Accès aux soins
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation.
Discussion générale
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - C'est avec émotion que je présente cette proposition de loi, que j'ai portée comme député. La version issue de votre commission est conforme à celle adoptée par l'Assemblée nationale en décembre 2023. Je remercie le rapporteur Khalifé Khalifé, le président Mouiller et l'ensemble des sénateurs investis sur ce sujet.
Émotion, mais aussi détermination, car les mesures prévues sont urgentes et nécessaires. Nous manquons de médecins, c'est un fait. Cette crise démographique est la principale cause de la désertification médicale, premier sujet sur lequel m'alertent citoyens et parlementaires.
Le défi est immense. Nous payons le prix des politiques du passé, quand on a rationné le nombre de médecins pour réduire les dépenses de santé. Or les besoins de santé ne cessent d'augmenter, sous l'effet du vieillissement, de la hausse des maladies chroniques et de la dépendance. Nous formons autant de médecins qu'en 1970, alors que la population a augmenté de 15 millions d'habitants et qu'il faut désormais deux à trois jeunes praticiens pour compenser un départ à la retraite !
Selon la Constitution, la nation garantit la protection de la santé. Cela nous impose d'agir, en adoptant une vision de long terme.
Une seule nécessité s'impose : former. En 2019, la suppression du numerus clausus a réparé une erreur historique, mais la capacité d'accueil des universités reste limitée. Le nombre d'étudiants en santé a augmenté d'environ 15 % ; c'est un premier pas. Pour assurer l'avenir, il nous faut un choc de formation, et même un électrochoc. Il faut former mieux, former plus, dans tous les territoires et tout au long de la carrière.
Depuis que je suis ministre, je fais tout pour renforcer l'accès immédiat aux soins. C'est l'objectif du pacte de lutte contre les déserts médicaux, et de la proposition de loi de Philippe Mouiller. Il faut tirer parti des compétences existantes et mettre en place des mécanismes de solidarité. Les mesures relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) et la mise en oeuvre, dès novembre 2026, de la quatrième année d'internat de médecine générale augmenteront rapidement le nombre de professionnels au chevet des patients - mais cela ne sera durable que si nous renforçons structurellement les effectifs.
La première mesure de cette proposition de loi est de nous libérer définitivement de la contrainte du numerus apertus. Je le dis depuis longtemps, il faut nous débarrasser de toute forme de numerus et inverser la logique : partir des besoins de santé localement identifiés pour adapter nos capacités de formation. Ces besoins seront définis en concertation avec les élus, les doyens, les ARS, les préfets, les collectivités - c'est ma méthode.
Il faut également poursuivre le mouvement d'universitarisation des territoires en ouvrant davantage de terrains de stage, y compris hors les murs des CHU.
L'article 2 combat la fuite des futurs soignants vers l'étranger : selon la Cour des comptes, 1 600 étudiants par an partent se former en Roumanie, en Espagne, en Belgique, au Portugal, faute de places en France. Nous devons faire revenir les 5 000 médecins en formation à l'étranger, à travers des dispositifs d'évaluation et d'accompagnement. Cette proposition de loi facilite leur réintégration dans le cursus français.
Enfin, face à la pénurie de médecins, il faut reconnaître la pleine compétence des professionnels paramédicaux - infirmiers spécialisés ou en pratique avancée, kinésithérapeutes, sages-femmes... L'article 3 leur ouvre un accès direct au deuxième cycle des études de médecine, après évaluation. Appuyons-nous sur nos forces vives ! C'est l'une des mesures de notre pacte de lutte contre les déserts médicaux.
La formation est la mère des batailles, le socle de toute politique de santé. Rien ne se fera sans les professionnels.
Notre action ne s'arrête pas à ce texte. Je travaille avec Philippe Baptiste à la réforme des voies d'accès aux études de santé, pour simplifier et ouvrir. Je me bats pour que nos universités aient les moyens nécessaires au maintien de la qualité et de l'excellence de la formation médicale française, avec lesquelles je ne transigerai pas. Je soutiendrai les doyens pour concrétiser sur le terrain ces réformes ambitieuses - j'en ai assuré Mme la présidente de la Conférence des doyens de médecine.
Des centaines d'étudiants en médecine et leurs familles nous regardent, ai-je dit lors de l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale. Je suis heureux que nous fassions de ses promesses une réalité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Khalifé Khalifé, rapporteur . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Khalifé Khalifé, au nom duquel je m'exprime, vous prie d'excuser son absence.
Cette proposition de loi vient un mois après celle visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires. Les deux sont complémentaires. Son examen nous donne une occasion d'avancer en agissant à la racine, sur la formation. Ce texte, déposé en octobre 2023, a été adopté par les députés le 8 décembre de la même année ; un an et demi après, il nous appartient de permettre son entrée en vigueur rapide.
Plusieurs mesures correspondent à des engagements inscrits dans le pacte de lutte contre les déserts médicaux : desserrement du numerus apertus, réintégration des étudiants français partis faire leurs études dans d'autres pays européens, facilitation des reconversions des professionnels paramédicaux. Pourriez-vous nous rassurer sur le calendrier de mise en oeuvre, monsieur le ministre ?
L'article 1er revient sur le numerus apertus. Instauré en 1971 pour la médecine et l'odontologie, le numerus clausus a été progressivement étendu à la maïeutique et à la pharmacie ; il a été abaissé dans les années 1980 dans le but de maîtriser les dépenses de santé et de protéger l'activité des professionnels installés, sans tenir compte de la hausse pourtant prévisible des besoins de santé due à l'augmentation de la population et à son vieillissement.
