utilisation de dispositifs Lapi. Dans sa version initiale, il autorisait les forces de sécurité intérieure à s'en servir pour la répression des crimes et de l'ensemble des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et non plus seulement pour la répression de certaines infractions limitativement énumérées, ce qui aurait concerné plus de 2 300 délits.

La commission s'est montrée favorable à l'élargissement du champ infractionnel, qui apparaît utile et justifié par deux objectifs de valeur constitutionnelle : la recherche des auteurs d'infractions pénales et la protection des forces de l'ordre.

Néanmoins, elle a souhaité circonscrire le dispositif pour écarter le risque d'une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée. En effet, la mise en œuvre de dispositifs Lapi ne lui est pas apparue utile pour la répression de l'ensemble des infractions punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement, telles que les dénonciations calomnieuses ou encore le harcèlement scolaire.

La commission a donc fait le choix d'élargir le champ infractionnel actuellement en vigueur aux seules infractions pour lesquelles l'utilisation des dispositifs Lapi pourra être utile, comme les infractions de vol aggravé, de recel, d'évasion ou d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier.

Nous vous présenterons tout à l'heure un amendement visant à compléter cette liste d'infractions pour y intégrer les faits d'escroquerie et de soustraction d'enfant, pour lesquels l'utilisation des dispositifs Lapi semble utile.

L'article 2 prévoit de doubler les durées de conservation des données collectées, qui passeraient ainsi de quinze jours à un mois en cas de correspondance entre ces données et un fichier existant, tel que le fichier des objets et des véhicules signalés (FOVeS). Ainsi, les données pourraient être conservées deux mois, au lieu d'un mois.

Cet article a été adopté sans modification par la commission, qui a considéré que les durées de conservation proposées apparaissaient proportionnées. Cet allongement est en effet justifié par de réelles contraintes opérationnelles, comme l'ont montré les auditions que j'ai menées.

Les investigations conduisent parfois à identifier une personne ou un véhicule d'intérêt plusieurs mois après les faits, alors même que les données ont déjà été effacées, ce qui ne permet plus de retracer les mouvements du véhicule.

En outre, de nombreuses garanties existent d'ores et déjà. La consultation des données est par exemple interdite tant qu'il n'y a pas eu de correspondance avec un fichier et les données sont automatiquement détruites au-delà des délais autorisés.

Par conséquent, la commission a estimé que le dispositif proposé permettait d'assurer la protection du droit au respect de la vie privée, tout en facilitant la conduite des investigations.

Enfin, l'article 3 prévoyait initialement de rendre obligatoire, à partir de 2028, l'intégration de dispositifs Lapi à l'ensemble des caméras de vidéoprotection déjà installées ou qui le seront à l'avenir. Ainsi, les forces de sécurité intérieure auraient été autorisées à récupérer ces données pour la préservation de l'ordre public et la répression des infractions que j'ai évoquées précédemment.

La commission a souhaité remplacer cette obligation par un système de conventionnement facultatif entre les forces de sécurité intérieure et les autorités publiques compétentes pour installer des systèmes de vidéoprotection.

Cela permettrait à ces autorités d'intégrer éventuellement des dispositifs Lapi sur leurs caméras, puis de mettre à disposition des forces de sécurité intérieure les données collectées pour la répression d'infractions ou la préservation de l'ordre public.

Les clauses types de ces conventions seraient fixées par un décret en Conseil d'État, qui préciserait, d'une part, les modalités de financement de l'intégration de dispositifs Lapi aux caméras et, d'autre part, les règles de collecte et de partage des données.

Vous l'aurez compris, la commission a pris acte du fait que les acteurs concernés n'étaient pas favorables à l'intégration obligatoire de dispositifs Lapi à l'ensemble des caméras de vidéoprotection disposées sur le territoire national. Ces dispositifs seraient en particulier inutiles sur des caméras situées dans les zones piétonnes des grandes villes.

Cette obligation aurait en outre engendré un coût budgétaire non négligeable pour les collectivités territoriales compétentes, qui seraient contraintes d'installer des caméras de vidéoprotection alors qu'elles sont déjà confrontées à une situation financière difficile.

Afin de préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales, la commission a estimé qu'il était préférable d'instaurer un système facultatif permettant le cofinancement des dispositifs Lapi intégrés.

Mes chers collègues, les ajustements auxquels a procédé la commission des lois ont permis, j'en suis convaincu, d'aboutir à un texte équilibré qui renforcera l'efficacité de l'action des forces de sécurité intérieure, tout en assurant le respect des libertés locales et des exigences constitutionnelles en matière de protection de la vie privée.

C'est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption de l'amendement que j'ai tout à l'heure annoncé et d'un amendement rédactionnel. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi, déposée au Sénat par plusieurs de vos collègues, sur l'initiative de Pierre Jean Rochette, revêt une importance particulière, puisqu'il s'agit de donner aux forces de sécurité plus de moyens d'agir.

Les dispositifs Lapi sont autorisés depuis une quinzaine d'années dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, le vol de véhicules et les infractions au code de la route. Ils facilitent le travail d'analyse et de recoupement, limitant l'engagement direct des forces de sécurité et les risques y afférents.

Ce texte s'inscrit au carrefour de plusieurs enjeux majeurs – la sécurité routière, la tranquillité publique et la lutte contre les incivilités au volant – et veille à garantir le respect de nos libertés publiques.

Permettez-moi tout d'abord de souligner la qualité de la coconstruction législative qui a présidé à l'élaboration de ce texte, notamment en commission des lois.

Cette proposition de loi est la preuve de la capacité du Gouvernement et du Sénat, en particulier, à anticiper les besoins du terrain et à y apporter des réponses concrètes. Je tiens à remercier la commission des lois, notamment sa présidente, Muriel Jourda, et le rapporteur de ce texte, Christophe-André Frassa, qui a mené un travail approfondi et constructif, pour ne pas dire excellent.