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Table des matières
Mises au point au sujet de votes
M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de résolution
Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de résolution
M. Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Mme Gisèle Jourda, rapporteure de la commission des affaires étrangères
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes
M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes
M. Nicolas Forissier, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité
Discussion de l'article unique
Intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mise au point au sujet d'un vote
Ordre du jour du mercredi 17 décembre 2025
SÉANCE
du mardi 16 décembre 2025
41e séance de la session ordinaire 2025-2026
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance est ouverte à 14 h 30.
Décès d'anciens sénateurs
Mme la présidente. - J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Edmond Lauret, sénateur de La Réunion de 1995 à 2001 et Yves Fréville, sénateur d'Ille-et-Vilaine de 1998 à 2008.
Mises au point au sujet de votes
M. Patrick Kanner. - Lors du scrutin public n°125, Yan Chantrel souhaitait voter contre.
Mme Amel Gacquerre. - Lors du scrutin public n°125, Dominique Vérien souhaitait voter pour.
M. Daniel Chasseing. - Lors du scrutin public n°125, je souhaitais m'abstenir.
Acte en est donné.
Accord avec le Mercosur
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur présentée, en application de l'article 73 quinquies C du règlement, par MM. Jean-François Rapin et Cédric Perrin et Mme Dominique Estrosi Sassone.
Discussion générale
M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions ; MM. Daniel Chasseing, Jean-Baptiste Lemoyne et Jacques Fernique applaudissent également.) Le groupe Les Républicains a souhaité l'examen de cette proposition de résolution que j'ai déposée avec Cédric Perrin et Dominique Estrosi Sassone afin de demander au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour empêcher l'accord avec le Mercosur. Une telle proposition est un moment rare en séance, totalement justifiée en l'occurrence. J'espère que nous enverrons à nouveau un signal fort du Sénat sur ce dossier, après les votes unanimes des deux commissions concernées.
Moment nécessaire aussi, car le Parlement européen s'exprime aujourd'hui même sur la clause de sauvegarde proposée par la Commission européenne, qui fait le forcing pour pouvoir entériner l'accord commercial le 20 décembre.
Nous prenons acte de la demande du Gouvernement de ne pas soumettre au vote l'autorisation de signature lors des prochaines réunions du Conseil européen, estimant que le compte n'y est pas.
Notre démarche n'est pas une manifestation d'hostilité à l'encontre du commerce international ou de tout accord de libre-échange. Nous sommes convaincus de la nécessité, pour l'Europe et la France, de développer des relations commerciales pour réduire les dépendances et renforcer autonomie et indépendance.
Mais pas à n'importe quel prix, pas dans n'importe quelles conditions, pas en faisant fi des atouts d'un marché unique de 450 millions de consommateurs, pas en bradant notre autonomie réglementaire ou nos principes - surtout lorsque la Commission européenne tente par tous les moyens de contourner les parlements nationaux. Monsieur le ministre, j'ai vu à Copenhague lors de la réunion de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac) que les parlementaires français n'étaient pas les seuls à s'opposer à cet accord.
Alors que les négociations ont débuté il y a vingt-cinq ans, cet accord n'est toujours pas satisfaisant - même après les nouvelles discussions engagées, même après la présentation de l'accord repoussoir de 2019.
La politique du marché unique, les règles que l'on impose à nos entreprises et nos agriculteurs doivent être cohérentes avec la politique commerciale.
Les enjeux agricoles sont au coeur de l'opposition contre cet accord, au même titre que les enjeux démocratiques et institutionnels. La saisine de la CJUE nous paraît justifiée pour deux raisons : la décision de scinder l'accord pour contourner le vote des parlements nationaux en présentant de surcroît un accord de partenariat au lieu d'un accord d'association, et l'enjeu que représente le mécanisme de rééquilibrage pour l'autonomie réglementaire de l'Union européenne.
En effet, le 3 septembre dernier, lorsque le collège des commissaires a adopté l'accord, il l'a scindé en un accord de partenariat et un accord commercial intérimaire, qui ne nécessite pas de ratification par les parlements nationaux.
Le Conseil européen avait pourtant affirmé en 2018 que l'accord avec le Mercosur devait rester mixte. Or, en proposant un accord de partenariat, la Commission contourne la règle de l'unanimité, la majorité qualifiée s'appliquant pour les deux accords.
Les conséquences du mécanisme de rééquilibrage introduit à la demande des États du Mercosur ne sont pas correctement évaluées. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, monsieur le ministre ! Sommes-nous en train de brader l'autonomie réglementaire de l'Union ?
Monsieur le ministre, nous vous demandons de vous opposer à cet accord tel qu'il a été négocié. Les garanties promises par la Commission ne sont pas satisfaisantes. Saisissez la CJUE afin qu'elle tranche les enjeux juridiques que nous soulevons. C'est une question démocratique ! (M. Christian Cambon renchérit.) Nous avons besoin d'un engagement clair. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Henri Cabanel, Didier Marie et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Au-delà de la question fondamentale du respect des prérogatives des États membres et des parlements nationaux se joue la capacité de nos agriculteurs à continuer à vivre de leur travail et celle de notre pays à conserver sa souveraineté alimentaire. Cet accord expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale et nos concitoyens à des risques sanitaires. Il y aurait un surplus d'importation de 53 000 tonnes de viande pour la seule filière bovine ! C'est le coup de trop !
Alors que nos éleveurs bovins se battent contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et que les producteurs de betteraves se voient interdire des produits qui sauveraient leur récolte, les volumes importés ne sont pas abstraits.
Les coûts de la production bovine sont 40 % plus faibles dans les pays du Mercosur que dans les élevages européens. Nos agriculteurs respectent des règles plus strictes sur les produits phytosanitaires, le bien-être animal et les conditions de travail. Or l'accord ne comporte aucune stipulation spécifique. Au contraire, il prévoit un allègement des contrôles sanitaires et phytosanitaires.
C'est d'autant moins acceptable que notre balance commerciale agricole devrait être déficitaire en 2025, pour la première fois depuis 1978. Ouvrons les yeux ! Nous assistons à l'effacement de notre agriculture. (On renchérit à droite.)
Il y a des sacs Vuitton, mais la quasi-totalité de nos vêtements vient de Chine. De même, la volaille de Bresse ne suffit plus à cacher que la moitié des poulets que nous mangeons est importée. La montée en gamme de notre agriculture n'est pas la solution, si c'est l'arbre qui cache la forêt de la perte de souveraineté alimentaire. Les normes vertueuses n'ont aucun sens si l'on ouvre nos portes à des produits qui ne les respectent pas. Les Français n'en peuvent plus de cette hypocrisie propre au « en même temps » macroniste ! (« Très bien ! » sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)
La Commission européenne dit qu'il y aura des garde-fous, mais la clause de sauvegarde sera difficile à activer. Bruxelles annonce aussi une task force pour multiplier les audits, mais comment ces contrôles supplémentaires seraient-ils suffisants au regard des volumes importés ? Aucune réponse claire n'a été apportée.
Sur la réciprocité, la Commission européenne promet des avancées de dernière minute, pour durcir les règles sur les importations de pesticides. Mais ce nouveau chantier n'aboutira pas avant longtemps, alors que l'accord pourrait être adopté dès la fin de l'année. Nous attendons désespérément des mesures miroirs.
J'ai l'impression qu'Emmanuel Macron et la Commission européenne nous font visiter un accord Potemkine. On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes...
M. François Bonhomme. - Plus qu'un peu !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - L'agriculture européenne n'est pas une variable d'ajustement de la start-up nation du président Macron. Le Sénat doit montrer aux agriculteurs qu'il se tient à leurs côtés. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; MM. Alain Marc et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Les prises de position du Président de la République ont été ambiguës et contradictoires. Après avoir affirmé à plusieurs reprises que l'accord ne pouvait être approuvé, il a trahi le monde agricole (on renchérit à droite) en se disant « plutôt positif » le 6 novembre dernier. Il se refuse à saisir la CJUE pour faire barrage au coup de force de la Commission. Nous demandons au Gouvernement de tenir sa parole pour défendre l'agriculture européenne. Au nom de la France, Emmanuel Macron doit s'opposer à l'accord. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Mireille Jouve et MM. Alain Marc et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les négociations ont débuté en 1999 pour succéder à un accord-cadre de 1995. Côté Mercosur, l'accord prévoit une levée de 91 % des droits de douane sur les importations en provenance de l'Union européenne. Des contingents sont prévus pour de nombreux produits non entièrement libéralisés : 30 000 tonnes pour le fromage, 10 000 tonnes pour le lait en poudre et 5 000 tonnes pour le lait infantile. L'accord prévoit également la reconnaissance de 350 indications géographiques européennes.
Côté européen, l'accord se traduira par la suppression de 92 % des droits de douane. Pour les produits non entièrement libéralisés, l'Union européenne accordera des réductions partielles, notamment pour les produits agricoles, avec des quotas de 99 000 tonnes de boeuf, 180 000 tonnes de volailles, ou encore 16 millions de tonnes de sucre.
Les partis s'engagent à ouvrir les appels d'offres de marchés publics aux entreprises de l'autre continent.
Selon une étude de la Commission européenne de 2025, les exportations européennes vers le Mercosur progresseraient de 39 %, contre 16,9 % dans l'autre sens.
En dépit des modifications apportées à la première version de l'accord, force est de constater que les exigences françaises ayant trait à la lutte contre la déforestation, au respect de l'accord de Paris et à la réciprocité des normes de production n'ont été que très partiellement satisfaites. Certes, l'accord de Paris y est désormais intégré, mais la notion de « non-application de bonne foi » justifiant une possible suspension de l'accord avec le Mercosur est floue.
Le chapitre « commerce et développement durable » a été complété par une annexe contre la déforestation, mais les engagements, bien que juridiquement contraignants, ne sont assortis d'aucune sanction commerciale. En contrepartie, les États du Mercosur ont obtenu un mécanisme de rééquilibrage permettant à une partie de demander une compensation si une mesure porte atteinte aux avantages prévus par l'accord. Or la notion de mesure fait l'objet d'interprétations divergentes. Cela pourrait réduire la capacité de l'Union européenne à adopter de nouvelles normes environnementales, en contradiction avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique européen. En droit national, l'effet dissuasif de ce mécanisme porterait atteinte à notre souveraineté et serait donc contraire à notre Constitution.
Le principe de précaution est bien mentionné, mais son champ d'application est très restreint : il ne couvre pas la sécurité sanitaire des aliments et la santé humaine.
Enfin, un point majeur : sauf quelques exceptions, les règles européennes de production ne seront pas imposées aux importations provenant du Mercosur. Cette situation, source de distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs, est inacceptable. Le règlement proposé par la Commission européenne qui permet le retrait temporaire des préférences tarifaires en cas de danger pour certaines filières ne répond qu'imparfaitement aux inquiétudes du monde agricole.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter cette proposition de résolution dans la rédaction issue des travaux des commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Mme Gisèle Jourda, rapporteure de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Didier Marie applaudit également.) Le contenu de cet accord est contestable en soi, en raison des risques qu'il comporte pour l'environnement et notre agriculture, notamment outre-mer. La procédure de ratification retenue par la Commission européenne fragilise sa légitimité démocratique. Sa légalité doit être examinée par la CJUE.
Malgré l'opposition de plusieurs États membres, dont l'Autriche, l'Irlande, la Pologne, les Pays-Bas, la France, la Commission européenne a choisi d'aller au bout des négociations de façon précipitée. L'accord était discuté depuis 1999, mais Ursula von der Leyen a décidé de passer en force le 6 décembre 2024 à Montevideo, ignorant les réserves de plusieurs gouvernements. La Commission a décidé ensuite de scinder l'accord, alors que cela ne correspond pas au mandat fixé par le Conseil européen en 1999, qui demandait un accord d'association, à la fois commercial et politique. En 2018, le Conseil avait rappelé que les accords avec le Mexique, le Mercosur et le Chili devaient rester des accords mixtes, devant être ratifiés par l'ensemble des États membres.
Pourtant, le 3 septembre 2025, la Commission a présenté deux textes séparés. Ce faisant, elle s'est écartée du mandat que lui avait confié le Conseil sur deux points essentiels : elle a transformé l'accord intérimaire en accord autonome ; elle a proposé un accord de partenariat et non un accord d'association. Or ce dernier appartient à une catégorie juridique particulière dont la procédure requiert l'unanimité. La Commission européenne a donc modifié la base légale de l'accord de sa propre initiative pour éviter le veto d'un État membre.
Cette scission contourne les parlements nationaux et les États membres. Le volet commercial pourrait s'appliquer quand bien même un ou plusieurs États refuseraient de ratifier l'accord de partenariat. Cette méthode réduit encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord déjà largement contesté par l'opinion publique. Cette démarche soulève de nombreux doutes juridiques. Elle pourrait contrevenir à l'équilibre institutionnel prévu par les traités. S'ajoutent des questions sur le principe de précaution et le mécanisme de rééquilibrage.
