M. Vincent Louault. Ils n'en ont pas ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Mme Anne Chain-Larché. Le seul geste en faveur de l'agriculture que propose le groupe GEST est-il ce catalogue de nouvelles normes et contraintes ?

Nous déplorons ce mauvais coup porté à notre agriculture, alors même que les chiffres confirment, mois après mois, que l'année 2025 sera catastrophique pour les exportations agricoles.

En remerciant notre rapporteur Pierre Cuypers pour ses travaux, nous affirmons qu'un autre chemin est possible pour la ferme France, un chemin de liberté et de confiance envers les producteurs. Ce secteur économique mérite d'être traité avec respect et encouragement.

Le groupe Les Républicains s'opposera donc, bien entendu, à cette proposition de loi, qui laisse un goût amer. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Thomas Dossus. Quel groupe ? Vous êtes deux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons cette année 2025 par l'examen d'un nouveau texte agricole.

Après le projet de loi d'orientation agricole, la proposition de loi Duplomb et plusieurs textes sur les haies, les vignes non cultivées ou encore l'usage de drones pour l'épandage de produits phytopharmaceutiques biologiques, nous débattons aujourd'hui de la proposition de loi de notre collègue Guillaume Gontard visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse.

Nous partageons tous l'intention de son auteur : personne ici ne remet en cause l'objectif de mieux informer, mieux concerter et mieux protéger les riverains. Nous l'avons d'ailleurs rappelé à de nombreuses reprises tout au long de l'année.

En l'état, ce texte risque surtout d'ajouter des contraintes supplémentaires à l'exercice du métier d'agriculteur, en introduisant de la complexité là où des dispositifs existent déjà.

En effet, les chartes départementales d'engagements couvrent la quasi-totalité du territoire, grâce au travail des chambres d'agriculture. Elles ont été élaborées avec les agriculteurs et les élus locaux et des comités départementaux de suivi ont été mis en place.

Ce texte contient des mesures supplémentaires quelque peu complexes, alors que l'obligation de recourir à la participation du public, par exemple, est déjà satisfaite dans le cadre actuel.

Le dispositif proposé permettrait à chaque commune de définir ses propres zones de protection renforcée. Dans un même département, des centaines de communes pourraient ainsi adopter des règles différentes, parfois contradictoires et difficiles à appliquer, avec un risque réel de blocages.

Par ailleurs, l'article 2, qui prévoit la création d'un registre national sur l'utilisation des produits phytosanitaires, pose question. Il laisse entendre un manque de transparence de la part du monde agricole.

Or les agriculteurs tiennent déjà des registres précis de l'utilisation de ces produits, qu'ils doivent conserver pendant cinq ans et présenter en cas de contrôle, sous peine de sanctions. Si l'on y ajoute les contrôles menés par l'Anses, notre pays dispose de l'un des systèmes de suivi les plus complets en Europe.

Certains diront que ce texte contribue ainsi à une forme de stigmatisation du métier d'agriculteur, en suggérant que les pratiques sont opaques et les contrôles insuffisants, ce qui ne correspond sûrement pas à la réalité.

Les chiffres montrent d'ailleurs une baisse significative de l'usage des produits les plus dangereux. Notre assemblée l'a souvent rappelé, les agriculteurs n'utilisent pas ces produits par choix, mais par nécessité, faute de solutions de remplacement adaptées et face à une forte concurrence européenne et internationale.

Cela étant dit, je souhaite évoquer la situation outre-mer, qui diffère largement de celle de l'Hexagone et qui a conduit à des situations particulièrement graves.

Qu'il s'agisse du chlordécone, de l'usage intensif du glyphosate dans la culture de la canne ou encore du recours à des pesticides interdits par l'Union européenne en Polynésie, l'utilisation des pesticides en outre-mer soulève des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques majeurs, trop souvent invisibles depuis l'Hexagone, mais profondément marquants pour les populations concernées.

