Mardi 18 mai 2021

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 15 heures.

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Audition de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un plaisir de vous accueillir. Ce n'est pas la première fois que nous vous recevons comme ministre depuis 2017, mais c'est la première fois que nous vous recevons comme ministre de l'agriculture ! Vous connaissez déjà bien certains des sénateurs présents parmi nous même si aujourd'hui les enjeux d'aménagement numérique du territoire laisseront la place aux enjeux agricoles. Nous vous recevons aujourd'hui dans le cadre de l'examen prochain par le Sénat du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui comporte désormais une trentaine d'articles entrant dans le champ de compétence de votre ministère.

Comme vous le savez, le Sénat a fait le choix de s'appuyer sur l'expertise des commissions permanentes plutôt que de créer une commission spéciale comme à l'Assemblée nationale : compétente sur la majorité des articles, notre commission est donc saisie au fond de ce texte, avec comme rapporteurs Marta de Cidrac, Pascal Martin et Philippe Tabarot. La commission des affaires économiques recevra une délégation au fond pour traiter plusieurs dizaines d'articles. Les commissions des finances, des lois et de la culture se sont également saisies pour avis.

S'agissant du volet « agricole » du projet de loi ou des éléments ayant une incidence sur ce secteur, notre commission est compétente au fond sur l'article 1er relatif à l'affichage environnemental, les articles 19 à 19 bis C et 19 bis G à 19 bis relatifs à la protection des écosystèmes aquatiques, 56 et suivants relatifs aux aires protégées, 58 A et suivants relatifs au recul du trait de côte, 59 quater, 61, 61 bis relatifs à notre politique alimentaire, 62, 63 relatifs aux émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac du secteur agricole et 63 bis à 64 ter relatifs à la lutte contre la déforestation importée, ainsi que l'article 66 ter.

J'en profite pour vous indiquer que le groupe de travail « Alimentation durable et locale », commun à notre commission et à celle des affaires économiques, rendra ses conclusions demain.

Nous comptons sur les six sénateurs membres de ce groupe de travail et sur nos rapporteurs pour traduire concrètement leurs propositions par des amendements au projet de loi.

Avant de vous laisser la parole pour un propos liminaire, j'ai plusieurs questions à vous poser. Tout d'abord, monsieur le ministre, quelle est la philosophie d'ensemble du volet agricole de ce projet de loi ?

Globalement, ce texte mélange des mesures programmatiques, des prorogations et modifications de mesures à peine ou non entrées en vigueur, des coordinations de mesures anticipées avec d'autres textes qui pourraient être examinés au Parlement dans les prochains mois ou années, quelques mesures d'interdiction et d'effet direct, une demi-douzaine d'habilitations à légiférer par ordonnance, mais aussi désormais une quarantaine de demandes de rapports du Gouvernement au Parlement.

Le volet agricole ne fait pas exception à la règle, avec des mesures prolongeant des dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim », mais aussi des articles à la portée normative discutable alors même qu'ils affichent des objectifs symboliques très forts. Je pense notamment au projet de taxe sur les engrais azotés : on voit bien les objectifs et la trajectoire fixés, mais quel sera l'accompagnement proposé à nos agriculteurs ? Certes, il y a le plan de relance, mais les dispositions de la loi « Climat et résilience » auront des effets bien au-delà de la période actuelle de crise sanitaire et économique et elles supposent un accompagnement dans la durée, faute de quoi nous aurons uniquement dégradé la compétitivité de notre agriculture et ouvert la voie à des importations toujours plus nombreuses qui ne respectent pas nos normes nationales, sur les plans sanitaires, environnementaux et sociaux, ce qui va à rebours de l'objectif de maîtrise de notre empreinte carbone et de la protection de nos concitoyens.

Par ailleurs, avez-vous pu évaluer l'effet réel sur l'environnement et sur nos émissions de gaz à effet de serre (GES) des mesures ajoutées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale sur le volet agricole ? Nous manquons d'évaluations. L'étude d'impact du projet de loi est globalement lacunaire et le suivi des mesures introduites à l'Assemblée n'est pas simple, car les amendements adoptés, que ce soit sur proposition des députés ou du Gouvernement, ne comportaient pas de mention de leur impact climatique, en dépit des recommandations du Haut Conseil pour le climat (HCC). Selon vous, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, l'ambition climatique du volet agricole a-t-elle été relevée ?

Enfin, quels sujets nouveaux souhaitez-vous travailler avec le Sénat ? Quelles dispositions souhaitez-vous retravailler avec nous ? Des amendements du Gouvernement sur le volet agricole sont-ils en préparation ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. - Ma vision politique est construite autour de la notion de souveraineté agroalimentaire. Dans le cadre de la semaine de l'agriculture, je participais ce matin à un colloque consacré à ce sujet et j'y ai rappelé qu'elle était à la fois un objectif pour toute une Nation - pas de pays fort sans une agriculture forte -, une question d'identité et un sujet de protection face aux enjeux du changement climatique, mais aussi de protection du consommateur. La qualité environnementale et nutritionnelle est la marque de fabrique de notre agriculture, nous la revendiquons à travers le monde, mais elle est trop souvent dénigrée dans notre propre pays.

Garantir notre souveraineté alimentaire suppose de sortir de nos dépendances. Je pense tout d'abord à notre dépendance à l'égard de certaines importations, comme le soja brésilien. Le plan de relance prévoit à cet effet 120 millions d'euros en faveur d'un plan protéique qui était attendu depuis de nombreuses années et ce projet de loi permettra de lutter contre la déforestation importée. Je pense aussi à notre dépendance à l'égard des aléas climatiques, ou à l'égard d'une guerre des prix défavorable à notre modèle agricole français dont la compétitivité hors coût est majeure.

Dans son volet agricole, le projet de loi reprend sept propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Notre politique agricole relève en effet largement de l'échelon législatif européen au travers de la politique agricole commune (PAC) et des normes et des standards de production. Elle relève également de mesures non législatives, comme les 50 millions d'euros que le plan de relance a prévus pour les cantines ou les 80 millions d'euros qu'il débloque pour financer les projets d'alimentation territoriaux (PAT).

Les cantines sont un lieu profondément républicain, qui nous permet de lutter contre les inégalités sociales nutritionnelles. Laissons le choix dans les menus, sans dogmatisme, car chacun a le choix de son régime alimentaire. Mais l'équilibre nutritionnel doit être garanti et mon combat, c'est celui de la qualité nutritionnelle dans les cantines, notamment des viandes dont près de 60 % sont importées : on sert parfois dans nos cantines du poulet ukrainien ou brésilien, qui ne présente pas le même apport nutritionnel qu'un poulet français. Nous avons donc renforcé les dispositions de la loi Egalim sur la qualité des viandes dans les cantines afin d'atteindre 60 % de produits sous label.

J'ai demandé à ce que l'étude d'impact prévue par la loi Egalim sur l'expérimentation obligatoire d'un menu végétarien par semaine soit rendue plus tôt que prévu afin que ses conclusions nous permettent de recommander une généralisation de cette expérimentation.

Les collectivités qui proposent un menu à choix multiple pourront expérimenter le menu végétarien et, dès 2023, l'État proposera, lui aussi, un menu végétarien dans tous ses menus à choix multiple.

Le projet de loi prévoit deux modifications des règles de la commande publique afin de faciliter l'approvisionnement des cantines en produits locaux : des critères additionnels environnementaux - fraîcheur, degré de transformation - sont institués et le seuil du gré à gré est relevé à 100 000 euros.

Les fruits et légumes de saison présentent une bien meilleure qualité nutritionnelle que les autres ; or nous nous sommes progressivement habitués à consommer tous les fruits et légumes toute l'année... Le projet de loi va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la saisonnalité, mais nous pourrons encore progresser au Sénat sur ce sujet.

Enfin, je tiens à être très clair : le texte n'introduit aucune taxe ou redevance sur les engrais azotés. Mais si, deux années de suite à compter de 2024, la France ne respecte pas ses engagements européens en termes de trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniaque et si le sujet n'a pas avancé au niveau européen, alors il sera envisagé d'instaurer une telle taxe, votée par le Parlement. Il ne s'agit donc absolument pas d'une surtransposition comme on l'entend souvent !

Enfin, le projet de loi introduit des dispositions sur la forêt et sur l'eau : l'eau est un élément essentiel en agriculture, sur lequel nous devrons avancer avec courage. Nous pourrons continuer à travailler sur ce volet.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Je souhaitais vous interroger sur deux volets à titre principal : l'eau et la maîtrise de l'empreinte carbone de notre alimentation.

L'article 19 porte sur la préservation et la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques et marins et affirme que ces écosystèmes « constituent des éléments essentiels du patrimoine naturel de la Nation ». Quels sont les effets juridiques attendus d'une telle disposition ? Le Conseil d'État en a relevé la faible normativité, mais les fédérations agricoles s'inquiètent d'une possible augmentation des contentieux sur le fondement de cet article. Selon elles, il remettrait en cause la gestion équilibrée et durable de la ressource qui repose sur la conciliation entre les usages. Quelle est votre analyse ?

Je m'interroge sur l'opportunité du maintien de l'article 19 bis B, introduit à l'Assemblée nationale, qui impose la restauration des milieux aquatiques et notamment des zones humides. Cette disposition est susceptible de faire peser une charge lourde sur les finances publiques - nationales comme locales -, le débiteur de cette obligation de restauration n'étant pas identifié... Or le code de l'environnement dispose déjà depuis 2005 « que la préservation et la gestion durable des zones humides sont d'intérêt général ». Le Conseil d'État considère qu'inscrire des listes énumératives non exhaustives dans la loi n'est pas satisfaisant. Faut-il imposer une obligation de restauration spécifique à ces zones humides ? Ne peut-on pas considérer que celle-ci est induite par l'article 19, qui prévoit de manière plus pragmatique « la préservation et, le cas échéant, la restauration » des écosystèmes aquatiques et marins ?

L'article 19 bis est issu des travaux du député Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée : les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) devront identifier les masses d'eau souterraine stratégiques pour l'alimentation en eau potable et définir les mesures de protection nécessaires pour assurer leur préservation. Des craintes s'expriment au sujet d'une difficulté croissante à pouvoir prélever dans les nappes aux fins d'irrigation à certaines périodes de l'année : quels éléments pouvez-vous apporter en réponse à ces préoccupations ? Par qui et comment les restrictions d'usage pour assurer l'équilibre quantitatif entre les prélèvements et leur capacité à se reconstituer naturellement seront-elles arbitrées ?

Vous avez également annoncé le lancement d'un « Varenne de l'eau » et de l'adaptation au changement climatique pour l'été prochain : pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, sur le volet agricole, plusieurs questions. L'article 61 bis prévoit la possibilité pour le porteur d'un projet alimentaire territorial (PAT) d'engager une démarche collective de certification environnementale pour l'ensemble des exploitations contractantes. Concrètement, quel en sera le coût pour le porteur ? Quelle est la valeur ajoutée de cet article ? L'engagement d'une démarche collective de certification par un porteur de PAT n'est-il pas déjà possible actuellement dans le silence de la loi ? Si tel n'était pas le cas, la rédaction de cet article mériterait a minima d'être clarifiée.

L'article 66 ter prévoit une information obligatoire sur la saisonnalité des fruits et légumes frais dans les magasins de plus de 400 mètres carrés. Ne pourrait-on pas abaisser ce seuil pour augmenter le champ d'application de la mesure à d'autres lieux de vente ? Comment seront pris en compte les produits cultivés sous serre en France ?

Je laisserai ma collègue Anne-Catherine Loisier vous interroger sur le sujet de la déforestation importée, qui fera l'objet, demain, de propositions concrètes lors la présentation du rapport du groupe de travail « Alimentation durable et locale », commun à notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des affaires économiques. Ces propositions feront ensuite l'objet d'amendements au projet de loi « Climat et résilience ».

Sur la maîtrise de l'empreinte carbone du secteur agricole, la rédaction des articles 62 et 63 relatifs aux engrais azotés me semble largement perfectible d'un point de vue juridique et peu concrète pour nos agriculteurs. Si vous me permettez l'expression, ces dispositions sont cosmétiques : il s'agit d'un objectif politique et symbolique, qui s'inscrit dans une démarche de communication. Pourriez-vous nous rappeler les engagements européens de la France en matière de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac, la trajectoire en cours pour ces émissions et les principaux contributeurs par activité économique ? Quel est l'état de la consommation d'engrais en France à l'hectare par rapport aux autres pays européens et mondiaux ? Pourquoi avez-vous choisi de retarder l'application d'une redevance et de ne prévoir que la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement dans cette rédaction que j'évoquais plus tôt ?

Plusieurs pays européens ont mis en place une taxe de ce type avant de se raviser et de la supprimer : sans harmonisation européenne, une telle mesure ne serait-elle pas tout simplement contre-productive à la fois pour la survie de nos agriculteurs et pour la transition agroenvironnementale ? En outre, il me semble que cette mesure oublie l'élasticité prix des usages des engrais : à défaut d'alternative, la grande majorité des agriculteurs continueront à utiliser ces produits... Comment le Gouvernement compte-t-il inciter les agriculteurs à réduire ces pollutions diffuses ? Pourquoi ne pas envisager un crédit d'impôt en faveur des engrais organiques ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur l'affichage environnemental, dont la généralisation obligatoire sur les biens et services est envisagée à l'issue d'une période d'expérimentation d'une durée maximale de cinq ans par l'article 1er du projet de loi.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de la rapporteure Aurore Bergé, qui introduit un alinéa spécifique aux produits agricoles, sylvicoles et alimentaires. Je m'interroge sur la pertinence de maintenir cet alinéa en l'état, pour des raisons de clarté de la loi et de respect du principe d'égalité. Êtes-vous favorable au maintien en l'état de ce nouvel alinéa ou préféreriez-vous une rédaction globale pour tous les biens et services, avec toutefois l'ajout de la mention des externalités environnementales ?

Par ailleurs, l'entrée en vigueur de cet affichage environnemental me paraît très lointaine. Des travaux - nationaux et européens - sont pourtant en cours depuis une quinzaine d'années et l'accélération de cette idée date du Grenelle de l'environnement organisé sous l'égide du président Nicolas Sarkozy ! La généralisation de ce dispositif requiert certes un socle technique exigeant et la définition d'une méthodologie robuste, mais les acteurs y travaillent depuis plusieurs années. La France doit s'engager maintenant pour peser dans les discussions qui auront lieu au niveau européen. C'est aussi une opportunité pour nos producteurs qui proposeront des produits plus vertueux du point de vue de l'environnement et qui susciteront l'adhésion des consommateurs. Dans le secteur des produits alimentaires, par exemple, un appel à projets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a été lancé en septembre 2020 et huit candidats s'y sont engagés. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) prévoyait une expérimentation de 18 mois, qui s'achèvera en août 2021. Or avec cet article nous en reprenons pour cinq ans si vous me passez l'expression... Seriez-vous favorable à inscrire une date d'entrée en vigueur plus proche - 2023 ou 2024 - pour les cinq secteurs qui sont d'ores et déjà engagés dans ce processus : ameublement, habillement, hôtellerie, produits électroniques et produits alimentaires ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - J'ai un sujet à vous soumettre, monsieur le ministre. De nombreuses études ont montré le potentiel des biocarburants dans la décarbonation des transports. Je pense qu'il faut soutenir cette filière qui permet à nos agriculteurs de diversifier leurs sources de revenus tout en accompagnant la transition écologique de nos modes de propulsion : la France doit s'engager pleinement dans le développement des biocarburants !