Nous estimons qu'il est politiquement et juridiquement justifié de saisir la CJUE, qui pourra alors dire si ces accords sont compatibles avec les traités. Quelque 145 eurodéputés issus de cinq groupes et de 21 nationalités avaient demandé cette saisine le 14 novembre. Il est regrettable que cette proposition de résolution n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour du Parlement européen.
La balle est dans le camp des États membres qui ont la possibilité de saisir la CJUE. Tel est l'objet de cette proposition de résolution que nous vous proposons d'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, des groupes INDEP et Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Didier Marie et moi-même l'avons constaté : l'accord commercial négocié par la Commission européenne avec les pays du Mercosur est un accord d'ancienne génération, qui sacrifie notre agriculture sur l'autel de nouveaux marchés industriels. C'était déjà notre position en 2019.
Usage massif des pesticides, normes environnementales quasi inexistantes, traçabilité défaillante, mépris du bien-être animal et des conditions de travail : un véritable fossé nous sépare du Mercosur. Quelque 77 % des substances actives autorisées pour traiter le maïs au Brésil sont interdites en Europe et en France. Résultat : un avantage prix écrasant pour ces pays. Face à la levée de boucliers, la Commission européenne a été contrainte de renégocier, pour présenter une nouvelle mouture en 2024. Mais quelles garanties nouvelles ont-elles été obtenues ? Aucune ! Les quotas à taux préférentiel ont-ils été revus ? Non. Les standards sanitaires et environnementaux harmonisés ? Non plus. Les clauses miroirs intégrées ? Pas davantage. L'accord n'ayant pas bougé d'un iota, pourquoi notre position devrait-elle évoluer ?
Ne nous laissons pas berner par la clause de sauvegarde. La Commission européenne facilite l'activation de mécanismes déjà présents en 2019, sans obligation nouvelle pour le Mercosur, afin d'offrir un répit illusoire à nos filières.
Ayons le courage de la lucidité ! Face à ces produits, notre agriculture devra s'adapter : c'est-à-dire cesser de produire dans certains cas ! En témoigne le fonds de compensation prévu par la Commission pour les filières qui n'arriveraient pas à résister à la concurrence.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Nous sommes à un tournant majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - (M. Patrick Kanner applaudit.) La Commission européenne a outrepassé le mandat qui lui avait été confié par le Conseil. Elle a choisi une architecture juridique pour contourner le vote à l'unanimité. C'est un passage en force, qui méconnaît les exigences de la loyauté institutionnelle et l'équilibre des compétences entre les institutions européennes. Sa compatibilité avec les traités doit être tranchée par le juge européen.
Ensuite, l'introduction d'un mécanisme de rééquilibrage ouvre la voie à une remise en cause directe des politiques environnementales, sanitaires et de protection des consommateurs de l'Union européenne. Ce mécanisme pourrait devenir un instrument de pression pour contraindre l'Union à renoncer à ces politiques pourtant légitimes. C'est une menace inacceptable pour notre souveraineté réglementaire, difficilement conciliable avec les objectifs des traités.
Enfin, l'accord soulève des interrogations quant au respect du principe de précaution : il prévoit en effet un allègement des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Le principe de précaution est évoqué, mais vidé de sa portée, exposant l'Union européenne à des contentieux susceptibles d'entraîner le retrait de mesures protectrices essentielles.
La saisine de la CJUE est le dernier levier juridique et politique pour défendre nos intérêts stratégiques, préserver nos standards sanitaires et environnementaux et traduire en acte l'opposition réitérée de la France à cet accord tel qu'il a été négocié. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Nicolas Forissier, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité . - Nous débattons d'un sujet très important pour le Gouvernement, le Parlement, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, notamment nos agriculteurs. Ce sujet s'inscrit dans un domaine plus large, le commerce international.
Je souhaite un dialogue nourri et régulier avec le Parlement, les filières et la société civile pour définir ensemble notre stratégie internationale afin de valoriser au mieux nos intérêts commerciaux à l'exportation tout en protégeant nos filières, mais avec un esprit de conquête, sans naïveté, mais avec opiniâtreté.
Le multilatéralisme est fragilisé, l'ordre international se redessine, les tensions sont fortes, le commerce international fait l'objet de mouvements tectoniques. Le renforcement de nos partenariats et la diversification de nos échanges doivent réduire nos dépendances et offrir à nos entreprises de nouvelles sources de croissance. Les liens d'amitié anciens qui nous unissent avec les pays d'Amérique latine font de ces pays des candidats naturels.
Des inquiétudes légitimes s'expriment quant à l'impact des accords de commerce sur certaines filières. Mais ne perdons pas de vue les nombreux bénéfices qu'ils offrent à nos entreprises, notamment les PME. Ainsi, si plusieurs filières sensibles demandent des garanties, dont nous devons tenir compte, dans l'accord avec le Mercosur, les filières lait, fromages, vins et spiritueux, et notre industrie en général bénéficieront de cet accord, par l'accès aux marchés publics notamment.
Nous devons diversifier nos marchés et nos exportations, et sécuriser l'avenir de nos entreprises et de nos filières. Pour éviter de trop dépendre de certains marchés, il faut en conquérir de nouveaux. Ces accords sont donc utiles. Toutefois, cette démarche doit s'inscrire dans le cadre de relations équilibrées, dans le respect de nos intérêts stratégiques et de la protection des consommateurs.
Il serait donc inenvisageable d'accepter un accord qui ne répondrait pas à ces exigences. Il n'est pas envisageable de favoriser les intérêts de certaines filières au détriment d'autres, a fortiori des filières agricoles. (MM. Rémy Pointereau et François Bonhomme s'en félicitent.)
L'accord conclu à Montevideo n'est pas acceptable en l'état. Notre position à cet égard est claire et sans ambiguïté. Elle est partagée par l'ensemble du Gouvernement. Notre boussole est claire : la défense de nos intérêts et la protection de nos filières agricoles.
Certains commentateurs ont laissé entendre que la France se serait résignée face à l'offensive de la Commission européenne. C'est tout l'inverse ! Depuis plus d'un an, la France a fait valoir ses positions tant auprès de la Commission européenne qu'auprès de ses partenaires et de l'ensemble des États membres partageant ses réserves. Le Président de la République, le Premier ministre, les ministres ont mené de nombreuses démarches pour adresser un message clair.
En juin 2025, l'Italie, la France, l'Autriche et la Hongrie ont adopté des déclarations ministérielles conjointes, rejointes ensuite par la Pologne en juillet. Depuis le départ, notre stratégie est claire : si nous jugeons l'accord inacceptable, notamment pour nos filières agricoles, celui-ci ne saurait être adopté.
La France a formulé trois demandes : protéger les filières agricoles européennes de tout risque de déstabilisation ; assurer que les produits importés respectent les mêmes normes sanitaires, phytosanitaires et environnementales que les produits européens ; enfin, renforcer les contrôles sanitaires et phytosanitaires.
Il n'est pas acceptable qu'un accord commercial perturbe certaines filières agricoles sensibles. Nous devons nous prémunir contre toute hausse massive des importations qui causerait des dommages irréversibles. Je le dis d'autant plus que ma vie politique s'est construite dans un territoire d'élevage de bovins allaitants.
Les garde-fous prévus par l'accord sont insuffisants : il faut aller plus loin que les quotas, et donc prévoir des clauses de sauvegarde. Le dispositif contenu dans l'accord ne convient pas, car il n'est pas suffisamment protecteur. D'où notre volonté de le renforcer pour les produits agricoles. En octobre dernier, la Commission européenne a proposé un projet de règlement renforçant la clause de sauvegarde bilatérale pour les produits agricoles sensibles, grâce à l'action de la France. Mais j'ai noté votre scepticisme quant à sa portée.
La clause de sauvegarde contenue dans l'accord est juridiquement contraignante pour toutes les parties. Mais le cadre étant large et une marge d'interprétation existant dans l'appréciation de l'existence ou non d'un préjudice, l'enjeu est de savoir dans quelles conditions la Commission européenne se saisira ou non de cette possibilité pour prendre rapidement des mesures, avant tout dommage irrémédiable.
Ce projet de règlement repose sur quatre éléments protecteurs : premièrement, une surveillance fine des marchés et de l'impact de l'accord sur les filières, à l'échelle de l'Union européenne, mais aussi de chaque État membre, afin de détecter d'éventuelles perturbations sur les volumes ou les prix. À l'écoute de nos éleveurs, nous avons obtenu de la Commission européenne des avancées sur les modifications de la nomenclature douanière. Cela profitera à l'aloyau, pièce de boeuf à haute valeur ajoutée, mais aussi aux filets de volaille.
Deuxièmement, l'ouverture d'une enquête par la Commission à la demande d'un État membre ou de toute personne morale ou physique agissant au nom des filières.
Troisièmement, le lancement, sans délai, d'une enquête de la Commission quand certains critères quantitatifs - prix, volumes importés - sont remplis, pour vérifier la réalité des perturbations de marché. Nous nous fonderons sur des années glissantes, et non sur un rythme annuel. Ces enquêtes pourront faire cesser les importations.
Quatrièmement, si ces perturbations concernant des produits sensibles sont avérées, les délais de réaction seront très courts, la clause de sauvegarde sera actionnée sous 21 jours et la conclusion de l'enquête attendue en quatre mois.
Ce projet de règlement encadre donc, voire automatise la pratique de la Commission européenne pour qu'aucune perturbation ne soit laissée sans réponse rapide. Cela montre que nos préoccupations commencent à être entendues. Nous examinons l'opérationnalité du dispositif. Il doit être activable facilement, pour protéger nos filières agricoles.
Ce texte est en discussion au Parlement européen. Un compromis a été adopté il y a deux heures ; ainsi le trilogue pourra reprendre ses travaux. Le seuil de déclenchement des évolutions, en volumes et en prix, passe de 10 % à 5 % : on resserre la maille. Et les obligations de la Commission européenne sont renforcées : elle devra - et non seulement « pourra » - adopter des mesures définitives quand les conditions seront réunies, dans le cadre de la clause de sauvegarde.
Le projet de règlement doit être adopté rapidement, avant toute expression du Conseil de l'Union européenne.
Cette avancée, utile, ne sera toutefois pas suffisante. Le compte n'y est pas !
M. Yannick Jadot. - Et donc ?
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Cependant, madame Estrosi Sassone, on s'éloigne du village Potemkine.
La France souhaite que les normes imposées aux producteurs européens pour des raisons environnementales ou sanitaires s'appliquent aux produits importés. (M. François Bonhomme renchérit.) C'est une demande ancienne. Nous en parlions déjà lors de l'examen de la loi rurale, ici au Sénat, il y a vingt ans. J'étais à l'époque secrétaire d'État à l'agriculture. Les mesures miroirs relèvent autant du bon sens que de l'équité. (M. Guillaume Chevrollier renchérit.) Nous ne pouvons continuer à importer des produits alimentaires traités avec des pesticides interdits en Europe. Nos normes sont légitimes, mais elles perdent leur sens si des produits ne les respectant pas sont importés. La France demande donc à la Commission européenne une réponse à la hauteur des enjeux.
Attention, il ne s'agit pas de clauses miroirs, mais de mesures miroirs, qui s'appliqueraient à l'ensemble des produits importés, et non aux seuls produits issus des importations avec des pays du Mercosur. La mesure miroir la plus ancienne date de 1996 et concerne le boeuf aux hormones. La Commission européenne doit proposer, sans délai, de nouvelles mesures. Nous devons notamment réviser le règlement européen pour abaisser les limites maximales des substances actives non autorisées en Europe.
Nous devons être plus fermes sur les activateurs de croissance, et interdire l'importation d'animaux et de produits d'origine animale traités avec des additifs antimicrobiens.
Tout cela n'aurait pas de sens sans contrôles sanitaires robustes. D'où la demande de la France de contrôles sanitaires et phytosanitaires renforcés, tant aux frontières de l'Union qu'au sein même des pays exportateurs, par des audits réalisés sur place. Cela suppose des moyens, de la transparence, et des résultats rapides et fermes. La Commission européenne doit s'assurer du respect effectif des normes européennes dans les produits agricoles importés, pour protéger les consommateurs. Ces normes sont valables pour tous, peu importe la provenance.
Le Gouvernement attend rapidement de la Commission européenne un plan d'action détaillé, accompagné de propositions législatives, afin d'avancer vers une force européenne de contrôle sanitaire, comme le demande le Président de la République. La Commission a fait de premières annonces la semaine dernière.
C'est uniquement à l'aune des progrès concrets et mesurables sur ces sujets que la France arrêtera sa position définitive sur l'accord. À ce stade, le compte n'y est pas. (Murmures à droite)
Le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République travaillent à l'obtention de résultats concrets, au service de nos concitoyens. (M. Yannick Jadot ironise.)
Notre plan d'action doit-il comporter une saisine de la CJUE ? (« Ah ! » à droite) Je comprends votre démarche, qui concourt à l'effort global de la France, mais aussi d'autres pays, pour défendre certains principes. Mais, à ce stade, je ne pense pas qu'il soit nécessaire ni urgent de saisir la CJUE.