En 2019, le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus, fondé sur de larges concertations nationales et régionales. Désormais, les capacités d'accueil sont déterminées annuellement par les universités elles-mêmes, en tenant compte des objectifs d'admission en deuxième cycle et des objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former. Le recrutement a augmenté de 11 %, mais avec d'importantes disparités, entre filières - hausse de 18 % en médecine, de 14 % en odontologie, mais baisse en maïeutique et en pharmacie - et entre universités, d'un territoire à l'autre.
L'article 1er permet aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS) d'appeler une université à accroître ses capacités d'accueil, lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels fixés, et soumet la définition des objectifs à l'avis conforme des CTS, pour mieux tenir compte des besoins de santé de chaque territoire. La commission des affaires sociales a soutenu ces mesures, qui impliquent davantage les élus locaux et responsabilisent les universités. Mais la réforme ne réussira que si l'État donne aux universités les moyens d'accueillir ces nouveaux étudiants dans de bonnes conditions.
L'article 2 facilite la réintégration des étudiants français partis à l'étranger. La très forte sélectivité de l'accès au premier cycle de médecine, la complexité du système Pass-LAS, pointée par la Cour des comptes, favorisent ces expatriations. Le nombre d'étudiants français étudiant la médecine ou l'odontologie en Espagne a augmenté de 30 % entre 2019 et 2022, et ils seraient 1 600 à partir chaque année en Espagne, en Roumanie, en Belgique ou au Portugal. Après l'obtention d'un diplôme européen, ces étudiants peuvent exercer en France dans les mêmes conditions que ceux qui y ont fait tout leur cursus - or, malgré le principe d'équivalence, la qualité de la formation est inégale. Nous avons donc intérêt à favoriser la réintégration précoce de ces étudiants au cursus français. Cette mesure n'est pas pérenne, pour éviter d'organiser un contournement permanent de la sélection à l'entrée dans les études de médecine.
L'article 3 vise à favoriser les reconversions des professionnels paramédicaux en consolidant les passerelles vers les études de médecine, qui souffrent de plusieurs insuffisances. Le quota minimal de places dédiées, actuellement de 5 %, devrait être relevé. La concurrence des profils ne favorise pas les paramédicaux qui, malgré leur expérience du soin, réussissent moins bien que des ingénieurs ou des normaliens. La reprise d'études expose enfin à une précarité financière. Le texte adapte le format des dispositifs existants et renforce l'accompagnement à la reprise des études. Nous y souscrivons.
Cette proposition de loi ne résoudra pas tout mais sera utile pour augmenter le nombre d'étudiants et l'adapter aux besoins constatés. Pour ne pas retarder sa mise en oeuvre, la commission propose une adoption conforme. Le texte renvoie aussi au domaine réglementaire ; sa réussite dépendra des moyens mis en oeuvre pour augmenter les capacités d'accueil des étudiants.
Enfin, notre commission se penche actuellement sur l'accès aux études de santé, et fera prochainement des propositions, notamment pour faire évoluer le système Pass-LAS.
Nous aurions préféré un projet de loi global, mais il faut aller vite : nous saisissons donc l'opportunité et soutiendrons cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Céline Brulin . - (Mme Émilienne Poumirol applaudit.) La succession de textes sur l'accès aux soins pourrait laisser croire que notre pays se mobilise enfin au bon niveau sur ce sujet. Hélas, nous sommes loin de la stratégie globale, cohérente et financée dont la France aurait besoin.
Je salue la suppression par le député Neuder du numerus apertus, qui n'a pas mis fin à la situation de pénurie ayant découlé du numerus clausus - mesure visionnaire portée dans les années 1970 par les obsédés de la réduction des dépenses de santé... Le nombre d'étudiants formé a augmenté de 11 %, loin des besoins, et a baissé en maïeutique et en pharmacie. C'est bien pourquoi nous proposons, à chaque PLFSS, que seuls les besoins en santé déterminent l'offre de formation !
Le ministre Neuder peut-il s'en tenir à cette intention, sans prévoir les moyens afférents ? Selon l'Académie de médecine, il manque 5 000 places chaque année pour remédier à la pénurie de médecins. Que comptez-vous faire pour initier ce grand effort de formation ? Quels financements pour nos universités ? Combien de chefs de clinique, de PU-PH recrutés ? Quels terrains de stage pour faire découvrir l'exercice dans nos villes moyennes, nos territoires ruraux, nos quartiers populaires ? Inutile de dire qu'on risque de se heurter à la volonté du Gouvernement de trouver 40 milliards d'euros d'économies... Dans ce contexte, comment entendez-vous élargir la prime de 800 euros aux maîtres de stages dans les quartiers prioritaires de la ville ? Ces mesures ne sauraient s'accompagner d'une moindre prise en charge des patients.
Vous voulez favoriser la reprise d'études en France - mais les démarches sont encore trop exigeantes pour entraîner un véritable retour des étudiants français partis se former à l'étranger.
Vous simplifiez les passerelles pour les professionnels paramédicaux - mais gare à ne pas déplacer la pénurie de médecins vers ces professions ! Nous avons aussi besoin de former plus d'infirmiers, de psychothérapeutes, d'orthoptistes, de psychomotriciens, etc. Cela doit aussi s'accompagner d'une universitarisation des formations, notamment pour les masseurs-kinésithérapeutes - notre amendement en ce sens a hélas été déclaré irrecevable.