Or j'ai le regret de constater que la problématique de la décarbonation des transports est quasiment absente du projet de loi : un projet portant sur le dérèglement climatique ne devrait-il pas intégrer cette question ? Ne pourrait-on pas se fixer des objectifs spécifiques pour le développement des biocarburants ? Cela serait un signal fort pour la filière. Il semblerait que les contraintes de production constituent le principal obstacle à leur développement : qu'en est-il ? Les biocarburants ne pèsent encore que 8 % dans le secteur des transports : c'est bien peu...

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Aucun dispositif n'est proposé pour accompagner les agriculteurs dans la réduction de l'usage des engrais azotés et l'inflexion de la trajectoire est attendue dans des délais très limités : pour eux, c'est un ultimatum ! Que propose le Gouvernement pour les aider à aller vers des pratiques plus vertueuses ? Le délai ne laisse pas aux agriculteurs le temps d'évoluer dans leurs pratiques et la période prise pour référence est inadaptée. C'est pourquoi cette disposition est mal vécue : comme une punition, sans réelle alternative.

Par ailleurs, le Gouvernement va-t-il s'engager sur le sujet des chèques alimentaires dès 2022 ? Avec quel financement ? Comment un tel dispositif pourrait-il servir la cause du « consommer français » ?

Le développement des repas végétariens est-il compatible avec la montée en puissance du plan Protéines ? Nous ne sommes déjà pas en capacité d'approvisionner nos cantines et importons 70 % des fruits et légumes qui y sont servis... Est-il bien raisonnable d'appuyer sur l'accélérateur ? Je partage les objectifs posés pour la viande, mais aurons-nous la capacité d'atteindre nos objectifs s'agissant des produits de la pêche ?

Les articles relatifs à la forêt font primer la protection sur la gestion durable : ces dispositifs sont-ils compatibles avec notre stratégie nationale de mobilisation de la ressource et la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) ?

M. Julien Denormandie, ministre. - Monsieur Martin, l'article 19 présente en effet un impact juridique très limité ; il a essentiellement une valeur symbolique. Par ailleurs, je partage votre avis sur l'article 19 bis B. S'agissant de l'article 19 bis, il devra être retravaillé afin de calmer les craintes que vous avez évoquées.

Le « Varenne de l'eau », avec la question de l'adaptation au changement climatique est un projet essentiel : il nous permettra de revenir aux fondamentaux sur un sujet aussi important que celui de l'eau, qui n'a pas toujours eu la place qu'il méritait au sein de mon ministère. Il faut « remettre de la pensée ». Les conflits sur l'usage de l'eau sont vieux comme le monde et se rencontrent à toutes les échelles, du bassin versant et à l'échelle d'un continent. Sur un sujet aussi compliqué, il faut des idées simples si vous me permettez de citer le général de Gaulle, de la méthode, de la concertation et de la raison. Prélever un mètre cube d'eau, ce n'est pas pareil si les nappes phréatiques sont pleines et le sol gorgé d'eau ou pas... Il faut pouvoir poser le débat en ces termes.

Nous allons connaître de plus en plus de sécheresses estivales et de pluies diluviennes hivernales : comment fera-t-on ? Le plan de relance prévoit 200 millions d'euros pour adapter nos cultures au changement climatique. Je pense au gel, avec le récent épisode que nous avons connu, historique par son ampleur, à la sécheresse, à la grêle...

Enfin, nous constatons que l'assurance récolte et le régime des calamités agricoles ne fonctionnent pas. Il faut avancer aussi sur ce sujet.

Ces trois sujets seront au centre du « Varenne », qui devra privilégier la pensée à la posture. Je suis très attaché à la raison et à la science...

Dans le prolongement de la loi Egalim qui avait fixé un objectif de 50 % de produits de qualité dans nos cantines, l'article 61 bis enclenche un cercle vertueux qui permettra de privilégier les produits de nos territoires au travers des PAT qui développeront des certifications.

Je ne me prononcerai pas sur votre proposition d'abaisser le seuil des commerces concernés par la disposition sur la saisonnalité de 400 à 200 mètres carrés, car elle nécessiterait une étude d'impact. Idem sur la question des productions sous serre, parfois réalisées à partir d'énergies renouvelables...

Je vous transmettrai les données chiffrées demandées sur l'usage des engrais azotés. Je fais confiance au monde agricole pour tenir les engagements pris au niveau européen. Je crois plus à la confiance et à la responsabilisation qu'à la pénalisation. Le texte rappelle notre obligation d'honorer nos engagements. Il y a certes un travers français à faire des surtranspositions, mais permettez-moi de vous rappeler qu'elles sont bien souvent le fait du pouvoir législatif...

L'engrais, c'est la nourriture de la plante, ce n'est pas de l'hormone de croissance ! On ne se passera donc jamais d'engrais. Pour pousser, les plantes ont besoin d'engrais organiques ou chimiques, mais ceux-ci ne présentent pas les mêmes potentiels d'émission, ni d'assimilation par la plante.

Madame de Cidrac, le carbono-score prévu à l'article 1er fournira une information utile au consommateur, en lui permettant de privilégier les circuits de distribution les plus vertueux. Mais cette méthodologie, pilotée par l'Ademe, présente encore des travers et fait apparaître des absurdités : c'est ainsi qu'un élevage extensif de 60 charolaises en France présentera un carbono-score moins bon qu'un élevage intensif de 10 000 bêtes en Argentine, voyage compris... Des travaux sont en cours afin de sortir de ce paradoxe.

Monsieur Tabarot, de mémoire, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) n'avait pas formulé de recommandation sur les biocarburants : cela explique que ce sujet soit absent du projet de loi, qui a été construit sur la base des propositions de la CCC.

J'en profite pour saluer les travaux en cours de la mission d'information du Sénat sur la méthanisation. Il est important que le monde agricole participe au développement des énergies renouvelables, sans remettre pour autant en cause la souveraineté alimentaire : si nous devions importer massivement faute de capacités de production, il n'y aura pas de cercle vertueux.

À titre personnel, je crois beaucoup aux biocarburants et au biogaz, mais leur développement doit s'intégrer dans des politiques publiques très clairement établies.

Madame Loisier, nous accompagnons les agriculteurs sur la question des nitrates au travers du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar) pour ce qui concerne le financement de la recherche, mais surtout grâce au plan de relance qui finance les agroéquipements à hauteur de 100 millions d'euros et le plan Protéines à hauteur de 120 millions d'euros qui permettra l'apport d'azote dans le sol par la rotation des cultures. Il faut considérer les émissions dans leur globalité et travailler aussi sur la directive « Nitrates ».

Le Président de la République s'est engagé sur le sujet des chèques alimentaires. Il s'agit d'une aide non pas sociale, mais nutritionnelle. Aujourd'hui, environ 8 millions de Français n'ont pas suffisamment accès à des aliments satisfaisants au plan nutritionnel. La mise en oeuvre de ce dispositif très ambitieux sera sans doute complexe. En effet, comment distinguer les aliments de qualité nutritionnelle satisfaisante dans un supermarché, ou même sur un marché ? Une première étape pourrait consister à proposer aux jeunes de 18 à 25 ans des paniers de fruits, de légumes et de viande de qualité via des plateformes numériques.

S'agissant des repas végétariens, notre capacité à produire suffisamment de légumineuses et de protéines végétales est effectivement un sujet d'inquiétude. C'est pourquoi le plan Protéines végétales prévoit une augmentation de 50 % de la surface agricole associée.

Je transmettrai vos questions relatives aux produits de la pêche à Annick Girardin.

Nous observons aujourd'hui que la forêt avance et que le bois recule. Autrement dit, nous importons du bois. C'est pourquoi je me suis tant battu, lorsque j'étais ministre du logement, pour que la captation de carbone par ce matériau soit prise en compte dans l'analyse du cycle de vie d'une construction en bois.

M. Pierre Médevielle. - Je regrette que ce projet de loi insiste sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) dont est responsable le secteur agricole sans évoquer le potentiel de celui-ci, qu'il s'agisse de la méthanisation, des biocarburants ou des techniques de conservation des sols qui participent efficacement à la captation de carbone dans les sols.

Depuis 2019, notre souveraineté est mise à mal. Va-t-on se passer encore longtemps des progrès de nos ingénieurs agronomes et de nos biologistes végétaux, qui permettraient de sélectionner des végétaux moins exigeants en eau et en engrais ? Une agriculture audacieuse et ambitieuse n'est pas incompatible avec des objectifs climatiques et environnementaux.

S'agissant de la pêche, il est désolant qu'une ONG comme Sea Shepherd soit favorable à la disparition de la pêche, alors que le poisson est une précieuse source de protéines directement utilisable.

M. Stéphane Demilly. - Comment l'introduction d'un menu végétarien dans les services de restauration collective s'articulera-t-elle avec l'expérimentation du menu végétarien hebdomadaire prévue par la loi Egalim ? Quand disposerons-nous du bilan de cette expérimentation ? Est-il opportun de lancer une nouvelle expérimentation avant même d'avoir obtenu les conclusions de la précédente ?

Par ailleurs, l'article 11 prévoit que les supermarchés devront proposer au moins 20 % de leurs produits en vrac d'ici à 2030. Des professionnels, notamment de la filière de la pomme de terre, s'inquiètent des modalités de mise en oeuvre de l'interdiction, prévue par la loi AGEC au 1er janvier 2022, des emballages en plastique pour les fruits et légumes. En effet, ils ont dû constituer d'importants stocks d'emballages pendant les confinements lorsqu'on craignait des ruptures. Des concertations sont-elles prévues avec les professionnels pour que cette sortie des emballages plastiques puisse se dérouler au mieux ?

Mme Angèle Préville. - Les données de santé indiquent que l'obésité des enfants progresse. Ne faudrait-il pas limiter le recours aux plats industriels ultra-transformés dans la restauration collective ?

Par ailleurs, la consommation de légumes secs est insuffisante. Or il s'agit de débouchés qui pourraient être rémunérateurs pour les agriculteurs. J'espère qu'ils seront encouragés à s'engager dans cette voie.

Enfin, pour ma part, je me félicite que la question des engrais azotés soit posée. Nous sommes les quatrièmes consommateurs mondiaux de ces produits importés dont l'épandage a des effets très néfastes. L'article 62 n'a certes pas de portée normative, mais j'espère que ce n'est qu'un début.

M. Éric Gold. - La souveraineté alimentaire est plus que jamais un enjeu stratégique. Nous importons 40 % des légumes, 60 % des fruits et 50 % des poulets que nous consommons.

Le volet agricole du plan de relance vise à renforcer l'autonomie alimentaire de la France. Toutefois, l'agriculture est avant tout une question de terre. Le projet de loi prévoit de réduire par deux la surface de sols artificialisés sur les dix prochaines années. Si cela peut paraître légitime, pensez-vous que l'objectif d'atteindre une artificialisation proche de zéro, quelles que soient la nature et la qualité agronomique des terres, soit cohérent et partagé par les élus locaux ? Vous semble-t-il susceptible de contribuer à renforcer notre souveraineté alimentaire ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Le débat relatif aux barrages et aux moulins est très sensible au sein du monde agricole. Ces dispositifs qui existent depuis fort longtemps permettent de puiser de l'eau dans les rivières plutôt que dans le cénomanien. C'est pourquoi je souhaiterais que la question d'éventuels arasements fasse l'objet d'une véritable réflexion plutôt que d'une simple décision des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), en vertu de la continuité écologique.

Par ailleurs, l'abaissement de 50 % de la surface des terres artificialisées, en particulier des terres arables, risque d'entraîner l'abandon de certaines terres qu'il deviendrait trop coûteux de cultiver, surtout si on ne peut plus les arroser. Dans la Sarthe, des groupes veulent investir pour développer le tourisme mais ne peuvent le faire, car ils n'obtiennent pas de permis de construire. En la matière, il me semble important de penser « local » plutôt que « global ».

J'en viens enfin au sujet de la forêt. Comme vous le savez, les forestiers français souhaitent le rétablissement du code de bonnes pratiques sylvicoles. Pour ma part, je regrette que l'on défriche la forêt pour y installer des éoliennes sans schéma directeur, en contrepartie de sommes qui peuvent s'élever à 11 000 euros pour les particuliers ou les communes qui y consentent.

M. Julien Denormandie, ministre. - La forêt est considérée à tort comme la première source de captation de carbone. De fait, les sols agricoles en captent bien plus. Pourtant, si les forestiers sont considérés comme des acteurs majeurs du changement climatique, les agriculteurs ne le sont pas. À l'aune de ce constat, le débat relatif au glyphosate aurait été très différent, puisqu'il nous aurait conduits à opposer les deux objectifs contradictoires et pourtant tous deux légitimes que sont la préservation de la biodiversité et la captation de carbone dans les sols par l'agriculture de conservation qui nécessite le désherbage.

Nous travaillons avec de jeunes agriculteurs à la création de crédits de captation de carbone dans le sol agricole. Les méthodologies sont établies ; il ne reste plus qu'à créer des plateformes d'échange entre une offre et une demande pour valoriser le crédit carbone. Cela permettrait de créer du revenu supplémentaire pour nos agriculteurs en tant que capteurs de CO2 dans le sol.

La sélection variétale existe depuis 10 000 ans. Il faut prendre garde que les nouvelles techniques de sélection végétales (NBT) n'amènent pas à des dérives et à écarter les risques auxquels elles nous exposent, mais en aucun cas il ne faut les confondre avec les organismes génétiquement modifiés (OGM). Dans un rapport récent, la Commission européenne défend d'ailleurs cette position.

Nous disposons du rapport sur l'expérimentation relative à l'introduction d'un repas végétarien par semaine prévue par la loi Egalim. Les conclusions de ce rapport étant plutôt positives, elles nous ont encouragés à donner un avis favorable à la généralisation de l'expérimentation obligatoire. Je m'engage à vous transmettre ce rapport rapidement.

S'agissant des décrets relatifs à la suppression du plastique dans les emballages de fruits et légumes en 2022, je vous confirme qu'une grande concertation est en cours avec les professionnels.

La limitation des plats transformés serait effectivement légitime, madame Préville, mais nous nous heurtons à une difficulté de définition de ce qu'est un plat transformé. En effet, en l'état actuel des classifications, une salade niçoise et un plat de lentilles seraient inclus dans cette catégorie. Nous avons demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de nous fournir des préconisations sur ce sujet.

Par ailleurs, il faut effectivement encourager la consommation de légumes secs. Cela est prévu dans le plan Protéines végétales.

Au-delà des règles, l'artificialisation des sols est d'abord une affaire de volonté politique. Dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), j'avais pris des positions très dures sur l'ouverture de complexes commerciaux géants et même sur la création de maisons individuelles en périphérie. Bien que cela m'ait valu les foudres de certains, j'estime préférable de privilégier le réaménagement de friches industrielles et la réhabilitation des logements vacants en centre-ville.

S'agissant enfin du code de bonnes pratiques sylvicoles, je n'ai pas encore trouvé la solution. En effet, son rétablissement doit faire l'objet d'une modification législative recevable ; or celui-ci n'est pas réellement en rapport avec le présent texte. Nous étudions la possibilité de l'introduire via une proposition de loi, mais je suis preneur de toute autre solution que le Sénat pourra me proposer !

M. Guillaume Chevrollier. - Comme vous, le Sénat est mobilisé pour défendre nos agriculteurs et leurs produits de qualité. Prenons garde de ne pas les entraver en permettant par ce texte de nouvelles distorsions de concurrence.

Comment envisagez-vous de conduire le « Varenne de l'eau » ? Comment le Parlement y sera-t-il associé ?