M. Jean-François Rapin. - La signature est prévue dimanche !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Nous devons dans l'immédiat obtenir des résultats concrets. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yannick Jadot ironise.) Or une saisine de la France dans la CJUE ne serait pas suspensive. (Les protestations se poursuivent.) Cela n'empêcherait pas la signature d'un accord. (Mêmes mouvements)
M. Yannick Jadot. - C'est reparti !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Ce qui guide l'action du Gouvernement, c'est d'obtenir des résultats concrets. La Commission a fait de premières annonces sur les mesures miroirs. Mais la France ne pourra se prononcer...
M. Yannick Jadot. - Qu'après la signature !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - ... que sur la base d'éléments précis. Notre objectif, c'est de peser sur la Commission européenne et d'entraîner nos partenaires européens.
M. Yannick Jadot. - C'est sûr que ça marche très bien !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - ... En l'état, les conditions d'une signature de l'accord ne sont pas réunies. Nous continuerons à défendre notre statut de grande puissance agricole.
M. François Bonhomme. - Belle acrobatie !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Vous êtes aussi sensibles à la négociation du cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 de la PAC. Nous devons préserver le caractère commun de cette politique.
Je suis à l'écoute du Sénat. La priorité des priorités, c'est obtenir une évolution concrète de la Commission européenne. (M. François Patriat applaudit.)
M. Yannick Jadot. - Merci, monsieur Patriat !
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°2 rectifiée de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic . - Nous ne débattons pas ici du fond de l'accord avec le Mercosur, mais de notre Constitution. Cette proposition de résolution franchit une ligne rouge et dépasse le rôle du Parlement : elle demande au Gouvernement ce qu'il ne peut légalement pas faire. Le dire clairement n'est pas mépriser les inquiétudes agricoles, c'est refuser de travestir le droit pour apaiser une colère.
Aux termes de l'article 52 de la Constitution, la politique étrangère et commerciale relève de l'exécutif. C'est un principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Or cette résolution intime une injonction diplomatique, exige un veto national, là où la France n'a pas de veto juridique autonome. Nous mélangeons politique nationale et compétence européenne. C'est inacceptable !
La politique commerciale est une compétence exclusive de l'Union européenne. Le Gouvernement le sait, le Parlement le sait ; pourtant on fait semblant de l'ignorer. Adopter ce texte exposerait le Sénat à une contradiction constitutionnelle grave. Pire, cela fragiliserait la parole de la France à Bruxelles. On ne peut prétendre orienter l'Union européenne lorsqu'on est minoritaire. Jean Monnet disait : « l'Europe se fera dans les crises, mais seulement si les États acceptent de jouer collectif. »
Le Gouvernement défend le report de la signature de l'accord, non par stratégie européenne, mais par crainte des manifestations. Ce n'est pas une politique, mais une suspension de décision sous pression. Le Sénat ne peut devenir l'amplificateur institutionnel de cette hésitation, encore moins en adoptant un texte sans portée juridique, sans effet réel, mais à l'impact diplomatique fortement négatif. Soyons lucides : il s'agit moins de défendre des principes que de produire un affichage symbolique, dangereux pour la France, l'Europe et la crédibilité de nos institutions. Robert Schuman disait que l'Europe ne se construirait pas contre les nations, mais avec elles, dans le respect des règles communes.
M. Laurent Duplomb. - C'est ce qu'elle fait.
M. Olivier Cadic. - En adoptant cette résolution, nous affaiblirions les règles et créerions un précédent regrettable. Le Sénat est une chambre de sagesse et non de contournement constitutionnel. Dire non aujourd'hui, ce n'est pas ignorer les inquiétudes, c'est refuser de dégrader l'État de droit pour céder à la rue. Par cohérence, cette motion d'irrecevabilité doit être adoptée.
M. Guillaume Gontard. - Cette motion, fondée sur l'article 52 de la Constitution, ignore opportunément les dispositions de l'article 53 selon lesquelles un traité de commerce ne peut être ratifié ou approuvé qu'en vertu d'une loi. Si la Commission européenne avait respecté la procédure classique, le Parlement aurait dû se prononcer.
L'article 88-4 de la Constitution, invoqué par Olivier Cadic est pourtant limpide : des propositions de résolutions peuvent être adoptées sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
Le Parlement formule une demande au pouvoir exécutif : nulle injonction.
Invoquant la compétence exclusive de l'Union européenne en matière commerciale, M. Cadic feint d'ignorer que l'Union n'est pas fédérale : le Conseil doit se prononcer par un vote à la majorité qualifiée de 55 % des États membres, représentant 65 % de la population. Le vote français - 15 % de la population européenne - sera décisif.
Le Parlement a le droit d'affirmer la position du peuple, qu'il représente. Le Gouvernement, responsable devant le Parlement, doit écouter notre position.
Comment peut-on défendre un accord de libre-échange vieux d'un quart de siècle au vu de nos fragilités agricoles et industrielles ? L'heure est à la relocalisation. J'ai une pensée émue pour nos éleveurs qui subissent l'épidémie de dermatose et n'ont pas besoin de cette concurrence déloyale. Si manger français était notre priorité, nous vaccinerions le cheptel et éviterions les abattages de troupeaux.
Tournons la page d'une mondialisation forcenée. Cette motion est à contre-courant de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Avis défavorable.
En vertu de l'article 53, le Parlement peut légitimement s'intéresser au contenu de tels accords.
Cette proposition de résolution ne méconnaît pas la compétence exclusive de l'Union européenne en matière commerciale, mais il s'agit d'un accord mixte, devant faire l'objet d'un vote à l'unanimité au Conseil et d'une ratification par les parlements nationaux. En scindant l'accord, la Commission européenne a voulu se soustraire à ces règles : c'est grave.
Nulle injonction vis-à-vis du Gouvernement : nous lui demandons de saisir la CJUE. Ce n'est qu'une demande ; libre à lui de le faire ou non...
Certes, un texte similaire a été rejeté par le bureau du Parlement européen au motif que la procédure n'en était qu'au stade du Conseil. Mais cette décision est contestable au vu du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui ne fixe aucune contrainte de cette nature pour la saisine de la CJUE par le Parlement européen.
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - Je salue l'engagement du sénateur Cadic pour la conquête commerciale.
La position de la France est de favoriser un commerce international équilibré, qui repose sur des accords de libre-échange respectant nos filières et nos principes. Nous ne sommes pas dans le repli sur soi, car nous devons diversifier et sécuriser nos marchés, sachant que 4 millions de salariés dépendent directement du commerce extérieur...
Je ne pense pas qu'il revienne au Gouvernement de se positionner sur cette motion : sagesse.
M. Daniel Chasseing. - L'accord avec le Mercosur sans clauses miroirs ni garanties suffisantes sera très défavorable aux éleveurs, de bovins et de volailles notamment. Il s'agira de concurrence déloyale, car les normes européennes ne seront pas respectées. Alors que le Président de la République a déclaré que le compte n'y était pas, la signature devrait intervenir avant la fin de l'année. La Commission européenne a contourné la ratification par les parlements.
Nous devons nous mobiliser pour que l'accord ne soit pas signé. Nous voterons donc contre la motion et pour la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
La motion n°2 rectifiée n'est pas adoptée.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1 rectifiée de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic . - Nous ne sommes pas réunis pour choisir le confort, mais l'avenir. Cette proposition de résolution européenne, qui se présente comme protectrice, est en réalité une faute stratégique.
L'histoire est sévère avec les nations qui se retirent du monde. Victor Hugo l'aurait dit ainsi : on ne se protège pas en fermant les portes, on s'ensevelit. (Protestations sur les travées du GEST) Refuser cet accord, ce n'est pas résister, c'est s'effacer. Pendant que nous hésitons, d'autres avancent. Négocier pendant vingt-cinq ans avant de reculer, c'est envoyer un message de renoncement.
Les entreprises françaises ont beaucoup à gagner : un marché de 270 millions de consommateurs, 80 % de droits de douane en moins sur certains produits, de l'emploi, de la croissance. Contrairement à certaines caricatures, l'agriculture française sera aussi gagnante : vins, spiritueux, fromage, lait... Nos exportations de vin pourraient augmenter de 50 % : quel débouché ! Refuser l'accord, c'est favoriser l'arrachage des vignes.
Sans accord, aucun levier pour améliorer l'environnement. Signer, c'est pouvoir exiger.
Victor Hugo dit que l'avenir appartient à ceux qui osent. (Nouvelles protestations sur les travées du GEST) Les sénateurs sont sous pression, le Gouvernement prudent. Une Europe qui renoncerait à cet accord ne serait pas souveraine, mais marginalisée. Votons cette motion, pour que la France reste une puissance qui vend et qui avance.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Nous sommes en profond désaccord avec cette analyse. En l'état, cet accord est inacceptable.
Premièrement, ses stipulations sur le développement durable sont très insuffisantes, avec des sanctions complexes à mettre en oeuvre, quand elles ne sont pas inexistantes.
Deuxièmement, l'absence de clauses miroirs est source de concurrence déloyale.
Troisièmement, le mécanisme de rééquilibrage est une épée de Damoclès sur nos réglementations européennes environnementales.
Quatrièmement, la scission de l'accord est un déni de démocratie.
Avis défavorable.
Monsieur Cadic, Victor Hugo était en son temps contre les chemins de fer... (M. Pascal Allizard applaudit.)
M. François Bonhomme. - Ça déraille !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - M. Cadic a raison de rappeler que cet accord comporte aussi, malgré les inquiétudes, des avantages très importants, y compris pour des filières agroalimentaires. Je le dis aux sénateurs élus de territoires producteurs de lait, de fromage, de vin.
Quand je vais en Chine défendre le Cognac, la crème de Normandie ou la viande de porc, les filières me demandent de diversifier leurs débouchés.
Il est hors de question de sacrifier certaines filières : la viande bovine, la volaille, le sucre et le bioéthanol ont besoin de garanties supplémentaires. La position du Gouvernement est équilibrée et ferme.
Ce débat concourt à cet effort collectif pour nous faire entendre de la Commission et de certains de nos partenaires.
Sagesse, car il revient au Sénat de trancher.
La motion n°1 rectifiée n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) « Nous défendrons notre politique agricole contre toutes les forces qui poussent vers la dérégulation, parce qu'il y va d'une agriculture de qualité, d'une agriculture de confiance et de sécurité pour le consommateur. Parce que c'est notre identité, parce que c'est le choix européen qui sont en jeu. Et parce que nous n'avons pas à payer d'acompte pour lancer la négociation. » Ces mots du président Chirac en 2001 résonnent particulièrement...
L'écart entre les conditions de production européennes et celles des pays du Mercosur est bien documenté. Le Brésil est le premier exportateur mondial de viande bovine et de volaille, le premier producteur de sucre de canne, mais aussi le premier consommateur de produits phytosanitaires. En 2020, plus d'un quart des substances actives utilisées au Brésil étaient interdites en Europe. D'où une concurrence déloyale, avec un risque direct sur la santé des consommateurs. Je salue les agriculteurs de France, et notamment ceux des Bouches-du-Rhône.
La production de viande bovine du Mercosur génère des émissions de gaz à effet de serre bien supérieures à celles dans l'Union européenne. Ce traité n'est donc pas compatible avec l'accord de Paris.
Le coeur du débat est démocratique. Comment justifier que l'on impose à nos agriculteurs des exigences sanitaires, sociales et environnementales toujours plus élevées, quand on ouvre nos marchés à des productions qui ne respectent pas les mêmes standards ? Je rappelle la résolution du RDSE de 2018. On ne peut d'un côté vouloir renforcer la souveraineté alimentaire et de l'autre défendre cet accord de libre-échange.
En mai 2018, la Commission européenne considérait qu'il s'agissait d'un accord mixte, appelant l'unanimité du Conseil, le vote du Parlement européen et la ratification par les parlements nationaux. La scission de l'accord pour permettre une adoption à la majorité qualifiée modifie profondément le mandat de négociation.
Cet accord a des conséquences sur l'agriculture, la santé publique, l'environnement et l'organisation des territoires, qui relèvent des compétences nationales ou partagées.
Nous ne remettons pas en cause l'engagement européen de la France, mais faisons respecter les procédures, les compétences et les principes européens.
En demandant au Gouvernement de saisir la CJUE, nous voulons sécuriser juridiquement le processus et garantir le rôle des parlements nationaux. C'est ainsi que l'Union européenne pourra continuer à agir, dans le respect des principes démocratiques qui fondent sa légitimité.
Le RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Amel Gacquerre . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Au nom du groupe UC, je dis avec force notre opposition à ce traité avec le Mercosur. Je comprends et partage la colère de nos agriculteurs. Ce traité est inacceptable et incompréhensible pour celles et ceux qui se lèvent chaque matin pour nourrir nos concitoyens.
Il prévoit l'importation de 99 000 tonnes de viande bovine par an, soit la production de 45 000 éleveurs français, alors que leurs revenus stagnent à 15 000 euros par an en moyenne !