Nous ne pourrons pas faire l'économie de mesures de régulation à l'installation des médecins, car les inégalités entre territoires se creusent.
Enfin, il faut revoir les conditions d'études, alors que 37 % des étudiants en médecine songent à tout arrêter pour des raisons financières, et que, parmi ceux qui échouent en première année, trois sur cinq s'éloignent du secteur de la santé.
Bref, je crains que ce texte ne supprime pas réellement le numerus apertus. Nous le voterons néanmoins, tout en continuant à plaider pour un grand plan de financement dans les prochains PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Anne Souyris . - Certains regrettent que nous examinions encore une proposition de loi, et non un projet de loi. Pas moi, car ce texte engage le Gouvernement : la proposition de loi du député Neuder engage le ministre Neuder ! Nous veillerons tout particulièrement à son application rapide.
Six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, en raison de la mise en place en 1971 du numerus clausus - dispositif inique révisé en 2019 seulement, grâce à Agnès Buzyn. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la suppression du numerus apertus. Nous vous prenons au mot et attendons une mobilisation exceptionnelle pour augmenter les capacités de formation. Les écologistes proposent de créer des antennes universitaires des UFR en santé dans chaque département. Reprendrez-vous cette proposition ?
Nous voterons les mesures visant à réintégrer dans le système français les étudiants partis à l'étranger. Encore faudra-t-il que le décret d'application sorte rapidement... Commençons par la prévention ! Ces départs massifs sont symptomatiques d'un système élitiste qui échoue à intégrer des étudiants pourtant brillants. Les études de santé sont jugées élitistes et trop difficiles, d'où un effet repoussoir ; il faudrait revoir le programme du premier cycle pour les rendre plus attractives. En 2023, seuls 36 % des inscrits ont réussi leur première année du premier coup. Il faudrait prévoir une remise à niveau en biologie, physique-chimie et mathématiques, notamment pour ceux qui se réorientent depuis d'autres filières - c'est le principe de la LAS.
Nous soutenons le renforcement des passerelles pour les professionnels paramédicaux. J'avais fait rédiger une note de législation comparée sur ce sujet. Il faudrait renforcer la validation des acquis de l'expérience et financer les parcours de reconversion.
Nous soutenons l'esprit de ce texte, mais en appelant à l'assortir des moyens nécessaires. Les cartes sont dans votre main, monsieur le ministre ; nous espérons une concrétisation dès le prochain PLFSS.
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ; par l'engagement territorial des professionnels ; dans les territoires ; et maintenant, par la formation et la territorialisation : les textes se succèdent pour tenter de répondre à l'enjeu, alors que 6 millions de Français sont sans médecin traitant et que 87 % du territoire est classé comme désert médical.
Ce n'est pas en réformant ainsi à la marge que l'on rétablira l'effectivité du droit à la santé. Votre proposition de loi, monsieur le ministre, n'aborde qu'un petit bout du problème. À quand un projet de loi pour revoir l'organisation générale de notre système de santé ?
Nous regrettons que le périmètre retenu au titre de l'article 45 nous interdise d'aborder la question des stages, déterminants pour le choix du lieu d'installation.
L'article 1er, réformant le numerus apertus, prévoit de solliciter l'avis des CTS pour déterminer les objectifs pluriannuels d'admission en second cycle. L'échelle départementale est effectivement la plus pertinente pour définir les besoins de santé ; c'est au niveau des territoires que doit se construire la réponse à ces besoins, nous l'avions redit lors du récent débat sur le sujet, à l'initiative du groupe CRCE-K.
Les effets de la réforme du numerus apertus ne seront pas sensibles avant une dizaine d'années. Des mesures d'urgence s'imposent donc pour surmonter les années difficiles à venir, d'ici à 2030.
L'article 1er prévoit également de prioriser les besoins de santé par rapport aux capacités de formation - disposition satisfaite par la loi Valletoux de 2023. Si nous sommes favorables à ce que les universités adaptent leurs capacités d'accueil aux besoins de santé du territoire et non l'inverse, nous ne nous faisons pas d'illusions : les universités ne pourront former plus d'étudiants que leurs capacités d'accueil, sauf à dégrader la qualité des enseignements. Pour former plus, il faut leur donner des moyens financiers et humains, dès le premier cycle.
En médecine générale, la situation est critique : en 2024, un enseignant pour quatre-vingt-deux étudiants, contre un pour dix dans les autres spécialités ; à Toulouse, sept titulaires pour cinq cents internes ! Comment former correctement des généralistes dans de telles conditions ? Il faudrait également augmenter significativement le nombre de maîtres de stage universitaires pour encadrer les docteurs juniors pendant la quatrième année d'internat - or le texte ne prévoit rien pour rendre ce statut plus attractif. L'attribuer aux maisons de santé serait une piste, pour favoriser l'exercice pluriprofessionnel.
Enfin, il faut préparer aux études de santé dès le lycée. Selon la Cour des comptes, 62 % des étudiants en médecine, maïeutique ou odontologie et pharmacie (MMOP) sont passés par une préparation privée. C'est une rupture de l'égalité des chances. Des contre-modèles existent pourtant : en Occitanie, dix-sept lycées proposent une option santé en première et en terminale. La loi Valletoux prévoyait une expérimentation de ces options dans trois académies. On lutte ainsi contre l'autocensure et on diversifie le recrutement en santé.
