La photographie saisit non seulement la plaque d'immatriculation, mais également les occupants des véhicules. Depuis 2007, ce dispositif facilite quotidiennement les enquêtes judiciaires ; nous ne remettons nullement cet apport en question. La sécurité de nos concitoyens est primordiale et nous œuvrons constamment en ce sens.
Pour autant, nous nous trouvons en présence d'un dispositif de surveillance algorithmique, une technique qui tend à se généraliser. Dès lors, que faire ? Comment nous assurer que son usage reste strictement proportionné et encadré ?
Je regrette qu'aucune étude d'impact, qu'aucun avis du Conseil d'État ou de la Cnil ne nous permette de savoir ce qu'il en est.
Comment, dès lors, savoir si ce texte est équilibré ? Comment pouvons-nous légitimement légiférer dans ces conditions ? Nous pensons qu'on ne peut pas adopter des mesures aussi intrusives à la légère. Tout en saluant le travail du rapporteur, qui a permis de circonscrire l'usage de ce dispositif à des infractions précises, nous émettons donc un certain nombre de réserves.
En 2024, la Cnil rappelait qu'« une vigilance particulière doit entourer la mise en œuvre des Lapi en raison des risques potentiels qu'ils comportent au regard de la protection des libertés individuelles et de la vie privée ».
Où est cette vigilance particulière quand on légifère à l'aveugle et sans étude d'impact ? Pourtant, je le rappelle, le Conseil d'État comme la Cnil peuvent être saisis pour avis sur des propositions de loi. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait ?
Nous devons travailler avec sérieux, en particulier s'agissant de règles aussi sensibles. Il est de notre devoir de protéger nos concitoyens contre toutes les dérives. Ces craintes n'ayant pas été écartées, une majorité des membres de notre groupe s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Marc Laménie applaudit.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, cher Pierre Jean Rochette, mes chers collègues, assouplir, simplifier, sécuriser : ces mots, souvent présents dans les intitulés des projets et propositions de loi qu'il nous revient d'examiner, devraient emporter notre assentiment. Le diable se cachant dans les détails, c'est toutefois à l'aune du contenu du présent texte que je m'exprimerai au nom de mon groupe.
Les dispositifs Lapi, qui recouvrent un ensemble d'algorithmes permettant la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, sont utilisés depuis une dizaine d'années. Ils furent d'abord présentés comme un outil de lutte contre la criminalité organisée, le vol de véhicule et la lutte contre le terrorisme.
S'ils ne sont donc a priori employés que dans le cadre des enquêtes, qu'ils visent à faciliter, ou à des fins de prévention et de répression des infractions par les douanes, la police nationale et la gendarmerie, le code de la sécurité intérieure prévoit toutefois que ces dispositifs de surveillance mobile peuvent être utilisés de manière plus étendue sur décision de l'autorité administrative.
La proposition de loi initiale proposait d'étendre l'usage de ces dispositifs à l'ensemble des crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, d'allonger le délai de conservation maximum des données et de généraliser l'utilisation de ces dispositifs pour l'ensemble des systèmes de vidéoprotection.
Nous n'apprécions pas les lois « cliquet » qui étendent au droit commun des mesures conçues comme exceptionnelles. Le Conseil national des barreaux (CBN) nous a alertés : « La philosophie initiale de la loi instaurant les Lapi était de réserver ce dispositif à des infractions d'une particulière gravité. […] La proposition de loi tend à modifier en profondeur cet équilibre. » (Mme la ministre déléguée le conteste.)
Le CNB souligne du reste le risque réel que cette proposition de loi se heurte aux exigences de la directive 2016-680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, dite directive Police-Justice.
Sur les sujets relatifs à la surveillance, on nous sert toujours l'argumentation simpliste selon laquelle « s'il n'y a rien à se reprocher, il n'y a pas à s'inquiéter », ce qui est bien évidemment faux. Un tel argument, en effet, ne tient compte ni du respect de la vie privée et des libertés individuelles ni, plus concrètement, des dérives auxquelles certains outils peuvent donner lieu dès lors qu'ils sont placés entre les mains de personnes peu scrupuleuses des droits et libertés fondamentales garantis par la Constitution et, de manière générale, de l'État de droit.
S'agissant de sujets aussi sensibles que la protection des données, notamment, l'absence d'étude d'impact et d'avis du Conseil d'État nous conduit à douter de la sincérité du présent débat, quand bien même la démarche législative est légitime.