Le Brésil utilise 175 substances actives interdites en Europe. L'Amazonie est déforestée au rythme de 13 000 km² par an pour cultiver du soja. Et nous, nous imposons le verdissement de la PAC, les haies et la rotation des cultures, sans parler de l'obésité administrative. C'est un non-sens économique, écologique et moral. Comment expliquer aux agriculteurs qu'ils doivent respecter des normes toujours plus strictes quand nous ouvrons grand les portes à des productions qui ne sont soumises à aucune règle ? Ce traité n'est pas amendable ; il doit être rejeté.
L'attitude de la présidente de la Commission européenne, qui a choisi de passer outre l'opposition de la France, est choquante. Ce n'est pas l'Europe que nous défendons. Elle a aussi choisi de scinder le texte pour s'exonérer de la règle de l'unanimité : c'est un coup de force institutionnel.
Je salue l'initiative de Jean-François Rapin, Dominique Estrosi Sassone et Cédric Perrin de demander au Gouvernement de s'opposer fermement au traité. Cela permettra d'obtenir une clarification de la CJUE sur la méthode employée par la présidente de l'Union européenne. Cette démarche est indispensable et urgente, et envoie un signal politique fort : le Sénat est aux côtés des agriculteurs.
La France ne peut sacrifier son agriculture sur l'autel d'un libre-échange aveugle. Nos exigences sanitaires et environnementales ne sont pas négociables.
Le groupe UC votera cette proposition de résolution, pour dire non au Mercosur. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Didier Marie applaudit également.)
M. Cyril Pellevat . - Dimanche dernier, la France a demandé à l'Union européenne le report de la signature de l'accord commercial avec le Mercosur. Aujourd'hui même, le Parlement européen se prononce sur les mesures de sauvegarde.
Cette proposition de résolution demande au Gouvernement de saisir la CJUE sur la compatibilité de l'accord avec les traités européens. Une proposition de résolution similaire a été déclarée irrecevable au Parlement européen.
La décision de la Commission de scinder l'accord pour contourner la règle de l'unanimité interroge. Le mandat de 1999 exigeait l'unanimité du Conseil. En 2018, le Conseil a rappelé qu'il lui appartenait de décider au cas par cas de la scission des accords commerciaux et il a considéré que l'accord avec le Mercosur était un accord mixte.
De surcroît, la compatibilité de l'accord avec le principe de précaution pose question. Alors que les normes européennes diffèrent de celles du Mercosur, l'accord ne réduit pas l'écart et tente même d'encadrer l'application du principe de précaution.
Le mécanisme de rééquilibrage pourrait être instrumentalisé par les pays du Mercosur pour nous faire revenir sur notre législation environnementale.
La France ne sera favorable à cet accord que si trois conditions sont remplies : une clause de sauvegarde robuste, des mesures miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale et le renforcement des contrôles sanitaires. Or celles-ci ne sont pas remplies.
L'Union européenne a obtenu des concessions, notamment sur l'accord de Paris et sur la déforestation, mais c'est insuffisant, d'autant que les pays du Mercosur ont obtenu d'importantes contreparties. La Commission s'est engagée à renforcer la clause de sauvegarde bilatérale, mais les garanties sont trop faibles.
Le groupe Les Indépendants espère que cette proposition de résolution sera adoptée à l'unanimité. Il y va de l'avenir de nos agriculteurs et de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nouer des accords commerciaux peut nous permettre d'aller chercher un complément de croissance, de sécuriser nos débouchés et nos approvisionnements et d'étendre nos réseaux de partenaires. Et pourtant, cet accord fait ici la quasi-unanimité contre lui, car il serait pour l'Europe un triple renoncement.
D'abord, un renoncement à promouvoir son modèle. Même si elles sont trop souvent excessives, nos règles sociales, sanitaires et environnementales sont l'expression de nos choix collectifs.
Le différentiel de normes est abyssal : le Mercosur est à des années-lumière des exigences européennes. Or l'accord n'impose pas la réciprocité des normes. Pis : une clause de rééquilibrage ouvrira un droit à compensation sur les décisions souveraines que nous prendrions.
Qui contrôle la norme contrôle le marché : grâce à la profondeur du marché unique, notre politique commerciale doit devenir une politique de puissance, qui impose notre modèle.
Accepter cet accord, ce serait renoncer à protéger nos agriculteurs et à défendre notre souveraineté alimentaire. Vivre en autarcie serait économiquement absurde, mais la concurrence déloyale d'un mastodonte agricole conduira à de nouvelles faillites d'exploitations, que d'aléatoires clauses de sauvegarde n'éviteront pas.
Enfin, accepter cet accord serait entériner un renoncement juridique et démocratique. La Commission cherche à s'extraire du cadre légal défini par le Conseil - vous n'en avez pas dit un mot, Monsieur le ministre... Il est inouï qu'elle se croie autorisée à faire sauter les verrous qui la dérangent, étendant toujours plus ses prérogatives, par défiance pour les démocraties nationales. Cela devrait choquer le Gouvernement - pourtant, pas un mot...
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Cédric Perrin. - Certes, l'étoile de la France a considérablement pâli à Bruxelles, mais elle reste la deuxième nation d'Europe par sa population et son économie. Balayer son avis et celui de sa représentation nationale devrait avoir des conséquences politiques. Je déplore les revirements et atermoiements du Président de la République, tenté d'accompagner ce qu'il ne peut empêcher.
M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Très bien !
M. Cédric Perrin. - Nous voulons que la France tienne une ligne claire : non pas qu'elle tourne le dos à un partenariat essentiel avec l'Amérique du Sud, mais qu'elle redise son opposition à un accord daté et insatisfaisant. Nous le devons à nos agriculteurs.
Un pays qui renonce à sa souveraineté renonce à sa liberté. N'y renonçons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. François Patriat applaudissent également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je le dis comme je le pense : une présidente de la Commission européenne ne devrait pas s'échiner à passer en force sur un tel dossier ni s'opposer à des États membres qui représentent plus de 100 millions de citoyens.
Plusieurs voix à droite. - Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Le compte n'y est pas pour les agriculteurs européens, dont la situation demeure très précaire. Nous les soutenons.
Il n'est pas acceptable que la Commission se joue des textes. Comment s'étonner ensuite que les peuples se détournent d'une telle Europe ? C'est très grave.
Ce mauvais film nous est hélas souvent joué par la Commission. J'ai un souvenir très précis de la onzième conférence ministérielle de l'OMC à Buenos Aires en 2017 ; j'étais alors ministre. La Commission voulait absolument pousser un accord qui n'était pas mûr, mais le Président de la République m'avait demandé de ne rien lâcher. Il n'y a pas eu de signature. N'eût été le Président de la République, la messe aurait été dite. (M. Yannick Jadot ironise.)
Premier impératif : nous devons faire respecter la réciprocité pour nos agriculteurs. Nous ne pourrions accepter une concurrence déloyale, or les différences de normes sont indéniables.
Nous ne pouvons pas non plus transiger sur la souveraineté alimentaire ou sur la défense de nos productions. Il faut donc des clauses miroirs sur les pesticides et l'alimentation animale. L'audit mené au Brésil en 2024 a montré des défaillances dans la traçabilité : il faut des contrôles sur place et des moyens de surveillance renforcés aux frontières, ainsi que des clauses de sauvegarde plus robustes pour les productions agricoles sensibles - viande bovine, volaille, éthanol, sucre.
Deuxième impératif : le mandat initial de négociation de 1999, qui exigeait l'unanimité du Conseil et la ratification par les parlements nationaux, doit être respecté. La scission de l'accord, destinée à contourner certains États et les parlements nationaux, est une forfaiture. Ce n'est hélas pas la première fois : idem en 2022 pour l'accord avec le Chili. La Commission récidive !
Même si le recours n'est pas suspensif, la France doit saisir la CJUE pour mettre un coup d'arrêt aux dérives de la Commission. C'est d'autant plus important que le Parlement européen a refusé de se prononcer.
Troisième impératif : il faut revoir la politique commerciale européenne. La France a déjà oeuvré pour cela, en faisant notamment de l'accord de Paris une clause essentielle des accords commerciaux, ce qui n'avait rien d'évident. Quel sens y a-t-il à négocier en 2025 sur la base d'un mandat de 1999 ? Le monde a trop changé.
Le RDPI votera cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Michaël Weber . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nulle souveraineté alimentaire sans protectionnisme écologique et social. La souveraineté agricole, c'est une alimentation saine et durable pour tous. Chaque pays doit pouvoir produire lui-même son alimentation de base.
Or les accords de libre-échange, qui se sont multipliés au cours des trois dernières décennies, favorisent les importations agricoles. D'où une pression sur les prix qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre décemment. Nous devons les protéger de la dérégulation mondiale et leur assurer une juste rémunération.
La saisine de la CJUE constitue l'ultime recours du Gouvernement contre cet accord, symbole d'un modèle économique destructeur. Cet énième accord de libre-échange compromet nos engagements pour une agriculture durable et déstabilisera des marchés agricoles déjà fragilisés.
Son impact environnemental est inacceptable. Avec cet accord « viande contre voitures », les constructeurs automobiles écouleront leur stock de véhicules thermiques polluants et l'industrie des pesticides ses produits dangereux. En retour, l'Europe sera inondée par une production agricole intensive et responsable de la déforestation, dissimulée dans la composition des produits transformés.
La scission de l'accord pour contourner la règle de l'unanimité pose un sérieux problème démocratique. Les nations et les parlements auraient dû avoir le dernier mot. Une saisine de la Cour de justice est notre dernière chance.
Les récentes déclarations du Président de la République et l'ambivalence du Gouvernement sont alarmantes. Les très hypothétiques clauses de sauvegarde, les promesses de contrôles sanitaires renforcés et de mesures miroirs sont irréalistes et illusoires.
Nos concitoyens ne veulent pas d'un tel accord ; ils veulent un nouvel essor du Pacte vert et une nouvelle stratégie « de la ferme à l'assiette » : la préservation du revenu des producteurs et la protection de l'environnement.
La ministre de l'agriculture a dit que la guerre agricole se préparait. Dans ce cas, on ne peut accepter un tel accord. Compte tenu de l'isolement de la France et de l'absence de minorité de blocage au Conseil, nous vous demandons instamment de saisir la CJUE pour vous opposer à la ratification imminente de cet accord.
Je me suis récemment déplacé au Brésil, près de Salvador de Bahia. L'agriculture familiale et de proximité qui s'y développe doit faire l'objet de coopérations internationales. Au lieu de cela, nous encourageons le productivisme et détruisons les moyens de l'autosuffisance alimentaire. ?uvrons pour une agriculture paysanne et vivrière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Nous voterons bien entendu cette proposition de résolution, car la perspective de cet accord de libre-échange assombrit l'avenir des filières volaille et viande bovine, y compris en Bretagne où le cheptel diminue déjà de 3 % par an.
Mais il ne faudrait pas que cette résolution soit un alibi pour se dédouaner à bon compte d'une capitulation. Le discours du Président de la République varie selon les circonstances : le 6 novembre à Belém, c'était « très positif », puis à Toulouse, il déclarait que ce projet recueillerait un « non ferme » de la France. Quand le croire ? Lors de la dernière réunion du Conseil européen, tout allait « dans le bon sens », sans préciser lequel...
On assiste au déploiement d'une charretée d'artifices pour mettre en oeuvre cet accord sans l'aval des parlements nationaux. Les grandes firmes transnationales pourront imposer le traité tel qu'elles le souhaitent. Bizarre, cette démocratie libérale européenne !
Mais cette procédure peut être contestée devant la justice. C'est d'ailleurs ce que j'avais demandé au Gouvernement le 12 novembre dernier, sans obtenir de réponse...
Le boeuf aux hormones et le poulet aux antibiotiques vont pouvoir inonder l'Europe. Curieux que la disposition du traité UE-Nouvelle-Zélande interdisant l'exportation vers l'Union européenne de la viande bovine des feed lots ne soit pas reprise dans l'accord Mercosur, alors que de tels centres d'engraissement sont très rares en Nouvelle-Zélande et courants au Brésil.
Il y aurait de nouveaux mécanismes de sauvegarde ? Grosse tromperie : c'est déjà prévu depuis 2019.
Tout cela provient du militarisme européen : les Allemands, privés d'énergie russe et désormais dépendants du pétrole et du gaz américains, ont promis d'acheter des armes françaises...
Pire encore, le mécanisme dit de rééquilibrage permettra à l'une des parties de demander des compensations à l'autre. En vertu de cet article, l'Union européenne ne pourra pas empêcher les importations de produits traités par tel ou tel pesticide interdit, sans compensation financière.
La France doit utiliser tous les moyens diplomatiques et juridiques pour s'opposer à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'accord UE-Mercosur est une menace pour le climat. La culture extensive du soja, l'élevage intensif vont accroître la déforestation en Amazonie - en un quart de siècle, on a déjà perdu l'équivalent de la péninsule ibérique ! Le front est aujourd'hui dans le Cerrado, château d'eau de l'Amazonie. La spoliation des paysans et des peuples indigènes du Brésil va se poursuivre.