L'article 2 facilite la réintégration dans le cursus français des étudiants partis dans un pays européen. Ceux que j'ai rencontrés, en Espagne et en Roumanie, sont freinés par les difficultés administratives, et peinent à accéder aux outils pour se préparer aux épreuves dématérialisées nationales. Cela explique sans doute leur faible taux de succès. Des solutions sont à trouver peut-être au niveau réglementaire.
L'article 3 améliore les passerelles à destination des professionnels paramédicaux, qui ne représentent actuellement qu'un quart des effectifs. Il faut un accompagnement renforcé pour faciliter la reprise d'études, assorti d'un accompagnement financier, pour éviter que certains ne renoncent faute de pouvoir financer six ou sept ans d'études.
Malgré sa faible portée, ce texte comporte quelques mesures de bon sens. Nous le voterons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Un an et demi pour examiner à notre tour ce texte après son adoption à l'Assemblée nationale, c'est trop long.
La pénurie de médecins n'est pas le fruit du hasard, mais de mauvais choix politiques et d'un rattrapage trop tardif. En 1971, le numerus clausus avait été jugé préférable à une baisse des remboursements pour réguler les dépenses de santé. On est passé de neuf mille médecins formés au milieu des années 1970 à quatre mille dans les années 1990. Aujourd'hui, la moitié des généralistes a plus de 60 ans - et il faut 2,3 médecins pour compenser un départ...
Les effets du remplacement du numerus clausus par un numerus apertus en 2019 ne se feront pas sentir avant 2030.
Ce texte revient sur cette réforme en fixant un nombre de places en fonction des besoins du territoire, et non plus des moyens disponibles. Il soumet à l'avis des élus locaux la définition des objectifs de formation. Les universités devront avoir les moyens d'augmenter les places : laissons-les innover, par exemple en développant les cours en visio.
C'est donc une première réponse à la pénurie, en complément des mesures de régulation à l'installation que nous avons adoptées il y a peu.
Le texte traite également des étudiants partis dans d'autres pays européens pour contourner la sélection à l'entrée en médecine. Ces derniers peuvent réintégrer le cursus en troisième cycle, mais leur taux de réussite est très faible, signe d'un écart de niveau. La proposition de loi propose donc de les réintégrer avant ce stade, pour assurer la qualité de leur formation - tout en se prémunissant contre tout contournement.
Enfin, le texte améliore les passerelles vers les études de médecine à destination des personnels paramédicaux, vivier essentiel.
Cette proposition de loi ne réglera pas tout, mais identifie trois problèmes, auxquels elle apporte trois réponses. Le groupe Les Indépendants la soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Bonneau applaudit également.) Je salue le travail de Khalifé Khalifé, auquel je pense particulièrement.
Monsieur le ministre, votre proposition de loi a un point commun avec celle de Philippe Mouiller : l'approche territoriale, qui nous parle.
Prendre en compte les besoins des territoires et augmenter le nombre de médecins formés sont des objectifs indispensables. Développer les passerelles et favoriser le retour des étudiants sont des propositions pertinentes.
La mission d'information de la commission des affaires sociales n'a pas encore rendu ses conclusions, mais le rapport de la Cour des comptes de décembre 2024 nous a tous interpellés. Il dénonce les défaillances de la réforme supprimant la Paces (première année commune aux études de santé) et déplore une répartition des places disparate entre les régions et les universités. Il constate que l'Observatoire national de la démographie des professions de santé n'est pas assez armé. La loi de 2019 qui a remplacé le numerus clausus par un système de concertation régional et national est insatisfaisante.
La réforme Pass-LAS a été entravée par la crise sanitaire, le calendrier serré et la diversité des modèles - le choix du « tout LAS » de certaines universités a été incompris. La hausse du nombre d'admis reste insuffisante pour répondre pleinement aux besoins de santé.
L'instauration du numerus apertus sans augmentation des capacités d'accueil et du nombre de stages condamnait la réforme. Nous saluons sa suppression.
D'autres pistes sont à envisager : revenir rapidement sur la réforme Pass-LAS en première année ; expérimenter l'inscription directe en première année de pharmacie ; permettre l'inscription en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) sans passer par Parcoursup ; créer un statut de maître de stage universitaire pour les pharmaciens d'officine... Les idées ne manquent pas.
Je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir été à l'origine de ce texte. Vous connaissez les problèmes de l'intérieur.
Le groupe Les Républicains votera ce texte conforme : il apporte des solutions concrètes et pragmatiques à une situation urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Frédéric Buval . - Ce sujet nous est familier : la mission d'information de la commission des affaires sociales remettra prochainement ses conclusions. Les initiatives parlementaires n'ont pas manqué depuis la loi de 2019 : loi du 6 avril 2021, du 19 mai 2023, du 27 décembre 2023. Elles ont ouvert la voie à des avancées importantes pour répondre au problème de la démographie médicale.
La loi du 24 juillet 2019 qui a traduit l'ambition de « Ma santé 2022 » a supprimé le numerus clausus. Cette mesure était attendue de longue date. Depuis 2017, le nombre d'étudiants en MMOP a augmenté de 11 % et de 18 % en médecine - mais il s'agit d'une moyenne, qui masque une grande inégalité entre les territoires et les filières.
Le numerus apertus permet aux universités de fixer elles-mêmes leurs capacités d'accueil en deuxième et troisième années, au regard d'objectifs nationaux pluriannuels établis par l'État, et de ses propres objectifs d'admission, sur avis des ARS.
Cette proposition de loi en amplifie la portée. L'article 1er permet aux ARS et aux CTS, donc aux élus, d'appeler une université à augmenter ses capacités d'accueil. Nous saluons la mesure mais restons circonspects quant aux capacités d'accueil effectives.
