Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ?
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? », à la demande du groupe Les Républicains.
M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Alors que les défis de la ruralité sont nombreux et continuent de s'accroître, nos politiques publiques semblent insuffisantes pour les relever. En 2018, un an après mon élection comme sénateur du Puy-de-Dôme, zone rurale par excellence, j'ai déposé avec nos anciens collègues Philippe Bas et Jacques Genest une proposition de loi pour faire de la ruralité une grande cause nationale.
De fait, la considération nationale dont bénéficient ces territoires est incertaine. Ils ont pourtant besoin d'un traitement spécifique : les lois uniformes leur sont en général préjudiciables. Si la République est une, ses territoires sont multiples.
Voyez le ZAN : on ne peut imposer à la campagne les mêmes règles qu'à la ville ! Les espaces ruraux ne doivent pas devenir des cartes postales de la diagonale du vide. Leurs problématiques singulières doivent être prises en considération. C'est le sens du travail que j'ai mené avec Amel Gacquerre sur la proposition de loi Trace, dont nous espérons l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Tenir compte des spécificités des zones rurales dans les politiques publiques, c'est le moyen de prendre en considération tous les territoires.
Ainsi, nos politiques éducatives sont trop centrées sur la lutte contre l'échec scolaire et la situation socioéconomique des parents. Les besoins des territoires sont peu pris en compte, sauf dans les zones REP. Nous demandons une prise en compte des établissements en difficulté hors REP. Il faut sortir de la logique comptable qui conduit à fermer des classes que les ruraux ne reverront jamais.
La ruralité comporte des leviers de développement et d'innovation dont il faut aussi tenir compte. Je pense à la médecine thermale, une activité essentielle à son développement économique et humain.
L'enjeu de l'accessibilité est essentiel. Je citerai là encore le Puy-de-Dôme. Notre réseau se dégrade, et il faudrait commencer par appliquer toute la loi d'orientation des mobilités de 2019, sans quoi nous resterons considérés comme de vilains pollueurs, condamnés à ne pas nous développer. Le président de Michelin a récemment déclaré que Clermont-Ferrand était le tiers-monde en termes de mobilité ferroviaire et aérienne... Les ZFE accentuent l'enclavement de nos territoires.
Les zones rurales font face également aux défis du vieillissement et d'une désertification médicale qui s'aggrave. Un rapport sénatorial de l'année dernière met en lumière les inégalités territoriales d'accès aux soins, alors que la démographie médicale stagne et que les besoins s'accroissent. Il faut favoriser les regroupements et mutualisations pour libérer du temps médical au bénéfice des patients.
Les communes rurales doivent être mieux soutenues, notamment par l'augmentation de la DETR et la création d'un statut de l'élu qui prenne en compte la formation, les indemnités, l'assurance et la retraite.
En matière d'accès aux services publics, les maisons France Services constituent une réponse partielle. Mais il faut aussi améliorer la couverture numérique de nos territoires.
L'accueil des néoruraux, particulièrement depuis le covid, constitue un autre défi. Il doit se faire dans le respect des traditions rurales, dans l'esprit de la loi de 2019 protégeant le patrimoine sensoriel de nos campagnes.
Enfin, nous devons redonner de la compétitivité à l'agriculture française, la plus vertueuse au monde selon The Economist. C'est le sens de la proposition de loi de Laurent Duplomb. (M. Laurent Burgoa renchérit.)
Nos territoires ruraux sont entravés par des dispositifs pénalisants, comme le ZAN et les ZFE, qui devraient être amendés, voire supprimés. La ruralité imprègne notre être le plus profond : nous avons tous des parents ou des grands-parents issus de cette France des villages, des campagnes et de la nature. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDSE ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI et du RDSE) La ruralité représente 22 millions d'habitants, 88 % de nos communes et 31 % de l'industrie française. Pourtant, elle est souvent réduite à quelques clichés, au risque d'en oublier le potentiel. Je me réjouis donc de ce débat.
Le potentiel de la ruralité tient d'abord à sa complémentarité avec les villes : ne pensons pas les deux en opposition ! Les ruralités sont de fabuleux espaces d'innovation où foisonnent les trucs qui marchent.
Diverses, les ruralités ont longtemps été les grandes absentes de nos politiques publiques. Mais, depuis quelques années, nous avons fait bien du chemin - en témoigne l'existence d'un ministère dédié. Grâce à votre engagement et à celui des élus, la ruralité s'est installée au centre du débat public, notamment avec le plan France Ruralités. Je salue le travail mené par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par Bernard Delcros.
En ruralité, se déplacer, accéder à un professionnel de santé, trouver un logement ou aller à l'université est souvent un défi. Le plan France Ruralités, lancé par Élisabeth Borne, vise à répondre à ces difficultés.
Depuis mon entrée en fonction, j'ai visité trente-six départements. Avec François Rebsamen, j'ai engagé des actions concrètes.