Mes chers collègues, au regard de l'ensemble de ces éléments, le groupe RDPI se réserve donc une liberté de vote sur ce texte.

M. Guy Benarroche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des pesticides est d'une brûlante actualité. Les derniers mois auront donné lieu à plusieurs initiatives, plus ou moins couronnées de succès, visant à assouplir, prolonger ou réautoriser diverses substances.

Citons de manière non exhaustive la désormais fameuse loi visant à lever les prétendues contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, soutenue par le lobby favorable à l'acétamipride, la loi réautorisant l'épandage aérien de pesticides ou encore le paquet Omnibus de la Commission européenne adopté cette semaine, qui vise à accorder des autorisations sans limite de durée aux substances actives.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le législateur use et abuse de son pouvoir pour satisfaire les ambitions de l'agrochimie.

Permettez-moi donc de me satisfaire du texte de nos collègues écologistes. Pour une fois depuis longtemps, il est proposé d'améliorer la réglementation autour des pesticides de synthèse.

Visiblement, ce sujet hérisse la majorité sénatoriale. Pourtant, il n'est même pas question d'interdire un quelconque pesticide. Il s'agit simplement, comme le titre de la proposition de loi l'indique, de mieux concerter, informer et protéger les riverains des parcelles exposées. Objectivement, qui peut être contre la concertation, l'information et la protection de nos concitoyens ?

La loi Égalim du 30 octobre 2018 a marqué une avancée dans la protection des riverains exposés aux pesticides du fait de leur proximité avec des parcelles agricoles traitées.

Depuis, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de zones d'habitation est subordonnée à l'existence d'une charte départementale d'engagements précisant les distances de sécurité ainsi que les modalités d'information, de dialogue et de conciliation.

Rédigée sur l'initiative des utilisateurs de pesticides, la charte doit être validée, après consultation des riverains, par le préfet qui peut, à défaut, interdire l'utilisation de pesticides.

Si je salue bien évidemment le progrès que représente un tel dispositif pour l'information, il convient de souligner ses limites.

En premier lieu, il apparaît difficile d'avoir un chiffrage précis du nombre de chartes départementales qui sont réellement en vigueur. L'absence de suivi global à l'échelle nationale rend le développement du dispositif peu facile à appréhender, voire opaque.

Nous présenterons donc un amendement visant à demander la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement afin de dresser un état des lieux précis de la mise en œuvre des chartes départementales d'engagements.

En second lieu, la grande diversité des chartes n'est pas de nature à renseigner sur la protection effective offerte aux riverains.

Plusieurs associations environnementales dénoncent ainsi la mise en place de chartes illégales n'ayant pas fait l'objet d'une réelle concertation et dont le contenu en matière de distance d'épandage serait très en deçà des attentes des riverains, notamment en ce qui concerne les zones de non-traitement (ZNT).

Aussi, depuis 2022, sept ONG ont déposé un recours contentieux dans 49 départements, soit près de la moitié du territoire national, et plusieurs tribunaux administratifs ont annulé, en 2024, des chartes non conformes. Preuve en est que le dispositif actuel est perfectible et doit être renforcé pour être mieux encadré.

Les auteurs de la proposition de loi mettent également en lumière deux décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, rendues en 2021.

Dans la première, les sages ont jugé que la simple concertation avec les riverains contrevenait aux dispositions constitutionnelles de la Charte de l'environnement en matière de consultation du public. Dans la seconde, le Conseil d'État a considéré que les chartes départementales n'assuraient pas une protection suffisante.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi apparaît nécessaire pour renforcer et améliorer le cadre existant.

Son article 1er prévoit une refonte des chartes, qui seraient à l'avenir élaborées conjointement par les utilisateurs de produits, les riverains et les maires des communes concernées. Cette notion de co-construction me paraît absolument indispensable : elle permettrait d'éviter les situations actuelles où la concertation se révèle insuffisante, voire biaisée.