Ce projet de loi comporte un volet relatif aux chemins ruraux qui inquiète nos agriculteurs. Quelle est votre position ?

Enfin, la création d'un chèque alimentaire inquiète les acteurs de la solidarité alimentaire, car ce dispositif risque de court-circuiter l'organisation actuelle qui fonctionne bien en dépit des disparités territoriales.

M. Jean-François Longeot, président. - La solidarité alimentaire ne se résume pas à la distribution de denrées : elle implique des échanges et des contacts qui sont importants tant pour les personnes défavorisées que pour les bénévoles.

M. Rémy Pointereau. - La rédaction de l'Assemblée nationale remet en cause les fondements actuels du droit de l'eau. Cela m'inquiète d'autant que si vous vous déclarez favorable aux retenues collinaires, cela ne se traduit pas nécessairement dans les faits.

Par ailleurs, je me réjouis que la taxe sur les engrais azotés ait été abandonnée, car ce dispositif aurait créé une distorsion de concurrence au sein de l'Union européenne.

Enfin, je souhaite insister sur la décarbonation que l'agriculture rend possible. Un hectare de maïs produit vingt tonnes d'oxygène et absorbe quatre fois plus de CO2 qu'un hectare de forêt. Quand ces captations de CO2 et ces productions d'oxygène seront-elles rémunérées ?

Mme Martine Filleul. - Je regrette que les préconisations de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ne soient pas contraignantes. Ce projet de loi n'aurait-il pas pu être l'occasion d'être plus prescriptif ?

S'agissant des biocarburants, une tribune publiée en novembre 2020 par plusieurs associations indique que la France continue d'importer des produits liés à la déforestation, en particulier plus de 3 millions de tonnes de soja par an en provenance du Brésil. Ces associations déplorent l'absence de prise en compte des demandes faites par des parlementaires sur l'exclusion des produits à base d'huile de palme et de soja dans les agrocarburants. Ce projet de loi n'aurait-il pas pu être l'occasion d'affirmer la volonté de transparence de la France en la matière ?

L'agriculture est responsable pour partie de la dégradation de la biodiversité. Malgré une prise de conscience indéniable, certaines tendances lourdes persistent, conduisant notamment à l'intensification des cultures et à l'agrandissement des exploitations. Pensez-vous que les mesures prises dans ce projet de loi sont de nature à inverser ces tendances ?

M. Olivier Jacquin. - Il convient de lever la confusion entretenue par certains autour du label agroécologie. En effet, les bénéfices en termes de captation de carbone de l'agriculture de conservation sont variables.

L'aide au maintien a été supprimée pour le « bio ». Ne faut-il pas maintenir ce dispositif pour certaines productions afin que les prix soient moins élevés pour les consommateurs ?

Enfin, nous ne sommes pas à l'abri d'un retournement du marché qui pourrait « casser les prix ». En Autriche, les producteurs bio vendent leurs produits quasiment au même prix que les agriculteurs traditionnels. Ne pourrait-on pas imaginer un système qui conditionnerait la conversion au bio à une forme de contractualisation ?

Mme Patricia Demas. - Comment faire entrer l'agriculture dans l'urbanisme ? Sur quels outils d'urbanisme les acteurs locaux peuvent-ils s'appuyer pour développer les PAT ?

Quelle nouvelle dynamique d'accompagnement de la gestion du foncier local pourrait être développée pour aider les collectivités locales dans leurs stratégies alimentaires et foncières ? En effet, il convient de sortir du cercle vicieux par lequel un propriétaire espère que sa parcelle deviendra constructible pour mieux la vendre, ce qui favorise la déprise agricole, les friches et, à terme, l'étalement urbain.

M. Frédéric Marchand. - Quel regard portez-vous sur la proposition émanant du collectif pour une sécurité sociale de l'alimentation de sanctuarisation d'un budget alimentaire de 150 euros par mois et par personne intégré dans le régime général de sécurité sociale ?

M. Jean Bacci. - Votre gouvernement envisage d'encourager la construction en bois. Cela exigera notamment un effort de formation.

Le béton de chanvre, en revanche, peut être mis en oeuvre par les maçons traditionnels. Le chanvre étant naturellement peu exigeant, sa culture permettrait de mettre à profit les champs actuellement en friche du fait de la pauvreté de leur terre tout en fournissant un complément de revenu aux agriculteurs, à condition toutefois d'aider des industriels à effectuer sa transformation en matériaux de construction.

M. Julien Denormandie, ministre. - La compétitivité de l'agriculture est bien sûr liée aux charges. Si les agriculteurs estiment que celles-ci sont trop lourdes, je rappelle que le monde agricole ne paye pas de taxe de production. Elle est aussi liée à la modernisation et à l'innovation. En 2017, la moitié des drones utilisés à titre économique dans notre pays l'étaient par des agriculteurs. Elle est enfin liée aux économies d'échelle mais il serait dramatique de considérer que notre compétitivité ne tient qu'à la taille de nos exploitations. Un élevage de truies compte en moyenne 190 têtes dans notre pays, alors qu'il en compte 10 000 aux États-Unis. C'est pourquoi j'estime que nous devons avant tout préserver la compétitivité hors coût qu'est la qualité.

Nous allons lancer très prochainement un premier cycle du « Varenne de l'eau ». Celui-ci s'articulera autour de trois groupes de travail qui se concentreront respectivement sur la gestion des risques, l'adaptation de nos pratiques culturales face au changement climatique et le volet hydraulique.

S'agissant des chemins ruraux, j'avoue ne pas être en capacité de vous répondre précisément car ce sujet a été porté par d'autres ministres à l'Assemblée nationale. Je me renseignerai.

Les chèques alimentaires, ou plutôt nutritionnels, sont destinés non pas à aider des personnes qui n'auraient pas les moyens de se nourrir mais à favoriser la consommation de produits de qualité. C'est une politique de santé, et non sociale.

Monsieur Pointereau, je partage votre impatience quant aux retenues d'eau. Il convient toutefois de noter certaines avancées significatives. Par exemple, le décret sur les débits d'usage de l'eau, qui paraîtra prochainement, permettra de combler le vide juridique qui entourait depuis près de dix ans les prélèvements effectués par arrêtés préfectoraux sur les retenues.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, j'ai délégué plus de 30 millions d'euros aux territoires afin de compléter les financements locaux des retenues d'eau et des bassines. Comme vous le savez, tout projet de retenue ou de bassine ne peut se faire sans une forte volonté politique locale. Or il n'est pas rare que l'exécutif local renonce à financer ces projets. Enfin, je souhaite que le plan de relance soit l'occasion d'avancer sur le sujet du curage des bassines, qui, de l'avis général, permettrait d'augmenter sensiblement leurs capacités.

Seule l'Europe est compétente pour interdire l'importation de certains produits liés à la déforestation. Pour l'heure, les règles européennes comme celles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) reposent sur une forme d'hypocrisie puisqu'elles permettent d'interdire l'importation des seuls produits qui ont un impact sur notre santé ou sur notre environnement. Autrement dit, loin des yeux, loin de ma conscience environnementale. Ce sont ces règles que nous devons changer et c'est pourquoi le Président de la République a retiré son soutien à l'accord entre l'Europe et le Mercosur.

Vos propos m'ont interloqué, monsieur Jacquin. Je vous accorde que la définition législative de l'agroécologie est très large. S'agissant du bio, le Gouvernement a fait le choix de miser sur l'aide à l'installation plutôt qu'au maintien en agriculture biologique, car il considère que le marché bio est suffisamment mature. Nous discutons actuellement de l'opportunité d'augmenter les aides versées au bio au titre de la PAC de 250 à 340 millions d'euros par an. Les aides à l'agriculture biologique resteront donc massives.

J'estime que conditionner toute nouvelle installation de culture bio à la contractualisation de marchés est un travers qu'il faut éviter. Il faut au contraire favoriser l'entrée de nouveaux producteurs dans le bio.

Le PAT est une organisation territoriale visant à la valorisation du territoire. Les collectivités locales dans leur diversité doivent en conserver l'initiative.

L'agriculture urbaine permet de réconcilier les dissensions entre ruraux et urbains. Le plan de relance permettra notamment le financement d'une bergerie dans les quartiers Nord de Marseille et d'une ferme dans le quartier des Mureaux.

S'agissant du foncier, nous devons avancer en matière de portage.

La RE 2020 vise bien les matériaux biosourcés, monsieur Bacci. Par ailleurs, nous disposons aujourd'hui des technologies nécessaires au développement de la construction bois.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 4D », a été présenté en Conseil des ministres et déposé le 12 mai dernier sur le Bureau du Sénat, date à laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Le calendrier d'examen de cette réforme s'annonce très serré puisque le texte devrait être discuté en séance publique dès le début du mois de juillet, à l'ouverture de la session extraordinaire et alors même que notre commission achèvera tout juste l'examen du projet de loi « Climat et résilience ». L'examen en commission devrait d'ailleurs intervenir pendant l'examen du projet de loi « Climat et résilience » en séance publique. Ce calendrier me met en colère, car le texte sera examiné en premier lieu au Sénat et nous aurions besoin de temps pour entendre les élus des territoires ! Je m'en suis entretenu avec le président de la commission des lois et j'ai fait une proposition pour décaler son examen à une autre semaine de juillet.

La commission des lois a désigné comme rapporteurs Mme Françoise Gatel et M. Mathieu Darnaud. D'autres commissions pourraient se saisir pour avis. Notre commission est concernée au titre de trois de ses compétences, puisque le texte comporte des dispositions relatives au climat et à l'environnement - biodiversité, eau et assainissement, économie circulaire, prévention des risques, littoral -, aux transports - routiers, mais aussi ferroviaires - et à l'aménagement du territoire - lutte contre la désertification médicale, gouvernance des collectivités et ingénierie. Plus de vingt articles justifient donc notre saisine pour avis et vont nécessiter un travail approfondi sur un texte dont l'ambition ne semble pas au rendez-vous des attentes.

J'ai reçu la candidature de M. Daniel Guéret : je vous propose de le désigner en qualité de rapporteur pour avis.

La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi (n° 588, 2020-2021) relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale et désigne M. Daniel Guéret en qualité de rapporteur pour avis.

La réunion est close à 17 h 10.

Mercredi 19 mai 2021

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Délégation de l'examen d'articles

M. Jean-François Longeot, président. - Au titre des questions diverses, et dans la perspective de l'examen très prochain du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, je vous propose d'acter le périmètre des délégations de plusieurs articles du texte à la commission des affaires économiques, qui, en conséquence, deviendra seule compétente au fond sur ces dispositions.

La répartition des articles entre nos deux commissions s'est faite dans un esprit constructif, avec un souci de dialogue continu et dans la recherche constante d'un équilibre à la fois institutionnel et politique, rendu nécessaire par la diversité des sujets abordés dans ce texte. Je remercie chaleureusement Didier Mandelli pour son implication dans ces échanges.

Dès le mois de mars, un arbitrage du Président du Sénat a permis de fixer les principes d'une répartition par thèmes entre les deux commissions, sur la base du projet de loi initial. Début avril, Sophie Primas et moi-même avons réfléchi à la répartition des articles du texte tel qu'il résultait des travaux de la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Enfin, depuis l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, nous avons pu finaliser ce que je pourrais appeler un « acte de partage » stabilisé du texte climat, en tenant compte des nombreux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale au cours des débats en séance publique.

Je souhaite encore une fois souligner que ce périmètre est avant toute chose le fruit d'un compromis politique. Il ne résulte pas, comme c'est l'usage, d'un partage juridique suivant les compétences de l'une ou l'autre commission, qui est d'habitude apprécié notamment au regard de l'historique de l'attribution des textes législatifs déposés ou transmis au Sénat entre les deux commissions.

Nous avons dû faire preuve de souplesse et travailler dans un esprit de compromis afin de trouver le meilleur équilibre qui fasse valoir l'expertise de nos deux commissions.

En particulier, les sujets faisant l'objet de compétences partagées entre les deux commissions aux termes de l'acte de partage ont donc dû être « départagés » avec pragmatisme et réalisme. Le meilleur exemple de cette recherche d'équilibre est à cet égard le partage que je vous proposerai concernant les modifications du code minier dont l'examen des dispositions au fond est réparti entre les deux commissions. Les articles relatifs à l'artificialisation des sols sont un autre exemple de ce compromis politique car ce sujet revêt une triple dimension « urbanisme », « aménagement du territoire », et « protection de la biodiversité ».

Je souhaite donc insister sur le caractère singulier - et qui doit le rester - de la répartition des articles telle que je vous la soumets.

C'est pourquoi le raisonnement particulier qui a été le nôtre avec la présidente de la commission des affaires économiques ne saurait donc tenir lieu de précédent lorsqu'il s'agira d'apprécier si un texte portant sur un sujet abordé dans le projet de loi « Climat et résilience » doit être - ou pas -renvoyé à notre commission au fond.

J'appelle votre attention sur un point de procédure concernant la délégation au fond. Selon une convention bien établie, la délégation d'articles interdit à la commission saisie au fond, c'est-à-dire dans le cas d'espèce à notre commission, de s'exprimer sur les articles qu'elle a délégués ni de déposer des amendements.

Voici donc le résultat de nos échanges.

Le titre Ier « Informer, former et sensibiliser », le titre III « Se déplacer » et le titre VI « Renforcer la protection judiciaire de l'environnement » seront intégralement examinés par notre commission, sans délégation au fond d'articles à la commission des affaires économiques.

Pour les autres titres du projet de loi, il est proposé de déléguer au fond à la commission des affaires économiques les articles 15 bis et 15 ter, 18 ter, 19 bis D à 19 bis F, 20 bis A, 20 ter, 20 quinquies A, 20 quinquies, 20 septies, 20 decies à 21, et 22 bis A à 22 bis, au sein du titre II « Produire et travailler » - ces articles concernent les marchés publics portant sur la fourniture de produits agricoles, l'énergie, et contiennent des dispositions relatives à la politique forestière. Sur le code minier, une répartition équilibrée et respectueuse des domaines d'expertise des deux commissions a pu être définie.

Il est aussi proposé de déléguer au fond l'ensemble du titre IV « Se loger », à l'exception des articles 46, 52 bis C, 56 à 57, 57 bis à 58 bis.

Les responsabilités sur le volet « Se nourrir » du titre V ont été partagées entre les deux commissions ; il est proposé de déléguer les articles 59 à 59 ter, 60 et 60 bis, 65 à 66 bis et 66 quater.

Au sein du titre VII (nouveau titre inséré par les députés relatif à l'évaluation), un seul article sera délégué : l'article 82 sur la restauration collective par coordination avec les dispositions sur les marchés publics.

Au total, ce sont 86 articles sur 218 que je vous propose de déléguer à la commission des affaires économiques, si vous en êtes d'accord.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Longeot, président. - J'informe la commission que nos collègues de la commission des affaires économiques devraient se saisir d'environ 47 articles pour avis simple. Trois autres commissions se saisiront partiellement du texte pour avis : la commission des lois pour une trentaine d'articles ; la commission de la culture pour une quinzaine d'articles ; et la commission des finances pour cinq articles à ce stade.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances - Examen des motions et amendements au texte de la commission

M. Jean-François Longeot, président. - L'ordre du jour appelle l'examen des amendements de séance sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.

Je cède la parole à notre rapporteur M. Cyril Pellevat, pour la présentation de trois amendements de la commission et de son avis sur les amendements « extérieurs ».

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 2

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Je vous propose l'amendement n°  26, de coordination, pour tenir compte de la nouvelle architecture de l'article L. 6521-4 du code des transports.