En matière de santé, le plan France Ruralités s'est traduit par l'ouverture de plus de 1 500 maisons de santé. Avec la quatrième année d'internat, nous entendons inciter les jeunes médecins à s'installer en zone rurale : 3 700 docteurs juniors seront à pied d'oeuvre dès l'année prochaine. Nous devons aller plus loin encore : c'est le sens du pacte de lutte contre les déserts médicaux annoncé par le Premier ministre. Je salue le travail du Sénat, notamment avec la proposition de loi du président Mouiller.
Dans le domaine éducatif, les inquiétudes des élus devant les fermetures de classes doivent être entendues. La création de 203 territoires éducatifs ruraux, couvrant 200 000 élèves, a été très bien accueillie. Nous avons voulu donner une visibilité sur trois ans aux territoires en matière d'évolutions démographiques.
En matière de logement, nous travaillons sur plusieurs fronts : accélération des rénovations, lutte contre la vacance - avec une prime de sortie réservée aux zones rurales -, extension du PTZ à tout le territoire. Près de 80 % des communes rurales bénéficient d'un programme de l'Anah.
En matière de mobilités, nous prévoyons un investissement de 80 millions d'euros sur trois ans dans le cadre du fonds vert. Au début du mois, lors de la conférence nationale Ambition France Transports organisée par Philippe Tabarot, j'ai rappelé l'importance de ces enjeux pour la ruralité et fait des suggestions.
D'autres dispositifs sont mis en oeuvre pour faciliter la vie dans les territoires ruraux : 2 800 maisons France Services, 2 880 Villages d'avenir, 1 650 Petites Villes de demain.
Convaincue que nous devons aller plus loin, j'ai entrepris un tour de France de la ruralité. Un comité interministériel à la ruralité se réunira très prochainement pour faire le bilan de France Ruralités et prolonger l'action engagée par de nouvelles propositions. Je crois davantage au sur-mesure du jardin à l'anglaise qu'à l'uniformité du jardin à la française.
Les réalités plurielles de nos territoires ruraux doivent inspirer le Gouvernement, mais aussi le législateur. Car ce n'est qu'ensemble, État, Parlement et élus locaux, que nous construirons l'avenir d'une ruralité où l'on reste, revient ou s'installe. Si nous sommes tous des enfants de ruraux, je souhaite que nous ayons aussi des enfants ruraux heureux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, du RDPI et du RDSE ; Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Denise Saint-Pé applaudit également.) Dans nos territoires ruraux, la mobilité n'est pas un luxe ou une option : elle est une condition de l'égalité des chances et de l'accès à l'emploi, aux soins et à la culture.
D'après une étude récente de l'Institut Terram, les jeunes ruraux passent 2 h 37 par jour dans les transports, contre 1 h 55 pour les jeunes urbains ; 69 % d'entre eux dépendent de la voiture au quotidien et si 63 % déclarent vouloir construire leur avenir en milieu rural, 70 % des formations post-bac sont concentrées dans les métropoles.
Les usagers du train se découragent devant les suppressions de lignes, la dégradation du réseau et l'allongement des temps de parcours. Il faut une stratégie de modernisation du réseau, car un territoire sans train est un territoire à l'arrêt. Les régions, quel que soit leur volontarisme, ne peuvent relever seules les défis du ferroviaire. L'Afit France reste sous-dotée. M. Farandou chiffre à 1 milliard d'euros par an les besoins pour le simple maintien en état du réseau et suggère d'intégrer une part pour le réseau ferré dans les prochaines concessions autoroutières, ainsi que de relancer l'écotaxe sur les camions étrangers.
Comptez-vous inscrire la mobilité rurale dans un plan de financement ambitieux et équitable ? (Mme Marie-Lise Housseau applaudit.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Oui, le réseau ferré est un enjeu essentiel pour lutter contre l'assignation à résidence dans les territoires ruraux.
Les régions sont des acteurs moteurs, mais elles ne sont pas seules. Dans le cadre des contrats État-région, le premier a investi 104 millions d'euros en 2023, puis autant en 2024.
Nous devons maintenir la plupart des lignes, mais aussi réfléchir à des solutions alternatives lorsque la fréquentation est trop faible. Je pense à des lignes légères aux normes assouplies : un projet existe sur le trajet Nancy-Contrexéville.
Nous avons besoin d'une vision stratégique pour le ferroviaire de proximité : c'est le sens de l'action de Philippe Tabarot.
M. Bernard Buis . - Les territoires ruraux sont confrontés à de multiples défis.
Pour les jeunes qui en sont issus, l'accès à l'enseignement supérieur est souvent un parcours semé d'embûches. De fait, le taux de diplômés diminue à mesure qu'on s'éloigne des villes. L'offre de formation en première année, hors apprentissage, se situe à 77 % dans les pôles urbains majeurs. Or le maillage territorial constitue un levier majeur pour accroître le niveau de formation.
Certaines associations agissent au quotidien contre l'autocensure des jeunes ruraux, mais les inégalités persistent.