Cette question se pose aussi à l'article 2, qui porte sur les étudiants français partis étudier en Roumanie ou en Espagne. Cette mesure, heureusement temporaire, devra être suffisamment cadrée et ne saurait être qu'une solution de court terme, au regard du principe d'égalité.
Quelques mots sur les étudiants martiniquais : les travaux de la faculté de médecine ne sont toujours pas terminés, et les étudiants doivent suivre leurs cursus en Guadeloupe. Seront-ils terminés à la rentrée prochaine ? Il faut livrer les infrastructures les plus élémentaires.
Notre groupe votera cette proposition de loi conforme, pour qu'elle entre en vigueur au plus vite. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Masset . - Toutes les propositions de loi qui se succèdent ont le même objectif : répondre au besoin d'accès aux soins de nos concitoyens. La fracture sanitaire actuelle mine la confiance des Français dans notre système de santé.
Nous connaissons tous cette réalité, particulièrement dans le Lot-et-Garonne, deuxième plus important désert médical de la région Nouvelle-Aquitaine : le nombre de généralistes y est passé de 293 à 208 entre 2008 et 2024.
Ce texte va dans le bon sens : il propose de mieux articuler le nombre de places en médecine avec les besoins locaux. Pour cela, il réintroduit du dialogue entre l'université et le territoire et renforce le rôle des CTS.
Autre point à saluer : la facilitation du retour en France des étudiants partis dans un autre pays européen à cause de la forte sélectivité de l'accès au premier cycle. C'est déjà possible, mais difficile et tardif - seuls 8 % parviennent à revenir en troisième cycle. Faciliter leur retour avant l'internat est une mesure pragmatique.
Autre mesure pragmatique : la facilitation des passerelles pour les personnels paramédicaux, actuellement peu utilisées.
Nous avons cependant deux réserves. La première est relative au choix d'une adoption conforme, pour une entrée en vigueur rapide, alors que ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale il y a un an et demi...
Nous avons déposé un amendement issu d'une proposition transpartisane du député Guillaume Garot, pour que chaque département soit doté d'une formation équivalente à la première année d'études en santé.
Autre regret : l'accumulation de textes, tous bien intentionnés, mais dont l'impact est limité. Pendant ce temps, sur le terrain, les difficultés s'aggravent. Monsieur le ministre, nos concitoyens attendent une réforme structurelle et ambitieuse.
Le RDSE votera ce texte, à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail de Yannick Neuder, auteur du texte, rapporteur en première lecture à l'Assemblée nationale et désormais ministre, ainsi que celui de notre rapporteur Khalifé Khalifé.
Ce texte s'inscrit pleinement dans nos combats. Partout, les déserts médicaux s'étendent et la pénurie de professionnels de santé mine le droit fondamental à la santé, fragilise nos services publics et affaiblit notre cohésion nationale.
En 2019, la fin du numerus clausus a fait naître de grands espoirs, mais le numerus apertus n'a pas tenu ses promesses, trop déconnecté des besoins des territoires. En zone rurale, nous en payons chaque jour le prix, avec des pertes de chances avérées.
Cette proposition de loi réoriente l'offre de formation en santé selon une logique moins comptable et moins descendante, via deux leviers : augmenter l'offre et mieux la répartir sur le territoire, enfin ! N'utilisons pas la contrainte là où elle n'est pas efficace et desserrons plutôt cet incompréhensible carcan.
L'article 1er propose une rupture avec la gestion technocratique, au profit d'une démocratie sanitaire territoriale, que nous soutenons. Une meilleure répartition passe par un recrutement dans les territoires les plus ruraux, car les étudiants en santé s'installeront dans ces territoires d'autant plus volontiers qu'ils en seront originaires.
L'exemple remarqué du campus connecté de Nevers mérite d'être généralisé et ses crédits d'être pérennisés, car nos tristement célèbres déserts médicaux sont aussi des déserts de formation.
Le texte invite aussi les universités à adapter leur pédagogie, les stages, l'internat et à nouer des partenariats en dehors des grands pôles urbains. Mais les moyens humains seront-ils à la hauteur ?
Cette proposition de loi est à la croisée de deux ministères : santé et enseignement supérieur. Chaque année, 1 600 étudiants partent à l'étranger et très peu réintègrent le système français. Certains pays leur font des offres alléchantes : des Français ayant étudié en Roumanie partent exercer en Allemagne. Si nous simplifiions leur retour, ils pourraient renforcer l'offre de soins.
Le texte ouvre aussi les portes à d'autres profils - soignants ou personnes en reconversion. C'est un assouplissement bienvenu, qui nécessite cependant des moyens.
Territorialiser, c'est aussi adapter les contenus pédagogiques aux spécificités locales - médecine rurale, télémédecine, santé communautaire - et créer des pôles de recherche sur la santé locale.
Il faut susciter les vocations, et pas seulement dans les villes universitaires. Cela suppose une évaluation rigoureuse avec des indicateurs : pourcentage d'étudiants issus des zones rurales ou de l'aide sociale à l'enfance (ASE), d'étudiants partis à l'étranger réintégrés, d'installations post-stage en zone sous dotée...
Le groupe UC votera ce texte clair, courageux et nécessaire, avec exigence. La territorialisation devra se traduire par des moyens différenciés, une gouvernance partagée et une évaluation continue.