C'est une menace pour l'agriculture : 99 000 tonnes de boeuf, 180 000 tonnes de poulet, c'est une catastrophe pour nos éleveurs, concurrencés y compris sur les morceaux nobles, à forte valeur ajoutée. L'exportation de poudre de lait est peut-être une bonne chose pour les éleveurs français, mais elle détruira les fermes familiales du Brésil. (M. Nicolas Forissier le conteste.) On ne peut pas d'un côté défendre nos agriculteurs et, de l'autre, abîmer les paysans brésiliens !
Une menace pour la santé, avec les plus de 150 pesticides interdits en France, les hormones, les accélérateurs de croissance... Sans parler du bien-être animal. Les contrôles ? L'an dernier, sur 775 millions de colis venus de Chine, 0,01 % ont été contrôlés - alors que la santé de nos enfants est en jeu. Dans ces conditions, difficile de croire sérieusement au contrôle des produits venant des pays du Mercosur...
Cet accord, c'est la mondialisation du dérèglement climatique, de l'effondrement de la biodiversité, de la disparition des paysans, de la malbouffe et de la souffrance animale.
C'est aussi une menace pour la démocratie. Le mécanisme de rééquilibrage contraindra l'Union européenne quand elle voudra protéger la santé et l'environnement. Absence de concertation, contournement des parlements nationaux, du Parlement européen - heureusement que ce dernier a adopté des amendements sur les seuils et la réciprocité !
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - À la demande de la France !
M. Yannick Jadot. - Parti populaire européen (PPE), Renew, socio-démocrates européens : tous doivent éviter un trilogue conclusif ce soir et l'adoption d'une clause de sauvegarde qui permettrait à Mme von der Leyen de signer.
Nous avons un devoir de cohérence. En 2024, la France a exporté 6 620 tonnes de pesticides interdits en France. Difficile de défendre les vertus du modèle européen contre le modèle brésilien si nous l'abîmons !
Un argument porte : l'Union européenne ne devrait-elle pas trouver des alliances avec certains pays du Mercosur face à Trump ? Mais dans le Mercosur, il y a aussi Milei - pas terrible en matière de démocratie. Au Brésil, ce sont les soutiens de Bolsonaro qui poussent l'accord ; les partisans de Lula et les démocrates sont contre !
La France a perdu sur la minorité de blocage, sur la mixité de l'accord, sur la clause de sauvegarde. Il est temps qu'elle se réveille ! L'attentisme du Gouvernement est inacceptable. Nous voterons cette motion, pour retrouver de la puissance politique. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. Joshua Hochart . - Je veux d'abord exprimer tout mon soutien aux éleveurs dont le cheptel est touché par la dermatose nodulaire. Je suis indigné de la réponse du Gouvernement, qui oppose ceux qui nous nourrissent à ceux qui nous protègent, qui préfère la matraque au dialogue. Le signal envoyé est désastreux.
Nous devons tout faire pour préserver nos agriculteurs d'un accord qui signerait leur arrêt de mort. Que de temps perdu ! Le Rassemblement national a longtemps été bien seul à dénoncer les ravages du libre-échange aveugle, qui a détruit notre économie, sacrifié nos emplois et ravagé notre environnement. Rappelons que ces négociations commerciales ont été lancées sous une majorité socialo-communiste ! (Protestations sur quelques travées à gauche)
Ceta, Mercosur, accords d'association, abaissement des barrières douanières : l'Europe est devenue le jouet de la mondialisation. Colonisation industrielle chinoise, colonisation numérique étatsunienne, colonisation agricole sud-américaine... On nous promettait la paix par le commerce, nous avons récolté la ruine.
La Commission européenne tente de passer en force en scindant l'accord, malgré l'opposition de plusieurs États. Nous lui avons abandonné une compétence exclusive en matière de négociation, et n'avons plus d'autre choix que d'exiger que le Gouvernement fasse respecter les décisions du Parlement. Comment accepter cet accord anachronique, qui va submerger notre marché de produits ne respectant pas nos exigences ?
Espérons que le vote de la résolution fera revenir Mme von der Leyen à la raison, et lui rappellera que la décision revient aux États et à leurs gouvernements démocratiquement élus !
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC) Au moment où monte la colère agricole, nous pensons à nos agriculteurs. Voulons-nous construire l'Europe avec eux ou malgré eux ? En l'état, les deux textes composant l'accord ne sont ni équilibrés, ni responsables, ni soutenables.
Depuis 2019, trop peu de choses ont changé : nos filières sont toujours aussi menacées. (M. Laurent Somon renchérit.)
L'ouverture n'a de sens que si elle est juste. Or les coûts de production sont inférieurs de 40 % dans les pays du Mercosur : la distorsion de concurrence serait insoutenable !
L'accord est favorable à notre viticulture et à notre industrie automobile, très présentes dans mon département - c'est pourquoi j'ai toujours plaidé pour un travail par filière - mais porterait un coup fatal à nos éleveurs. Les appels à alléger la charge sur nos filières restent vains.
La vision européenne de Schuman et de Monnet visait à renforcer la capacité collective des États, non à contraindre l'un d'eux à accepter des accords contraires à ses intérêts essentiels.
Comment demander à nos agriculteurs d'être exemplaires, quand la distorsion de concurrence tient aux différences dans les normes sanitaires et phytosanitaires imposées sur les deux continents ? Alors qu'ils croulent sous les normes, nous inonderions le marché européen de produits moins chers et bien moins réglementés ?
Preuve que nos préoccupations ne trouvent pas d'écho à Bruxelles, l'accord prévoit un allègement des contrôles aux frontières, alors que la menace sur notre santé est bien réelle. Nous ne pouvons laisser entrer sur notre territoire des produits qui s'affranchissent de nos normes. Un partenariat équilibré repose sur la réciprocité. L'Europe doit être ouverte, mais elle ne doit plus être naïve.
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - C'est ce que j'ai dit...
M. Ludovic Haye. - Allons-nous sacrifier les accords sur le climat sur l'autel du libre-échange à tous crins ? Les engagements contraignants en matière environnementale ne sont assortis d'aucune sanction. Clause de sauvegarde, mesures miroirs, renforcement des contrôles sanitaires : aucune des conditions posées par la France n'est satisfaite. Tirons-en les conséquences.
Nous ne choisissons pas le repli mais la responsabilité. Il faut savoir dire non quand l'intérêt général est en jeu. La fermeté n'est pas la négation de l'ouverture, elle en est la condition. Dans sa grande majorité, le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 8 février 2023, en commission des affaires européennes - avant d'en démissionner - je m'inquiétais de la méthode retenue par la Commission européenne concernant la partie commerciale de l'accord d'association avec le Chili : une scission entre un accord-cadre avancé, à ratifier par la totalité des États membres, et un accord de libre-échange intérimaire, ne nécessitant pas une ratification par chaque État membre - qui ne serait pas remis en cause si l'accord-cadre venait à être rejeté par certains. Une savante architecture permettant à la Commission d'outrepasser d'éventuelles oppositions des États membres, et le cas échéant, de leurs parlements nationaux...
On pourrait craindre - disais-je alors - qu'un tel montage soit de nouveau utilisé pour mettre en oeuvre de manière intérimaire un accord commercial avec le Mercosur, beaucoup plus dommageable pour notre agriculture. Il n'est pas acceptable de tenir un double langage sur la politique commerciale et la politique agricole. La Commission européenne outrepasse ses droits et écrase la démocratie par ses procédures technocratiques. Elle nous impose des accords dont nous ne voulons pas et dont les peuples ne veulent pas. Or cette compétence nous appartient en tant que représentants du peuple.
Voilà ce que je disais le 8 février 2023. Nous y sommes. La Commission européenne a mis vingt-cinq ans pour arriver à ses fins, en nous faisant miroiter des clauses de sauvegarde ou de réciprocité - mais pour lesquelles il faudrait payer, avec les clauses de rééquilibrage...
Je vous le dis tout net : ce débat doit porter non sur le Mercosur, mais sur l'attitude de la Commission européenne. Si nous n'agissons pas, nous finirons par enterrer la totalité de nos productions françaises et européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur est un serpent de mer - qui semble près d'aboutir. Cette proposition de résolution est notre dernier atout. Je souscris à l'objectif, mais j'y vois un aveu de faiblesse : faute de pouvoir nous y opposer frontalement, nous oeuvrons de manière procédurale.
En tant qu'ancien agriculteur, attaché à une agriculture paysanne, je suis très inquiet. Accepter un tel traité constituerait un recul sanitaire. Le fossé réglementaire entre nos deux continents est abyssal. Nos normes environnementales et sanitaires seront balayées, alors que 150 pesticides interdits en France sont autorisés dans les cultures sud-américaines. Idem pour les OGM, les activateurs de croissance et les antibiotiques.
Notre agriculture est l'une des plus sûres et des plus vertueuses. Or cela a un coût. Nos agriculteurs seront pénalisés - mais les consommateurs aussi, par la baisse de la qualité des produits importés.
La mise en oeuvre de cet accord contribue de fait à la déforestation en Amazonie, au profit de l'élevage bovin et de la production de soja. Or aucune mesure contraignante n'est prévue pour lutter contre cette déforestation, qui se traduit par des émissions massives de gaz à effet de serre et un effondrement de la biodiversité.
Des deux côtés, les petites exploitations agricoles seront les premières victimes de ce dumping environnemental, sanitaire et social. Nous ne saurions accepter un nivellement par le bas des normes qui protègent les consommateurs, les salariés et les agriculteurs européens.
Chers collègues de droite, je me félicite de voir que vous croyez au principe de précaution - tout en notant votre utilisation variable du concept. Cet été, vous y étiez moins attachés...
L'accord suscite l'opposition quasi unanime des agriculteurs. Il est le produit d'une époque révolue, alors qu'un changement de modèle est plus que jamais nécessaire. Constant dans sa position, le groupe socialiste, opposé à cet accord mortifère, votera la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Ce sujet dépasse le cadre commercial. Il rencontre la situation dramatique de nos agriculteurs, confrontés à une pluie de normes qui menace leur existence. L'abattage du cheptel face à la dermatose nodulaire bovine est un traumatisme : le travail d'une vie, balayé en quelques heures. Nos agriculteurs se sentent seuls, face à des décisions éloignées de leur réalité. Entendons leur cri ! Ils demandent à être respectés en tant gardiens de notre souveraineté et sentinelles de nos paysages. Derrière chaque exploitation, il y a des familles qui se sacrifient ; le moindre troupeau, la moindre parcelle sont chargés d'histoire, d'espoir, de courage. C'est pour eux que nous devons résister.
Nous ne sommes pas contre la mondialisation ni les échanges internationaux ; la France a toujours été une nation commerçante et ouverte. Mais nous refusons une mondialisation sans règle, sans réciprocité ni exigences. Nous voulons des échanges justes, respectueux de nos normes, de notre santé, de nos territoires.
Pendant que nos agriculteurs affrontent les crises, on voudrait nous imposer l'accord UE-Mercosur, qui ouvrirait notre marché à 99 000 tonnes de viande bovine produite dans des conditions bien moins strictes. Comment demander toujours plus à nos agriculteurs tout en les exposant à une concurrence qui n'obéit à aucune des exigences qu'ils respectent ? Ils ne demandent qu'une chose : la réciprocité. Cet accord n'en prévoit pas.
La Commission passe en force, pour contourner l'unanimité. La méthode de Mme von der Leyen nourrit la défiance des Français envers une Europe qui décide sans eux, loin d'eux, parfois contre eux.
Nous ne pouvons pas saluer nos agriculteurs et ratifier un accord qui menace leur survie. Ce texte est déterminant : je salue ses auteurs et ses rapporteurs. Il permettra à la France de s'opposer au passage en force, d'exiger le respect des traités et de saisir la Cour de justice.
Pays, paysans, paysages : c'est cette trinité sacrée qui, selon Braudel, fait la France. Si l'un disparaît, les deux autres s'effondrent. Votons largement ce texte, qui parle de la France que nous aimons, celle de la terre, du travail et de la transmission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
Discussion de l'article unique
Article unique
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic. - Défendre les intérêts de la France, ce n'est pas lâcher la proie pour l'ombre, confondre le geste spectaculaire avec l'efficacité politique. Ce n'est pas s'enfermer dans le refus ni s'allier avec M. Orbán pour bloquer l'Europe. Moins d'Europe, ce n'est jamais plus de France : c'est moins de protections collectives, moins de capacité à imposer nos standards.
Notre agriculture souffre, oui, mais d'abord d'une concurrence faussée à l'intérieur de l'Union, en raison de charges et de normes plus lourdes. Il est illusoire de vouloir imposer nos surtranspositions en miroir.
Brandir le veto, c'est renoncer à peser, à défendre nos filières - pour déplorer ensuite que les règles nous échappent.
Vigilance sans renoncement, fermeté sans isolement. Choisissons l'influence plutôt que le repli, l'Europe comme levier et non comme bouc-émissaire. C'est ainsi que l'on sert les intérêts de la France.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié de MM. Cadic et Meignen.