On ne peut pas justifier l'allongement de la durée de conservation des données par la lenteur des enquêtes. Si la durée des enquêtes est trop longue, c'est du reste peut-être que les réformes successives de la police judiciaire ne sont pas aussi efficaces et salutaires que ce qu'on a essayé de nous vendre.
La Cnil n'a pas encore publié d'avis sur la présente proposition de loi, mais elle a récemment rendu une délibération sur les évolutions réglementaires des dispositifs Lapi, en rappelant qu'« une vigilance particulière doit entourer la mise en œuvre des Lapi en raison des risques potentiels qu'ils comportent au regard de la protection des libertés individuelles et de la vie privée ».
Le travail du rapporteur, que je salue, a certes contribué à améliorer le texte initial, puisque, sur son initiative, la commission a circonscrit le champ infractionnel permettant l'usage des Lapi à des fins répressives par les forces de sécurité intérieures aux seules infractions pour lesquelles l'utilisation de ces dispositifs pourra se révéler utile, à savoir les infractions de vol aggravé, de recel ou d'évasion.
L'extension de l'usage des Lapi aux infractions d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier nous paraît parfaitement inadaptée. Je présenterai donc, au nom de mon groupe, un amendement visant à revenir sur cette extension.
Sur l'initiative du rapporteur, la commission a également supprimé, à l'article 3, la date d'entrée en vigueur de la généralisation de l'obligation d'intégration de dispositifs Lapi sur les systèmes de vidéoprotection appartenant aux autorités publiques, à laquelle elle a substitué la possibilité, pour les autorités compétentes, de conclure une convention avec les services de police, de gendarmerie et des douanes, afin de permettre le partage des données collectées par les dispositifs de contrôle automatisé.
Si ces modifications introduites par la commission aux articles 1er et 3 étaient nécessaires, notre groupe regrette que les mécanismes de surveillance de masse généralisés soient considérés comme l'alpha et l'oméga de notre arsenal de lutte contre les crimes les plus sérieux et que leur usage soit étendu, sans réflexion approfondie sur les risques qu'ils font peser sur les droits et libertés garantis par notre Constitution.
En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne pouvant souscrire à la position ni de l'auteur ni du rapporteur de la présente proposition de loi, il votera contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme souvent en matière de sécurité, il est avant tout question de mesure. L'efficacité de l'action policière ne saurait exonérer le législateur du respect des droits et du principe de proportionnalité.
Il ne s'agit pas de choisir entre sécurité et liberté : il convient de les articuler sans affaiblir la première ni sacrifier la seconde.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui part d'un constat que nul ne conteste : les dispositifs de lecture automatisée de plaque d'immatriculation constituent désormais un outil pleinement intégré au dispositif opérationnel des forces de sécurité intérieure.
Leur utilité est établie, tant en matière de prévention que de répression de certaines infractions graves, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée ou encore le vol de véhicules.
L'efficacité ne saurait toutefois justifier à elle seule un assouplissement sans limite du cadre juridique enserrant ces dispositifs, qui, par nature, s'appliquent à des données sensibles liées aux déplacements des personnes et à leur vie privée.
C'est précisément cet équilibre que la version initiale du texte peinait à atteindre. L'approche large et abstraite retenue faisait en effet courir le risque d'une banalisation d'un outil intrusif dont l'usage aurait été généralisé sans garantie suffisante.
Le groupe RDSE estime donc que le travail de recentrage opéré par la commission était non seulement utile, mais nécessaire.
À l'article 1er, la commission a opéré un recentrage salutaire, puisqu'elle a limité l'élargissement du champ infractionnel aux situations pour lesquelles l'usage des dispositifs Lapi présente une utilité opérationnelle avérée, tels les vols aggravés, le recel ou les infractions d'évasion. Ce recentrage permet d'améliorer les procédures de recherche des auteurs d'infraction et la protection de l'ordre public tout en ménageant le respect de la vie privée.
Nous nous interrogeons toutefois sur l'inclusion des infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers dans le champ des infractions justifiant l'usage des Lapi.
Le groupe RDSE partage pleinement l'objectif de lutter contre les réseaux de passeurs et les filières organisées qui prospèrent sur la détresse humaine, en tirant profit de l'exploitation de personnes vulnérables. Mais la vocation première de ce texte étant de renforcer l'outillage opérationnel des forces de l'ordre, il ne faudrait pas qu'il soit mobilisé comme un instrument de politique migratoire.
