Simplification du droit de l'urbanisme et du logement (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.
M. Guislain Cambier, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.) Lors de l'examen en séance, nous avions regretté un texte fourre-tout, trop étroit pour répondre aux attentes des élus. À l'issue de son parcours législatif, nous n'avons pas changé le plomb en or, mais en avons tiré le meilleur parti, grâce au travail réalisé avec Sylvaine Noël et Marc-Philippe Daubresse et grâce à nos échanges constructifs avec le ministère du logement et l'Assemblée nationale.
L'article 1er A, intégralement réécrit en CMP, réduit de quatre à deux les procédures d'évolution des documents d'urbanisme : madame la ministre, je salue le travail de vos services.
De nombreuses mesures chères au Sénat ont été conservées par la CMP : accord du maire en cas de dérogation au PLU ; possibilité de mieux adapter les règles du PLU aux spécificités du territoire ; mesures relatives à La Défense et aux opérations de renaturation ; conditions d'adhésion aux établissements publics fonciers (EPF) ; augmentation de la durée de portage foncier ; etc.
Merci, madame la ministre, d'avoir soutenu ces mesures très attendues par les collectivités. Merci aussi d'avoir réduit le délai d'appropriation des biens sans maître de trente à quinze ans.
Le Sénat a veillé à ce que les territoires ruraux et les petites villes bénéficient de mesures de simplification, en étendant à l'ensemble des communes la possibilité de déroger aux règles du PLU et en assouplissant les règles de changement de destination en zones naturelles, agricoles et forestières. Je salue à cet égard l'esprit de compromis d'Harold Huwart, rapporteur à l'Assemblée nationale.
Les assouplissements pour l'installation de bâtiments agricoles en zone littorale ont été conservés, dans une version certes resserrée, mais conforme à ce que nous avions voté dans la loi d'orientation agricole.
Cela dit, nous n'avons pas eu gain de cause sur tout. Mais le Sénat est la chambre de la raison et de la modération : les élus n'auraient pas compris que nous nous arc-boutions sur des dispositions ciblées, sur les carrières ou l'urbanisation en zone de montagne par exemple, qui trouveront leur place dans des textes sectoriels. Idem pour les obligations de solarisation : nous sommes convenus avec Harold Huwart d'attendre la transposition de la directive européenne.
Pour les parkings, le texte issu de l'Assemblée nationale a maintenu l'obligation de solarisation avec un seuil minimal d'ombrières. Nous avons maintenu le report de quelques mois de ces dispositions, qui n'entreront en vigueur que dans quelques années, d'autant que la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments devra être transposée dans moins d'un an.
Ce texte, équilibré et pragmatique, méritera d'être complété par des mesures structurelles ; je vous invite à l'adopter sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - La demande de simplification n'est nulle part aussi forte qu'en matière de logement et d'urbanisme. Vous le savez, vous qui rencontrez les habitants et les élus et avez beaucoup travaillé cette question. Ce texte est une première pierre.
Je salue le travail du Sénat et de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement soutient l'ambition simplificatrice de cette proposition de loi de Harold Huwart.
La navette parlementaire a permis d'aller plus loin pour accélérer la mutation des zones pavillonnaires, alléger les formalités préalables aux opérations d'aménagement, faciliter l'évolution des projets et des permis ou encore renforcer la couverture du territoire par les EPF.
Le texte consacre des avancées majeures sur le contentieux de l'urbanisme, ainsi que des engagements forts du Gouvernement, comme sur les biens sans maître.
Le dialogue fructueux entre le Parlement et le Gouvernement a conduit à une simplification majeure des documents d'urbanisme : la modification simplifiée deviendra la norme, la révision lourde étant réservée aux évolutions plus structurantes. Résultat : de précieux mois de gagnés, une plus grande sécurité juridique et des coûts d'étude réduits. Dès 2026, les nouvelles équipes municipales pourront modifier plus facilement PLU et Scot.
