I. LA MARGE DE CROISSANCE FRAGILE DÉGAGÉE SUR LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE L'EXCLUSION NE COUVRE PAS LES NOUVEAUX BESOINS SOCIAUX

Le budget de l'emploi et de la solidarité représente au total 208 milliards de francs en 2002, dont 42 % sont consacrés aux deux actions qui relèvent de cet avis budgétaire, à savoir l'intégration et la lutte contre les exclusions , d'une part, et le développement social , d'autre part.

L'action dite de « lutte contre l'exclusion », qui recouvre notamment les dépenses liées au revenu minimum d'insertion (RMI), représente 47 milliards de francs.

L'agrégat relatif au développement social , soit 40 milliards de francs, assez hétérogène, regroupe notamment les dépenses relatives aux interventions en faveur des droits des femmes, aux rapatriés, à la formation des travailleurs sociaux, au financement des centres d'aide par le travail (CAT), ainsi que les dépenses d'action sociale de l'Etat destinées aux personnes handicapées et aux personnes âgées, y compris les prestations obligatoires telles que l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Au total, les crédits relatifs à la solidarité dans le budget de l'Etat représentent donc 87 milliards de francs, soit 5 % des dépenses nettes du budget général qui s'établissent à 1.730 milliards de francs.

La croissance retrouvée permet de dégager des économies sur les crédits relatifs au revenu minimum d'insertion (RMI) et sur le financement de la protection complémentaire au titre de la couverture maladie universelle (CMU) ; toutefois, les économies réalisées en 2002 apparaissent difficiles à consolider.

A. LES MARGES DE MANoeUVRE DÉGAGÉES AU TITRE DU RMI SONT ENCORE FRAGILES

1. Les économies réalisées au titre du RMI doivent être relativisées

Le retour de la croissance aurait pu laisser espérer une baisse plus rapide des effectifs du RMI. En réalité, la décrue n'a été enregistrée qu'à partir du premier semestre 2000 et encore sur le seul territoire de la métropole ; le dispositif fait preuve d'une forte « inélasticité au retour de la croissance ».

Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France, sans condition de nationalité -une condition de résidence de trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de 25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de 25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation versée complète les ressources des intéressés de façon à leur garantir un revenu minimum fixé à 2.608,50 francs par mois au 1 er janvier 2001 pour une personne isolée sans enfant à charge et à 3.912,75 francs par mois 1 pour un couple (ce montant est majoré de 782,55 francs par mois pour chaque enfant à charge). L'allocation est conditionnée à un engagement du bénéficiaire à participer aux actions ou activités définies avec lui et nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. Cet engagement peut être formalisé dans un contrat d'insertion.

a) Le dispositif du RMI bénéficie tardivement du retour de la croissance

Au 31 décembre 1999, la France a enfin enregistré une baisse nette de 52.000 bénéficiaires du RMI en métropole dont le nombre s'élève néanmoins à 965.000.

Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI

 


Métropole


Evolution


DOM


Evolution


France


Evolution

Crédits budgétaires en MF (1)


Evolution

Décembre 1989

335.514

 

71.567

 

407.081

 

6.000

 

Décembre 1990

422.101

25,8 %

88.044

23,0 %

510.145

25,3 %

8.668

+ 45 %

Décembre 1991

488.422

15,7 %

93.939

6,7 %

582.361

14,2 %

14.325

+ 65 %

Décembre 1992

575.034

17,7%

96.208

2,4 %

671.242

15,3 %

13.168

- 8 %

Décembre 1993

696.589

21,1 %

96.355

0,2 %

792.944

18,1 %

16.631

+ 26 %

Décembre 1994

803.303

15,3 %

105.033

9,0 %

908.336

14,6 %

19.217

+ 16 %

Décembre 1995

840.839

4,7 %

105.171

0,1 %

946.010

4,1%

22.022

+ 15 %

Décembre 1996

903.804

7,5 %

106.668

1,4 %

1.010.472

+ 6,8 %

23.179

+ 5 %

Décembre 1997

956.596

5,8 %

111.305

4,3 %

1.067.901

+ 5,7 %

24.230

+ 4,5 %

Décembre 1998

993.286

3,8 %

118.822

6,8 %

1.112.108

+ 4,1 %

26.227

+ 8,24 %

Décembre 1999

1.017.847

2,5 %

127.176

7 %

1.145.023

+ 3 %

31.900 (2)

+ 21,63 %

Décembre 2000

965.000

- 5,1 %

131.000

3 %

1.096.000

- 4,3 %

29.255 (3)

- 8,78 %

(1) En millions de francs, compte tenu des lois de finances rectificatives.

(2) Dont 1,82 milliard de francs pour couvrir les insuffisances de la dotation 1998 (l'augmentation budgétaire nette de 1999 sur 1998 s'élèverait donc à 7,25 %).

(3) Prévision.


L'évolution des effectifs du RMI en métropole a été forte jusqu'en 1994, avec une croissance annuelle moyenne de 15 % par an, liée d'abord à la montée en charge initiale du RMI puis à la réforme de l'assurance chômage en 1992 qui a conduit à une diminution du nombre de chômeurs indemnisés. L'évolution du RMI est en effet largement conditionnée par le nombre de chômeurs non bénéficiaires des régimes d'assurance chômage et solidarité, pour qui cette prestation offre une couverture financière minimum.