Il est également prévu un renforcement de la place des élus locaux. Outre l'association systématique des maires à l'élaboration de la charte, le texte reconnaît la possibilité de déterminer des zones de protection renforcée par délibération du conseil municipal. Je salue également cette proposition associant davantage les édiles : c'est bien le rôle du Sénat que d'encourager une telle démarche.

Je note par ailleurs l'affirmation d'un principe proche de celui de la non-régression environnementale, au travers de l'impossibilité, pour la charte départementale, de contenir des dispositions moins protectrices que les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

L'ensemble de ces dispositions vise à rendre le dispositif plus opérationnel et transparent, ce qui répond aux critiques régulièrement formulées par les associations environnementales et de riverains.

L'article 2 prévoit, quant à lui, la mise en place d'un registre national d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Une telle mesure répond directement à l'une des recommandations de l'étude PestiRiv, publiée il y a quelques semaines par l'Anses et Santé publique France et dont nous avons tous entendu parler, tant ses constats sont éloquents sur les effets des pesticides.

Il est justement préconisé, dans cette étude, de « développer une base de données nationale, centralisée, accessible, fiable et actualisée sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ».

En tout état de cause, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient pleinement l'esprit et les mesures contenues dans cette proposition de loi et votera résolument en sa faveur.

Monsieur le rapporteur, je regrette – je vous en ai déjà fait part – que, lors des débats en commission, vous ayez balayé le texte en faisant preuve de très peu de nuances. (M. le rapporteur manifeste son désaccord.)

À la lumière des 2,3 millions de signataires de la pétition contre la réautorisation de l'acétamipride, je crois sincèrement que le Parlement gagnerait à rechercher le compromis. J'ai bien du mal à comprendre votre hermétisme face aux attentes des citoyens et votre refus de satisfaire l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous ici que l'adoption de la loi Duplomb a focalisé le débat sur l'utilisation de l'acétamipride.

On peut aussi supposer que le Conseil constitutionnel n'a pas été totalement insensible à la pétition citoyenne qui a recueilli plus de 2 millions de signatures sur le site de l'Assemblée nationale.

Il apparaît donc qu'une initiative citoyenne a eu un impact médiatique et populaire plus fort que le débat parlementaire lui-même. Et pourtant, alors que ladite loi Duplomb n'est pas circonscrite au seul sujet de l'acétamipride, on ne parle plus que de cela.

Le risque existe donc de voir l'agriculture réduite au seul sujet de l'utilisation de pesticides et de voir le clivage s'accentuer davantage entre les agriculteurs et leur voisinage résidentiel. Cela nous éloignerait encore de l'approche qui devrait être unanimement partagée : comment résoudre la question centrale de la souveraineté alimentaire ?

Les plus grands mérites de l'initiative de nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sont, d'une part, de ramener le débat au Parlement et, d'autre part, de faire le pari de la transparence et de la concertation pour reconquérir la confiance de l'opinion dans les territoires et dans nos communes.

Loin de stigmatiser les agriculteurs, une telle initiative s'apparente plutôt à une tentative de « rétablissement » du débat là où il doit se tenir. Si l'exercice n'est pas simple, il fallait en tout cas s'y frotter.

La sensibilité au sujet est plus exacerbée encore autour des vignes. Or la filière viticole, qui est en crise, est aussi celle qui a produit le plus grand effort pour se conformer aux recommandations de Santé publique France et de l'Anses, en particulier en matière de réduction des pesticides et d'information des riverains en période de traitement. Ces engagements sont alignés avec les objectifs du plan Écophyto 2030.

En effet, dans cette filière, les pesticides ne sont utilisés que lorsqu'ils sont strictement nécessaires pour protéger la plante face aux maladies et aux parasites. Leur emploi s'accompagne des plus grandes précautions pour limiter l'exposition des viticulteurs, de leurs salariés, de leurs familles et de leurs voisins, dans le respect des conditions d'utilisation validées par l'Anses elle-même.