M. Olivier Cadic. - Supprimer cet alinéa 50 n'est pas un recul mais un acte de courage et de lucidité. En demandant au Gouvernement de s'opposer à un accord stratégique, il transforme la politique en posture, il ferme des portes qu'il faudrait ouvrir.
La France est présente dans le Mercosur, elle y est leader. Nos entreprises sont le premier employeur étranger au Brésil. Cette réussite repose sur nos chambres de commerce, sur le Medef international, sur nos conseillers du commerce extérieur : la Team France Export. La diplomatie économique se fait sur le terrain. Refuser ce choix, c'est laisser la place à la Chine et aux États-Unis, servir ceux qui veulent diviser l'Europe, perdre l'accès à des terres rares critiques.
La France ne peut être la France sans la grandeur, disait de Gaulle. La grandeur, c'est l'influence, la constance, c'est soutenir nos entreprises, nos exportateurs, avec l'Europe. Supprimons cet alinéa pour que nos enfants héritent d'une nation et d'une Europe qui osent.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Je ne convoquerai pas de Gaulle ou Victor Hugo pour émettre un avis défavorable. Le courage, c'est parfois de savoir dire non.
Oui, l'Union européenne doit multiplier les partenariats avec les zones affinitaires, dans un contexte de remise en cause des alliances historiques - mais pas à n'importe quel prix. En l'état, le contenu de l'accord UE-Mercosur n'est pas acceptable et la France doit s'y opposer.
Avis défavorable à l'amendement de suppression, ainsi qu'à l'amendement de repli, qui enjoint le Gouvernement de défendre les intérêts de la France. Personne ici n'imagine que vous ne défendriez pas les intérêts de la France, monsieur le ministre. (Mme Valérie Boyer et M. Alain Houpert applaudissent.)
M. Nicolas Forissier, ministre délégué. - J'entends la demande du Sénat et comprends les inquiétudes ; j'entends aussi les propos de M. Cadic, qui rappelle certaines évidences. Nos compatriotes en première ligne se battent pour défendre à l'international nos positions économiques, nos entreprises, nos filières, nos coopérations. Parfois, nos débats traduisent une approche par trop hexagonale...
C'est l'honneur du Sénat d'avoir ouvert le débat, qui porte sur des choix profonds. Il n'appartient pas au Gouvernement d'émettre un avis sur ces amendements : sagesse, donc, comme sur l'ensemble de la proposition de résolution.
Le Gouvernement n'est pas attentiste, monsieur Jadot, mais porte avec opiniâtreté certaines exigences, certaines conditions, qui, à ce jour, ne sont pas remplies. Que la position du Gouvernement soit claire : en l'état, le texte de l'accord ne satisfait pas ces conditions.
À la demande du groupe UC, l'amendement n°3 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°127 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 344 |
| Pour l'adoption | 1 |
| Contre | 343 |
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Cela ressemble au vote du budget à l'Assemblée nationale ! (Sourires)
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
M. Olivier Cadic. - Il apparaît clairement que je suis isolé dans cet hémicycle. (Rires)
M. Yannick Jadot. - Quelle lucidité !
M. Olivier Cadic. - Je l'assume. J'ai parlé pour nos entreprises, nos PME, nos chambres de commerce bilatérales, pour ceux qui créeront de l'emploi et de la valeur grâce à l'accord du Mercosur. Refuser l'accord, ce n'est ni protéger l'agriculture, ni protéger l'environnement : c'est refuser notre influence et abandonner l'Amérique latine à des puissances qui n'ont ni nos standards, ni nos valeurs.
Une Europe souveraine ne se marginalise pas. Elle conclut des accords et impose ses règles.
Je rends hommage à tous ceux qui se battent pour que la France et l'Europe soient plus fortes, plus influentes dans le monde. Pour eux, par responsabilité, je voterai contre cette proposition de résolution.
À la demande des groupes Les Républicains et SER, la proposition de résolution européenne est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°128 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 344 |
| Pour l'adoption | 343 |
| Contre | 1 |
La proposition de résolution européenne est adoptée.
Mme la présidente. - En application de l'article 73 quinquies alinéa 2 du règlement, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
La séance est suspendue quelques instants.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique, présentée par M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Alain Milon, auteur de la proposition de loi . - À l'initiative de Michel Barnier, la santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025, et le sera toujours en 2026.
Vingt ans après la loi Handicap de 2005 qui a consacré la reconnaissance du handicap psychique, les maladies psychiatriques reçoivent enfin une attention légitime. Quelque 12,5 millions de Français sont atteints de maladie mentale et un jeune adulte sur deux présente des signes de dépression. On compte 6 000 suicides par an, première cause de décès des 15-29 ans. Le coût des maladies mentales en France est estimé à 160 milliards d'euros par an. Les pathologies psychiatriques sont la première cause d'affection de longue durée (ALD), devant les cancers. Dans le monde, une personne sur trois a été, est ou sera atteinte de maladie mentale - première cause mondiale de handicap acquis, selon l'OMS, qui réduit de vingt ans l'espérance de vie.
La prévention et la gestion précoce des troubles permet de réduire les incidents liés à des crises - ce qui en fait un sujet d'ordre public.
Une expérimentation a été mise en oeuvre en 2007 pour organiser un système de recours spécialisé par pathologie, complémentaire de la psychiatrie conventionnelle.
Estimant que la psychiatrie était malade, que le diagnostic prenait un temps fou, que les traitements n'étaient pas adaptés, Marion Leboyer, professeur de psychiatrie et chef de service de l'hôpital Henri-Mondor, m'avait demandé de travailler sur le sujet. La fondation a été créée en 2006, non par des acteurs privés, mais par l'AP-HP, avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université Paris Est Créteil, de la Sorbonne et de l'université Paris Cité. Les acteurs privés sont intervenus que dans le conseil d'administration, non dans le financement.
Pour mémoire, en 2006, l'autisme n'était pas considéré comme une maladie. Un temps que les moins de 20 ans n'ont pas connu...
Ainsi sont nés ces centres experts en santé mentale. Il en existe 55, qui font partie intégrante des établissements hospitaliers publics. On y pratique une médecine de précision, axée sur le diagnostic de patients atteints de troubles sévères. Il ne s'agit nullement de concurrencer le tissu psychiatrique existant, ni les acteurs qui exercent leur métier avec abnégation. C'est un travail en complémentarité. Les patients sont adressés au centre expert par leur psychiatre référent ou leur généraliste. Une équipe pluridisciplinaire réalise des bilans diagnostiques standardisés et des recommandations thérapeutiques individualisées.
Ces centres se consacrent également à la recherche et alimentent, avec l'accord des patients, des banques de données nationales et internationales.
Ces 55 centres experts n'interviennent qu'en troisième recours, en complément des offres de premier et deuxième niveaux. C'est un maillon nécessaire pour lutter contre l'errance diagnostique et thérapeutique. Certes, ils ne constituent pas la panacée, mais sont un étage supplémentaire. Ils doivent travailler avec la psychiatrie de secteur et notamment les centres médico-psychologiques (CMP) qui assurent la prise en charge de proximité.
C'est un travail en coopération et non en concurrence.
Faute de financement, la survie de ces centres est menacée. Cette proposition de loi garantit leur pérennité. La commission des affaires sociales a entendu les craintes, le scepticisme et les critiques des professionnels, qui relèvent d'un clivage interne à la psychiatrie. Cette querelle des Anciens et des Modernes, où chacun défend un modèle légitime, dépasse cependant l'objet de notre débat d'aujourd'hui.
Les faits sont têtus : la recherche en psychiatrie a besoin de ces centres experts dans un environnement international concurrentiel. Souhaitons-nous défendre la recherche, ou préférons-nous nous recroqueviller sur nos querelles intestines et disparaître ? C'est l'enjeu de cette proposition de loi, qui est appelée à évoluer.
La commission des affaires sociales a proposé une nouvelle rédaction qui prend en compte les interrogations et met en exergue la seule chose qui doit nous animer : permettre, d'une part, une gradation des soins et, d'autre part, un recours de troisième niveau, comme dans d'autres secteurs de la médecine. Je remercie Mme le rapporteur Chantal Deseyne et la commission des affaires sociales qui vous présentent une version améliorée du texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi n'intervient pas dans n'importe quel contexte : le système de soins psychiatriques est à bout de souffle. Sa situation empire, année après année, comme l'ont démontré nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin dans leur rapport sur la santé mentale. Entre explosion de la prévalence des troubles psychiatriques et crise d'attractivité des métiers, l'accès aux soins est compromis.
La santé mentale est prolongée comme grande cause nationale en 2026, mais il faudra des moyens suffisants pour renforcer l'attractivité des métiers et renforcer la prévention. Il faut renforcer la médecine de ville, les établissements spécialisés en psychiatrie de deuxième niveau et les centres spécialisés de troisième niveau.
C'est de ces derniers dont il est question ici. Leurs équipes disposent d'une expertise spécifique et combinent activités de soins et de recherche au sein de centres hospitaliers et universitaires ou de centres spécialisés tels que les centres ressources autisme, les centres de référence maladies rares, les centres régionaux du psychotraumatisme ou encore les centres experts en santé mentale.
En complément du suivi des psychiatres référents, ils apportent une plus-value pour limiter l'errance thérapeutique et faire progresser la recherche. Cela répond à l'augmentation du nombre de cas complexes et résistants aux traitements et à la demande des patients d'accéder à une réponse experte.
Il est regrettable qu'en psychiatrie, ce pan de l'offre de soins soit si peu piloté au niveau national. Le troisième niveau gagnerait à être plus encadré pour s'assurer du respect de la gradation des soins.
Le délégué ministériel à la santé mentale évoque un cahier d'offres de soins. C'est une bonne solution, qui relève du pouvoir réglementaire.
Face à l'attentisme du Gouvernement, la rédaction initiale de la proposition de loi inscrivait les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique. Ce réseau a été créé en 2007 par la fondation FondaMental après un appel à projets du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ces centres exercent au sein d'hôpitaux publics et la fondation assure la coordination des travaux scientifiques. Il en existe cinquante-cinq sur le territoire. Leur activité est centrée sur les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme sans déficience intellectuelle.
Quinze ans après, les financements publics se font plus rares alors que les patients sont de plus en plus nombreux, le délai de rendez-vous pouvant atteindre plusieurs années !
Cette rédaction a fait naître des craintes légitimes de la part de la psychiatrie de secteur, en consacrant un seul réseau de centres piloté par une fondation privée alors que le troisième niveau compte une multitude d'acteurs. Ensuite, il y avait un risque de priorisation des filières de soins ultraspécialisés au détriment de la psychiatrie de secteur. Ce texte ne veut pas privilégier la médecine de pointe au détriment de la prise en charge par la psychiatrie de secteur, qui souffre d'un sous-financement chronique. Tous les acteurs de la chaîne sont essentiels pour une prise en charge de qualité.
La commission des affaires sociales a entendu ces craintes et a adopté une nouvelle rédaction. L'article 1er consacre la participation des équipes médicales assurant des soins de troisième recours à la politique de santé mentale en psychiatrie, précise que la gradation des soins en psychiatrie, dont le principe est inscrit dans le code de la santé publique, implique la coordination entre les différents acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients et vise plus précisément la coopération entre le deuxième et le troisième niveau, aujourd'hui insuffisante.
L'article 2 précise la possibilité pour les acteurs de santé mentale d'adhérer aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), dont l'action doit s'articuler avec les projets territoriaux de santé mentale.
Les CPTS permettent à des professionnels de santé de se regrouper autour d'un projet de santé commun. Compte tenu de la prévalence des troubles psychiatriques et de la hausse du nombre de patients, elles constituent un outil pertinent de coopération.
Ce texte précise les orientations que doit suivre l'organisation de soins en psychiatrie, reconnaît le rôle des acteurs de troisième recours tout en assurant la gradation des soins. (M. Alain Milon applaudit.)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je remercie M. Milon et Mme Deseyne d'avoir mis cette proposition de loi à l'ordre du jour.
Je sais l'engagement singulier du Sénat pour le renforcement de la psychiatrie dans notre pays. La santé mentale était grande cause nationale en 2025 et le restera en 2026, pour continuer à travailler avec les familles, les associations, les collectivités territoriales et chaque ministère, afin que la santé mentale soit prise en compte dans la vie quotidienne.
Quelque 65 millions d'euros de moyens nouveaux sont inscrits dans le PLFSS 2026, avec 53 mesures nouvelles engagées depuis 2021, et un budget en augmentation de 44 % depuis 2020.
L'année 2026 doit confirmer la mobilisation interministérielle pour repérer, soigner et reconstruire.
Repérer, pour apporter les premiers secours en santé mentale à des bénéficiaires dont le nombre a doublé. Soigner, par une psychiatrie de proximité et des filières de soins graduées. Reconstruire, en améliorant la formation et la coordination des professionnels pour accompagner les personnes dans leur vie quotidienne.
L'article 1er reconnaît le rôle essentiel des équipes médicales spécialisées, maillon essentiel et trop peu reconnu dont le rôle est déterminant pour la qualité des soins et la sécurité des parcours. Cela améliore la lisibilité du système pour les patients et leur famille.