L'amendement n° 26 est adopté.

Article 6

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Avec l'amendement n°  28, je vous propose de préciser que l'Autorité de régulation des transports ne pourra demander des informations aux gestionnaires d'aérodromes que pour les seules activités réalisées en France et régulées, prévues à l'article L. 6325-1 du code des transports.

L'amendement n° 28 est adopté.

Article 16

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  27 est rédactionnel.

L'amendement n° 27 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  12 renforce la fiabilité des tests de dépistage d'alcool et de substances psychoactives aux personnels de l'aérien, par des mesures de contre-vérification : sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 12.

Article 6

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  15 intègre à la loi la compétence aujourd'hui confiée par décret à l'Autorité de régulation des transports, de fixer les tarifs des redevances et leur modulation si la dernière homologation date de plus de vingt-quatre mois : sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 15.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Les amendements identiques nos  7 et 14, de même que les amendements identiques nos  8 et 16 et que les amendements identiques nos  9 et  17, renforcent les pouvoirs de l'Autorité de régulation des transports, au-delà de ce que nous l'avons fait la semaine dernière dans le texte de la commission. Nous avons pensé que l'extension du pouvoir d'information était suffisante, mais il faut avoir le débat en séance plénière. En attendant, sagesse.

M. Didier Mandelli. - Nous voulons, avec les amendements nos 7, 8 et 9, donner corps à la loi d'orientation des mobilités du 26 décembre 2019, en renforçant effectivement les pouvoirs de l'Autorité de régulation.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous poursuivons les mêmes objectifs avec les amendements nos 16, 17 et 18.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 7 et 14, de même que sur les amendements identiques nos 8 et 16 et sur les amendements identiques nos 9 et 17.

Article 8

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  20 permet de déroger contractuellement à la responsabilité illimitée du transporteur aérien : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.

Article 9

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  2 supprime l'article 9 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Article 10

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  3 supprime l'article 10 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 13

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Les amendements identiques nos  11 et  19 précisent utilement les compétences de l'Autorité de régulation en matière de conciliation entre les percepteurs de péage et les prestataires du service européen de télépéage : avis favorable.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 11 et 19.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Les amendements identiques nos  10 et  18 supprime la mission d'enregistrement des prestataires du service européen de télépéage confié à l'Autorité de régulation : avis favorable.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 10 et 18.

Article 16

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  25 prévoit l'interdiction pour les navires de transporter à des fins d'utilisation des combustibles marins dont la teneur en soufre est supérieure à 0,5% : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 25.

Article 20

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  4 supprime le passage à quatre heures, au lieu de cinq, de la durée de repos obligatoire à partir de minuit pour les jeunes travailleurs à bord des navires : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article additionnel après l'article 21

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  1 rectifié ter crée des exonérations de charges et de contributions sociales dans le secteur des compagnies maritimes assurant des opérations de transport international : je propose de demander l'avis du Gouvernement.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié ter.

Article 23

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  13 rend obligatoire la communication aux partenaires sociaux de certaines informations disponibles dans le système d'information du marché intérieur : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13.

Article 24

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  21 crée une dérogation à la loi « Littoral » pour les infrastructures liées au tunnel sous la Manche : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  22 poursuit le même objectif : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.

Articles additionnels après l'article 32

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  23 supprime la logique de critères et de seuils en matière d'évaluation environnementale et renforce la séparation fonctionnelle entre autorité chargée d'autoriser les projets et autorité chargée d'évaluer : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  24 est en repli du précédent, en ne retenant que la séparation entre autorité qui autorise et autorité qui évalue : j'y suis plutôt défavorable, mais j'aimerais connaître la position du Gouvernement, en particulier suite à la décision du Conseil d'État du 15 avril dernier.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - L'amendement n°  5 ouvre l'évaluation environnementale aux petits projets : j'y suis défavorable, même si je souhaite, comme pour l'amendement précédent, interroger le Gouvernement sur les conséquences de la décision du Conseil d'État.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

Avis de la commission

M. DEVINAZ

12

Sagesse

Article 6

Auteur

Avis de la commission

M. MANDELLI

7 rect.

Sagesse

M. DEVINAZ

14

Sagesse

M. MANDELLI

8 rect.

Sagesse

M. DEVINAZ

16

Sagesse

M. MANDELLI

9 rect.

Sagesse

M. DEVINAZ

17

Sagesse

Article 8

Auteur

Avis de la commission

M. SEGOUIN

20

Défavorable

Article 9

Auteur

Avis de la commission

M. LAHELLEC

2

Défavorable

Article 10

Auteur

Avis de la commission

M. LAHELLEC

3

Défavorable

Article 13

Auteur

Avis de la commission

M. MANDELLI

11 rect.

Favorable

M. JACQUIN

19

Favorable

M. MANDELLI

10 rect.

Favorable

M. JACQUIN

18

Favorable

Article 16

Auteur

Avis de la commission

Mme SCHILLINGER

25

Favorable

Article 20

Auteur

Avis de la commission

M. LAHELLEC

4

Défavorable

Article additionnel après Article 21

Auteur

Avis de la commission

M. CANÉVET

1 rect. ter

Avis du Gouvernement

Article 23

Auteur

Avis de la commission

M. JACQUIN

13

Favorable

Article 24

Auteur

Avis de la commission

Mme Catherine FOURNIER

21 rect. bis

Défavorable

Mme Catherine FOURNIER

22 rect. bis

Défavorable

Article additionnel après Article 32

Auteur

Avis de la commission

M. REQUIER

23

Défavorable

M. REQUIER

24

Avis du Gouvernement

M. DANTEC

5 rect.

Défavorable

Transport de marchandises face aux impératifs environnementaux - Examen du rapport de la mission d'information

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous allons à présent examiner les conclusions de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont la création remonte au mois de novembre dernier. Nous avions d'ailleurs organisé en réunion plénière une table ronde sur l'avenir du fret ferroviaire pour commencer ces travaux.

Depuis lors, les rapporteurs ont eu l'occasion de le rappeler, les membres de la mission ont souhaité interroger un grand nombre d'acteurs du secteur, qui vont des transporteurs aux associations de riverains subissant des nuisances liées au trafic de marchandises. J'ai d'ailleurs eu le plaisir d'assister à plusieurs de ces auditions.

La décarbonation du transport de marchandises est un sujet d'attention de longue date pour notre commission. Nos travaux s'inscrivent donc dans cette perspective et viennent prolonger nos échanges sur le projet de loi d'orientation des mobilités, ou encore les propositions du rapport de notre ancien collègue Michel Vaspart. C'est en outre un sujet particulièrement complexe puisqu'il concerne plusieurs modes, et notamment les modes routier, ferroviaire et fluvial, qui ont leurs difficultés propres et qui concentrent des problématiques aussi variées que l'électrification du parc de poids lourds, les livraisons liées au commerce en ligne, ou encore le développement des modes massifiés.

Après 5 mois d'auditions, la mission d'information a identifié plusieurs axes de réflexion pour décarboner le transport de marchandises. Je me félicite d'ailleurs que ces travaux interviennent juste avant l'examen du projet de loi « Climat et résilience », dans lequel ils pourraient pour partie y trouver une traduction. En effet, notre démarche s'inscrit dans un souci, cher au président du Sénat, de privilégier les thèmes de contrôle en lien avec l'actualité législative ou les travaux des instances du Sénat.

Je laisse donc la parole à nos collègues, Rémy Pointereau et Nicole Bonnefoy, pour nous présenter les conclusions de leurs travaux. Mes chers collègues, vous avez la parole.

M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Mes chers collègues, en créant la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, vous nous avez confié une tâche redoutable, puisque ce sujet met en jeu des compétences de transporteur, mais aussi de géographe, d'aménageur, de logisticien, d'ingénieur, de physicien de la propulsion électrique, de technicien et prévisionniste des motorisations, de climatologue et de chimiste en matière d'environnement ou de qualité de l'air.

Au cours de ses travaux, qui ont duré plus de cinq mois, notre mission d'information a entendu 35 organisations représentées par plus de 82 personnes, allant d'entreprises céréalières à des constructeurs automobiles, en passant par des associations environnementales, afin d'obtenir une vision d'ensemble du transport de marchandises.

Le premier constat réalisé par notre mission d'information est que le transport de marchandises a un rôle essentiel dans la vie de notre Nation. Sans transport, sans logistique, tout s'arrête : nos commerces, nos administrations et nos services publics, notre industrie, notre agriculture...La crise sanitaire l'a bien démontré : la préservation de nos chaînes logistiques revêt un caractère stratégique, parfois de vie ou de mort. Les crises successives, en 2008 d'abord, puis la crise sanitaire, ont durement éprouvé ce secteur, qui retrouvait en 2020 tout juste ses niveaux de 2007.

Notre second constat est que le transport intérieur de marchandises est majoritairement routier : près de 90 % des tonnes-kilomètres sont acheminées par la route. Cet essor s'est fait, comme vous le savez, au détriment du fer, et de la voie d'eau. Si la domination du routier est un phénomène européen, la France est particulièrement concernée, et ce malgré 30 ans de politiques de report modales successives. Le fret ferroviaire représente 9 % du transport de marchandises, contre presque 20 % pour nos voisins européens ; le fluvial compte pour 2, 3 % des flux, moins de la moitié de la moyenne européenne.

Ce constat est d'autant plus regrettable que c'est le mode routier qui est à l'origine de la quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre de transport de marchandises. En outre, l'impact environnemental du transport ne se limite pas à son bilan carbone. Notre mission d'information a tenu à travailler sur l'ensemble des externalités négatives causées par le transport : pollution atmosphérique, nuisances sonores, insécurité, congestion, dégradation de la voirie...

Face à ce constat, la démarche de notre mission a été d'explorer méthodiquement la question de l'impact environnemental du transport de marchandises sous tous ses angles. Ce travail a permis de structurer quatre grands axes de propositions sur la question de l'impact environnemental du transport de marchandises. Je tiens d'ailleurs à saluer la remarquable bonne entente, l'esprit de sérieux et de collaboration qui a marqué nos travaux et permis de fournir un ensemble de recommandations aussi riches et diverses.

Ces quatre grands axes sont :

- la massification du transport de marchandises ;

- la réduction des nuisances pour les riverains ;

- la décarbonation du transport routier ;

- la réorganisation du transport urbain de marchandises et la responsabilisation des consommateurs du e-commerce à l'égard de l'impact environnemental de leur livraison.

Je vous propose d'évoquer brièvement les enjeux de massification et de transition énergétique du secteur routier, et laisserai le soin à Nicole Bonnefoy de vous faire part de nos travaux sur les deux autres sujets, sachant que je souscris entièrement à ses propos.

Loin de vouloir opposer les modes entre eux, notre mission d'information considère au contraire qu'il est nécessaire de tirer le meilleur parti de leur complémentarité et de leur valeur ajoutée respective et que chaque mode a sa zone de pertinence.

Aussi, la mission considère qu'un développement du recours au fret ferroviaire et au fret fluvial est souhaitable, en particulier pour les trajets de longues distances. Nos réseaux ferré et fluvial disposent en effet de nombreux atouts. Ils sont tous deux particulièrement étendus : la France possède plus de 28 000 km de chemins de fer exploitable, et 8 500 km de voies navigables, dont 2 000 km de grand gabarit. La réalisation du Canal Seine-Nord-Europe, cher à notre collègue Stéphane Demilly, permettra d'ailleurs de renforcer la connexion du réseau fluvial français au réseau européen à grand gabarit, et de réduire de manière significative les coûts du recours au mode fluvial. Les modes massifiés sont également bien plus sobres du point de vue environnemental, et en particulier en matière d'émissions. Cependant, le potentiel des frets ferroviaire et fluvial est fortement contraint par plusieurs facteurs que la mission d'information a pu identifier. Je peux vous citer pêle-mêle la désindustrialisation de notre pays, le mauvais état de nos réseaux en raison d'un sous-investissement chronique, les coûts supplémentaires induits par les ruptures de charge, ou encore la flexibilité et la fiabilité du mode routier, qui a su développer un arsenal logistique redoutable. Pour enrayer la dégradation des parts modales et faire face aux impératifs environnementaux, il est urgent d'agir.

Pour cela nous proposons tout d'abord de soutenir la régénération et le développement des réseaux ferroviaire et fluvial, par un plan d'investissement massif et ciblé vers les infrastructures les plus stratégiques. En plus de ce plan, le respect de la trajectoire fixée dans le contrat d'objectifs et de performance conclu entre l'État et VNF est un facteur essentiel dans la réussite de la relance fluviale.

Par ailleurs, nous devons travailler à renforcer l'attractivité des modes massifiés, en allant au-delà des investissements d'infrastructure. Alors que les frais de rupture de charge représentent trop souvent encore un frein au recours aux modes massifiés, il faut augmenter l'« aide à la pince », comme le préconisait d'ailleurs le rapport de notre ancien collègue Michel Vaspart. De nombreux autres leviers peuvent également être activés pour soutenir le développement de ces modes : je pense notamment à la commande publique, qui doit prioriser le fluvial ou le ferroviaire, ou encore à un meilleur fléchage des certificats d'économie d'énergie vers le transport combiné.

Nos auditions ont permis d'établir que la force du mode routier réside surtout dans sa fiabilité, sa flexibilité et sa qualité de service, qui correspond aux impératifs des chargeurs. Dès lors, le transport massifié et plus particulièrement le fret ferroviaire, doit renforcer sa performance et son fonctionnement afin de se mettre sur un pied d'égalité avec la route. La mission d'information est donc favorable à l'insertion de critères de performance précis et assortis de bonus-malus dans le contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État, et à une révision de la procédure d'attribution des sillons, qui apparait trop rigide et complexe.

Un deuxième axe de travail dont s'est saisie notre mission est celui de la décarbonation du transport routier, qui est complémentaire à la massification. En effet, si nous sommes convaincus que le report modal est à la fois souhaitable et possible, nous sommes lucides sur le fait que le mode routier restera majoritaire pour de nombreuses années à venir, et que l'atteinte de nos objectifs environnementaux dépendra de sa transition.

Vous vous en doutez, la question de la transition énergétique du parc de poids lourds, composé de 600 000 véhicules, n'est pas une mince affaire. L'avenir du transport de marchandises se fera par la combinaison de plusieurs solutions, chacune pertinente pour un type de prestation. Les biocarburants, et notamment le biodiesel B100 ou le biogaz, ont un intérêt particulier : ils permettent d'atteindre une forte baisse d'émission de gaz à effet de serre, pour un coût et une complexité technique réduite. Les motorisations électriques et hydrogènes ont également toute leur pertinence, au regard des faibles émissions de tout type et de leur complémentarité : l'hydrogène pour les plus longues distances, l'électrique pour la desserte urbaine et régionale.

Cependant, chacune de ces solutions fait également face à plusieurs défis que nous devons tenter de relever. Concernant les biocarburants par exemple, des contraintes de production limitent ces motorisations à une énergie de transition secondaire. Pour l'électrique, le coût d'achat des véhicules (4 à 5 fois plus cher qu'un véhicule thermique), l'offre extrêmement limitée ainsi que des contraintes techniques comme l'autonomie ou le poids de la batterie empêchent la plupart des transporteurs d'investir dans ces technologies. L'hydrogène n'est quant à lui pas encore à un stade de maturité suffisante, d'autant plus que la création d'hydrogène décarboné ne sera pas prioritairement affectée aux transports. Enfin, pour toutes ces énergies, la question du réseau de recharge reste présente.