Le dialogue avec les riverains est donc constant et la profession se montre disponible pour l'améliorer encore. N'est-ce pas, au fond, ce qui est proposé au travers de cette proposition de loi ?

Il est vrai que la tentation, exprimée ici ou là, d'encourager le retour à l'usage de certains néonicotinoïdes a pour effet immédiat de susciter des inquiétudes et des colères de nature à annihiler les progrès accomplis dans le rapport entre riverains et agriculteurs. Il ne faudrait pas que le présent débat fasse rejaillir cette dualité entre monde agricole et habitants résidentiels.

Comme cela a été rappelé, des décisions de justice sont venues étayer l'insuffisance des procédures existantes à garantir une totale transparence et une véritable association du public, des personnes travaillant à proximité immédiate des zones traitées ayant été totalement absentes des procédures de concertation.

Les auteurs du présent texte nourrissent l'ambition, via son article 1er, de combler cette insuffisance. L'article 2 vise quant à lui à adapter le droit national aux exigences du droit communautaire, en l'assortissant d'outils permettant d'objectiver les informations relatives à l'environnement. Cela nous semble aussi revêtir un caractère d'utilité publique.

Nous proposons donc de soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Michel Canévet. Vive la Bretagne !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse
Article 1er

Avant l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan des chartes départementales d'engagement dont le principe est posé à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Ce rapport a vocation à faire un état des lieux des chartes mises en œuvre sur le territoire national, d'en analyser les contenus dans leur diversité et de recenser les freins qui nuisent à leur bon fonctionnement et leur bonne acceptation sur les territoires. Sur la base de ce travail de recensement et d'analyse, ce rapport peut tirer des enseignements en vue de présenter des pistes réglementaires d'amélioration pour rendre ces chartes davantage opérationnelles dans l'esprit de la loi de 2018, et ainsi d'en favoriser la généralisation sur l'ensemble du territoire national.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Nous avons réalisé, en étudiant cette proposition de loi, le manque criant de suivi global, au niveau national, de la mise en œuvre de ces fameuses chartes départementales d'engagements – plusieurs orateurs en ont d'ailleurs parlé. Cela rend difficile d'appréhender leur contenu et leur effectivité, ce qui rend le sujet quelque peu opaque.

C'est pourquoi, par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement dresse, dans un rapport, un état des lieux des chartes mises en œuvre sur le territoire national, en analyse le contenu, dans toute leur diversité, en recense les atouts, mais identifie également les freins qui nuisent à leur bon fonctionnement et à leur bonne acceptation locale.

Nous savons très bien que la Haute Assemblée est traditionnellement hostile à ce genre de rapport, mais en l'espèce, ce serait particulièrement utile.

Sur la base de ce travail de recensement et d'analyse, nous pourrions tirer des enseignements en vue de formuler des pistes d'amélioration réglementaire pour faire en sorte que ces chartes soient plus efficaces.

Il s'agirait avant tout de faire respecter l'esprit de la loi Égalim 1 de 2018 en matière de protection et de consultation des riverains exposés à l'épandage de pesticides de synthèse.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement.

Or, et je le dis de manière très apaisée, la volonté du Sénat est de limiter le nombre de ces demandes, car l'élaboration de ces rapports est très compliquée et très longue. Une telle demande ne correspond pas à la tradition du Sénat.

Il me semble par ailleurs que, dans le contexte actuel, l'administration du ministère de l'agriculture a bien d'autres choses à faire !

M. Yannick Jadot. Ce ne sont pas ses fonctionnaires qui vaccinent !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

J'ajoute, par rapport à ce qu'a déjà indiqué M. le rapporteur, que le rapport demandé devrait être rendu un an après la promulgation de la loi, mais d'ici là, le Conseil d'État se sera prononcé. Or, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le Gouvernement tirera toutes les conséquences de cette décision en matière d'information du public.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 100
Contre 240

Le Sénat n'a pas adopté.