Les campus connectés, lancés en 2020 par le Président de la République en réponse à la crise des gilets jaunes, devaient réduire la fracture sociale et territoriale. Leur utilité est avérée dans certains territoires, comme à Nevers, mais ils pourraient être améliorés selon les recommandations de la Banque des territoires.
Quelles actions envisagez-vous pour améliorer l'accès des jeunes ruraux à l'enseignement supérieur ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - L'accès de nos jeunes à un chemin professionnel choisi est essentiel. Jusqu'au collège, les élèves des zones rurales réussissent aussi bien que ceux des villes. Mais, ensuite, ils sont plus nombreux à s'orienter vers des voies professionnelles, et trop peu accèdent à l'enseignement supérieur.
Je travaille à une nouvelle approche avec Élisabeth Borne et Philippe Baptiste. Le Premier ministre a annoncé une première année de médecine au niveau local et nous expérimentons une option médecine dans certains lycées, qui devra être élargie. Nous devons développer les formations de premier cycle dans les villes moyennes.
J'ai visité le campus connecté de Nevers, dont les résultats sont assez remarquables. Il est exact que ces campus doivent, pour certains, être améliorés. Ils ne constituent pas non plus la solution unique.
Avec Élisabeth Borne, je travaille sur l'idée d'une première année de formation supérieure dans les lycées, afin de proposer au plus près des jeunes une large palette de formations.
M. Michel Masset . - Nous connaissons votre attachement à la ruralité ; vous connaissez celui du RDSE.
Les transports en commun sont marginaux dans nos territoires, où le permis de conduire reste l'autre nom de la liberté.
Or le Lot-et-Garonne fait face à un manque patent d'examinateurs. Les temps d'attente s'allongent, au détriment de nos jeunes comme des auto-écoles. Une prise de conscience s'impose pour ne pas entraver le développement de nos territoires !
Quelles mesures d'urgence comptez-vous prendre ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Il faut le dire, la voiture reste et restera le mode de déplacement majoritaire dans nos territoires ruraux - même s'il faut développer le covoiturage et l'autopartage.
Le permis de conduire est ainsi l'outil de la liberté. Or nous subissons un fort engorgement des examens. C'est pourquoi quinze postes d'inspecteur ont été créés en 2023, puis trente-hui en 2024, répartis dans les départements où l'urgence était la plus forte. Cette année, nous avons ouvert à titre exceptionnel une seconde session du concours. Par ailleurs, les inspecteurs retraités peuvent faire passer des examens sous forme d'heures supplémentaires. Au total, l'année dernière, 125 550 examens supplémentaires ont ainsi pu être réalisés. Soyez assuré que le Gouvernement prête attention à cette question.
M. Michel Masset. - J'attire votre attention sur un document stratégique : le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services aux publics, issu de la loi NOTRe, et dont il faudrait faire un outil de pilotage de nos politiques.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Vous avez raison. Le développement des maisons France Services s'inscrit dans ce schéma. Après les municipales, je suggère qu'il y ait dans chaque département un échange entre les collectivités et le préfet sur sa mise en oeuvre.
M. Jean-François Longeot . - La ruralité a toujours été au coeur de mon engagement. Récemment, j'ai saisi le Conseil constitutionnel sur le texte instaurant la parité dans tous les conseils municipaux, dont l'application en milieu rural suscite des inquiétudes.
Nos collectivités territoriales, premier échelon de la République et poumon de la ruralité, risquent l'asphyxie. Nos efforts demeurent insuffisants et certaines mesures, mal calibrées, fragilisent le tissu local.
Il y a quelques jours, lors de l'assemblée générale des maires du Doubs, les trois quarts des maires étaient absents ; les autres exprimaient leur incompréhension et leur rejet de ce texte.
A contrario, la proposition de loi sénatoriale sur le statut de l'élu local fait consensus. Quand sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Si nous voulons rassurer les élus, il faut leur faire confiance et cesser de leur imposer des contraintes toujours plus nombreuses ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et du RDSE)
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Vous connaissez ma franchise : elle ne m'a pas quittée.
Les choses sont ce qu'elles sont et je respecte l'avis de chacun. Il ne peut y avoir unanimité. J'entends ceux qui disent que cela ajoute des complications. Mais j'ai accepté de défendre cette proposition de loi issue de l'Assemblée nationale, car nombre d'élus de communes de moins de 1 000 habitants m'ont parlé de leur souffrance ; je pense que le scrutin de liste, même s'il est sans doute difficile à mettre en place, est une bonne réponse.
La proposition de loi sur le statut de l'élu, votée à l'unanimité au Sénat, sera examinée à l'Assemblée nationale du 30 juin au 3 juillet - 2025 ! Elle reviendra donc au Sénat en septembre. J'espère qu'elle prospérera, dans l'intérêt de nos élus et de nos communes. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marie-Claude Varaillas . - Les territoires ruraux représentent 75 % du territoire métropolitain, abritent un tiers de la population française et 80 % des communes. Ils sont au coeur des transitions écologiques, économiques et sociales.