Ce texte donne un cap : favoriser les études en santé au bénéfice de tous les patients, en actionnant le seul levier efficace, la formation. Il apportera des perspectives à court terme, car plus personne ne peut demander aux patients d'attendre encore dix ans. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du RDSE)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'évolution vers un numerus apertus territorialisé illustre notre rôle de dirigeants politiques, car les Français nous délèguent la responsabilité de dessiner le futur de leur bien-être collectif.
Cette proposition de loi, comme celle de Philippe Mouiller, ainsi que le pacte gouvernemental de lutte contre les déserts médicaux, montrent qu'il est encore possible de corriger le tir.
Je salue votre volonté, monsieur le ministre, et l'implication du Sénat.
Pour la première fois en 2024, le nombre d'étudiants en médecine a cessé de baisser. Mais il faudra encore une décennie pour inverser la tendance. Il faut donner plus d'autonomie aux UFR ou aux centres hospitaliers.
Il est essentiel que le calcul des effectifs à former s'appuie sur les spécificités locales. Aujourd'hui, il se base sur le nombre de professionnels de santé inscrits aux ordres, à l'échelle de la commune, faisant fi des spécificités infracommunales dans les grosses villes. Nous devons agir sur le nombre de professionnels formés et sur leurs spécialités. Notamment, il faut plus de médecins formés là où le taux de médicalisation est élevé et prendre en compte des indicateurs comme l'âge moyen des médecins en exercice, leur type d'activité et leurs perspectives de départ en retraite.
Il faudrait aussi évaluer l'impact du manque d'internes. Nice, cinquième ville de France, est à la 26e place pour le nombre d'internes formés. Les internes sont concentrés dans certains hôpitaux, on ne forme pas suffisamment de spécialistes sur place et on a recours à des faisant fonction d'internes, ainsi qu'à de coûteuses consultations transfrontalières.
Nous devons également veiller à ce que les étudiants formés hors de l'Union européenne atteignent des standards de connaissances et de compétences permettant d'exercer en France.
La territorialisation de notre système de santé doit être synonyme de décentralisation et s'appuyer sur l'expertise des élus locaux et des acteurs de santé. Ce n'est qu'en reconnaissant une autonomie locale que cette proposition de loi pourra déployer sa pleine et entière efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean Sol . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale en octobre 2023 par le député Neuder, aujourd'hui ministre, va dans le bon sens, en répondant en partie aux besoins de santé de nos territoires.
La commission des affaires sociales l'a adoptée sans modification, car nos concitoyens attendent des réponses rapides. Un trop grand nombre d'entre eux - 11 % de la population - n'a pas de médecin traitant et ces pertes de chances créent un climat anxiogène.
Cette proposition de loi permettra aux ARS et aux CTS de demander aux universités d'accroître leurs capacités d'accueil. Elle précise la définition des objectifs pluriannuels, en les soumettant à un avis conforme des CTS, ce qui devrait améliorer l'implication des élus locaux.
Elle vise aussi à augmenter le nombre des étudiants en MMOP en favorisant le retour de ceux partis étudier ailleurs en Europe. Nous devrions être peut-être plus offensifs sur le sujet.
Enfin, il est question de développer les passerelles pour favoriser la diversité des parcours et permettre à des étudiants motivés de rejoindre ces études.
Je salue aussi les avancées sur les Padhue, grâce à la publication de deux décrets. En 2024, 4 000 postes ont été ouverts. Les modalités d'accès ont été simplifiées.
Certains autres sujets me semblent fondamentaux. La territorialisation d'abord, de la formation comme de la recherche. Dans les Pyrénées-Orientales, ce processus arrive à maturité, avec l'appui du centre hospitalier de Perpignan, de la faculté de médecine de Montpellier et de l'ARS Occitanie. C'est une démarche d'avenir, qui attire les étudiants dans les territoires sous-dotés.
Mais certains sujets restent en suspens : la charge administrative qui pèse sur les personnels médicaux, le serpent de mer du dossier médical partagé (DMP) et la proposition de la Cour des comptes de supprimer le Pass-LAS pour revenir à une voie unique d'accès à la formation. Ce texte est aussi l'occasion de s'interroger sur les milliers de praticiens partis se former à l'étranger. J'espère que cela fera l'objet d'autres propositions législatives ou réglementaires.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°3 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous voulons promouvoir les études de médecine dans les lycées publics et privés situés dans les déserts médicaux : c'est un enjeu de démocratisation des études de santé.
Une étude de la Drees note que les facteurs personnels pèsent fortement dans les choix d'installation. L'origine rurale d'un médecin, par exemple, déterminera son installation en zone rurale.
Cela permettra aussi de lutter contre l'autocensure des jeunes issus de zones rurales, de villes moyennes ou de milieu populaire qui croient que ces études ne sont pas pour eux.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Oui, il y a intérêt à promouvoir ces études dans tous les lycées, à la ville comme à la campagne.
Il n'est pas nécessaire de l'écrire dans la loi, mais votre amendement met le doigt sur cette question - ce dont je vous remercie.
Avis défavorable, car nous souhaitons un vote conforme.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je souscris totalement à votre idée.
De nombreuses régions, compétentes en matière de formation, ont déjà prévu de telles actions de sensibilisation dans des lycées.
Je fais partie des 3 % qui auraient dû s'autocensurer, selon la Drees : je vous suis donc sur la mixité sociale.
Mais, pour les mêmes raisons que le rapporteur, retrait sinon rejet.
Mme Émilienne Poumirol. - J'ai du mal à comprendre pourquoi notre amendement n°7 sera examiné ultérieurement, alors qu'il s'agit du même sujet.