Avant l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse
Article 1er (suite)

Article 1er

Le III de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Des mesures de protection renforcée sont prévues à l'échelle communale lorsque des motifs tenant à la santé humaine, en particulier à la proximité de personnes vulnérables, à la biodiversité ou aux ressources naturelles le justifient. » ;

2° Après le même premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les mesures de protection et de protection renforcée sont formalisées dans une charte départementale des bonnes pratiques en matière d'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de protection des riverains et des populations vulnérables.

« La charte départementale est élaborée, sous la responsabilité du représentant de l'État dans le département, par les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, les personnes habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec ces produits et les maires des communes concernées. Pour chaque commune concernée, le conseil municipal peut par délibération recommander la délimitation de zones de protection renforcée. Avant son adoption, le projet de charte départementale est soumis à la procédure de participation du public mentionnée au II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

« La charte départementale ne peut contenir de dispositions moins protectrices que les dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Elle est compatible avec les objectifs définis dans le plan régional de l'agriculture durable mentionné à l'article L. 111-2-1 du présent code et, lorsqu'il en existe à l'échelle du département, avec le projet alimentaire territorial mentionné à l'article L. 111-2-2 ainsi qu'avec le schéma de cohérence territoriale défini au chapitre Ier du titre IV du livre 1er du code de l'urbanisme. Elle prévoit une information téléphonique ou numérique des personnes habitant à proximité des zones traitées avant chaque utilisation de produits phytopharmaceutiques.

« Le représentant de l'État dans le département contrôle l'application de la charte départementale avec l'appui d'un comité de suivi, composé de représentants des utilisateurs, de représentants des riverains et de représentants des communes. La charte départementale est actualisée tous les cinq ans. »

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. V. Louault, Laménie, Cambier, Chevalier, J.M. Boyer, Duplomb et Wattebled, Mme Lermytte et MM. Naturel, D. Laurent et Verzelen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Évitons la surenchère législative, qui ne nous semble ni adaptée ni utile ! Cet amendement vise donc à supprimer l'article 1er de cette proposition de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Il convient, en effet, d'éviter de rigidifier le système et de multiplier les contraintes.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Le Gouvernement a le même avis.

Ce n'est pas parce que l'on souhaite la suppression de cet article que l'on est, comme j'ai pu l'entendre dans la discussion générale, contre la concertation – bien au contraire !

M. Yannick Jadot. Eh bien si ! C'est binaire !

M Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Ces chartes, j'insiste sur ce point, car c'est important, ont rempli leur rôle et elles continuent de le faire. Elles offrent un cadre de dialogue entre les riverains et les agriculteurs.

Les propos du rapporteur sont frappés au coin du bon sens : l'adoption de cet article aboutirait à une rigidification excessive et inutile de la loi.

En outre, cela risquerait de générer des contentieux et de créer une complexité qui serait tout à fait incompréhensible pour nos concitoyens. Imaginez ainsi que, dans un même département, des règles différentes de protection des riverains s'appliquent : nul ne le comprendrait !

Par conséquent, le Gouvernement souhaite le rejet de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Monsieur le ministre, vous parlez d'un risque contentieux.

Mais les contentieux ne vont-ils pas se multiplier du fait de l'explosion du nombre de cancers et de maladies parmi les populations vivant à proximité des champs ?

L'affaire du chlordécone, qu'a évoquée notre collègue Nadille, n'a-t-elle pas généré des contentieux ?

Selon un article du journal Le Monde de ce soir, 1,7 million d'enfants sont menacés en raison des pesticides.

À Saint-Rogatien ou à Sainte-Pazanne, le nombre de cas de cancers pédiatriques explose.