Pour éviter le sentiment d'abandon qui nourrit le populisme, nous devons renforcer les services publics et garantir l'égal accès de toutes et tous aux besoins élémentaires.
La crise sanitaire a révélé le désir de campagne d'une partie de la population. L'enjeu d'avenir est de concilier potentiels de développement et juste rémunération des aménités rurales.
Par la commande publique, les collectivités rurales peuvent soutenir les circuits courts et la production locale. Elles peuvent agir aussi pour réhabiliter les friches et le bâti ancien dans nos bourgs.
Nous devons renouer avec une stratégie nationale d'aménagement du territoire, à rebours d'un système concentré qui n'a pas produit le ruissellement attendu. Il est urgent de redonner du sens au mandat des élus du dernier kilomètre et de faire de l'espace rural le fer de lance des transitions qui sont devant nous.
Que pensez-vous d'une nouvelle loi d'aménagement du territoire qui prendrait en compte ces défis, assortie de moyens et d'une réforme de la fiscalité locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - La ruralité est la clé du développement durable. Oui, elle rencontre des difficultés, mais il n'y a pas de fatalité : elle doit être vivante, productive et accueillir de nouveaux habitants.
Dans les trente-six départements que j'ai visités, je n'ai pas senti de résignation. (M. Alexandre Basquin en doute.) J'entends les difficultés, mais les élus se battent. Nous devons les aider.
Les Villages d'avenir sont 2 888 et les Petites Villes de demain, 1 650. Ces évolutions doivent être poursuivies.
S'agissant de la valorisation des aménités rurales, nous sommes passés de 40 à 110 millions d'euros en deux ans.
Je ne suis pas naïve, mais je vois l'énergie qui se manifeste dans les initiatives locales.
Oui, il faudra débattre de la fiscalité locale, mais cela me paraît difficilement envisageable en l'état actuel du Parlement. Mais il y a toujours un lendemain.
M. Guillaume Gontard . - Alors que nous fêtons les 50 ans de la loi Veil et le premier anniversaire de la constitutionnalisation de la liberté garantie de recourir à l'IVG, l'accès à l'avortement est très inégal selon les territoires.
Sur les onze millions de femmes vivant en zone rurale, plus de la moitié de celles ayant avorté témoignent d'inégalités d'accès. Le rapport Femmes et ruralités de la délégation aux droits des femmes a mis en évidence ces difficultés et leurs conséquences.
Avorter en zone rurale est un parcours de la combattante. Selon le Planning familial, en quinze ans, 130 centres ont fermé sur le territoire. Résultat : un choix réduit du mode d'IVG, des délais et des temps de trajet qui s'allongent.
Le département de la Drôme a voté la fermeture de sept centres de santé sexuelle sur dix-huit et une baisse de 20 % des crédits des centres maintenus. La proximité devrait pourtant être au coeur de la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030.
Les onze millions de femmes vivant en zone rurale sont les grandes oubliées de vos politiques. Que comptez-vous faire pour que le droit à l'avortement soit garanti partout et pour toutes ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Vous avez raison de rappeler les 50 ans de la loi Veil.
Votre question doit être rattachée à celle, plus générale, de l'accès aux soins. On compte 2,6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter. C'est très insuffisant, mais la libération du numerus clausus améliorera les choses. Quelque 77 départements sont sous cette moyenne et 13 ne comptent aucun gynécologue.
Le Gouvernement n'est pas resté inactif. Depuis 2016, les sages-femmes peuvent pratiquer l'IVG médicamenteuse ; depuis 2023, elles sont autorisées à pratiquer l'IVG en établissement. La téléconsultation rend l'IVG médicamenteuse possible sans déplacement.
Je salue les initiatives prises au niveau local, comme l'exemplaire gynéco-bus des Ardennes. (Mme Else Joseph renchérit.)
M. Serge Mérillou . - Une injustice criante de notre fiscalité pénalise les communes rurales : le coefficient correcteur.
À la suite de la suppression de la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) a été transférée des départements aux communes. Mais certaines communes sont surcompensées et d'autres, sous-compensées. Le coefficient correcteur vise à combler ces écarts, mais il a des effets de bord regrettables.
Ainsi, dans les départements ruraux, la taxe foncière dépasse en volume la taxe d'habitation supprimée. L'excédent collecté par les communes rurales est donc réaffecté à d'autres collectivités, essentiellement urbaines. En Dordogne, où 498 communes sont dites surcompensées, la part de taxe foncière reversée est très élevée : 57 millions d'euros.
Ce mécanisme injuste aggrave la fracture territoriale ; il prive les territoires de moyens importants et rompt le lien fiscal entre l'habitant et sa commune. Qu'envisagez-vous pour y remédier ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Solidarité et péréquation sont deux principes chers aux élus locaux.
Le Gouvernement s'est engagé à compenser la suppression de la taxe d'habitation via une part départementale de TFPB et à assurer l'équité entre les communes à travers un coefficient correcteur. La péréquation fait que certains gagnent et d'autres perdent : c'est le principe de la solidarité.