La région Occitanie a développé de telles formations dans de nombreux lycées. Le besoin en infirmiers et en aides-soignants est aussi criant, avec le vieillissement de la population.
Je comprends la motivation de voter conforme, mais le groupe SER insiste : il faut orienter les gamins, avant Parcoursup, vers les métiers de la santé. Évitons que la médecine soit accaparée par les super prépas de boîtes privées, à l'origine d'inégalités criantes.
Il faut aider les régions à mettre en place ces formations.
Mme Céline Brulin. - Les inégalités entre régions sont fortes : l'État doit jouer son rôle d'aménageur du territoire et de correcteur des inégalités sociales et territoriales.
J'aimerais entendre qu'il y a un effort national du ministre de l'éducation nationale, soutenu par le ministre de la santé, pour corriger ces inégalités.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je partage cette idée d'engagement total. Nous y travaillons, par exemple avec le plan sur la santé mentale, élaboré avec Élisabeth Borne. De nombreux postes en santé scolaire ne sont pas pourvus, or le ministère de l'éducation nationale souhaite conforter la médecine scolaire. Nous partageons la volonté de rendre ces filières attractives pour que l'ensemble des postes de soignants soit pourvu, afin de repérer les enfants qui ont besoin de soins.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié de Mme Jouve et alii.
M. Michel Masset. - Nous souhaitons offrir dans chaque département des formations équivalentes à la première année de médecine. Il existe une forte corrélation entre le lieu de formation initiale et le lieu d'installation. Cette mesure d'équité permettra de lutter contre l'autocensure et de répondre à la désertification médicale. Redonnons l'espérance d'un égal accès aux soins dans les territoires.
Mme la présidente. - Amendement n°9 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Nous devons permettre à chaque département, ou chaque ville moyenne, d'accueillir des premières années Pass-LAS.
Avec quelques collègues, nous avons tenté d'en ouvrir à Albi et à Foix, mais nous nous sommes heurtés au refus de la présidente de l'université Paul Sabatier qui prétend attendre la réforme du Pass-LAS pour le mettre en place...
Cela limiterait l'autocensure et remédierait aux difficultés liées à un déménagement vers la métropole dès 18 ans.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Sur la forme, voter l'amendement entraînerait une deuxième lecture, alors que nous avons l'opportunité d'accélérer l'entrée en vigueur de ce texte.
Sur le fond, la mesure est intéressante. Mais faut-il obliger ou seulement favoriser ? La Cour des comptes a montré que la qualité des formations dans les antennes départementales était disparate.
Quand l'université n'y est pas favorable, cela pose problème.
Implanter des formations au plus près des citoyens est une bonne chose. Mais quand il reste sept à huit ans à étudier ailleurs, je ne suis pas sûr que cela ait un impact. Il faut repenser la régionalisation de l'internat. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.)
Je m'engage à faire travailler la commission sur la première année et sur l'internat.
M. Yannick Neuder, ministre. - Le Gouvernement partage cette volonté de faire en sorte qu'un maximum de départements soient dotés de ces unités de proximité. La formation peut se faire aussi en visioconférence.
Je remercie le Sénat d'être sensible à l'objectif d'un vote conforme.
M. Jomier souhaitait aussi que sa proposition de loi fasse l'objet d'un vote conforme, alors que je voulais que le Parlement précise certains points. Sachez que j'ai saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour y travailler : la psychiatrie, les soins palliatifs et la gériatrie seront prioritaires, ainsi que les infirmiers et les aides-soignants.
Mme Émilienne Poumirol. - Je vous remercie de faire avancer le texte de M. Jomier.
À Nevers, les résultats sont très intéressants, mais ce n'est pas le cas dans le Morbihan - je ne sais pas l'expliquer.
On peut faire des cours en visioconférence, car de toute façon les bancs des amphithéâtres de première année sont vides. Les conditions de réussite sont donc identiques. La seule différence entre Foix et Toulouse, c'est qu'à Toulouse il y a des centres d'entraînement privés.
M. Michel Masset. - Je retire l'amendement n°1 rectifié, au vu des arguments du rapporteur et du ministre. J'espère être associé aux travaux annoncés.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
Mme Émilienne Poumirol. - Je fais confiance au ministre et au rapporteur.
L'amendement n°9 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Dans la même logique, cet amendement vise à instaurer une année préparatoire publique aux études de médecine pour les lycéens des déserts médicaux. Mieux vaut un soutien public, plutôt qu'un soutien par d'onéreuses officines privées. C'est une piste à creuser, même si je n'ai pas beaucoup d'illusions sur le sort de cet amendement, s'agissant d'une demande de rapport...
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Merci d'avoir déposé cet amendement qui traite d'un sujet important. La mission de Véronique Guillotin, Khalifé Khalifé, Corinne Imbert et moi-même nous permettra d'avoir une vision globale. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - On peut aussi réussir sans les boîtes à khôlles que fréquentent bon nombre d'étudiants...
Cela dit, cette classe prépa ne devrait pas être une année supplémentaire, car les études de médecine sont longues : il faut désormais dix ans d'études pour médecine générale, contre huit à mon époque...
Retrait, sinon rejet.
Mme Émilienne Poumirol. - Il ne s'agit pas d'une année supplémentaire, mais d'un accompagnement à la première année, par exemple le soir. Et cet accompagnement doit être public, car l'inégalité pointée par la Cour des comptes est scandaleuse : près de 62 % des étudiants font des classes prépas privées. Il faut avoir des parents qui aient des moyens suffisants pour payer ces 8 000 à 10 000 euros. C'est une véritable injustice.