Il est donc nécessaire d'accompagner et d'aider ce secteur, avec des mesures ambitieuses et de bon sens. Nous proposons notamment de revoir et de renforcer les aides à l'achat de camions à motorisation alternative en les étendant aux biocarburants et en prolongeant les aides à l'hydrogène et l'électrique. Par ailleurs, pour inciter le renouvellement des camions les plus polluants, nous proposons de créer une prime à la destruction pour les véhicules de plus de 12 ans. La question du coût spécifique de l'électrique est également abordée : nous considérons qu'il est pertinent de proposer une remise sur la contribution au service public de l'électricité pour les transporteurs routiers.

Lors de nos travaux, nous avons évidemment été confrontés aux questions épineuses et complexes de la fiscalité du transport routier de marchandises. Plus particulièrement, nous avons abordé deux sujets : la suppression de l'avantage fiscal sur la TICPE sur le gazole routier, et l'éventuelle mise en oeuvre d'une éco-contribution, que certains pourraient appeler écotaxe.

Ces sujets sont complexes, et la mission d'information a pleinement conscience de la nécessité d'un équilibre entre une juste contribution du mode routier et l'importance de préserver notre secteur logistique, sans quoi il ne pourra pas investir dans sa transition énergétique. Il s'agit également de sujets pour lesquels nous aurons un débat riche et nourri dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », qui aura lieu sous peu, et pour lequel des auditions sont toujours en cours.

Notre mission d'information n'a pas souhaité se prononcer catégoriquement sur ces dispositifs, au regard des circonstances et des travaux toujours en cours. Cependant, nous avons déterminé plusieurs orientations concernant une potentielle augmentation de la fiscalité sur le transport. Tout d'abord, la question de la taxation doit être abordée avec précaution, de préférence dans un cadre européen, car la compétitivité du pavillon français pourrait être fortement touchée. Par ailleurs, si elle devait être mise en oeuvre, il s'agirait de privilégier une écotaxe, ou plutôt une éco-contribution, kilométrique, et harmonisée au niveau national (en matière d'assiette et de taux par exemple). Enfin, la mission considère qu'il est indispensable d'affecter au moins une partie d'éventuelles recettes supplémentaires à la route et au transport routier.

Voici les principales orientations de nos travaux, bien sûr non exhaustives, concernant la massification et la transition énergétique. Je passe maintenant la parole à Nicole Bonnefoy, ma co-rapporteure, que je souhaite remercier pour la qualité des échanges que nous avons eus et les avancements que nous avons pu faire en matière de transition et de décarbonation avec l'ensemble de nos collègues qui ont participé activement à cette mission.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Merci cher collègue rapporteur pour ces mots. Ce fut un plaisir de mener en bonne intelligence les travaux de cette mission que vous nous avez confiée qui nous aura permis de véritablement appréhender la complexité et les nuances de l'impact environnemental du transport de marchandises.

Comme Rémy Pointereau l'a rappelé, l'impact environnemental du transport de marchandises ne se limite pas à ses émissions de gaz à effet de serre, bien qu'il s'agisse d'un enjeu particulièrement crucial au regard des engagements de la France. Notre mission s'est penchée sur la question des nuisances causées par le trafic de poids lourds, et notamment le trafic sur le réseau secondaire, qui peut causer des situations particulièrement difficiles pour les riverains. Ceux qui me connaissent sauront qu'il s'agit d'une préoccupation qui m'est chère, mais que de nombreux autres élus partagent, à commencer par notre président de commission. En effet, le report sur le réseau secondaire de poids lourds qui devraient emprunter le réseau autoroutier engendre de nombreuses difficultés pour les collectivités et les habitants concernés. Les externalités négatives sont multiples : pollution atmosphérique, augmentation du nombre d'accidents et insécurité, congestion routière, dégradation de voies qui ne sont pas adaptées, nuisances sonores, vibrations... la liste est longue.

Or, si les maires disposent du pouvoir de police de la circulation sur le territoire de leur commune, notre mission a entendu que la mise en oeuvre de mesures de restriction de circulation pour les poids lourds était en pratique particulièrement difficile à mettre en oeuvre pour les élus locaux. En effet, il existe un manque certain d'information et de clarté sur les critères spécifiques qui permettent de justifier des telles mesures, avec également une jurisprudence complexe et favorisant la liberté de circulation des marchandises. La préfecture du Cher nous a ainsi indiqué qu'il leur avait fallu 10 ans pour prendre un arrêté sur un tel itinéraire de fuite.

La mission a donc considéré qu'il fallait sans attendre renforcer l'information et les pouvoirs des élus locaux. Nous proposons tout d'abord d'informer les maires, par le biais d'une circulaire, du cadre juridique précis et de la jurisprudence applicable à cette situation afin de faciliter leur action. La mission d'information appelle également à ce que l'État cartographie au niveau national tous ces itinéraires de fuite, afin qu'ils soient officiellement reconnus. À partir de cette cartographie, nous proposons de prévoir que pour chaque itinéraire, le préfet doive engager une consultation avec tous les acteurs pour trouver des leviers de réduction de nuisances. Ce nouveau cadre permettrait d'assurer qu'agir face aux nuisances devient la règle et non plus l'exception.

En complément de cette mesure, si la concertation prévue n'aboutit pas, nous proposons enfin de mettre en place un nouveau zonage, des « zones de réduction des nuisances liées au transport routier de marchandises », dont le cadre juridique serait, suivant des modalités adaptées, inspiré des ZFE. Les ZFE sont fondées uniquement sur le critère de la qualité de l'air, ce qui ne correspond aux besoins de terrain de ces populations rurales qui sont soumises à ces nuisances. Ainsi, les zones de réduction de nuisances seraient-elles basées sur un ensemble de critères, qui permettraient aux élus de pouvoir mieux protéger leurs populations.

Enfin, nous souhaitons plus généralement que cette action soit accompagnée d'un renforcement des sanctions et d'une augmentation des contrôles. Je prends pour exemple mon département, où ce sont 800 procès-verbaux par année, pour 10 000 camions par jour, des procès-verbaux qui n'empêchent pas que les infractions se reproduisent. Ce renforcement des sanctions permettrait de lutter contre l'essor de pratiques illégales et dangereuses qui est observé sur le terrain, relatives au respect des restrictions de circulation, mais aussi du droit social européen en matière de transport de marchandises (repos des conducteurs, cabotage, etc.). Il s'agit là de lutter contre l'insécurité, mais aussi contre la concurrence déloyale.

Enfin, le quatrième axe sur lequel notre mission d'information a travaillé est celui du transport urbain, et des livraisons liées au e-commerce. La livraison dite du « dernier kilomètre » représente une partie non négligeable des émissions et des externalités négatives du transport de marchandises. Ainsi, à Paris et Bordeaux, 25 % des émissions de CO2 viendraient des poids lourds et des véhicules utilitaires légers (aussi appelés VUL) utilisés pour ces livraisons. Le recours aux VUL s'est particulièrement accéléré avec la crise sanitaire que nous vivons, étant particulièrement adaptés par leurs tailles à de petites livraisons à domicile. Or, ces VUL, s'ils parcourent de moindres distances, sont fortement émetteurs : on estime à 3,7 milliards le coût social de la pollution induite par ces véhicules.

La mission d'information a donc considéré qu'il était pertinent d'agir sur la question de la logistique urbaine afin de maitriser son empreinte environnementale. Le premier levier identifié est l'amélioration de l'empreinte environnementale des VUL, à travers des changements de régulation et une accélération du verdissement. Ainsi, la mission d'information propose que les conducteurs de VUL utilisés pour compte d'autrui soient soumis à une obligation de formation initiale, qui comprendrait un volet relatif à l'impact environnemental de la conduite. Concernant le verdissement des motorisations, la situation des VUL est différente de celle des poids lourds, car l'électrification du parc est à la fois plus pertinente et plus accessible. Il parait donc nécessaire de renforcer le soutien à cette transition, et de prolonger le suramortissement pour l'achat d'un VUL fonctionnant à une motorisation alternative jusqu'à 2030.

Par ailleurs, la question de la planification logistique en milieu urbain est souvent revenue au cours de nos travaux comme un sujet d'attention, et un potentiel levier d'amélioration de la performance environnementale du transport de marchandises, y compris de la livraison du dernier kilomètre. La question du positionnement des entrepôts parait stratégique, tant pour encourager le report modal que pour limiter les distances des déplacements vers les zones urbaines. Il est également apparu que les collectivités se saisissent trop peu des questions de planification de la logistique, malgré les mesures qui y étaient dédiées dans la LOM. Nous proposons donc de favoriser la planification stratégique des plateformes logistiques au niveau local, notamment afin de faciliter la localisation d'entrepôts à proximité d'axes de transport massifié.

Enfin, notre mission a observé que le commerce en ligne connait un essor important depuis ces dernières années, une croissance évidemment renforcée par la pandémie. 1 milliard de colis sont désormais livrés chaque année en France. Or, le recours accru au e-commerce, avec l'atomisation des commandes et le raccourcissement des délais de livraison, aggrave l'empreinte environnementale de cette pratique. Sur ce point, notre mission a organisé une consultation en ligne, concernant la livraison liée au e-commerce et son empreinte environnementale, qui a récolté plus de 2 700 réponses, ce dont on peut se féliciter.

Les résultats de cette consultation sont édifiants. 93 % des personnes interrogées ont indiqué qu'elles s'estimaient insuffisamment informées des conséquences environnementales de la livraison lorsqu'elles effectuent un achat en ligne. Près de 90 % des personnes interrogées répondaient également qu'elles souhaiteraient avoir davantage le choix des modalités de livraisons, notamment le délai, le type de véhicule ou le lieu de livraison (chez soi ou point relais). Sur la base de nos travaux et de ces réponses, nous avons construit plusieurs propositions qui permettraient de maîtriser l'empreinte environnementale de ces livraisons et de sensibiliser le consommateur à cet enjeu.

Tout d'abord, nous considérons qu'il est nécessaire d'interdire l'affichage de la mention « ?livraison gratuite? » sur les sites de vente en ligne et la publicité portant sur la livraison gratuite. En effet, cette pratique donne l'impression que les livraisons n'ont aucun coût - y compris environnemental - et dévalorise l'acte de livraison. Ainsi, les entreprises devraient nécessairement communiquer le coût pour elles de la livraison lors de la facturation, dans un objectif de transparence.

La mission a également souhaité renforcer l'information et la capacité d'action du consommateur. Nous proposons donc que les livraisons proposées sur des sites en ligne renseignent leur bilan carbone, qui tiendrait compte de la localisation du produit, des délais de livraison proposés et du lieu de livraison, pour permettre au consommateur de moduler son choix de livraison. Le pendant de cette proposition est d'assurer que le consommateur puisse choisir des solutions de livraison plus « vertes », afin de favoriser des comportements vertueux. Nous considérons donc qu'il faut laisser le choix au consommateur entre plusieurs options de livraison, en matière de délai ou de lieu de livraison, pour favoriser le point relais.

Plus généralement, nous proposons de développer un label qui valoriserait les entreprises engagées dans des démarches de logistique vertueuse (transport massifié ou décarboné), y compris pour le dernier kilomètre.

Vous l'aurez compris, chers collègues, la transition écologique du transport de marchandises est une problématique qui dépasse largement la question d'électrifier tout le parc. Il n'y a pas de panacée, pas de solution miracle qui permettra de tout résoudre. Au contraire, nous n'avons voulu écarter aucune piste, et actionner tous les leviers possibles afin d'enclencher une véritable dynamique pour un transport plus sobre, plus massifié, plus responsable. Je vous rappelle que, d'après le Haut Conseil pour le climat, le secteur des transports est le seul secteur en France dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis les années 1990.

L'enjeu est donc de taille. La décarbonation du transport de marchandises nécessite à la fois de la lucidité, pour ne pas punir les transporteurs sans les accompagner, et de l'ambition, pour relancer les modes massifiés et transformer durablement cet écosystème. Nos 40 propositions ont été pensées avec cet équilibre en tête, qui nous a paru plus que jamais nécessaire pour faire avancer la France et réussir sa transition écologique.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci aux rapporteurs. Pendant plusieurs mois, vous avez effectivement fait un travail remarquable qui permet d'apporter un plus aux travaux que nous menons sur la loi climat. Bravo pour cette réalisation.

Je vais donner la parole à Monsieur Fernique. 

M. Jacques Fernique. - Merci monsieur le président. Effectivement cette mission d'information animée par Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau a été particulièrement positive, je dirais, à deux titres.

D'abord parce qu'elle a permis effectivement par la succession de très riches et éclairantes auditions de bien prendre la mesure des enjeux, des freins, des leviers, et des options différentes. Ensuite parce que la quarantaine de propositions qui en découlent sont pertinentes et consensuelles, sans être molles pour autant.

Nous nous retrouvons dans les principales orientations qui se dégagent de ce rapport. Tout d'abord, la nécessité d'un important rehaussement des investissements pour régénérer les modes ferroviaires et fluviaux, de façon à permettre un important report modal, à la hauteur des objectifs aujourd'hui affichés. Ensuite, la volonté de s'attaquer résolument et méthodiquement aux flux de poids lourds indésirables qui impactent des territoires, sur des axes secondaires qui ne sont pas faits pour ce transit. Nous nous retrouvons également dans le choix de structurer et de sécuriser la trajectoire de décarbonation des véhicules ; il faudra d'ailleurs veiller à ce que cette mutation industrielle soit accompagnée d'un volet de sécurisation sociale, de formation, d'adaptation pour que ce progrès ne se solde pas par un désastre pour l'emploi pour certains territoires et pour toutes les filières amont et aval. Nous nous retrouvons enfin dans la position responsable et non démagogique sur la fiscalité du transport de marchandises, avec des propositions de cohérence, d'efficience et d'efficacité. Je fais le voeu que le débat à venir sur l'article 32 de la loi climat soit animé par le même esprit.

Nous avons juste une réserve pour l'instant sur la proposition n° 20 qui porte sur l'avenir de la taxe à l'essieu dans les négociations sur l'Eurovignette, proposition sur laquelle nous avons besoin d'approfondir notre réflexion.

Enfin, je salue la volonté de réguler la logistique urbaine pour en finir avec les abus et les nuisances, amplifiées par la désorganisation, et d'agir sur les pratiques commerciales et les consommateurs pour qu'ils évoluent de façon plus responsable. Au final, vous l'aurez compris, en remerciant les deux co-rapporteurs de cette mission, notre vote sera positif.

M. Jean-François Longeot, président. - Les rapporteurs souhaitent-ils apporter des précisions par rapport à ce qui a été dit par Monsieur Fernique ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Je voudrais remercier notre collègue Jacques Fernique d'avoir d'abord assisté à la plupart des réunions et auditions de notre mission ; il y a apporté sa pierre à l'édifice. Merci de saluer ce consensus que nous avons pu ressortir de ces préconisations. Concernant la taxe à l'essieu, effectivement, nous avons prévu de la supprimer, dans la mesure où l'éco-contribution serait mise en place. Mais il va de soi que nous ne pouvons pas non plus punir les transporteurs en permanence, il faut aussi les accompagner et soulager leur fiscalité.