Nous nous efforçons de nous adapter aux dynamiques des territoires, plutôt que de figer des montants pour l'éternité.
La liberté des communes est préservée, puisqu'elles peuvent user de leur pouvoir de taux sans incidence sur le coefficient correcteur.
Enfin, l'État participe à la compensation à hauteur de 728 millions d'euros.
M. Jean-Luc Brault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Demain, pourra-t-on encore vivre dans nos campagnes ? Certaines communes rurales, y compris du Loir-et-Cher, se trouvent délaissées, déclassées voire abandonnées ; leurs habitants se sentent des citoyens de seconde zone.
Chef d'entreprise, j'ai eu des apprentis qui faisaient 15 à 20 km en mobylette. La mobilité est la condition préalable au développement économique et social de nos campagnes. Un Français sur quatre a déjà dû refuser un emploi faute de moyens de transport. Si l'on veut désenclaver, empêcher l'assignation à résidence et éviter l'exode, il faut refermer la fracture entre territoires en développant la mobilité.
Commençons par soutenir ce qui fonctionne. Dernière absurdité, dans le Loir-et-Cher : la décision unilatérale et condescendante de la SNCF de supprimer le train de 8 h 52 à Vendôme en direction de Paris. La SNCF ne se soucie pas des gens qui travaillent, des élus qui se battent pour attirer des entreprises - mais uniquement de chiffres et de courbes. Demain, quelles priorités pour développer les mobilités dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - J'étais chez vous ce matin, nous avons beaucoup parlé mobilité. Oui, nous continuerons de vivre à la campagne. Je n'ai pas d'inquiétude, mais une ambition.
Des solutions existent. À la campagne, il s'agit de microsolutions car il faut inventer la mobilité du dernier et du premier kilomètre.
Je vous invite à suivre les travaux de Ambition France Transports, menés par Philippe Tabarot et Dominique Bussereau.
Le cas du train Vendôme-Paris est l'exemple même des adaptations que la SNCF met en oeuvre. Le premier TGV, qui arrive à Paris à 8 h 36, est saturé, alors que le suivant est à moitié vide. La SNCF va expérimenter pendant six mois l'augmentation de la capacité du 8 h 36, en ajoutant une rame - ce qui conduit à supprimer le 9 h 36. L'expérimentation a été discutée avec les élus locaux ; je vous invite à vous associer à la réflexion. Cela représente une capacité supplémentaire de 650 places sur la matinée : on est loin d'un abandon de la ruralité. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accès au très haut débit par la fibre optique est essentiel dans la ruralité, mais la question de l'accès effectif et abordable pour tous les foyers se pose.
Sur huit communes rurales de mon département, la couverture fibre atteint 96 %, mais la somme des lignes filaires actives n'est que de 32 %. Cela signifie que 68 % des logements n'ont aucun service filaire actif et devront se tourner à l'avenir vers la fibre optique.
Alors que le réseau cuivre est appelé à disparaître, quelles sont les garanties que ces logements seront effectivement raccordés, dans des conditions financières équitables et stables ? L'effort demandé aux citoyens de la ruralité pour accéder à ce service essentiel sera-t-il maîtrisé et prévisible ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - La ruralité doit bénéficier de ces technologies. La situation est inégale selon les départements. L'État a investi plus de 3,5 milliards d'euros dans le plan France Très Haut Débit. Les raccordements sont parfois complexes ; ils incombent aux opérateurs.
Un dispositif piloté par la Direction générale des entreprises (DGE) sera expérimenté à partir du mois de septembre sur 3 141 communes pour lesquelles la fermeture du réseau cuivre est prévue d'ici à 2027, afin d'aider au financement des travaux.
Le dispositif Cohésion numérique des territoires finance les solutions de substitution hertziennes, comme le satellite, en attendant la fibre.
La fermeture du réseau cuivre est soumise à de strictes conditions, dont des délais de prévenance. Des comités locaux, sous l'égide du préfet, assurent le suivi du plan de fermeture sur le territoire. Je vous invite à contacter votre préfet.
Mme Patricia Demas. - Je vous alerte sur les coûts prohibitifs de raccordement pratiqués par certains opérateurs. Un suivi s'impose.
Mme Denise Saint-Pé . - J'associe à ma question Bernard Delcros, défenseur de la ruralité.
Plus de 70 % des trajets en milieu rural sont effectués en voiture. Or les véhicules particuliers représentent la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, qui lui-même représente un tiers de nos émissions.
Le maillage en transports en commun, plus coûteux qu'en milieu urbain, n'est pas suffisant et les mobilités actives comme le vélo ou la marche sont peu adaptées à ces espaces.
L'annonce par le Gouvernement, en 2023, de la création d'un fonds de soutien à la mobilité en zone rurale, de 90 millions d'euros sur trois ans, abrité dans le fonds Vert, était une réponse intéressante pour accompagner le déploiement d'une offre de mobilité rurale durable, innovante et solidaire, dite du dernier kilomètre.