Cette interrogation sur le périmètre retenu par l'article 1er constitue un point de vigilance réel, qui pèsera dans l'appréciation finale que notre groupe portera sur ce texte.
L'article 2, qui prévoit l'allongement des durées de conservation des données Lapi, suscite également des interrogations légitimes. Nos travaux ont toutefois montré que les délais actuels constituent un véritable frein aux enquêtes, notamment lorsque l'identification d'un véhicule d'intérêt intervient plusieurs semaines après les faits.
Enfin, à l'article 3, la commission a fait un choix que nous soutenons pleinement, celui de la liberté et du pragmatisme. En supprimant l'obligation d'intégration des dispositifs Lapi dans les systèmes de vidéoprotection des collectivités territoriales, elle a en effet préservé le principe de libre administration et privilégié la prise en compte des réalités financières et opérationnelles locales.
Le recours à une faculté de conventionnement offre une souplesse bienvenue : il permettra un partage efficace des données lorsque cela est pertinent, sans imposer une norme uniforme et coûteuse.
En dépit des grandes qualités de ce texte, la rédaction de l'article 1er pourrait empêcher un vote unanime et favorable de ce texte. Chacun des membres de notre groupe se décidera au terme de la discussion des amendements. (MM. Pierre Jean Rochette et Hussein Bourgi applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je constate qu'à chaque fois qu'il s'agit d'accorder aux forces de l'ordre de nouveaux moyens techniques afin de lutter contre la délinquance, se pose le dilemme entre la sécurité des citoyens et la protection des libertés individuelles.
Dans une démocratie, il est primordial de s'interroger sur toute atteinte potentielle aux libertés fondamentales, notamment sur les atteintes relatives au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles.
En 1995, lors des débats qui ont donné lieu à l'adoption de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, l'installation de caméras de vidéosurveillance dans l'espace public a donné lieu à de vives discussions.
Si ces débats étaient nécessaires, ils furent parfois excessifs. Quelque trente ans plus tard, nous n'avons pas sombré dans la dictature en raison de l'installation de caméras. La vidéoprotection réglementée et encadrée fait désormais partie de notre quotidien et personne ne s'en plaint.
Toutes les études d'opinion montrent d'ailleurs que les Français soutiennent très majoritairement l'installation de caméras et que non seulement ils en réclament davantage, mais qu'ils sont même favorables au recours à des algorithmes pour l'exploitation des vidéos.
À l'heure où la technologie fait partie intégrante de notre quotidien, d'où viennent les réelles menaces d'atteinte à notre vie privée ? Proviennent-elles de la puissance publique et des mesures sécuritaires qu'elle a prises ou qu'elle souhaite prendre, ou alors des sociétés privées non européennes leaders en matière de nouvelles technologies ? Qui n'a jamais utilisé une application d'aide à la conduite et d'assistance à la navigation ?
Sous le couvert du principe de production participative, ces applications stockent des millions de données sur nos déplacements et sur nos modes de consommation, dressant ainsi notre profil de voyageur-consommateur. La plus connue de ces applications est devenue la propriété d'un grand groupe de services technologiques, fondé en 1998 dans la Silicon Valley, qui saura, à terme, trouver le meilleur usage de ces données dans son seul intérêt privé.
Nos libertés publiques me paraissent donc davantage menacées par des entreprises privées que par les mesures que les pouvoirs publics et les élus peuvent adopter.
Un autre sujet de réflexion concerne la réponse à apporter aux nouvelles pratiques des délinquants. Comment, par exemple, dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic dont nous débattrons ce soir, réprimer les go fast, ces convois de véhicules transportant des stupéfiants et roulant à très grande vitesse afin d'échapper aux contrôles routiers, lesquels sont impuissants à lutter contre ces pratiques ?
Ayant dressé un cadre général, j'en viens maintenant au texte de notre collègue Pierre Jean Rochette, dont je salue le travail.
Il nous propose d'élargir les possibilités d'usage du dispositif de lecture automatisée de plaques d'immatriculation.
Lors des travaux de la commission des lois, M. le rapporteur Christophe-André Frassa a su proposer des ajustements judicieux, tout en reconnaissant l'utilité de ce texte. Je vous en remercie, mon cher collègue.
En limitant le champ de mise en œuvre des Lapi à des fins répressives, il a tenu compte des préoccupations exprimées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés concernant la protection des libertés individuelles et de la vie privée, dans sa délibération du 13 juin 2024 portant avis sur un projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules.