Si nous mettions en place une éco-contribution, je ne serais pas nécessairement favorable à une éco-contribution régionale, mais plutôt à une éco-contribution sur tous les trafics de transits, notamment nord-sud, qui traversent notre pays sans apporter leur obole pour refaire nos routes, nos infrastructures. Nous savons que ce n'est pas une chose facile, compte tenu des règles européennes, mais il serait important de pouvoir cibler cette éco-contribution pour ceux qui polluent le plus et qui ne consomment rien sur notre territoire national.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Concernant la taxe à l'essieu, c'est donc une obligation européenne dont on a considéré qu'elle était assez inefficace puisque son rendement est faible, son coût de recouvrement est élevé, et qu'elle n'est pas modulable selon les coûts externes environnementaux des véhicules. La mission a considéré que sa suppression permettrait justement de mettre en place une fiscalité qui pourrait être plus lisible et plus juste ; c'était le sens de nos travaux et j'imagine bien que dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », au regard des propositions qui sont faites sur l'éco-contribution ou écotaxe, le volet fiscal viendra évidemment en discussion. En tout cas, voilà la position de notre mission, concernant la proposition n° 24.

M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Je me permets un ajout, car j'ai l'impression que soit notre rapport est complet et donc il n'y a pas d'observations et je m'en réjouis, soit, nous n'avons peut-être pas été assez loin, ce qui peut peut-être générer d'autres questions.

Un constat que j'ai pu faire au cours des auditions, c'est que beaucoup d'opérateurs ne croient plus au fret ferroviaire. De nombreux opérateurs nous ont dit : dans les conditions de la SNCF aujourd'hui, on ne peut pas travailler avec eux parce qu'ils ne sont pas assez souples : pour avoir des sillons, c'est d'une complexité sans nom, quand on veut faire des opérations sur le moyen terme, on nous demande d'avoir une vision sur 3 ans. Imaginez une coopérative céréalière qui doit assurer à la SNCF que pendant 3 ans, elle va livrer tant de marchandises : c'est impossible pour elle de prévoir les volumes qu'elle va livrer, compte tenu de la climatologie, etc.

Je pense qu'il faut que SNCF Réseau devienne une véritable entreprise. Quand je dis entreprise, je pèse mes mots : il faut qu'elle soit réactive, qu'elle soit beaucoup plus souple, qu'elle ne mette pas de pénalités aux entreprises si elles n'assurent pas le contrat prévu au départ.

Il faut également que l'on fasse un effort considérable sur la réhabilitation des embranchements ferroviaires. Il y a une partie de ces embranchements qui appartient souvent aux entreprises ; or, il faut savoir que le coût de rénovation d'un embranchement, c'est entre 500 000 et 1 million d'euros le kilomètre et que les entreprises préfèrent donc acheter des camions et en mettre plus sur les routes. Le problème est là, et SNCF Réseau doit se remettre en question.

Aujourd'hui, on peut difficilement dire qu'il n'y a pas suffisamment de sillons : il y a de moins en moins de trains de voyageurs, de moins en moins de TER dans un certain nombre de régions. Il faut donc que SNCF réseau devienne une véritable entreprise pour essayer de réagir à cette volonté de doubler le fret ferroviaire. Nous sommes à 9 %, notre objectif serait de passer à 20 %  et pour cela, il y a encore du chemin à faire.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci, monsieur le rapporteur. Au début de votre propos, vous avez dit que soit il n'y avait pas de question parce que ça s'est bien passé, soit que vous n'étiez pas allé assez loin, vous avez oublié un troisième « soit », c'est peut-être que votre rapport est excellent !

C'est pour ça qu'il y a peu de questions ; non seulement vous avez été très bon, mais en plus il y a eu un travail très collectif comme vous l'avez dit tout à l'heure, les membres de la mission ont vraiment participé, sont venus aux rencontres, aux réunions. Il s'agit de la juste récompense d'un travail de grande qualité qui a été fait pendant plusieurs mois sur ce dossier.

Effectivement, on ne fera pas de fret sans SNCF Réseau, c'est évident, et je crois qu'il faudra qu'on puisse les voir dans des délais rapprochés pour connaître leurs intentions, leurs ambitions et savoir comment au moins doubler la part modale du rail.

Je donne la parole à Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. - Moi aussi, monsieur le président, je voulais reprendre ce vous venez de dire. S'il n'y a pas de questions ou d'observations majeures, c'est parce que vous avez balayé l'ensemble du sujet, vous êtes allé au fond avec des propositions très concrètes et pleines de bon sens, partagées, c'était souligné par notre collègue, par tous.

Je voulais donc simplement vous remercier pour la qualité de votre travail et dire que c'est un peu la marque de fabrique du Sénat, mais aussi de notre commission d'être, sur des sujets très techniques, pragmatiques, et de les aborder avec beaucoup de bon sens. Je voudrais d'ailleurs faire le lien avec la mission qui avait été conduite par Martine Filleul et Michel Vaspart sur les ports, puisqu'il y a un lien évident avec les questions d'infrastructures ferroviaires soulevées dans le cadre de ce travail.

Le Gouvernement devra bien sûr remercier la commission et les rapporteurs pour ce travail juste avant le projet de loi « Climat et résilience », dans lequel j'espère, on retrouvera un certain nombre de ces recommandations traduites sous forme d'amendement. C'est rendre un grand service à la collectivité au sens large et à notre pays de travailler sur le fond. Afficher des objectifs, c'est bien, présenter des stratégies nationales, c'est très bien, mais le Sénat fait le travail de fond pour aider le Gouvernement à prendre des décisions.

Nous verrons si ce travail se traduit concrètement, avec des avis favorables du Gouvernement sur un certain nombre de propositions dans le texte. Afin d'atteindre l'objectif de doubler la part du transport ferroviaire, vous avez défini toutes les recommandations à prendre en compte, donc merci pour ce travail qui nous aidera tous.

M. Jean-François Longeot, président. - En effet, je souhaite vraiment qu'au regard de l'esprit qui a prévalu dans le cadre des travaux de cette mission d'information, on ait le même climat de travail dans la loi, sans faire de mauvais jeu de mots, « Climat et résilience ». J'émets le souhait qu'un esprit d'avancer, de proposer nourrisse nos travaux sur le projet de loi.

Je donne la parole à monsieur Jacquin.

M. Olivier Jacquin. - Cher président, j'étais en commission des affaires sociales, pour défendre une proposition de loi sur l'« uberisation » et si je défends ce sujet important des travailleurs des plateformes, c'est parce que nous avions travaillé dans la loi d'orientation des mobilités sur ces fameuses chartes que nous avions supprimées à l'unanimité.

Concernant cette mission d'information sur le transport de marchandises, je tiens vraiment à saluer la qualité du travail des auditions et l'écoute mutuelle qui a prévalu dans cette mission pour intégrer un maximum de propositions. Je salue notamment ma collègue Nicole Bonnefoy pour ses recherches de solutions afin de limiter les effets catastrophiques des fuites de camions sur les petites routes et cette idée de zones dans lesquelles on pourrait expérimenter des dispositifs pour les éviter, à l'image des ZFE,est excellente.

Je voudrais pour ma part relever trois points, en complément des excellentes propositions de la mission. Je ne sais pas si vous êtes abonné à la Mobilettre de Gilles Dansart, mais hier il a publié le rapport sur les trains d'équilibre du territoire. Ce rapport avait été demandé dans la loi d'orientation des mobilités, il devait être fourni en décembre 2020, et ne l'avait jamais été. C'est grâce à la presse libre que ce rapport a été rendu public hier. Pourquoi j'en parle ? Parce que sur le fret ferroviaire, oublié de la loi « Climat et résilience », très présent dans cette mission d'information, il avait été demandé au Gouvernement dans la loi d'orientation des mobilités de se pourvoir d'une stratégie fret qui au final sera dévoilée après la loi « Climat et résilience ».

Je salue également les rapporteurs qui ont intégré mes dernières propositions dans le rapport, notamment sur le fret ferroviaire, qui consistent, en plus d'inciter SNCF Réseau à améliorer la qualité des sillons et la qualité de service, à intégrer une remarque qui révèle le fait que pour SNCF Réseau, faire circuler un train de marchandises crée du déficit.

En effet, le prix des sillons est très faible et insuffisamment compensé par le Gouvernement, en dépit de ses injonctions politiques à multiplier le fret ; plus il y aura de fret ferroviaire, plus SNCF Réseau sera en situation déficitaire. Il nous faut absolument résoudre ce problème. J'ai ainsi dit à Rémy Pointereau, car nous sommes tous deux collègues agriculteurs, qu'il s'agit d'une situation similaire à celle des protéagineux. Même si le Gouvernement appelle à cultiver des protéagineux, si la marge brute annuelle est déficitaire en protéagineux, les agriculteurs continueront à cultiver de la betterave. Pour SNCF Réseau, la situation est identique.

Concernant les villes et notamment les véhicules utilitaires légers, il y faut également avoir ce sujet en ligne de mire : le VUL est un cheval de Troie qui vient déstructurer le transport de marchandises. En effet, lorsque vous êtes dans un VUL vous n'êtes pas soumis au chronotachygraphe, vous n'êtes pas soumis aux horaires de circulation, vous pouvez par exemple pénétrer dans les villes le dimanche. Une proposition de l'excellent rapport de Damien Pichereau à l'Assemblée nationale avait consisté à dire qu'il conviendrait d'identifier par une signalétique les VUL utilisés pour le compte d'autrui afin de pouvoir les contrôler. En effet, la difficulté avec les VUL est qu'il est difficile de faire la différence entre la camionnette du plombier local de celle du chauffeur hongrois qui vient éclater le fret d'un poids lourd à l'entrée d'une ville pour le diffuser partout avec des véhicules extrêmement polluants.

Enfin, j'aurais une dernière remarque sur ce qui doit être la responsabilité des transporteurs directement et ce qui doit être remonté au niveau des donneurs d'ordre et des chargeurs. Là aussi, il faut que nous trouvions des solutions pour répartir les charges et les responsabilités correctement tant en matière d'écotaxe ou d'éco-contribution que pour le transport du dernier kilomètre des plateformes telles Amazon qui risquent de venir saturer nos villes et nos réseaux de transport déjà bien congestionnés.

Voici ma petite contribution finale, en guise d'applaudissements et de félicitations pour ce travail intéressant de la part de Rémy Pointereau et de Nicole Bonnefoy, je vous remercie.

M. Jean-François Longeot, président. - S'il n'y a plus de questions, je vais mettre aux voix le rapport de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux.

Y a-t-il des oppositions ?  Je n'en vois pas,

y a-t-il des abstentions ? Je n'en vois pas non plus.

Le rapport est adopté à l'unanimité. Bravo à vous deux pour le travail fait, et merci à tous les collègues qui se sont engagés depuis plusieurs mois et qui ont enrichi par leurs propositions ce rapport.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Je remercie tous les collègues pour leurs propos très positifs, qui nous touchent. Comme d'habitude au Sénat, nous allons évidemment déposer des amendements au nom de la mission dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience ».

En termes de communication, un essentiel sera disponible ; chacun pourra s'appuyer sur ce document et le diffuser. Une infographie a également été réalisée par la direction de la communication du Sénat, que je vous invite à consulter.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour ces informations, il est en effet important que vous puissiez en tant que rapporteurs communiquer sur ce sujet. Localement nous pouvons le faire, mais je crois qu'au niveau national, c'est à vous de le faire.

La réunion est close à 10 h 45.

La réunion est ouverte à 11 h 30.

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

Groupe de travail « Alimentation durable et locale » - Examen du rapport d'information

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Chers collègues, l'ordre du jour de nos deux commissions appelle l'examen du rapport de notre groupe de travail commun intitulé « Alimentation durable et locale », piloté par six sénateurs de nos deux commissions : Frédéric Marchand, Laurent Duplomb, Kristina Pluchet, Anne-Catherine Loisier, Daniel Gremillet et Hervé Gillé.

Pour mémoire, notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait mis en place le 22 avril 2020, dans le contexte du premier confinement lié à l'épidémie de Covid-19, un groupe de travail sur l'alimentation durable et locale en lien avec les enjeux écologiques et d'aménagement du territoire. Ce groupe était initialement animé par Frédéric Marchand et notre ancienne collègue Nelly Tocqueville. Le 15 juillet, nous avons entériné la prorogation de ce groupe de travail, avec une reprise des travaux à l'automne. Le 21 octobre, la composition du groupe de travail a été mise à jour à la suite du renouvellement sénatorial. Trois sénateurs ont été désignés pour notre commission : Frédéric Marchand, Kristina Pluchet et Hervé Gillé. En outre, un élargissement de ce groupe rendu commun avec la commission des affaires économiques compétente pour le secteur agricole et de l'alimentation a été décidé. Le 9 novembre, nos trois collègues de la commission des affaires économiques ont été désignés : Anne-Catherine Loisier, Laurent Duplomb et Daniel Gremillet.

Nous entendrons les rapporteurs pour la présentation de leur travail et de leurs propositions qui pourront trouver une traduction législative concrète dans le cadre de l'examen des prochains projets de textes au Sénat : je pense en particulier au projet de loi Climat et résilience et au projet de loi 4D.

Je souhaitais au préalable souligner combien il me semble intéressant, pour nos deux commissions, de travailler ensemble et de mettre en commun nos expertises. Depuis une vingtaine d'années, l'alimentation est revenue au coeur des débats politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels et la crise sanitaire a éclairé d'un nouveau jour les liens entre alimentation, santé, environnement et souveraineté. Face à des enjeux si transversaux, mobiliser toutes les bonnes expertises et toutes les bonnes volontés me semble plus que jamais nécessaire.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - L'agriculture et l'alimentation sont des sujets très souvent débattus, avec beaucoup d'engagements, au Sénat. Les multiples initiatives législatives, les rapports de contrôle pilotés par des groupes de travail communs entre commissions, les rapports de délégations ou ceux des missions d'information issues d'un droit de tirage et les débats en séance nous permettent de faire entendre nos voix auprès du Gouvernement, des Français et de ce secteur économique extrêmement important pour notre pays.

Notre originalité réside dans le fait d'arracher du consensus transpartisan pour une vision qui nous semble équilibrée, mais néanmoins volontariste et exigeante, à la fois sur nos modèles agricoles et nos modèles alimentaires. Dans cette perspective, les rapporteurs de nos deux commissions ont travaillé. Il existe sans doute quelques légers désaccords entre nous sur certains sujets, mais il me semble que les rapporteurs ont réussi à se retrouver ici sur une vision politique commune, traduite dans ce rapport opérationnel pour une alimentation plus durable et plus souveraine. Ce sujet le mérite.

Je suis persuadée que ces travaux transpartisans et transcommissions sont la marque du Sénat. Je me permets d'ores et déjà de féliciter les rapporteurs pour le travail accompli.

M. Frédéric Marchand. - Je souhaiterais avant tout remercier l'ensemble de mes collègues membres de ce groupe de travail commun à nos deux commissions. Ce format nous a permis d'aboutir à des propositions fortes, mais néanmoins consensuelles. Cette expérience de travail en commun me paraît intéressante et pourrait être reproduite pour des sujets d'intérêt commun pour nos deux commissions.

Je me réjouis d'autant plus de cet aboutissement que ce sujet de l'alimentation durable et locale est redevenu une priorité avec la crise sanitaire : nous avions émis l'idée de nous y intéresser dès le premier confinement du mois de mars 2020 lié à l'épidémie de la Covid-19, avec Nelly Tocqueville.

Au total, le groupe de travail a procédé à une petite trentaine d'auditions, entre avril 2020 et mars 2021.

Le rapport que nous examinons constitue une synthèse de cette matière issue des auditions mais aussi le fruit d'échanges approfondis entre rapporteurs. Nos propositions reposent sur plusieurs convictions et je souhaite souligner les notions de « durabilité » et de « localisme », qui renvoient aux pratiques visant à nous nourrir avec des produits sûrs et de qualité, accessibles en proximité et économiquement, rémunérateurs pour le producteur, en quantité suffisante et dans le respect de l'environnement, créant des opportunités à saisir pour retisser du lien social dans tous les territoires, redynamiser le tissu commercial des petites et moyennes villes et relancer un cycle d'aménagement du territoire au service de nos besoins primaires.