Alors que ces crédits ont été intégralement consommés pour 2024, pouvez-vous nous éclairer sur l'utilisation de ce fonds ? Est-il menacé dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026 ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - La voiture reste et restera pour longtemps la solution du premier et du dernier kilomètres dans les territoires ruraux. Les 90 millions d'euros du fonds Vert servent notamment au développement de l'autopartage et du covoiturage.
Ces millions ont été utilement dépensés pour accompagner la mobilité du dernier kilomètre. L'État a accompagné 225 projets en 2024, souvent initiés par les intercommunalités, et une soixantaine de projets sont en examen, pour un montant moyen de 80 000 euros par projet.
Votre territoire a innové, et la communauté de communes du Béarn des Gaves a obtenu 70 000 euros pour un dispositif qui fonctionne bien.
Nous continuons à soutenir ces solutions de mobilité. Vingt millions d'euros sont prévus pour les autres projets en 2025. J'en ai parlé lors de Ambition France Transports.
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nos territoires ruraux glissent inexorablement vers le populisme, vers un vote de colère et de désespoir. Pourquoi ? Parce que la politique nationale ne prend pas le problème au bon niveau. Les écoles ferment, les commerces disparaissent, les services publics s'éloignent : le sentiment d'abandon est palpable !
Au-delà des questions de justice ou d'équité, c'est une question de survie pour notre démocratie. À laisser ces territoires s'enfoncer dans la défiance, nous ouvrons la porte à ceux qui prospèrent sur la colère.
Il y a urgence à agir, investir, redonner espoir à ces millions de Français. Les territoires ruraux nourrissent la France, produisent de l'énergie, préservent nos ressources, inventent les solutions de demain. Ils doivent être soutenus, reconnus, valorisés. Les dispositifs Coeur de ville, Petites Villes de demain ou Villages du futur apportent un soutien en ingénierie, mais pas un euro de plus. Il faut des mesures courageuses, sur la santé, la mobilité, le logement, la revitalisation économique. Madame la ministre, le temps n'est plus aux demi-mesures !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Je connais votre attachement à la ruralité, mais ne partage ni votre tonalité ni votre constat d'une inaction de l'État.
Soyons objectifs. Je me suis rendue dans la Nièvre, vous y étiez, ainsi que Nadia Sollogoub. Nous avons entendu les élus. Ils plébiscitent les maisons France Services, qui ont traité 35 millions de demandes, avec un taux de satisfaction de 85 %. Villages d'avenir, Petites Villes de demain, maisons de santé : vous ne pouvez pas dire rien n'est fait et qu'on pleure sur le sort de la ruralité !
Chez vous, nous avons vu ensemble l'entreprise Nexson - une magnifique réussite, que les Chinois nous envient. Il existe des pépites dans la ruralité, sachons les valoriser, pour attirer des entreprises !
Oui il y a des difficultés, mais retroussons-nous les manches. Gémir n'est pas de mise, comme chantait Jacques Brel. Il faut de l'espérance pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Patrice Joly. - Je n'ai pas gémi, ni dit que rien n'était fait, mais que le compte n'y était pas. On observe un glissement vers des votes qui contestent la République. Celle-ci ne peut survivre sans justice territoriale. Il faut agir vite, pour que la ruralité reste une chance et non un risque ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'un des défis majeurs de la ruralité est l'accès à l'éducation et à la culture. En dix ans, la ruralité a perdu 13 % de ses élèves, contre 3 % en zone urbaine. Je m'interroge sur le maillage des établissements et les critères retenus. Ne peut-on pas imposer la sectorisation et obliger les familles à scolariser leurs enfants là où elles résident et non là où elles travaillent ? Nos communes rurales ne doivent pas devenir de simples dortoirs.
En 2025, 600 000 élèves conservent un rythme scolaire sur 4,5 jours. L'État contribuait au financement des activités périscolaires via un fonds dédié - supprimé à la rentrée 2025. Gabriel Attal avait promis un dispositif recentré sur les communes les plus défavorisées, il n'en est rien. Nos communes rurales ne pourront maintenir ces activités, ce qui fragilisera encore l'offre éducative et culturelle pour les jeunes ruraux.
Quelles mesures pour garantir l'équité des territoires et une offre éducative et culturelle ambitieuse ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Nous en avons parlé quand je suis venue dans la Vienne. L'éducation, c'est l'école mais aussi le périscolaire. Lorsque la loi a imposé les nouveaux rythmes scolaires, l'État a accordé aux communes une aide à la mise en place du temps périscolaire. L'obligation a été supprimée, et les communes sont libres de revenir au rythme de quatre jours. L'État a maintenu cette dotation jusqu'à cette année ; elle va être supprimée en effet, vu le contexte budgétaire contraint. Nous travaillons avec Élisabeth Borne pour développer les territoires éducatifs ruraux, avec une aide pour le périscolaire. Pour avoir une école de qualité dans nos territoires ruraux, il faut faire venir des habitants, et donc des entreprises.