Mme Anne Souyris. - La plupart des LAS, avec des mineures santé pour des élèves ayant peu d'acquis scientifiques, sont en visioconférence. À la Sorbonne, les Pass sont en présentiel, tandis que les LAS sont en visioconférence ; c'est problématique, car cela accroît les inégalités.
L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Cet amendement prévoit une formation par département, comme le préconisait la Cour des comptes. Mais j'ai entendu vos réponses : je le retire donc.
L'amendement n°12 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°13 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Certains jeunes s'estiment insuffisamment formés en matière scientifique pour faire médecine. D'où une reproduction sociale des enfants de médecins. D'autres choisissent d'étudier à l'étranger ou de suivre des cours privés, ce qui renforce l'élitisme. Il faut remettre à niveau scientifique les jeunes qui se sentent moins forts dans ces disciplines.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable à cette demande de rapport. Cela fera partie de notre réflexion, comme le tutorat, pour démocratiser les études de médecine.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis. En Auvergne-Rhône-Alpes, j'ai ouvert des formations de première année dans certains départements, ce qui a permis de diversifier les profils sociaux, en éliminant les difficultés de logement et les frais de transport.
En LAS, vous n'avez pas l'environnement scientifique. Se retrouver dans une filière de droit avec une mineure santé pose question. Par exemple, imposerait-on à un étudiant qui voudrait faire du droit de faire médecine avec une mineure en droit ? Nous travaillons avec Philippe Baptiste sur la réforme du système Pass-LAS.
Mme Émilienne Poumirol. - Il faut réformer ce premier cycle en santé.
Deux de mes amendements ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, car en augmentant le nombre d'étudiants, ils augmentaient les dépenses des facultés. Or la proposition de loi vise justement à former plus de médecins. C'est cocasse...
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Après l'article 3
Mme la présidente. - Amendement n°7 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Défendu.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - C'est une demande de rapport, donc avis défavorable.
La loi Valletoux permet l'expérimentation. Je propose qu'on évalue les deux expérimentations de l'option santé, pour éventuellement les généraliser. Nous avions soutenu cette démarche au Sénat.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je souscris à la proposition de Philippe Mouiller.
L'option santé, c'était quatre académies initialement : Bordeaux, Metz-Nancy, Toulouse et Montpellier. Puis sept autres : Amiens, La Guyane, Lille, Mayotte, Nantes, Orléans-Tours et Rennes.
Nous sommes favorables à une évaluation, à laquelle mon ministère contribuera rapidement. Retrait, sinon rejet.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Créons de véritables passerelles entre professions de santé. Cet amendement s'inspire d'une note de législation comparée entre six pays européens qui a mis en lumière tout l'intérêt d'un tel système. Il faudrait soutenir financièrement une telle mesure, grâce à différents fonds.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Malgré l'intérêt du sujet, il s'agit d'une demande de rapport. Retrait.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous pourrions aller plus loin en matière de passerelles. J'ai vu des ingénieurs diplômés de Centrale devenir médecin. En tant que vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, j'ai créé un double cursus entre Centrale et les études de médecine. Alors que les jeunes souhaitent donner du sens à leur métier, il faut par exemple aider les ingénieurs à se réorienter vers les métiers médicaux - leurs compétences scientifiques peuvent être notamment utiles en intelligence artificielle, en radiologie ou en recherche.
Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté, de même que l'article 4.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements)
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Je regrette une nouvelle fois l'absence de Khalifé Khalifé. Le député Neuder est satisfait, il finit son travail ; mais le ministre Neuder ne fait que le commencer ! (Sourires) Sans moyens, un tel texte ne pourra être mis en oeuvre. Le député Neuder aurait été heureux d'entendre le ministre Neuder prendre des engagements. (M. Yannick Neuder sourit.)
M. Yannick Neuder, ministre. - Je me félicite du vote de cette proposition de loi, et je remercie le président Mouiller et le rapporteur Khalifé Khalifé. Les déserts médicaux s'expliquent notamment par le manque de médecins formés. Nous venons de voter un électrochoc en faveur de la formation : la suppression du numerus apertus, qui n'était pas à la hauteur de nos attentes.
Nous ne réussirons pas sans les universités - c'est grâce à la Conférence des doyens que nous pourrons mettre en place ces mesures concrètement. Nous travaillerons avec Philippe Baptiste pour ancrer cette réforme, tout comme nous travaillons sur la réforme Pass-LAS.
J'imagine que les étudiants français en Roumanie ou en Espagne sont heureux d'apprendre qu'ils pourront être réintégrés dans le cursus national. Plus de 1 600 étudiants partent étudier à l'étranger chaque année et quelque 5 000 à 15 000 étudient à l'étranger. Si ces jeunes sont capables de partir au Maroc ou en Suisse à l'âge de 18 ans, la France doit leur offrir des conditions attractives pour revenir.
Ce n'est pas une rupture du principe de l'égalité des chances entre étudiants ; nous devons simplement affirmer qu'un concours trop sélectif ne doit pas décourager notre jeunesse de s'engager dans des études en santé. La France, septième puissance mondiale, ne peut pas se satisfaire que 50 % de ses dentistes soient formés à l'étranger.
Nous devons améliorer la formation initiale et continue - au moyen des passerelles - pour rendre ces études accessibles à tous, quel que soit le niveau social, et partout. Ainsi nous diversifierons les profils des professionnels de santé.
La séance est suspendue quelques instants.