La situation actuelle de notre agriculture repose sur un paradoxe : le modèle agricole français est sans doute le plus durable au monde, selon plusieurs classements internationaux, mais nous avons tout de même des progrès à accomplir. Il est important de rappeler la très haute qualité de notre modèle, notamment par rapport à nos concurrents, en termes d'utilisation des ressources terrestres, d'émissions de gaz à effet de serre, de consommations d'engrais et de pesticides ou encore de gaspillage alimentaire.

La crise sanitaire a mis en lumière certaines vulnérabilités dans nos systèmes alimentaires et permis de rappeler l'importance de l'objectif de « résilience ». Cette question de la résilience rejoint celle de la durabilité qui ne peut s'apprécier qu'au croisement des problématiques économiques, environnementales et sociales.

Plusieurs propositions de notre rapport s'inscrivent dans ces objectifs de renforcer la dimension territoriale de notre politique alimentaire, en corrigeant certaines de ses faiblesses tout en consolidant ses forces. Je pense au renforcement de la diversité des cultures, à la nécessité de protéger les pratiques trompeuses en définissant mieux les produits locaux, ce qui accompagnera, au reste, leur essor, à la nécessité de donner aux collectivités territoriales une véritable capacité d'action et des moyens pérennes pour structurer et soutenir les filières agricoles et les industries de transformation locales, ce qui mériterait, à mon sens personnel, d'engager une réflexion pour envisager la création d'un statut « d'autorités organisatrices de l'alimentation » dans les territoires, avec des modalités de dévolution souples et adaptatives de cette compétence sur le modèle de ce qu'a prévu le législateur dans le domaine des transports avec la loi d'orientation des mobilités. Je pense au cadre juridique des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui devrait être renforcé, à la poursuite de la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l'impérieuse nécessité de faire naître un véritable affichage sur l'origine des produits, qui compléterait utilement l'affichage environnemental prévu par le projet de loi « Climat et résilience ».

Un autre point est essentiel : nous devons renforcer la transparence nationale et locale sur les circuits alimentaires en permettant aux collectivités territoriales d'imposer aux acteurs économiques la transmission d'informations utiles pour la définition de leur politique alimentaire, dans le respect du secret des affaires.

Le levier du foncier est également déterminant et nous devons avancer sur le chemin d'une évolution du cadre législatif pour mieux inciter la transmission des exploitations à de jeunes agriculteurs. Plusieurs initiatives ont été lancées, notamment via des propositions de loi.

M. Laurent Duplomb. - Notre modèle alimentaire ne sera durable que s'il allie trois éléments fondamentaux : l'économie, à travers la prise en compte des charges et de la compétitivité, le social, à travers l'acceptabilité des acteurs, et l'écologie, avec un débat plus apaisé.

La condition première pour trouver cet équilibre, c'est la souveraineté de ce modèle. Or vous connaissez ma conviction en la matière : notre souveraineté alimentaire n'a jamais autant été menacée.

J'en veux pour preuve quelques chiffres très simples qu'il faut marteler : près de la moitié des fruits et légumes, des agneaux et des poulets consommés par les Français sont importés ! L'importation représente 22 % de notre consommation de viande bovine, 30 % pour les produits laitiers, 26 % pour le porc. Notre consommation est couverte à 70 % par des importations pour le miel et à 63 % pour les oléoprotéagineux à destination de nos élevages. Je crois qu'on ne mesure pas, pour nos parents, le choc que représentent ces chiffres. Or, moins de souveraineté alimentaire aboutit à un alourdissement de l'empreinte environnementale de notre modèle alimentaire, car une denrée importée a évidemment un bilan environnemental plus lourd par un effet transport. 77 % du trafic généré par l'alimentation des ménages français est induit par les importations et 53 % des émissions de gaz à effet de serre du transport de denrées alimentaires sont imputables aux denrées importées.

Il faut également prendre en compte les divergences des pratiques agricoles : si nous importons des denrées de pays moins-disant par rapport aux normes françaises, le bilan environnemental global pour la planète est évidemment négatif. Or l'immense majorité des principaux pays fournisseurs de denrées alimentaires pour la France a des indicateurs environnementaux dégradés en matière agricole, sans parler du Brésil, où près de la moitié des substances actives autorisées sont interdites en France. Les taux d'utilisation de pesticides à l'hectare sont bien supérieurs en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas qu'en France selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies (FAO). Le point faible de la France, dans le classement de The Economist, concerne la gestion des eaux, car son empreinte eau est expliquée, selon World Wide Fund for Nature (WWF), pour moitié par les denrées importées.

La souveraineté ne s'oppose pas à l'environnement : au contraire, elle en est une condition.

Nous formulons plusieurs propositions sur ce volet.

Le premier axe concerne la reconquête des parts de marché laissées aux produits importés dans certaines filières. Nous proposons la mise en place d'une stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire, l'État s'engageant aux côtés des filières à mettre en place les outils pertinents pour combler nos déficits alimentaires. Un observatoire de la souveraineté alimentaire pourrait être mis en place pour rassembler les informations sur cette question essentielle.

La stratégie protéines de 100 millions d'euros du Gouvernement doit être renforcée. Les montants du plan annoncé par le Gouvernement semblent insuffisants puisque 60 millions d'euros de demandes ont été émis pour des aides à l'investissement alors que l'enveloppe ne s'élevait qu'à 20 millions d'euros. Une redéfinition de cette enveloppe doit donc être envisagée.

Il convient également de traiter le sujet de la compétitivité de la Ferme France : un véritable plan ciblé de réduction des impôts de production et des charges sociales de l'amont agricole comme de l'industrie agroalimentaire doit être mis en oeuvre, ce qui requiert de porter un discours d'harmonisation des pratiques culturales au niveau européen et non au seul niveau français, chaque surtransposition étant par nature contre-productive en matière de souveraineté.

Le deuxième axe a un aspect plus défensif : nous devons nous protéger des importations ne respectant pas les normes minimales requises en France. Le Sénat est à la pointe de ce combat depuis l'article 44 de la loi Egalim. Plus récemment, à l'initiative de la présidente Primas dans la loi Betteraves, le Sénat a donné la faculté au ministre chargé de l'agriculture d'interdire les importations de denrées alimentaires ne respectant pas nos normes. Nos appels ne sont toutefois pas entendus, comme le montre l'affaire en cours sur les graines de sésame indiennes. Nos contrôles ne sont pas efficaces, car ils sont insuffisants, pour ne pas dire inexistants. Et quand ils existent, ils ne s'inquiètent pas de la présence de deux tiers des substances interdites en Europe. Notre proposition en la matière est très volontariste : au niveau de l'Union européenne, que la France présidera au premier semestre 2022, la lutte contre les importations déloyales doit devenir une priorité, en mettant en place une DGCCRF européenne pour réaliser des contrôles harmonisés, en renforçant les contrôles dans les pays tiers et en conditionnant la signature de traités à des clauses miroirs et environnementales.

Au niveau français, nous pouvons d'ores et déjà augmenter les moyens des contrôles réalisés par la DGCCRF et la DGAL et déclencher, au besoin, le pouvoir du ministre d'interdiction des importations posant des difficultés au titre de l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime.

Mme Kristina Pluchet. - Renforcer la durabilité de notre alimentation implique de renforcer la durabilité de notre modèle agricole. Trois défis sont à relever pour que notre agriculture soit plus forte.

Le premier défi est celui du revenu. Aucune profession ne peut perdurer sans juste rémunération : tous les leviers doivent être activés pour mener une politique globale favorable au revenu de l'agriculteur. Ce dernier est constitué à 37 % de la consommation alimentaire des ménages, à 27 % de l'exportation, à 30 % de subventions et à 7 % des produits de la diversification des activités, selon les dernières données de l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Revaloriser le revenu de l'agriculteur doit motiver, avant tout, un cadre de la politique agricole commune juste, n'opposant pas les filières entre elles et ne pénalisant pas celles rencontrant déjà de grandes difficultés. Ceci passe aussi par un constat clair : au regard de son objectif que les prix de vente couvrent les coûts de production de l'exploitant, la loi Egalim est un échec. Il convient donc de la réformer avec ambition, sans se contenter de demi-mesures.

Le second défi est celui de l'adaptation au changement climatique. L'accroissement de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes pénalisent, au premier chef, nos exploitations. Le dramatique épisode de gel du mois d'avril 2021 qui a touché un nombre très important de nos départements a rappelé cette fragilité. Les données de Météo-France ou du BRGM ne sont pas rassurantes en la matière : la surface française touchée chaque année par les sécheresses a doublé entre 1970 et aujourd'hui, les sécheresses se faisant plus fréquentes. Depuis 2015, en effet, au moins une région a connu une sécheresse chaque année. Météo-France estime par ailleurs que le nombre des tempêtes extrêmes a augmenté de 20 % dans le sud-est de la France depuis les années 1950. La résilience des exploitations face à ce changement climatique doit être un impératif par une action sur deux volets : la prévention, d'une part, pour limiter l'exposition en s'appuyant sur des technologies déjà existantes et une meilleure gestion des eaux et en investissant dans la recherche pour ne fermer aucune porte ; l'indemnisation, d'autre part, afin d'avoir un système juste, basé sur une logique assurantielle pour les risques assurables et recourant à la solidarité nationale pour les risques non assurables compte tenu de leur ampleur.

Le troisième défi est celui du renouvellement des générations. Aujourd'hui, un tiers des départs à la retraite ne sont pas couverts chaque année, entraînant une chute mécanique du nombre d'exploitants. Or un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans et partira à la retraite dans moins de dix ans. Si cette tendance n'est pas infléchie, 50?000 exploitations fermeront leurs portes en 10 ans. Il importe d'agir au plus vite en avançant sur le chemin d'une évolution du cadre légal afin de mieux inciter à la transmission et de faire en parallèle de l'enseignement agricole le coeur de cette transition.

La durabilité de notre modèle agricole dépend enfin de l'accompagnement de l'évolution des pratiques qui doit intervenir de manière pragmatique, par l'innovation et non l'injonction, au risque d'augmenter nos importations en sacrifiant notre agriculture. L'agriculture évolue, mais elle a des contraintes : le temps des cultures, mais aussi des contraintes agronomiques, économiques et financières. Nous proposons d'accélérer la recherche d'alternatives à certains produits, notamment par le biocontrôle, d'accompagner le déploiement de certaines pratiques comme la certification environnementale, l'agriculture biologique, l'agriculture de conservation et les produits sous signes de qualité, mais aussi de porter nos efforts sur l'utilisation de matériel agricole ou d'instruments de mesure permettant d'ores et déjà de réduire les quantités épandues. À cet égard, la prime à la conversion, proposée par le Sénat et mise en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre du volet agricole de 1,2 milliard d'euros du plan de relance, a rencontré un franc succès : l'enveloppe étant déjà quasi épuisée, il convient de la pérenniser.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Ce rapport nous a permis d'évoquer la question des importations sur notre sol et de l'empreinte carbone qui en résulte. La problématique de la déforestation importée est majeure, car elle recouvre à la fois les émissions de gaz à effet de serre que nous importons en faisant venir des biens et services produits en dehors de notre sol et l'érosion de la biodiversité qui en résulte. Les chiffres sont alarmants : les forêts mondiales ont vu leur superficie diminuer de 129 millions d'hectares en 25 ans et ce phénomène de déforestation contribue à hauteur de 11 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Une perte annuelle de 7 millions d'hectares de forêts a été observée entre 2000 et 2010, pour un gain net de superficie agricole de 6 millions d'hectares par an.

Le projet de loi « Climat et résilience » comporte plusieurs dispositions pour mieux cerner la traçabilité des produits et élaborer une stratégie nationale de lutte, mesures qui sont traitées au fond par le rapporteur Pascal Martin. Nous étudions la possibilité d'apporter des ajustements pragmatiques et des engagements spécifiques au devoir de vigilance des entreprises, mais aussi de créer un indicateur spécifique qui consisterait en un plafond indicatif des émissions liées à la déforestation importée par période, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Peu de données sont actuellement disponibles.

Parallèlement à ces éléments de droit, qui permettront de renforcer concrètement la prévention de la déforestation, nous devons poursuivre le mouvement, initié depuis plusieurs années et amplifié par le plan de relance, pour reconstituer une capacité de production nationale de protéines végétales, en particulier pour l'alimentation animale, en veillant à ne pas opposer les filières végétales et animales, mais bien en jouant des complémentarités. Le plan de relance prévoit de mobiliser 100 millions d'euros à cet effet et pose un objectif de doublement des surfaces légumineuses d'ici 2030 en France, soit un passage de 4 à 8 % de la surface agricole utile (SAU). Ce premier pas devra être amplifié et le déploiement de ce plan devra être accompagné par un soutien technique d'ampleur aux acteurs économiques via France AgriMer.

Le second sujet concerne la création d'un chèque nutritionnel, qui constitue un levier majeur pour soutenir la demande en produits locaux et de qualité. Le Président de la République a indiqué y être favorable lors d'une rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Depuis, plusieurs organisations professionnelles ont soutenu cette idée et des propositions de loi ont déjà été déposées à l'Assemblée nationale. Pendant la crise sanitaire, l'État a financé des chèques services pour l'achat de produits alimentaires pour les personnes sans domicile à hauteur de 15 millions d'euros. Le projet de loi « climat et résilience » ne comporte qu'une demande de rapport du Gouvernement au Parlement à l'article 60 bis, sur ce sujet, et ce projet n'aboutirait pas avant le budget pour 2022. Nous soutenons cette initiative qui permettra de renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de valoriser notre marché agricole intérieur et d'orienter la demande vers des produits locaux et de qualité. Les modalités de mise en oeuvre doivent cependant être précisées, tant cette réforme a un potentiel structurel. Ce chèque alimentation aura vocation à limiter l'empreinte environnementale de notre alimentation en évitant le recours aux produits importés.

Enfin, s'agissant de la restauration collective, nous devons impérativement reconquérir les parts de marché perdues par nos produits. Nous aurons l'occasion de rentrer dans les détails techniques lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » dans deux semaines. Notre rapport propose d'étendre à la restauration collective privée les obligations créées pour la restauration collective publique par la loi EGALIM, comme le préconise le projet de loi Climat. Nous proposons également de promouvoir une évolution des règles en vigueur au niveau européen afin de privilégier les approvisionnements locaux. Enfin, nous proposons d'élargir la liste des produits à privilégier dans la restauration collective à d'autres produits répondant à des critères locaux et de durabilité, par exemple ceux dont la production et la distribution seraient structurées dans le cadre d'un projet alimentaire territorial, même s'il faut avoir conscience que des difficultés juridiques peuvent se poser en la matière.

M. Daniel Gremillet. - Un autre enjeu de durabilité consiste à mieux connecter le producteur, le transformateur et le consommateur.