Toutefois, je regrette que certaines simplifications n'aient pu prospérer : solarisation des bâtiments publics ou engagement facilité des crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
Ce texte n'est qu'un début : beaucoup reste à faire, notamment pour alléger le millefeuille de la planification. Des travaux complémentaires seront lancés dans les prochains mois pour revoir nos codes et de nos procédures, sans oublier la transposition de nombreux textes européens et le prochain PLF - nos modèles économiques et fiscaux devront sans doute être ajustés.
Merci aux rapporteurs et bravo pour le travail du Parlement sur ce magnifique sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDSE et du RDPI)
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Article 1er A
M. le président. - Amendement n°5 du Gouvernement.
Mme Valérie Létard, ministre. - Les cinq amendements déposés par le Gouvernement sont nécessaires à la bonne application du texte, qui modifie plus de 50 articles du code de l'urbanisme, d'où des besoins importants de coordination.
L'amendement n°5 prévoit ainsi de multiples coordinations relatives à la procédure unique de modification des Scot et des PLU, afin d'en sécuriser l'usage pour les collectivités territoriales.
Article 1er
M. le président. - Amendement n°2 du Gouvernement.
Mme Valérie Létard, ministre. - Il s'agit de coordinations relatives au document unique valant Scot et PLU.
Article 1er bis AAA
M. le président. - Amendement n°1 du Gouvernement.
Mme Valérie Létard, ministre. - Cet amendement tire les conséquences des modifications apportées à l'article 1er.
Article 3 bis
M. le président. - Amendement n°3 du Gouvernement.
Mme Valérie Létard, ministre. - Coordination légistique.
Article 4
M. le président. - Amendement n°4 du Gouvernement.
Mme Valérie Létard, ministre. - Nous prévoyons des coordinations légistiques et de référence liées à la modification des structures des alinéas dans le texte de la CMP et prenons en compte l'amende instaurée pour non-respect de la mise en demeure en matière de police de l'urbanisme.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Ces amendements, examinés en amont, ne posent aucun problème : avis favorable.
L'amendement n°5 est adopté, de même que les amendements nos 2, 1, 3 et 4.
Vote sur l'ensemble
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous abordions cette proposition de loi avec des réserves. En considérant le poids des normes comme la cause principale de la crise du logement, le texte partait sur de mauvaises bases. Il ne réglera pas la crise du logement, loin de là. Mais toutes les mesures visant à améliorer la situation doivent être soutenues et nombre de nos amendements ont été adoptés et conservés en CMP.
Ce texte était devenu un catalogue de dérogations. Attention à ne pas vider les PLU de leur substance, car ils jouent un rôle fondamental. Des irritants demeuraient, mais la CMP a apporté des modifications bienvenues et nombre d'amendements socialistes ont été maintenus.
Nous nous félicitons que le texte final conserve notamment la simplification des règles d'élaboration des documents d'urbanisme, la possibilité d'élaborer un document d'urbanisme unique valant PLUi et Scot, le renforcement des outils fonciers des élus locaux, la possibilité d'exempter les logements en bail réel solidaire (BRS) d'obligation de stationnement.
Nous sommes satisfaits que l'article relatif à l'adaptation des conventions d'utilité sociale ait été conservé, alors même qu'un ancien ministre du logement, présent en CMP, s'y opposait fermement...
Nous nous félicitons aussi des évolutions relatives aux obligations de solarisation, de la disparition des mesures votées par le Sénat et qui favorisaient le mitage, et de la suppression de la dispense d'autorisation d'urbanisme pour l'installation de panneaux photovoltaïques.
Nous prenons acte du travail d'amélioration de la CMP sur la participation du public par voie électronique (PPVE). Nous regrettons que l'article sur l'assouplissement des obligations de solarisation des parkings n'ait pas été supprimé. Nous n'avons pas pu revenir sur le changement de destination des bâtiments agricoles à tout type d'activité ; néanmoins, la consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et de l'autorité compétente crée un minimum d'encadrement.