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La pandémie du covid-19 a fait germer des envies de ruralité, laissant espérer un mouvement dans ce sens. Cinq ans après, le constat est plus terne. L'exode urbain est modeste, le « monde d'après » reste structuré autour des métropoles. La relégation des territoires ruraux, qui s'accentue, en est certainement une raison. Fermeture de classes, désertification médicale, éloignement des services publics : les zones rurales subissent de plein fouet la rationalisation de l'État dans les territoires. Les politiques d'accompagnement existent mais n'enrayent pas le phénomène, faute d'investissements.
Le plan France Ruralités Revitalisation (FRR) est un vrai levier, mais le zonage fait apparaître des disparités entre territoires, notamment, dans mon département de la Loire, au sein des communautés de communes Charlieu Belmont et Monts du Pilat. Plusieurs communes ont été exclues quand d'autres, pourtant semblables, sont intégrées. Résultat, un dumping économique et fiscal injuste. Je conviens qu'un tel zonage est complexe mais on ne peut s'en satisfaire.
Comptez-vous revoir les situations particulières issues du zonage FRR ? Que répondez-vous à ces communes délaissées ? Envisagez-vous un critère de continuité territoriale ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Le dispositif initial comptait 12 000 communes ; le dispositif FRR en compte 19 000. Nous avons une solution hybride, avec deux critères, puisqu'on prend en compte le pôle de bassin de vie ou l'intercommunalité. Résultat, deux communes dans la même situation peuvent être, l'une, classée FFR, l'autre non. C'est la situation que j'ai trouvée en arrivant au ministère.
En 2024, il a été décidé de réintégrer 2 168 communes qui auraient dû sortir du dispositif, au titre de la prolongation des ZRR. Ces communes « rachetées » bénéficieront du dispositif jusqu'en 2027 ; celles qui sont en FRR, jusqu'en 2029. Parmi elles, il y a des communes FRR+. La liste sera publiée prochainement, le décret a été validé par le Conseil national d'évaluation des normes. Aucune modification ne sera apportée à la carte adoptée, pour les deux dispositifs.
Pas une semaine sans un appel d'un maire ou d'un sénateur qui se plaint que sa commune ne soit pas incluse. Je comprends, j'entends. Aussi je propose que nous procédions à une évaluation du dispositif.
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'un des défis des territoires ruraux est de concilier la rénovation énergétique avec la sauvegarde du bâti ancien, protégé ou non, qui est une assurance vie pour notre pays - ce que les pouvoirs publics ont du mal à reconnaître.
Il est urgent de cesser de subventionner des travaux uniformes et inadaptés, qui portent des atteintes souvent définitives à ce patrimoine. Il est urgent de traiter avec respect ce qu'il reste de notre bâti ancien, qui racontera bien mieux que nous l'histoire de notre si belle France.
Sans les pouvoirs publics, nous n'y arriverons pas. Il faut identifier le bâti non protégé de notre pays. Il faut créer un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique qui tienne compte des qualités thermiques du bâti traditionnel, majorer les aides financières pour absorber les surcoûts d'une rénovation respectueuse du bâti vernaculaire et valoriser les métiers et savoir-faire qui s'éteignent.
Victor Hugo écrit : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ». Le détruire, c'est dépasser son droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Votre question me touche. Notre ruralité est diverse, le bâti alsacien diffère de celui de la Creuse ou de la Bretagne. À l'heure où nous devons rénover nos centres-bourgs, on ne peut utiliser des DPE conçus pour des logements modernes, qui sont nuisibles au bâti ancien dont la performance thermique estivale est souvent bien supérieure. Ces rénovations inadaptées, avec des matériaux incompatibles, entraînent des maladies.
Il existe dans les Vosges un laboratoire de la ruralité, Rur'agilité, qui travaille sur le sujet. Je l'ai vu hier à Jarnac, et dans bien d'autres territoires ; il faut une rénovation adaptée. La ferme Niefergold dans votre département est un exemple de réhabilitation exemplaire, facteur d'attractivité - car les néoruraux viennent aussi pour la qualité du bâti.
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la volonté d'accompagner les dynamiques économiques dans les territoires, particulièrement nos industries. Or des projets locaux se trouvent bloqués par des arbitrages défavorables des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), faute de coordination avec les services facilitateurs de l'État. Il est temps de clarifier les responsabilités et de donner le dernier mot au préfet de département. C'est lui qui connaît les réalités locales, qui est le garant de l'égalité territoriale.
En Savoie, des projets sont menacés par des décisions techniques prises au niveau régional, sans concertation - ainsi, une étude de reclassement en zone humide compromet l'extension de l'entreprise SAF Hélicoptères sur la zone d'activité de Terre Neuve III à Albertville. Preuve de l'écart persistant entre les ambitions locales et une approche administrative déconnectée des réalités du terrain.