Cette proposition de loi contribuera à faciliter le travail de nos forces de l'ordre, en leur faisant notamment gagner du temps, ce qui leur permettra de redéployer sur d'autres tâches les moyens humains normalement mobilisés lors des contrôles routiers. Elle pourra également contribuer à la reconstitution de trajets dans le cadre d'enquêtes judiciaires.
En cette période de vœux, il est à espérer que ce texte aura également un effet dissuasif sur les jeunes se livrant de manière illégale et dangereuse à des rodéos urbains.
En conclusion, l'assouplissement encadré de l'usage des dispositifs Lapi aura des effets positifs sur la sécurité de nos concitoyens. C'est pourquoi le groupe Union Centriste se prononcera favorablement lors du vote de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ne nous y trompons pas : cette proposition de loi ne parle pas seulement et exclusivement de technique. Elle parle tout simplement de la sécurité des Français. Elle parle surtout de notre capacité collective à regarder le réel en face.
Une fois encore, ce texte est l'occasion d'un débat, que nous ne pouvons plus repousser, sur l'usage des nouvelles technologies par nos forces de l'ordre et, donc, du cadre juridique qui doit en permettre le déploiement : un cadre clair, cohérent, exigeant et protecteur.
Souvenez-vous des jeux Olympiques, mes chers collègues : nous avions commencé ce débat. Vidéosurveillance algorithmique, intelligence artificielle, dispositifs expérimentaux : du fait de leur caractère exceptionnel, les jeux Olympiques ont servi de laboratoire. Et c'est très bien !
Mais nous ne pouvons plus nous réfugier derrière l'exceptionnel pour penser la sécurité des Français au quotidien. Car la délinquance, elle – cela a été dit –, ne fait pas d'expérimentation. Elle innove, elle s'adapte, elle utilise toutes les technologies disponibles.
Et nous ne pouvons plus nous permettre d'empiler des régimes dérogatoires, en bricolant des cadres temporaires ou en multipliant les expérimentations sans lendemain. Ce ne serait ni sérieux ni responsable ni à la hauteur des enjeux.
Nous ne devons pas subir l'avenir. Notre rôle est au contraire de l'anticiper, en pensant lucidement et courageusement ce que j'appellerai le policier augmenté de demain : un policier mieux protégé, plus efficace, plus encadré par la loi et, donc, plus légitime.
Oui, la course à la technologie est totalement frénétique. L'intelligence artificielle progresse à une vitesse fulgurante, proposant des technologies qui ont déjà fait leurs preuves en matière de production et de reconnaissance d'images ou de voix, mais aussi par leurs capacités à identifier, à confondre et à élucider.
Faut-il en faire un tabou au nom des libertés publiques et individuelles ? Bien sûr que non : le maintien de l'ordre a d'ailleurs toujours reposé sur une forme de conciliation ; une conciliation exigeante, parfois inconfortable, mais nécessaire entre sécurité et liberté. Refuser ce débat au nom de fantasmes orwelliens, c'est insulter l'intelligence du Parlement, c'est caricaturer notre démocratie et c'est, en réalité, laisser le terrain libre à l'impuissance.
Ce que nous devons faire, au contraire, c'est ouvrir un débat apaisé, rationnel et exigeant, comme nous le faisons aujourd'hui. Il nous faut sortir de l'idéologie, de la peur, et construire enfin un arsenal juridique de droits clairs et durables.
La sécurité des Français mérite bien mieux que des postures : elle mérite une forme de courage, de lucidité, de responsabilité. C'est exactement ce à quoi ce texte nous appelle. Je tiens à remercier son auteur, ainsi que notre excellent rapporteur, Christophe-André Frassa, qui a peaufiné la copie initiale.
Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à assouplir les contraintes à l'usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre
Article 1er
L'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L 233-1. – I. – Les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes peuvent mettre en œuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants, en tous points appropriés du territoire, en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international, afin de faciliter la constatation et de permettre le rassemblement des preuves et la recherche des auteurs des infractions suivantes :
« 1° Les actes de terrorisme ;
« 2° Les infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée au sens des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale ;
« 3° Les infractions de vol et de recel de véhicules volés ;
« 4° Les infractions de vol aggravé et de recel ;
« 5° Les infractions d'évasion réalisées par violence, effraction ou corruption ;
« 6° Les infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers prévues et réprimées par les articles L. 823-1 à L. 823-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
« 7° Les infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes ainsi que la constatation, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code.