Nous regrettons la suppression de la règle de caducité du Scot, le raccourcissement du délai de recours gracieux, la recevabilité des démarches conditionnées à une participation antérieure aux mesures de participation du public - cela nous semble malvenu, alors qu'il faut soutenir la démocratie locale pour favoriser l'acceptabilité des projets - ou encore le maintien de l'article 2 bis. Enfin, le recours aux résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) paraît en décalage avec les besoins de logement de saisonniers.
Nous saluons l'écoute des rapporteurs. Notre travail collectif en CMP a permis de limiter les ultimes tentatives de dérégulation : le groupe SER votera ce texte. (Mme Gisèle Jourda applaudit.)
M. Cédric Chevalier . - (M. Marc Laménie applaudit.) Ce texte est une avancée attendue et bienvenue. Merci et bravo aux rapporteurs pour le travail accompli et leur écoute.
Nos collectivités, les entreprises et nos concitoyens nous le rappellent : il est de plus en plus difficile de se loger, de construire ou de rénover, avec l'accumulation de normes et de procédures. Ce texte pragmatique simplifie, assouplit et rend aux collectivités locales le pouvoir d'agir - une véritable bouffée d'oxygène pour les élus.
Je salue plusieurs avancées : des procédures d'urbanisme plus souples, une participation du public modernisée grâce au numérique, l'adaptation aux réalités locales, une meilleure communication avec l'administration fiscale et enfin la reconnaissance automatique du caractère d'intérêt général pour certains projets énergétiques. Des mesures en faveur du logement sont à souligner : un permis de construire facilité, l'assouplissement des obligations de stationnement ou la possibilité offerte aux collectivités locales d'adapter les règles.
Cela dit, certaines dispositions vont à contre-courant de la simplification : transformer les RHVS, qui accueillent déjà des publics spécifiques tels que les travailleurs saisonniers ou en mobilité, en logements sociaux risque de pénaliser les gestionnaires et de limiter la flexibilité d'accueil. Seuls 30 % des logements sont réservés à des publics vulnérables : pourquoi ajouter une nouvelle contrainte qui fragiliserait un dispositif utile ? De même, la création de nouvelles résidences à vocation d'emploi risque d'être source de complexité supplémentaire, alors que des solutions existent.
Ce texte n'est pas la réforme structurelle du logement et de l'urbanisme dont nous avons besoin, mais il est une étape nécessaire et utile. D'autres, plus ambitieuses, devront suivre, mobilisant tous les leviers - foncier, fiscalité, politique sociale, transition écologique - et des moyens financiers à la hauteur des défis.
Nous devons rééquilibrer la relation entre propriétaires et locataires pour rétablir la fluidité du marché locatif, encourager le développement des mobilités et des activités économiques en zone rurale et dans les petites villes et anticiper le vieillissement de la population et l'adaptation nécessaire des logements.
Le chantier, immense, nécessitera une ambition collective durable. Pour l'heure, Les Indépendants voteront ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que la crise s'aggrave encore et toujours, nous ne pouvons que nous féliciter d'un allègement des normes. Cette revendication, je l'ai entendue maintes fois au cours de mes travaux : « créer du logement, c'est un peu une course en sac », a même dit une de mes interlocutrices...
De ce texte considérablement enrichi par les deux assemblées, je retiens trois axes qui devraient guider nos politiques publiques.
D'abord, la simplification : en réduisant le nombre de procédures d'évolution des documents d'urbanisme, en supprimant des formalités inutiles et en favorisant le recours au numérique pour la participation du public, le texte accélère et sécurise les démarches.
Ensuite, le pragmatisme et l'adaptation aux circonstances. Ainsi, sans rejeter les adaptations temporaires du régime des résidences hôtelières à vocation sociale, nous créons les résidences à vocation d'emploi pour répondre à l'urgence de la réindustrialisation et de la relance du nucléaire. Nous n'avons pas reculé devant les totems des zones NAF et de la loi Littoral : nous facilitons, de manière encadrée et proportionnée, la réutilisation de bâtiments agricoles abandonnés.
Enfin, la différenciation et la territorialisation : si la simplification est un enjeu majeur, il y aurait une forme de paresse et même de renoncement à en faire l'alpha et l'oméga des politiques publiques.