L'article 2 prévoit la coordination des acteurs mettant en oeuvre la politique de santé mentale et des CPTS avec les projets territoriaux de santé mentale. Cela facilite la fluidité des parcours et limite la perte de chances. (M. Alain Milon le confirme.)
Le Gouvernement émet un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce texte ne bouleverse pas l'architecture de la psychiatrie, mais développe les soins ultraspécialisés.
Tout accompagnement ne commence-t-il pas par un diagnostic ? Toute politique de santé ne commence-t-elle pas par un réseau de diagnostic fiable ? C'est un prérequis, comme nous l'avions remarqué lors du vote de la loi Repérage des troubles du neurodéveloppement (TND). L'errance diagnostique des enfants est inacceptable. Le diagnostic n'est pas une fin, mais la condition sine qua non d'un bon accompagnement.
Le troisième niveau intervient quand des doutes persistent aux premier et deuxième niveaux.
Ce texte respecte la gradation des soins. Le psychiatre référent ou le médecin prescripteur sont inclus pour une meilleure coordination entre les différents niveaux. Croire que ces centres ne font que du diagnostic, c'est mal les connaître. Leurs équipes sont souvent composées d'un psychiatre hospitalier, d'un psychologue, d'un infirmier et d'un secrétaire médical. Un diagnostic approfondi implique un bilan pluridisciplinaire, une analyse fonctionnelle, des recommandations thérapeutiques et un plan de soins coordonné.
Je remercie Alain Milon pour ce texte qui reconnaissait initialement les centres experts de la fondation FondaMental, ainsi que la rapporteure, qui a eu raison d'élargir la reconnaissance à l'ensemble des acteurs de troisième recours : centres de référence pour maladies rares, centres régionaux de psychotraumatisme, centres de ressources sur l'autisme, structures d'accueil spécialisées dans les troubles du comportement alimentaire.
Voulons-nous développer une filière de soins psychiatriques basés sur des preuves ? Les centres experts ont publié plus de 160 travaux de recherche. La France est dans le peloton de tête de la recherche, notamment dans la lutte contre les troubles bipolaires.
À l'heure où la discipline souffre d'un déficit d'attractivité - mille psychiatres en moins en dix ans - ce cadre fait monter toute la filière en compétence. C'est la meilleure réponse à apporter à ceux qui craignent une psychiatrie à deux vitesses tout en s'enfermant dans un courant tourné vers une dimension exclusivement sociale.
Ce texte rétablit la confiance des Français à l'égard de la psychiatrie ; le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Déclarée grande cause nationale en 2025 par Michel Barnier, la santé mentale concerne 12,5 millions de personnes. Dès janvier 2024, le Sénat avait adopté une proposition de résolution invitant le Gouvernement à faire de la santé mentale des jeunes une grande cause nationale.
Avec Céline Brulin et Jean Sol, nous avons publié un rapport d'information qui concluait : pas de grande cause sans grands moyens.
Quelque 9 000 personnes meurent de suicide chaque année et il y a 200 000 tentatives. C'est la première cause de décès chez les 15-29 ans. Le risque de décès par suicide chez les personnes âgées est trois fois plus élevé qu'en population générale. Les pathologies psychiatriques sont la première catégorie d'ALD. Le coût d'une mauvaise santé mentale est estimé à 25 milliards d'euros par an. L'âge moyen des praticiens est de 62 ans : très rapidement, nous ferons face à des départs en retraite simultanés.
En 2007, le ministère de la recherche a lancé une expérimentation de recours spécialisé par pathologie, en complément du recours de deuxième niveau. Les centres experts en psychiatrie ont développé une prise en charge pluridisciplinaire par pathologie et reçoivent des patients qui nécessitent plus de précision dans le diagnostic.
Ils ont été victimes de leurs succès. Ces soins d'excellence méritent d'être reconnus. Pour certains patients, l'espoir est de pouvoir bénéficier d'un avis de troisième niveau, en complémentarité. Le suivi reste assuré par le psychiatre, les CMP, les CPTS - grâce au dossier médical partagé (DMP). C'est une chaîne à assurer sur tout le territoire, en développant dans les CMP des équipes de visite à domicile grâce à des infirmiers en pratique avancée (IPA) en psychiatrie. L'intégration de ces centres devrait générer des économies grâce à une baisse des hospitalisations.
Le recours de niveau 3 est utile. Les centres experts ont fait preuve de leur efficacité. Leur intégration dans le code de la santé publique et leur pérennisation sont pertinentes. La gradation des soins doit être respectée, tout comme la coordination. C'est pourquoi nous voterons la rédaction issue des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Jean Sol . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez et M. Jean-Luc Brault applaudissent également.) Chaque année, près de 13 millions de personnes déclarent souffrir d'un trouble psychique. La dépression touche un Français sur cinq dans sa vie. Les troubles anxieux concernent 15 % de la population.
C'est le reflet d'une souffrance profonde aux causes multifactorielles : précarité, isolement social, exposition aux violences, addiction, troubles du sommeil, trop longue exposition aux réseaux sociaux ou encore mal-être au travail et burn-out.
Toutes les catégories de la population sont touchées, mais les jeunes sont particulièrement affectés. Un tiers présente des signes d'un trouble anxiodépressif. Ces cinq dernières années, le nombre d'hospitalisations d'enfants a plus que doublé.
Les personnes âgées sont aussi malheureusement affectées. C'est la tranche de la population la plus à risque pour le suicide.
La prise en charge psychiatrique est trop souvent un parcours du combattant. Les inégalités territoriales sont nombreuses. Le temps d'attente d'un rendez-vous dépasse souvent six mois. La situation est alarmante en pédopsychiatrie où le nombre de salariés a baissé de 40 % depuis dix ans. Un quart des départements n'ont pas de pédopsychiatre.
Pourtant, les troubles psychiatriques ne sont pas une fatalité. Encore faut-il une filière de formation attractive, un meilleur dépistage et une amplification des actions de prévention, ainsi qu'une lutte contre la stigmatisation.
Notre rapport d'information, avec Céline Brulin et Daniel Chasseing, sur les parcours d'accès aux soins a fait émerger plus de vingt recommandations autour d'une levée des freins des infirmiers en pratique avancée (IPA) en psychiatrie, du renforcement des CMP et de la facilitation des interventions à domicile.
Face aux dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance (ASE), nous avons proposé un développement de l'aller-vers avec des équipes mobiles pluridisciplinaires. Il serait utile de cartographier les besoins pour flécher les moyens vers les territoires les plus en tension.
Le nombre de stages doit augmenter et l'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) doit être facilité. Le temps est à l'action. On attend du concret. À nous de rendre le présent supportable pour nos concitoyens.
Cette proposition de loi d'Alain Milon arrive à point nommé. Elle n'entend pas répondre à tout, car il faudra beaucoup plus de moyens, mais c'est un levier d'amélioration de l'accès aux soins de troisième niveau.
Les centres experts contribuent à l'offre de troisième recours. Ils fonctionnent sur le budget de l'établissement auxquels ils sont rattachés. Il est important de rappeler qu'ils sont complémentaires des premier et deuxième niveaux. Il est indispensable de respecter le principe de gradation des soins, avec une bonne coordination.
Nous devons assurer leur pérennité. C'est pourquoi l'article 1er consacre leurs missions. Deux réserves par rapport au texte initial : l'offre de soins de troisième recours est assurée par une multitude d'acteurs et l'organisation relève du pouvoir réglementaire. Mais la rapporteure a corrigé le texte.
L'article 2 encourage l'adhésion aux CPTS, pour une meilleure coordination. La commission a jugé nécessaire de modifier l'intitulé de la proposition de loi. Il appartient au ministère de la santé d'octroyer les moyens nécessaires au développement de cette offre de soins, avec un pilotage clair et un cahier des charges élaboré collectivement. Cette proposition de loi est une opportunité : saisissons-la. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Alors que la mauvaise santé mentale demeure une réalité préoccupante, cette proposition de loi était attendue.
J'ai une pensée pour la famille du psychiatre tué par son patient en Guadeloupe le 3 décembre dernier, et pour Justine Bénin agressée par une personne malade au Moule.
L'absence de prise en charge peut conduire à des drames que nous devons collectivement prévenir par des soins adaptés. Près de 13 millions de personnes développent un trouble psychique chaque année, 3 millions ont un trouble sévère. Il y a 13 suicides pour 100 000 habitants - un des taux les plus élevés d'Europe.
La reconduction de la santé mentale comme grande cause nationale est l'illustration d'une réelle prise de conscience. Pendant trop longtemps, la santé mentale a été le parent pauvre de notre système de soins, sous-financé, fragmenté, trop souvent cantonné à l'urgence plutôt qu'à la prévention. En consacrant le rôle des soins de troisième recours, ce texte ne résout pas tout, mais est un pas de plus vers une meilleure prise en charge.
La commission des affaires sociales a permis de tenir compte des inquiétudes. Les 55 centres experts sont l'un des acteurs de l'offre de soins de troisième recours. Leur rôle, en cas de doute sur le diagnostic ou sur le traitement des patients, est indéniable. Mais d'autres acteurs existent. La mention d'une fondation privée dans la loi pouvait légitimement interroger. C'est pourquoi nous souscrivons aux modifications de la commission.
Le troisième recours aide à lutter contre l'errance diagnostique, mais il faut aussi une prise en charge de proximité par la psychiatrie de secteur. En inscrivant l'importance de la coordination entre les différents acteurs, ce texte améliore la prise en charge des patients atteints de troubles sévères. Mais il faudra une impulsion gouvernementale.
La santé mentale chez les jeunes est préoccupante : anxiété, dépression précoce, troubles alimentaires. Les jeunes ont grandi avec des crises successives - crise sanitaire, précarité, hyperexposition numérique, entre autres. Dans un monde où tout va vite, où tous se comparent, l'échec se vit en silence. Il faut une aide qui soit à la hauteur.
Dans les outre-mer, les besoins en matière de santé mentale sont importants et les moyens souvent contraints. Pas moins de 39 % des jeunes Ultramarins sont en dépression. C'est bien plus que dans l'Hexagone L'isolement géographique et la pénurie de professionnels accroît les difficultés.
Ce texte ne prétend pas tout régler, mais apporte sa pierre à l'édifice. Le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025 comme en 2026. Nous partageons tous l'idée que parler de santé mentale, c'est parler de Sisyphe.
Je vais casser l'ambiance : je ne partage pas l'enthousiasme des orateurs précédents. La proposition de loi initiale nous gênait dans son intitulé, dans son exposé des motifs, par sa réaction et ses conséquences. Je salue le travail de la rapporteure qui a mené de nombreuses auditions dans un temps record et a tenté d'amortir cette gêne palpable, mais son nouveau texte présente toujours des difficultés.
Rappelons quelques chiffres : 13 millions de personnes souffrent de troubles psychiques, un jeune adulte sur deux présente des signes de dépression. Or, en sept ans, la France a perdu 1 000 psychiatres - 7 % de la profession. La psychiatrie compte environ 2 millions de consultations par an et 450 000 hospitalisations.
Un des professeurs auditionnés nous a ainsi indiqué qu'autrefois, la période dite de latence, 8-12 ans, ne présentait pas de problème ; mais on voit aujourd'hui ces enfants venir aux urgences.
Le budget consacré à la psychiatrie est inférieur en France à celui d'autres pays européens, même si un effort budgétaire réel est fait depuis quelques années.
Les questions existentielles qui doivent nous obséder sont : comment répondre à l'urgence ? Comment garantir un parcours de soins ? Comment améliorer la trajectoire de soins des patients ?
Je ne crois pas que ce texte y réponde, ni dans sa version originale ni dans sa version amendée par la commission. Un texte jumeau a été déposé par un député Horizons à l'Assemblée nationale.
Il s'agissait initialement d'intégrer dans la loi les centres experts de la fondation FondaMental : pourquoi ceux-là et pas d'autres ? Une fois le diagnostic posé et les recommandations émises, il faut garantir le suivi et l'observance des soins. L'efficacité ne réside pas uniquement dans l'expertise technique, mais dans la lisibilité, la continuité et une pluralité d'approches. Les centres experts ont été créés sous l'égide du ministère de la recherche. Ces centres n'ont pas l'exclusivité du troisième recours.
Il faut surtout améliorer les ressources humaines de la psychiatrie et renforcer l'offre de soins de secteur. L'urgence est là. Les CMP sont en grande difficulté. Il apparaît indispensable que l'offre de soins de troisième recours respecte la gradation.
Je ne suis pas experte des centres experts, mais je n'ai pas vu dans le plan du Gouvernement du 11 juin les acteurs de troisième recours et les centres experts. Ce plan de sursaut et de refondation devait toutefois marquer un point de départ.
Lors de nos auditions, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'a pas indiqué qu'il y avait urgence à inscrire ces centres experts dans la loi. Ce que nous avons entendu, c'est que 60 % des lits en psychiatrie ont été fermés en quarante ans et que les services sont occupés à 115 %. Il y a urgence à rebâtir le système à partir de ses professionnels.
Le texte, même dans sa version remaniée, ne répond pas aux urgences.