Quand les préfets auront-ils enfin l'autorité nécessaire pour la réalisation des projets locaux, sans être entravés à l'échelon régional ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Nous connaissons ces contrariétés dans beaucoup de territoires. Comme les services de l'État fonctionnent en silo, il n'y a pas de vision d'ensemble, ce qui aboutit à des injonctions contradictoires.
Il y a désormais un consensus pour renforcer les pouvoirs du préfet de département. Ce doit être le chef d'orchestre de tous les services de l'État et des agences. Il doit arbitrer en écoutant chaque administration, dans l'intérêt général, en hiérarchisant les urgences. Nous voulons lui donner un pouvoir d'appréciation de la norme, qui ne saurait être la même pour une petite ou une grande entreprise, au nord ou au sud de la Loire. Ce préfet doit enfin être sécurisé face au sport national qu'est la judiciarisation. Nous approchons du but ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Martine Berthet applaudit également.)
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des maux qui rongent notre société, l'un des plus sournois est la fonte de la natalité. Triste peau de chagrin ! À bas bruit, le pays s'endort, entre consumérisme et égocentrisme.
Cela tient aussi à l'abandon de toute politique familiale digne de ce nom. On fait des enfants par amour, certes, mais l'accueil d'un nouveau-né est facilité par des aides et l'existence de solutions de garde. Or l'accueil de la petite enfance, notamment en zone rurale, est un angle mort de nos politiques publiques. Certes les collectivités territoriales subventionnent l'installation de crèches ou de maisons d'assistantes familiales, mais l'accompagnement par l'État paraît bien trop timide.
Nos campagnes vieillissent, alors que le cadre de vie verdoyant et le foncier bon marché devraient attirer les familles. Quelle est la vision de l'État face à cette situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - J'ai deux minutes pour refaire la société française avec vous... Les enfants se font plutôt par amour que par décret. Cela dit, dans tous les territoires, nous devons offrir une solution de garde et d'accueil pour les enfants, pour leur donner rapidement la possibilité d'évoluer dans un cadre collectif.
La Mayenne a inventé des maisons d'assistantes maternelles - une initiative privée que les collectivités n'ont pas forcément besoin de soutenir. Idem pour les microcrèches, qui peuvent être des initiatives privées ou associatives. Dans la Somme, des communes se sont rassemblées pour inventer un dispositif territorial d'accueil périscolaire.
Nous devons accompagner ces solutions attractives et attendues. C'est l'engagement de l'État, des départements, des CAF et des MSA. Quand les CAF imposent des normes, elles doivent s'assurer que les collectivités territoriales pourront les assumer. Enfin, je plaide pour qu'il y ait, dans les CAF départementales, un représentant des élus qui porte ce sujet de la petite enfance. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Olivier Paccaud. - Il serait bon que, dans le cadre de la DETR ou de la DSIL, les projets de crèches ou de maisons d'assistants maternels soient prioritaires, ce qui n'est pas forcément le cas.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Facile ! (Sourires)
Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La diversité des interventions le démontre : il n'existe pas une, mais des ruralités.
Nos territoires ruraux font face à de nombreux défis : l'accessibilité, la mobilité, le vieillissement, le départ des plus jeunes, la rénovation du bâti dans le cadre de la transition énergétique.
Depuis quelques années, avec le plan France Ruralités, plusieurs programmes ont été mis en place, comme Villages d'avenir ou Petites Villes de demain - dont Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ ont dressé le bilan.
Le Sénat a adopté plusieurs propositions de loi visant à renforcer la gouvernance de proximité, comme la loi Trace, pour rendre le ZAN plus supportable et mieux prendre en compte les réalités locales. Cette loi rend la main aux communes dans le développement et la maîtrise des enjeux économiques.
Nous avons également voté la proposition de loi Accès aux soins. Alors que 87 % du territoire est classé en désert médical, elle contient des mesures fortes pour remédier aux difficultés d'accès aux soins, telles que la reconnaissance des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ou un encadrement de l'installation des professionnels.
Depuis 2020, plus de 2 750 maisons France Services ont été déployées. Chaque Français peut accéder aux démarches administratives à moins de vingt minutes de chez lui. Nous devons garantir leurs moyens.
Il est également indispensable de maintenir nos écoles rurales, alors que fermetures de classes et suppression de postes se multiplient, sans concertation avec les élus.
Il faut renforcer la gouvernance locale pour que les décisions reflètent les réalités des territoires ruraux. La ruralité est trop souvent associée à un manque d'attractivité. Pourtant la ruralité positive se développe. Cette ruralité vivante attire autant les familles que les entreprises.
Nous devons renouveler notre offre de mobilité, pour faciliter notamment l'accès à la culture. Notre ruralité se visite et nous devons valoriser notre diversité culturelle et patrimoniale. La ruralité est une terre d'audace et d'innovation - Mme la ministre, qui est venue en Ardèche, peut en témoigner.
Nos territoires se distinguent par leur richesse, leur diversité, et la volonté des acteurs locaux de les faire vivre. Les politiques publiques doivent être adaptées aux réalités et concertées.
La ruralité n'est pas un problème, mais une opportunité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Bravo !