Je salue le travail des trois rapporteurs pour étoffer le texte et tempérer et harmoniser des propositions qui tiraient parfois à hue et à dia.
Nos élus ont besoin d'outils juridiques et d'ingénierie pour mener leurs politiques et faire primer l'intérêt public sur les logiques de marché. D'où notre refus de dérogations de droit aux règles des PLU au profit de dérogations à la main des maires, l'extension des dérogations aux fins de création de logements, la facilitation du recours aux établissements publics fonciers et l'extension des compétences des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN).
Je me réjouis que le texte maintienne la pleine association des collectivités aux nouvelles conventions d'utilité sociale.
Je souhaite que nous avancions dès l'automne sur l'accession à la propriété, le logement social et l'investissement locatif, en nous inspirant des travaux de Marc-Philippe Daubresse sur le statut du bailleur privé.
Le chantier est immense, mais, madame la ministre, je connais votre volontarisme et votre courage. Le groupe Les Républicains prendra toute sa part dans l'élaboration de ces réformes essentielles pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Mme Salama Ramia . - Le RDPI votera ce texte utile, attendu par les acteurs du terrain. S'il n'est pas la grande loi de programmation que nous attendons, il répond à l'urgence au moment où nous traversons une crise du logement d'une ampleur inédite et qui touche tout le monde : collectivités, familles, jeunes, demandeurs de logement social. C'est une crise durable qui bloque les parcours de vie et pèse sur l'économie.
La construction est à son plus bas niveau depuis des décennies : à peine 300 000 mises en chantier cette année. L'accès à la propriété devient de plus en plus difficile. Face à cette situation, nous avons besoin de solutions rapides et efficaces.
Ce texte simplifie des règles devenues trop complexes ou rigides. Nous saluons, à l'article 1er, la possibilité pour un EPCI compétent en matière de documents d'urbanisme et couvert par un Scot d'élaborer un document unique. Nous nous réjouissons aussi que l'article 2 permette de déroger au taux minimal de publics ayant des difficultés de logement au sein des résidences hôtelières à vocation sociale dans les territoires présentant des enjeux de développement économique.
De même, nous nous félicitons de la rédaction de compromis trouvée en CMP sur l'article 1er bis D. Les propriétaires d'un parking de plus de 1500 m² pourront choisir entre trois options pour satisfaire aux obligations de solarisation et de végétalisation : ombrières photovoltaïques, arbres ou combinaison des deux.
Cette proposition de loi ne bouleverse pas le droit de l'urbanisme, mais l'allège et le rend plus compatible avec l'action publique locale. Certes, le secteur a besoin d'une véritable loi de programmation, traitant notamment du foncier, des aides à la pierre, de l'accès au crédit et de la fiscalité. Mais, pour l'heure, ce texte constitue un signal positif. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Marc Laménie et Mme Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
M. Michel Masset . - « La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur d'un mortel », a écrit Baudelaire. (On apprécie la référence.)
Le logement n'est pas un bien comme un autre ; il conditionne l'accès à l'emploi, à l'éducation, à la dignité. La crise actuelle s'enracine dans la faible production de logements. De fait, entre 2023 et 2024, le nombre de logements neufs a chuté de moitié. Les causes sont connues : empilement des normes, rigidité des procédures, lenteur du contentieux.
Si l'urbanisme est souvent perçu comme une affaire de spécialistes, ce sont les élus locaux qui subissent la densité des règles, leur illisibilité et parfois leur incohérence. Sans révolutionner le droit de l'urbanisme, ce texte répond à l'urgence de simplifier un système devenu trop rigide et trop éloigné des réalités de terrain. En Lot-et-Garonne, les exemples abondent : à Villeneuve-sur-Lot, des friches éligibles au fonds Vert peinent à être requalifiées du fait de délais procéduraux décourageants ; à Allez-et-Cazeneuve, un projet de logements est stoppé par une incompatibilité avec le zonage agricole.