L'exposé des motifs reste vague : pas d'éléments tangibles, pas de données précises sur les 18 milliards d'euros avancés.
Le titre, ensuite. Celui-ci a été largement modifié. Diagnostiquer, ce n'est pas soigner. De plus, il appartient au ministère de soutenir le développement de l'offre de soins.
Bref, dans sa version modifiée, ce texte est une proposition de loi d'appel pour inciter le Gouvernement à agir.
Passer par une proposition de loi est inadapté. L'organisation de l'offre des soins relève du pouvoir réglementaire et demande une concertation entre tous les acteurs.
Selon le délégué ministériel à la santé mentale, la gradation des soins implique de mieux articuler la psychiatrie de secteur avec le deuxième recours. Encore faudrait-il donner les moyens nécessaires à la psychiatrie de secteur !
La multiplication des centres experts va engendrer un déséquilibre entre expertise et soins.
Il faut plutôt se pencher sur des questions essentielles : un plan d'investissement décennal, la définition d'une offre de soins par territoire, garantir l'accès et la sécurité des soins. Il nous faut à terme une programmation pluriannuelle, et surtout un état des lieux exhaustif - comme le demande la Fédération hospitalière de France (FHF) - impliquant les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur, en lien avec l'Igas.
Ni sur le fond ni sur la forme ce texte n'est adapté pour répondre aux urgences de la psychiatrie. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
Mme Céline Brulin . - La santé mentale des jeunes se dégrade depuis plusieurs années de façon préoccupante. Le Cese l'a montré dans un récent avis. Pas moins de 75 % des troubles psychiques se développent avant vingt-cinq ans. Un collégien ou lycéen sur deux exprime un malaise, et un lycéen sur quatre déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours de l'année. Les pensées suicidaires augmentent aussi chez les jeunes adultes. Ces constats rejoignent les travaux que j'ai menés avec MM. Chasseing et Sol. Je me réjouis que la santé mentale soit reconduite grande cause nationale en 2026.
Cette proposition de loi a été remaniée par la rapporteure. C'est un peu moins pire que si c'était pire ! (Sourires)
Les critiques des centres experts sont très nombreuses. La FHF pointe l'absence d'évaluation : les besoins en niveau 3 se portent davantage vers des centres de ressources, plutôt que sur des centres experts.
Selon Roland Gori, FondaMental pourrait étendre son modèle. Ces start-up de la santé mentale, financées par des entreprises du CAC 40, fondent leur fortune sur le traitement de données.
Le renforcement du niveau 3 ne doit pas se faire au détriment des premier et deuxième niveaux. C'est sur ces derniers que doivent porter les efforts. Le recours au privé n'est qu'un palliatif. Notre modèle repose sur la psychiatrie de secteur, qui accueille toutes les souffrances. Malheureusement, ce modèle écorné, pourtant efficace, pâtit d'un manque de moyens et de professionnels. L'urgence est de valoriser les métiers de la psychiatrie et d'investir par exemple dans la rénovation des centres.
Comme le disait le professeur Raphaël Gaillard, attention au divorce entre les structures universitaires de pointe et les structures de secteur. Notre système public de prise en charge est insuffisamment soutenu. Le développement des centres experts, financés par le CAC 40, peut servir de pompe aspirante. Nous devons redonner ses lettres de noblesse à la psychiatrie publique, pour que les CMP répondent dans des délais convenables aux demandes, notamment.
Tel n'est pas le sens de cette proposition de loi, qui se calque sur le modèle de la santé somatique, inadapté à la santé psychique. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, et du GEST)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Même si le malaise d'une proposition de loi pro domo pour FondaMental a été pris en compte, le remplacement de FondaMental par la reconnaissance d'équipes médicales assurant des soins de troisième recours revient à introduire une architecture en trois niveaux de soins, sans débat public.
La pratique clinique produit aussi de l'expertise. Au préalable, il faudrait établir un état des lieux, selon la FHF, et faire valider tout modèle en trois niveaux par des autorités indépendantes. Si la pertinence de ce modèle était établie, il faudrait alors définir un cahier des charges, une organisation, un périmètre des missions, les exigences de coordination avec la psychiatrie hospitalière ; bref, un positionnement clair. Or le flou règne.
Le travail d'élaboration n'a pas été fait, et il n'appartient pas au législateur de définir par décret la gradation et le niveau de soins. Cette proposition de loi, construite pour FondaMental, est inaboutie : nous ne savons pas où nous en sommes.
De la DGOS aux collèges professionnels, rarement proposition de loi aura suscité autant de critiques !
Un point de consensus : il faut une large concertation sur l'organisation et la gradation des soins. Prenons garde à ne pas extrapoler les conclusions applicables à une pathologie. On nous promet 18 milliards euros d'économies et une division par deux des hospitalisations ! Mais l'étude comporte de nombreux biais, dont l'absence de groupe témoin.
Ce modèle, qui n'assure que le diagnostic, pas le suivi des patients, répond mal aux besoins de la psychiatrie : il faut des centres de ressources adossés à l'activité clinique. L'activité clinique est essentielle pour aboutir à un diagnostic d'excellence, évolutif, garantissant la continuité des soins. Attention à ne pas bâtir une psychiatrie hors sol ! La DGOS concède que le modèle des centres experts n'a pas fait l'objet d'évaluation. En outre, le vecteur législatif est inadapté.
Notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La santé mentale, élevée au rang de grande cause nationale, est l'un des défis majeurs de notre temps. Chiffres et témoignages nous rappellent l'ampleur d'un fléau silencieux.
Les troubles psychiques pèsent sur les malades, leurs familles et sur notre système de santé. C'est la première cause d'ALD, la première dépense de l'assurance maladie. Ces troubles concernent 13 millions de personnes. Une personne sur cinq sera confrontée dans sa vie à un trouble psychique, qui démarre souvent précocement. Depuis la crise sanitaire, les indicateurs se sont dégradés, surtout chez les jeunes.
Or notre système de soins psychiatriques fait face à des tensions durables. Dès lors, la représentation nationale doit poursuivre la construction d'une politique fondée sur la prévention, le repérage précoce et la gradation des soins. D'où la proposition de résolution de Nathalie Delattre, que le Sénat a adoptée à l'unanimité.
Cette proposition de loi s'inscrit dans cette lignée. Depuis près de vingt ans, les centres experts de santé mentale interviennent auprès des patients marqués par l'errance diagnostique ou l'échec thérapeutique. C'est un recours précieux, en complément de la psychiatrie de secteur.
Leur utilité est reconnue, mais ils ne sauraient résumer à eux seuls les soins de troisième recours. De plus, il n'était pas souhaitable de mentionner la fondation FondaMental dans la loi.
Je salue le travail de la rapporteure. La nouvelle rédaction de l'article 1er affirme la place des équipes dans l'organisation des soins, tout en inscrivant ces soins dans une coordination territoriale. C'est bienvenu.
L'article 2 a été utilement précisé : le cloisonnement entre la psychiatrie, la médecine de ville et les acteurs de la santé mentale est un frein majeur à la lisibilité des parcours de soins. D'où l'intégration de ces centres dans les CPTS.
Ce débat nous renvoie à la cohérence de la politique de santé mentale. Reconnaître l'expertise, favoriser la coordination, sans jamais négliger l'accompagnement humain : voilà l'équilibre que nous devons rechercher.
Ce texte est une étape utile, même s'il ne réglera pas tous les problèmes de la psychiatrie. C'est pourquoi le RDSE votera cette proposition de loi. (Mme Anne-Sophie Romagny applaudit.)
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Else Joseph et Viviane Malet applaudissent également.) Alors que la santé mentale est érigée en grande cause nationale, nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas été au rendez-vous. L'instabilité gouvernementale ne saurait être un prétexte.
Pourtant, le sujet est fondamental, comme en témoigne le rapport de Daniel Chasseing, Jean Sol et Céline Brulin. Depuis 2020, la santé mentale se dégrade, surtout chez les jeunes. La psychiatrie est à bout de souffle, les CMP sont saturés, et un quart des départements n'ont pas de pédopsychiatre.
Je salue Alain Milon, qui a pris ses responsabilités en déposant cette proposition de loi. Les 55 centres experts ont démontré leur utilité. Plus de 20 000 patients en ont bénéficié, réduisant ainsi le nombre d'hospitalisations. La reconnaissance officielle de la prise en charge de troisième recours est une bonne chose.
Au-delà de ces avancées, le texte initial comportait certains angles morts. Je salue le travail de la rapporteure qui a enrichi le texte en conciliant les attentes des différents acteurs, tout en luttant contre le risque de financiarisation.
L'articulation des centres experts avec la psychiatrie de secteur doit être notre boussole. D'où une attention particulière portée à l'article 2, qui permet de renforcer les dynamiques de travail au sein des CPTS.
Ce texte, nécessaire, est un premier pas. Nous devons aussi accroître les moyens des CMP - les délais d'attente atteignent parfois six mois -, faciliter l'accès aux IPA, améliorer la coopération entre tous les acteurs, en vue de garantir un parcours de soins cohérent et continu.
Nous ne pourrons faire l'impasse de la remise à plat de l'hospitalisation sous contrainte et des expertises psychiatriques judiciaires - des familles sont parfois laissées sans solution.
Merci au Sénat d'avoir mis ces questions en lumière.
Le groupe UC votera ce texte, dans l'espoir que le Gouvernement se saisisse du sujet. (Applaudissements timides sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi reconnaît le travail des équipes spécialisées pour les pathologies les plus lourdes - bipolarité, schizophrénie.
Ce texte, enrichi par la rapporteure, ne vise qu'à limiter l'hémorragie entre le moment où le patient connaît ses premiers troubles et la réponse médicale. Il nous faut plus de diagnostics, et plus de coordination.
Les centres experts font un travail formidable. L'innovation va redonner de l'oxygène à la psychiatrie. Il serait dommage de s'en priver ! Ces centres ont suivi un grand nombre de patients et participé à des publications scientifiques de référence.
Au-delà du modèle, le texte vise à renforcer l'offre de soins de troisième recours. Une gradation claire des soins et des centres de référence est nécessaire pour que les patients ne se perdent pas dans des parcours fragmentés.
Les IPA en psychiatrie illustrent cette nécessaire coordination : leur rôle est désormais reconnu par tout le corps médical. Ils renforcent la fluidité des parcours.
Ce texte est une étape nécessaire pour améliorer les parcours des patients en souffrance. Mais il faudrait aller plus loin pour que la santé mentale bénéficie d'une feuille de route claire, pour qu'elle ne soit pas un beau slogan accroché aux murs des ministères, mais effacé des tableaux d'affectation de crédits.
Merci de voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La situation de la psychiatrie est grave. La pénurie de soins s'est installée depuis plus de vingt ans, particulièrement dans les territoires ruraux et semi-ruraux. En 2011, la Cour des comptes pointait les insuffisances du plan de 2005.
Plus récemment, la mission Sol-Chasseing-Brulin a rappelé qu'un tiers des postes de psychiatres publics étaient vacants. En outre, les CMP sont totalement saturés.
Les maladies mentales touchent près d'un cinquième de la population, soit 13 millions de Français. Cela ne risque pas de s'arranger vu les graves soucis qui touchent notre pays.
Le texte a été remanié en commission pour assurer une meilleure coordination. L'article 2 précise que cette mission de coordination est assurée par les CPTS, avec pour objectif de coordonner les parcours de santé mentale et éviter les ruptures de prise en charge. J'espère que cette nouvelle rédaction rassurera les associations de psychiatres.
Sans nier l'importance de la recherche, ces associations nous alertent sur le risque de déséquilibre dans l'accès aux soins psychiques. Il faut aussi accompagner et assurer un suivi médico-social. Nous voterons pour la proposition de loi, dans cette nouvelle version. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
L'article 1er est adopté, de même que les articles 2 et 3.
Vote sur l'ensemble
Mme Raymonde Poncet Monge . - Pour quelle discipline médicale le législateur se permettrait-il de légiférer contre l'avis des acteurs et des praticiens ? Hormis FondaMental, aucun autre acteur ne nous a dit qu'il trouvait cette proposition de loi pertinente. La DGOS conteste aussi l'utilisation d'un véhicule législatif...
Ce texte présente un point de vue en surplomb sur la psychiatrie, qui se permet de dire à tout un champ disciplinaire ce qu'il faut faire.
Cela reste une proposition de loi pro domo.
Mme Marion Canalès. - Bravo !
La proposition de loi est adoptée.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Laurent Burgoa. - Lors du scrutin public n°125, M. Thierry Meignen souhaitait s'abstenir.
Acte en est donné.
Prochaine séance demain, mercredi 17 décembre 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 18 h 35.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 17 décembre 2025
Séance publique
À 15 heures, de 16 h 30 à 20 h 30, et à 21 h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Proposition de loi visant à assouplir les contraintes à l'usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre, présentée par M. Pierre Jean Rochette et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°197, 2025-2026)
3. Proposition de loi relative à la sécurisation des marchés publics numériques, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°200, 2025-2026)
4. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée (demande du Gouvernement)