« II. – Les dispositifs mentionnés au I peuvent également être mis en œuvre, dans les mêmes conditions, aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme.
« III. – La mise en œuvre de tels dispositifs est également possible par les services de police et de gendarmerie nationales, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes, par décision de l'autorité administrative. »
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« …°Les infractions d'escroquerie ;
« …°Les infractions de soustraction de mineurs prévues aux articles 227-8 à 227-10 du code pénal ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le présent amendement, comme je l'ai évoqué lors de la discussion générale, vise à étendre l'usage des dispositifs Lapi à la répression des infractions d'escroquerie et de soustraction de mineur.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Permettez-moi de rebondir sur les propos qui ont été tenus lors de la discussion générale. Le présent texte, tout comme la présente proposition du rapporteur, vise, de manière très encadrée, un certain type d'infractions. L'équilibre de la rédaction satisfait à l'objectif du Gouvernement, qui consiste à donner tous les moyens nécessaires aux forces de sécurité tout en garantissant les libertés publiques, que de nombreux orateurs ont évoquées.
L'avis est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Lors des travaux de la commission, vous avez présenté cet amendement de manière très succincte, renvoyant de plus amples explications à la séance publique, monsieur le rapporteur.
Je suis donc un peu frustrée, mon cher collègue, car j'aimerais connaître les raisons qui motivent l'ajout de ces deux infractions.
Si ces raisons paraissent évidentes pour ce qui est des infractions de soustraction de mineur, il en va différemment de l'escroquerie. Pourquoi avoir recours aux Lapi pour ce type d'infraction ? Est-ce en lien avec la lutte contre la criminalité organisée ?
En l'absence d'explications sur ce point, mon groupe demeure réservé quant à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les dispositifs Lapi sont déjà utilisés déjà dans les zones frontalières portuaires et aéroportuaires, ainsi que sur les grands axes routiers nationaux ou internationaux, à des fins de prévention du terrorisme.
Le rapporteur du Sénat propose d'élargir le périmètre d'application des dispositifs Lapi aux infractions concernant l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers, ce dont mon groupe s'inquiète.
Les dispositifs de technologie de surveillance pourraient en effet être déviés de leur finalité de prévention des crimes graves, au profit de la recherche et de la traque des personnes qui aident les personnes migrantes.
Dès lors que ces dernières ont passé les frontières, ces personnes peuvent s'efforcer de leur accorder un accueil digne de ce nom, les aider à réunir les conditions leur permettant de régulariser leur situation, voire à se rendre, ensuite, dans un pays qui les acceptera, ce qui suppose parfois de traverser la France.
Nous déplorons chaque année de nombreux décès en raison des conditions terribles dans lesquelles les migrants passent les frontières, que ce soit dans les Alpes ou dans la Manche.
Or les dispositions de l'alinéa 8 ne feront qu'aggraver cette situation, sans remédier au problème des passeurs. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet alinéa.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, introduite dans le texte par la commission la semaine dernière, pour les forces de l'ordre, de recourir aux dispositifs Lapi, non pas pour lutter contre les activités que vous indiquez, mon cher collègue, mais pour rechercher les auteurs d'infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers.
Il ressort en effet des auditions que j'ai conduites que le recours aux dispositifs Lapi serait particulièrement utile pour la répression de ces infractions, qui, contrairement à ce que vous indiquez, sont considérées comme graves, et peuvent à ce titre être punies d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, et même de dix ans lorsqu'elles sont commises en bande organisée.
Comme vous le constatez, nos approches divergent, mon cher collègue. Notre objectif n'est pas de traquer des personnes qui feraient preuve d'humanité : il est de lutter contre de funestes desseins.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Je souscris aux propos du rapporteur. Le Gouvernement partage l'objectif de lutter contre les réseaux de passeurs, objectif dans le cadre duquel l'usage des dispositifs Lapi peut se révéler extrêmement utile.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Il va de soi que je partage moi aussi l'objectif de lutte contre les réseaux de passeurs et le crime organisé. Je souligne simplement que la rédaction actuelle ne garantit pas que les dispositifs Lapi ne seront pas utilisés à d'autres fins.
Or les gouvernements passent. L'exécutif qui sera chargé de l'application de ce texte dans six mois, un an ou deux ans ne sera pas le même qu'aujourd'hui. La loi doit être rédigée de telle sorte qu'elle empêche toute dérive, ce qui n'est pas le cas à ce stade.