Le texte issu de la CMP maintient l'équilibre trouvé par le Sénat : modification unique des documents d'urbanisme, rationalisation des procédures, possibilité de créer un document unique lorsque le Scot et le PLU couvrent un même périmètre. Il garantit aux maires le droit de contester les dérogations au PLU, une mesure primordiale, et conforte la participation du public par voie électronique tout en maintenant l'accessibilité physique en mairie, essentielle dans les territoires ruraux.
La clarification du régime de changement de destination pour les bâtiments agricoles inutilisés et la sécurisation des permis modificatifs sont également des avancées. Enfin, la question du contentieux a été prise à bras-le-corps : le texte vise à limiter les blocages abusifs, tout en préservant les garanties du contradictoire.
À force d'accumuler exceptions et régimes particuliers, ce qui devait être une simplification devient une complexification plus insidieuse. Pour les maires des petites communes, la lisibilité du droit ne s'améliore pas. Seule une réforme globale articulant urbanisme, logement, écologie et aménagement du territoire résoudra durablement les difficultés.
Le RDSE votera ce texte, tout en appelant le Gouvernement à poursuivre le chantier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Daniel Fargeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En première lecture, j'avais pointé les limites d'une proposition de loi en décalage avec son titre ambitieux. Le chantier reste vaste - Mme la ministre le mesure bien. Reste que ce texte modifié apporte un peu de souplesse dans une action publique corsetée, au milieu de deux autres propositions de loi utiles, sur les meublés de tourisme et la transformation des bureaux en logements.
Cette proposition de loi n'est pas la grande refonte du droit de l'urbanisme et du logement que nous attendons, alors que la France ressemble à une tour de Babel réglementaire : maires, préfets, architectes des Bâtiments de France (ABF), environnementalistes, opérateurs, bailleurs, tous veulent construire, mais aucun ne comprend les plans de l'autre.
Au Sénat, nous avançons pierre par pierre, en essayant d'éviter que tout ne s'effondre. Ce texte a été considérablement enrichi par notre assemblée, en particulier nos trois rapporteurs - je remercie Marc-Philippe Daubresse d'avoir défendu mon amendement sur la démolition d'office des constructions illégales hors zone urbanisée.
Grâce au dialogue de qualité avec Mme la ministre puis en CMP, des avancées ont été réalisées autour de deux axes : rationalisation des procédures et adaptation aux réalités locales. Je me félicite de la possibilité de fusion des Scot et PLU, de la simplification des formalités pour les porteurs de projets et de la facilitation des permis multisites, comme de l'extension du nombre de communes pouvant déroger ponctuellement au PLU, de la reconversion assouplie du bâti agricole et de la clarification des conditions de dispense environnementale pour les petits projets communaux.
Mais l'essentiel reste devant nous. Quatre millions de personnes mal logées, 2,8 millions de demandes de logement social, objectif de 500 000 logements neufs par an loin d'être atteint : la crise est structurelle. Elle résulte notamment de l'absence d'un choc d'offre massif.
Aussi utile soit-il, ce texte n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation ; il relève plus du petit outillage que de la boîte à outils. Mais il constitue une étape, et mieux vaut poser une pierre que de rester figé au milieu des gravats. Il nous reviendra de poursuivre le chantier : simplification des délais d'instruction, lutte contre les recours abusifs, rééquilibrage des normes environnementales, meilleure articulation entre droit du sol et droit de l'habitat, statut du bailleur privé. Nous serons, au Sénat, les architectes lucides et engagés de cette reconstruction.
Le groupe UC votera ce texte, en appelant à une réforme structurante. Car si la dérogation devient la norme, c'est peut-être que la norme est à repenser. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et au banc des commissions)
Mme Marianne Margaté . - Ceux qui s'émeuvent de la complexité du droit de l'urbanisme sont souvent les mêmes qui critiquent plus largement la densité du droit français - surtout quand il protège les plus faibles. C'est vrai aussi pour le code du travail, comme on l'a vu jeudi dernier à propos du travail le 1er mai.