Nos concitoyens découvrent tous les jours, dans la presse quotidienne régionale, sur France 3 ou dans l'actualité nationale, qu'ils sont exposés à nombre de menaces.

Ils voient, à côté de chez eux, des agricultrices et des agriculteurs se protéger lors des épandages – et c'est heureux –, notamment avec des tracteurs hermétiques, tandis que leurs enfants circulent sans protection.

Ne pensez-vous pas qu'avec tout cela les contentieux vont se multiplier ? Ne mettons pas la poussière sous le tapis ! La science ne doit pas passer par pertes et profits.

Quand l'ensemble des sociétés médicales – l'Académie de médecine, l'Ordre des médecins, etc. – contestent la loi Duplomb, cela devrait, monsieur le ministre, réveiller votre conscience et vous alerter !

Vous devriez vous dire que, si l'on n'y prend garde, si l'on n'associe pas les Françaises et les Français, il faut s'attendre à de lourds contentieux et à ce que les tensions deviennent extrêmes dans nos campagnes.

Or cette proposition de loi vise précisément à associer les habitantes et les habitants ainsi que les élus pour désamorcer les tensions et éviter que les informations qui circulent n'exacerbent les antagonismes. En fait, c'est vous qui construisez l'agri-bashing, alors que nous essayons de le déminer ! (Applaudissements sur les travées du GEST  M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Très sincèrement, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que les chartes départementales, telles qu'elles sont rédigées et mises en œuvre, fonctionnent et atteignent leurs objectifs.

Nous avons entendu les arguments du rapporteur, mais ils sonnaient faux dans sa bouche, parce qu'il sait très bien que ces chartes se réduisent, dans la plupart des cas, à appliquer la réglementation actuelle, ni plus ni moins.

Surtout, les décisions du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel les ont vidées de toute réalité juridique. Elles font déjà l'objet de plus de cinquante procédures.

Nous proposons, tout simplement, de nous appuyer sur cet outil, car il nous semble intéressant. J'ai d'ailleurs l'impression que vous ne disiez pas le contraire, monsieur le ministre, et que vous étiez favorable à ce travail mené à l'échelle locale. Eh bien, avançons ensemble sur ce sujet ! Appuyons-nous sur ces outils et donnons-leur une force législative, tout en associant les élus !

Le Conseil constitutionnel a mis en avant le manque de concertation. Mettons-la en place ! Je ne vois pas de quoi les agriculteurs devraient avoir peur. Bien au contraire, c'est par la concertation et les explications que l'on parviendra à progresser sur ces sujets.

On ne peut pas mettre la santé de côté ! Comment peut-on imaginer que nous allons pouvoir continuer ainsi ?

Monsieur le rapporteur nous a beaucoup parlé des drones. Imaginez-vous que, lorsque des drones tourneront autour des pavillons, autour des lotissements, nous n'assisterons pas à une levée de boucliers des habitants ?

Vous avez donc intérêt à prendre les devants et à travailler pour mettre en place une véritable concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je suis assez surpris du ton employé dans certaines interventions durant la discussion générale, qui confine à une quasi-hystérie dès que l'on prononce le mot « pesticide », comme si nous n'avions pas le droit de discuter de cette problématique dans cet hémicycle – c'est incroyable !

Selon vous, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Permettez-moi dès lors de vous donner quelques chiffres.

Le 10 décembre dernier, nous avons eu le résultat des études sur la qualité de l'eau : dans le bassin Loire-Bretagne, 23,7 % des eaux de surface seulement étaient de bonne qualité en 2017 et 21,4 % en 2025 – la situation a donc empiré… Je vous rappelle que l'objectif, qui avait été fixé en 2000 était de faire en sorte que 50 % des eaux de surface soient de bonne qualité.

Et c'est encore pire pour les lacs et étangs, où la proportion des eaux dans cet état est passée de 85°% à 45 % !

La pollution est donc partout. Elle se diffuse, elle imprègne nos sols, nos poumons et nos corps.