Lors de la signature du traité de Rome, il a été demandé aux agriculteurs français de remplir une mission essentielle et stratégique : nourrir le peuple européen au sortir de la guerre, sans dépendre d'autres pays. Aujourd'hui, à l'heure où il est demandé aux agriculteurs de réaliser de considérables efforts pour répondre à de nouvelles exigences du citoyen, il faut se souvenir de leur succès à remplir cette mission historique : s'ils ont déjà réussi cela, je suis certain qu'ils parviendront à relever tous les défis qui s'imposent à eux. Pour accompagner ce mouvement, le consommateur doit lui aussi traduire ses préférences citoyennes dans ses actes d'achat. La part de l'alimentation dans le budget des ménages est passée de 30 à 17 % en 60 ans, sans doute moins encore selon certaines prévisions. L'enjeu consiste à recréer un lien entre le consommateur et son alimentation, ce qui passe par une meilleure information sur ce qu'il achète. Or un consommateur voulant acheter français ne peut le faire, car les règles européennes régissant les étiquetages l'interdisent pour préserver le marché unique, ce qui n'est pas acceptable.

Le règlement européen INCO de 2011 étant d'harmonisation maximale, un État membre ne peut imposer l'affichage du pays d'origine des ingrédients principaux d'une denrée alimentaire. La France a voulu faire bouger les lignes : depuis la loi Sapin 2, les parlementaires s'étaient mobilisés pour que la France expérimente un affichage sur l'origine du lait et une dérogation a été obtenue de Bruxelles. Cette expérimentation était plébiscitée par les consommateurs. Or, à l'initiative d'un industriel, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé il y a quelques semaines que, pour obtenir une dérogation à l'affichage du pays d'origine, la mesure devait être non seulement attendue par les consommateurs, mais également démontrer l'existence d'un lien entre l'origine d'un ingrédient et une qualité particulière. Autrement dit, si ce n'est pas un produit AOP ou IGP, rien ne peut être fait et l'étiquetage ne pourra mentionner qu'une « origine UE » ou une « origine hors UE ». Cette décision est de nature à accentuer l'éloignement entre des bureaux européens et les attentes des citoyens. Le marché unique ne s'oppose pas à ce qu'il y ait des spécificités nationales. Depuis, nous sommes dans une impasse juridique au niveau français. Nous proposons de porter urgemment le combat au niveau européen en appelant à une réforme d'ampleur de l'étiquetage des produits qui doit aboutir lors de la présidence française. Dans le cadre de cette réflexion, doivent être développées les pistes relatives à l'affichage des externalités positives et négatives d'un produit de consommation alimentaire, avec des méthodologies de calcul incontestable.

Si nous devons aider ceux qui veulent acheter français, nous devons aussi aider en parallèle ceux qui ont des difficultés à se nourrir à le faire. La précarité alimentaire reste d'actualité : sur ce volet, les associations caritatives réalisent un travail formidable sur l'ensemble de nos territoires via l'aide alimentaire. Des pistes proposées par la commission des affaires économiques en 2019 pour revoir la qualité des produits qui peuvent y être distribués ont permis de faire bouger les lignes ces derniers mois. Si la précarité alimentaire a un volet quantitatif, elle a également un volet qualitatif. Trop de ménages ne peuvent accéder à d'autres produits que ceux d'entrée de gamme, qui sont presque intégralement des produits importés. Ils ont encore plus de difficultés à acheter des produits AOP et IGP, biologiques ou fermiers. C'est le piège du tout haut de gamme promis à l'agriculture française qui peut se refermer sur nous : en réservant l'agriculture française à quelques-uns, nous en reléguons une grande partie à consommer des produits importés, sans pouvoir être sûrs qu'ils respectent les normes minimales requises en France.

Nos propositions en la matière sont claires : d'une part, travailler à une véritable éducation alimentaire de nos citoyens ; d'autre part, promouvoir un chèque alimentaire durable qui doit aider nos compatriotes les plus démunis à acquérir une alimentation plus durable, dépendant moins des produits importés. Les modalités restent à définir, sur le public éligible ou sur les produits à promouvoir, mais c'est une piste intéressante : il est essentiel que la France s'intéresse à la totalité de la consommation des Français. C'est d'ailleurs une proposition de la Convention citoyenne dont le Sénat doit s'emparer.

M. Hervé Gillé. - Je souhaiterais tout d'abord m'associer aux mots du président Longeot à l'attention de Mme Nelly Tocqueville, qui a entamé ces travaux. Mon intervention se concentre sur la dimension territoriale de notre politique alimentaire qui, de l'avis de l'ensemble des acteurs et organismes que nous avons consultés, gagnerait à être renforcée à travers une meilleure association des collectivités et par un recours accru à des leviers existants et facilement mobilisables : les projets alimentaires territoriaux et la commande publique.

La définition de la politique alimentaire repose principalement sur le Gouvernement, même si les régions sont mobilisées dans le cadre de l'attribution des fonds européens et que les départements ont développé leurs actions sur ce volet. En 2014, la « déclaration de Rennes » de l'association des régions de France avait marqué cette préoccupation avec force. Toujours en 2014, la création des projets alimentaires territoriaux (PAT) par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a enclenché une dynamique de territorialisation, que notre rapport appelle à soutenir et à amplifier.

À ce jour, il existerait plus de 200 PAT et 80 % des départements comptent au moins 1 PAT accompagné par l'État. La dynamique est enclenchée. Je rappellerai les deux objectifs qui avaient été fixés par l'État en 2016 : un PAT par département à fin 2017 et 500 PAT en 2020. Nous avons pris du retard sur cet objectif.

Nous formulons donc plusieurs remarques et propositions. Les PAT ne doivent surtout pas être réduits à la seule dimension « transition agroenvironnementale ». S'ils doivent y contribuer, il s'agit auparavant de contribuer à la structuration des filières locales de production, de transformation et de distribution, pour permettre une bonne valorisation des produits locaux, dans un double objectif de qualité et de compétitivité.

Nous nous sommes interrogés sur le fait de rendre obligatoire l'établissement d'un PAT par un niveau de collectivités. Nous pensons que le dispositif doit, du moins à ce stade, garder de la souplesse. Aujourd'hui, l'initiative de création d'un PAT peut être prise par tous les acteurs publics et privés concernés. Il nous paraît important de préserver cette ouverture, tout en fixant des objectifs de coordination et de maillage du territoire, afin d'éviter à terme des « zones blanches » de la politique alimentaire territoriale. À cet égard, il est important de ne pas polariser le dispositif des PAT sur les seules métropoles, sous peine d'aggraver nos fractures territoriales : les PAT doivent être un instrument de cohésion et d'équilibre territorial et non de subordination de la campagne à la ville.

Nous pensons donc que le déploiement des PAT doit être soutenu et nous proposons de mieux coordonner les initiatives territoriales dans un cadre qui reste à définir, mais qui doit demeurer souple. Nous pensons également qu'il est nécessaire d'assurer un financement d'au moins 80 millions d'euros par an pendant cinq ans, sur le modèle de ce que prévoit le plan de relance, et enfin de donner des moyens au réseau national des PAT pour accompagner ce déploiement. Ce réseau, qui existe déjà et est animé par Terres en villes, les chambres d'agriculture, des personnalités qualifiées et des élus, pourrait évoluer en Observatoire.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi « 4 D », il faudra également envisager de renforcer l'articulation entre le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et les plans régionaux d'agriculture durable (PRAD).

En outre, nous pensons que les futurs contrats de relance et de transition écologique (CRTE), dont le cadre sera précisé par le projet de loi 4 D, devront s'articuler avec les projets alimentaires territoriaux dans leurs composantes dédiées à l'autonomie alimentaire, à la transition et à la compétitivité agroenvironnementale.

Je terminerai en évoquant les leviers à mobiliser, pour permettre à nos collectivités territoriales de se saisir encore davantage de cette politique. Nous proposons une évolution du code des marchés publics pour sécuriser nos approvisionnements en produits locaux, évolution consistant à porter le seuil de passation des marchés de gré à gré à 80?000 euros et à permettre aux produits agricoles et alimentaires acquis dans le cadre d'un PAT de satisfaire aux objectifs posés par la loi EGALIM et bientôt par la loi « Climat et résilience » pour les approvisionnements de la restauration collective. Nous proposons enfin d'acter le transfert vers les conseils départementaux et régionaux de l'autorité sur les adjoints gestionnaires en charge de la restauration collective de l'État pour les collèges et les lycées, en cohérence avec la demande des collectivités.

Nous rappelons également la nécessité d'accompagner les acheteurs publics par des outils pratiques comme des guides et des formations et moyens financiers.

M. Joël Labbé. - L'agriculture biologique n'a été citée qu'une seule fois en cinq prises de parole. Des engagements ont été pris par la France, avec 15 % d'agriculture biologique au 1er janvier 2022, mais ils ne seront pas atteints. L'Union européenne s'est engagée à atteindre 25 % d'agriculture biologique en 2020 et à réduire de 50 % les pesticides pour 2030. Je regrette que l'accent ne soit pas mis sur l'agriculture biologique qui reste le parent pauvre de nos politiques agricoles alors que la société et les consommateurs le demandent avec force et que les agriculteurs bio démontrent tous les jours qu'il est possible de produire autrement.

Le volet social a été évoqué, avec les chèques alimentaires, qui devraient évoluer vers une Sécurité sociale de l'alimentation. Le social recouvre également l'emploi et l'agriculture paysanne est extrêmement créatrice d'emplois, alors que l'autre est destructrice d'emplois. Je voudrais que ces sujets soient véritablement pris en compte.

M. Jean-Marc Boyer. - Nous avons l'habitude en France de créer beaucoup d'autorités dans de nombreux secteurs : j'ai cru comprendre que le rapport proposait de créer une autorité régulatrice de l'alimentation. Quelles seraient l'utilité et la philosophie d'une telle autorité ? Quels seraient ses objectifs et ses moyens ?

M. Olivier Jacquin. - Comme Joël Labbé, je pense que l'agriculture biologique doit apparaître dans un tel rapport, parce qu'elle a un modèle vertueux, car c'est le seul cadre véritablement stable depuis 40 ans qui propose aux consommateurs une véritable transparence, avec une obligation de moyens. Elle doit donc occuper une place particulière. Je rejoins cependant Daniel Gremillet puisqu'il faut veiller à ce que toute notre agriculture ne soit pas orientée vers le haut de gamme, ce qui peut constituer un piège. L'agriculture biologique pose un problème quant au prix des produits proposés, généralement très élevé. Lorsque le gouvernement supprime l'aide au maintien en agriculture biologique, il contribue à rendre les prix moins accessibles.

Je salue le fait que Hervé Gillé plaide pour que l'agriculture de qualité soit mise en avant, dont l'agriculture biologique, avec un axe éducatif et sanitaire.

M. Henri Cabanel. - Quand nous avons mis en avant les PAT dans les territoires, nous n'avons pas toujours été entendus par les différents ministres de l'Agriculture. Ces PAT doivent donc être encouragés, même si 80 % des départements s'y sont engagés.

Il a été évoqué succinctement la résilience de l'agriculture à travers l'assurantiel : or nous savons que ce modèle pose des difficultés puisque peu d'agriculteurs souscrivent à ces assurances. 66 % n'y adhèrent pas, notamment en raison des règles issues de la politique agricole commune, sur la franchise de 30 % et la moyenne olympique, en dépit du financement à 65 % pris sur les crédits du deuxième pilier. Les professionnels portent ces sujets pour améliorer le modèle, mais le coût est excessivement élevé : revenir sur les trois points cités coûterait 450 millions d'euros, ce qui n'est pas envisageable au niveau du deuxième pilier. La résilience doit se baser sur un autre système national qui nous permette de l'assumer.

Comment le chèque nutritionnel sera-t-il mis en place ? Concernera-t-il uniquement les produits français ou tous les produits ?

M. Frédéric Marchand. - Les organisations représentatives de l'agriculture biologique ont évidemment été auditionnées et la proposition 24 vise à « accompagner la conversion aux produits sous certification environnementale ou issus de l'agriculture biologique, par un financement répondant aux besoins, tout en veillant à la juste valorisation des prix de ces produits par une préservation de conditions de marché favorables, assurant une bonne adéquation entre offre et demande ».

Pour avoir sillonné le territoire à l'occasion des dernières élections municipales et infracommunales, je me suis rendu compte que nombre de collectivités ont fait de l'alimentation durable et locale un attendu politique, en créant bon nombre de délégations, et qu'elles souhaitaient, dans le cadre de la dynamique portée par les PAT, faire en sorte que l'alimentation durable et locale deviennent une véritable prérogative politique, en mettant autour de la table tous les acteurs de l'alimentation et de la transformation. L'idée de l'autorité, qui mérite d'être creusée, m'est venue en regardant les débats que nous avions eus à l'occasion de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Nous pourrions imaginer que, par le biais d'expérimentations, des collectivités qui souhaiteraient s'engager dans cette démarche puissent mettre en place une logique d'alimentation locale et durable, à l'échelle de territoires, avec des moyens dédiés par les collectivités concernées, voire par l'État.

Mme Angèle Préville. - Sur l'éducation à l'alimentation, vous avez sans doute tous eu des cours de cuisine à l'école, ce qui n'existe plus depuis bien longtemps. Dans le même temps, le budget consacré à l'alimentation a baissé, passant de 30 à 17 %. Il existe sur ce point un levier important : je pense que les jeunes et adolescents ne prêtent pas beaucoup d'attention à ce qu'ils consomment. Il est donc impératif de leur faire redécouvrir ce que nous connaissions enfant, alors qu'ils sont entraînés vers d'autres consommations. Nous avons un rôle à jouer pour leur faire redécouvrir le goût et la qualité et remettre ces sujets à l'honneur. Si le bio reste cher, ainsi que les produits de qualité, comment faire en sorte que nos citoyens aillent vers une alimentation de qualité, alors que les salaires n'augmentent pas et qu'un problème de santé publique se pose ? Il me semble que l'éducation peut constituer un levier important pour le futur.

Les consommateurs du bio consomment moins dans les grandes surfaces, mais plus de bio local. Il nous faut être attentifs à ce changement qui montre que les consommateurs de bio prennent conscience du caractère global de la démarche et n'achètent plus de bio importé ou emballé.

Je vous remercie pour votre travail.

M. Daniel Salmon. - Je partage la majorité des constats établis, mais diverge parfois sur les réponses. Laurent Duplomb parlait de la concurrence déloyale de produits qui arrivent de pays ayant un contexte environnemental et sanitaire très différent. Nous devons nous battre contre les traités de libre-échange dans lesquels la variable d'ajustement a toujours été l'agriculture.

Le coût du transport doit être pris en compte : des produits voyagent d'un bout à l'autre de l'Europe et arrivent pourtant à des prix compétitifs. Si le coût du transport était mieux pris en compte, la concurrence déloyale serait réduite.

La part du budget des ménages consacrée à l'alimentation n'a cessé de diminuer pour s'établir entre 13 et 17 % selon le périmètre retenu dans les statistiques. Il faut agir sur la publicité qui incite à acheter de nombreuses choses et promeut la graisse et le sucre.

Je ne peux pas concevoir qu'il y ait de la nourriture haut de gamme pour les gens qui en ont les moyens et de la nourriture bas de gamme pour ceux qui n'en ont pas. Il convient donc d'agir sur les inégalités sociales. Il existe une agriculture qui coche toutes les bonnes cases et répond à toutes les problématiques : l'agriculture biologique qu'il faut choisir. S'il ne faut pas opposer les modèles, il faut toutefois effectuer des choix, en déterminant ce qui va dans le bon sens.

M. Joël Labbé. - Sur le fond, je partage de nombreuses mesures et j'aimerais qu'il y ait un consensus, mais je voterai contre le rapport, au nom de notre groupe, compte tenu de ce que j'ai déjà indiqué, tout en reconnaissant le travail réalisé. La mort dans l'âme, je vote contre.

Les deux commissions autorisent la publication du rapport.

La réunion est close à 12 h 35.