Il n'est pas certain que ce texte simplifie le code de l'environnement, mais, pour sûr, il affaiblira le droit de l'environnement en réduisant les temps de concertation, voire en entravant l'accès à la justice. Or ces procédures démocratiques sont nécessaires à l'acceptation de projets d'aménagement qui ne font pas l'unanimité. Cette simplification se fera également au détriment des collectivités et de leurs agents, qui devront instruire des demandes plus vite sans en avoir les moyens.
Pourtant, il y a urgence à répondre à la crise du logement, urgence à nous adapter au dérèglement climatique, urgence à réindustrialiser tout en protégeant nos espaces naturels, agricoles et forestiers. Cela demande une véritable planification davantage qu'une simplification.
Les accélérations prévues permettront peut-être de gagner quelques mois sur des projets déjà très en retard, mais ce sont 2,8 millions de demandes de logement auxquelles il faudrait répondre, 210 000 femmes victimes de violence qu'il faudrait reloger et 350 000 personnes sans domicile auxquelles il faudrait procurer un toit. Hélas, ce texte supprime davantage des garde-fous qui dérangent quelques bétonneurs qu'il n'impulse l'élan nécessaire pour résoudre la crise du logement.
Nous avions joué le jeu de la modernisation du droit de l'urbanisme, pour tenir compte des difficultés rencontrées par nos élus pour le faire respecter. Nous avions notamment proposé de renforcer le droit de préemption des élus. Le Gouvernement faisait de même et nous avions bon espoir d'apporter un réel progrès sur ce point. Mais notre amendement a finalement été jugé irrecevable.
De même, alors que le texte prévoyait une réduction de dix à six mois du délai de jugement sur les demandes de permis de construction de logement social, cette disposition a été supprimée. Bref, oui pour empêcher les recours des associations environnementales, non pour faciliter l'implantation de logements sociaux...
C'est pourquoi nous maintenons notre opposition à ce texte. Le poète brésilien Ferreira Gullar a écrit : « L'homme est dans la ville comme l'arbre vole dans l'oiseau qui le quitte. Prenons soin de l'homme, prenons soin de la ville. » (On apprécie la référence ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Yannick Jadot . - L'accord trouvé en CMP s'inscrit dans le grand mouvement planétaire de simplification. Quel projet politique ! En réalité, tout le monde y met ce qu'il veut. Qu'il faille débureaucratiser, c'est certain ; mais reconnaissons que ce texte, qui complexifie parfois plus qu'il ne simplifie, a surtout vocation à masquer l'absence de la grande loi sur le logement dont nous voudrions débattre. Pas moins de 4 millions de personnes sont mal logées, 2,8 millions de familles attendent un logement social : voilà les problèmes à résoudre !
On peut toutefois se réjouir d'un retour à la raison, avec l'abandon des reculs sur les obligations de production des énergies renouvelables. Nous saluons aussi l'extension du périmètre des établissements publics fonciers, l'introduction dans la loi du référentiel national des bâtiments et la généralisation des permis multisites.
En revanche, nous regrettons les reculs en matière de participation du public, au moment où la défiance s'accroît et où les Français veulent être associés aux décisions sur leurs lieux de vie. Au-delà de l'acceptabilité des projets, c'est un enjeu de citoyenneté.
S'agissant des ombrières sur les parkings, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris ; en tout cas, je ne vois pas la simplification...
Nous dénonçons aussi la mise en concurrence de deux besoins légitimes au sein des RHVS : le logement des travailleurs et celui des personnes en situation de précarité. Au demeurant, sur le nouveau nucléaire, comment les Républicains ont-ils pu se faire damer le pion par les députés macronistes, qui ont donné à leur groupe le nom EPR ? (Sourires)
Enfin, je m'inquiète qu'une récente commission d'enquête sénatoriale recommande la suppression de l'Anru. Soyons sérieux ! Certes, il faut la simplifier, mais c'est le seul outil de grande transformation de nos quartiers. La supprimer serait une grave faute politique.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Yannick Jadot. - J'espère qu'il se trouvera une majorité pour défendre ce bel outil d'urbanisme et d'aménagement du territoire au profit des classes les plus populaires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du GEST)
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 30.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 05.