MM. Richard YUNG et Roland du LUART

II. LES PRÉCONISATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Aux yeux de votre rapporteur spécial, les difficultés rencontrées appellent des réponses de plusieurs types, afin d'assurer dans la durée le maintien d'un service public de l'enseignement hors de France dont la qualité est reconnu par tous.

A. INCLURE PLEINEMENT L'AEFE DANS LA PRIORITÉ DONNÉE À L'ÉDUCATION NATIONALE PAR LE GOUVERNEMENT

Tout d'abord, l'AEFE gagnerait à être pleinement incluse dans la priorité donnée à l'éducation nationale par le Gouvernement , sous l'impulsion du Président de la République.

Certes, dans sa décision 2012-654 DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que la seconde phrase du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes de laquelle « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat » et qui impose à l'Etat d'organiser un enseignement public gratuit et laïque « ne s'impose [cependant] pas à l'Etat hors du territoire de la République ».

Toutefois, la première mission que l'article L. 452-2 du code de l'éducation assigne à l'AEFE est « d'assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ».

Dès lors, il serait équitable que la trajectoire d'emplois fixée au sein de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, c'est-à-dire « la création de 60 000 emplois dans l'enseignement sur la durée de la législature » concerne également l'AEFE à raison de son poids dans le système éducatif .

En conséquence, une certaine souplesse devrait être octroyée à l'agence au niveau de son plafond d'emplois dans les prochaines années. La simple préservation de ce plafond, si elle est déjà significative en soi, n'est pas tout à fait suffisante au vu, notamment de la progression du nombre d'élèves accueillis au sein du réseau 16 ( * ) . Une augmentation comprise entre 100 et 150 emplois par an, qui correspond à la « quote-part » de l'AEFE dans le système éducatif, permettrait d'apporter toute la flexibilité nécessaire.

B. INTRODUIRE DE LA SOUPLESSE DANS LE SYSTÈME

Pour autant, un accroissement des emplois devrait être envisagé dans un cadre pleinement optimisé.

A cet égard, il est indispensable d' introduire de la souplesse au sein du système, la direction de l'AEFE devant être capable de répartir les effectifs sous statut en fonction des besoins réels et non en reconduisant, contrat après contrat, des situations historiques ne correspondant plus nécessairement à l'évolution des besoins de personnels à travers le monde.

A défaut, le « grand écart » évoqué ci-dessus dans les taux d'encadrement des établissements perdurera voire s'aggravera, ce qui, à terme, troublera l'image du réseau. De plus, une telle souplesse diminuerait les besoins de l'AEFE en personnels titulaires (dans une proportion d'environ 25 à 30 postes par an) .

Il ne s'agit pas de créer de nouveaux outils juridiques, ceux-ci existant déjà.

Il s'agit simplement que la puissance publique appuie pleinement cette orientation , notamment au sein du conseil d'administration de l'agence. Bousculer des habitudes puissantes et des situations considérées comme acquises (par les personnels, les parents d'élèves, etc.) dans de nombreux établissements se heurtera nécessairement à des résistances qui ne pourront être surmontées que par une volonté politique tout aussi puissante.

Afin d'enclencher le mouvement, le pouvoir politique devrait ainsi fixer des bornes à respecter dans un délai donné par l'ensemble des établissements du réseau en matière de taux d'encadrement , par exemple un minimum de 25 % et un maximum de 75 %.

C. INTÉRESSER LES RECTEURS À L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Pour ce qui concerne les refus de détachements formulés par les recteurs décrits précédemment, votre rapporteur spécial tient d'abord à exprimer sa compréhension, au moins lorsque ces refus surviennent alors que les besoins locaux ont du mal à être pourvus.

Il devrait néanmoins être possible d'améliorer la situation actuelle en intéressant davantage les recteurs à la question de l'enseignement français à l'étranger.

1. En assurant le retour des personnels détachés

En premier lieu, les hésitations de certains recteurs peuvent se comprendre dès lors qu'un départ sous statut de résident se traduit par un départ éventuellement définitif de la personne détachée.

Le détachement constitue alors une « perte sèche » du strict point de vue de l'éducation nationale.

Afin de remédier à cela, une piste pourrait être la limitation du nombre de renouvellement des contrats de résidents, au moins pour les contrats futurs .

Dans un tel schéma, les recteurs sauraient que les personnels détachés reviendraient enseigner en France, enrichis par une expérience dont ils pourraient faire profiter leur établissement. Ce parcours devrait d'ailleurs être valorisé à sa juste mesure au sein de l'éducation nationale.

2. En créant des partenariats

En second lieu, il conviendrait de créer davantage de passerelles entre le système éducatif en France et le réseau à l'étranger .

Par exemple, des opérations de jumelage entre une académie et des établissements d'un pays donné permettraient de rapprocher des univers qui s'ignorent parfois. De telles expériences concrètes peuvent renforcer la connaissance mutuelle des deux systèmes et créer du liant dans leurs relations.

D. LA QUESTION DU MAINTIEN DE LA PLURALITÉ DES STATUTS DES PERSONNELS DÉTACHÉS

Enfin, même si tel n'est pas l'objet premier de son contrôle, votre rapporteur spécial s'associe à certaines observations formulées par la Cour des comptes dans son référé du 3 juillet 2013 sur l'enseignement français à l'étranger.

La piste d'un statut unique pourrait ainsi être explorée, tant la différence entre personnels relevant de l'un ou de l'autre statut est parfois ténue, voire artificielle.

Cette proposition est délicate. Elle pourrait toutefois permettre d'avancer sur plusieurs des enjeux auxquels l'AEFE doit faire face : enjeu budgétaire, enjeu des trois premiers mois des futurs personnels résidents évoqué ci-dessus, voire enjeu des conjoints embauchés en statut local.


* 16 Par exemple, à la rentrée 2011, une progression de 3,8 % du nombre d'élèves a été enregistrée, le nombre d'élèves accueillis atteignant alors 306 475.