De 1995 à 1997, le rythme d'évolution du RMI a fortement diminué, mais s'est maintenu à un niveau proche ou supérieur à 5 %, et globalement plus élevé que celui du chômage.

Depuis quatre ans, le taux de croissance du RMI s'est progressivement essoufflé (+ 5,8 % en 1997 et + 3,8 % en 1998, + 2,5 % en 1999) pour atteindre - 0,9 % en 2001.

Au cours de l'année 2000, pour la première fois depuis la création du dispositif, le nombre d'allocataires a diminué de 5,2 % en métropole 1( * ) . En parallèle, la croissance des effectifs dans les départements d'outre-mer s'est ralentie passant de 7 % en 1999 à 3,5 % en 2000. En un an, le nombre d'allocataires du RMI a ainsi reculé de plus de 52.000 en métropole.

Cette évolution favorable reflète l'amélioration de la conjoncture économique et, plus particulièrement, la baisse du chômage non indemnisé.

La baisse du RMI profite principalement aux moins de trente ans et à ceux qui sont entrés récemment dans le dispositif : le nombre d'allocataires du RMI de moins de trente ans a diminué de 20 % depuis 1997, soit une baisse de près de 55.000 allocataires.

En outre, quatre signes encourageants sont constatés en 2000.

Tout d'abord, le nombre d'allocataires présents depuis plus d'un an a ainsi diminué de près de 2 % pour la première fois depuis la création du dispositif. En 1999, les jeunes et les allocataires récents étaient les seules catégories à bénéficier du contexte favorable de l'activité économique.

Ensuite, le mouvement de baisse touche désormais toutes les classes d'âge , à l'exception des personnes de plus de 50 ans qui relèvent de dispositifs spécifiques.

Par ailleurs, grâce aux créations d'emploi, le rythme des sorties du dispositif s'est nettement accéléré en 2000 pour atteindre 350.000 en métropole, soit une progression de 9 % par rapport à 1999. Ce résultat est d'autant plus remarquable que la forte diminution du flux d'entrées (+ 345.000 en 2000 contre + 392.000 en 1999), a mécaniquement limité le potentiel des sorties (on rappellera en effet qu'un tiers des entrants au RMI sortent du dispositif avant six mois).

Enfin, on peut se féliciter que la baisse du RMI se soit largement diffusée à travers tout le territoire.

A l'exception de trois départements ruraux (Haute-Corse, Ariège et Lozère), la baisse du RMI profite à l'ensemble des départements. Les diminutions les plus fortes sont observées dans l'ouest du pays, autour de l'axe Rhin-Rhône et, pour le bassin parisien, dans les Yvelines. Les départements qui enregistrent les résultats moins favorables sont concentrés principalement dans la partie sud du pays. Globalement, la baisse du RMI a été modérée dans les départements où le chômage a le moins diminué et forte lorsque la baisse du chômage a été vigoureuse.

b) Des économies grevées par les dépenses à venir

Au total, le Gouvernement envisage donc pour 2002 une diminution des dépenses de lutte contre les exclusions de 470 millions de francs au titre du RMI en tenant compte de la revalorisation de l'allocation.

La dotation pour 2002 prend en considération une revalorisation du montant de l'allocation de 2,2 % au 1 er janvier 2001 et de 1,2 % au 1 er janvier 2002 compte tenu de l'hypothèse relative au rythme de l'inflation fournie par la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les prévisions établies pour l'évolution du nombre d'allocataires sont les suivantes : - 4,2 % en métropole et + 4,4 % dans les DOM en 2001 ; - 1 % en métropole et + 4,4 % dans les DOM pour 2002.

L'économie nette de 470 millions de francs doit être rapprochée toutefois des 29,38 milliards de francs que représente au total la dotation budgétaire pour le RMI dans le projet de loi de finances pour 2002.

L'économie doit être relativisée également au regard du coût des revalorisations successives du montant de l'allocation qui apparaissent dans les comptes d'exécution. En décembre 1999, le Premier ministre a ainsi décidé d'une allocation forfaitaire de fin d'année dont le montant a représenté 1,6 milliard de francs sur l'exercice correspondant ; de même, les dépenses liées à l'allocation exceptionnelle de la fin d'année 2000 représentait 1,53 milliard de francs. En d'autres termes, les économies constatées en prévision sur 2002 ont été plus que « gagées » par le coût des revalorisations de fin d'année intervenues successivement depuis 2000 .

Pour 2002, la presse a fait état d'informations concernant la prime de Noël selon lesquelles « bien que la réunion d'arbitrage officielle n'ait pas encore eu lieu, il paraît acquis que l'enveloppe consacrée à cette aide aux personnes sans emploi sera identique à celle de 2000 à près de 2 milliards de francs » 2( * ) .

Ensuite, le Gouvernement engage une dépense de 270 millions de francs pour renforcer, au titre de l'API et du RMI, les procédures d'intéressement à la reprise d'activité .

Actuellement, le cumul entre allocation et revenu d'activité joue intégralement pour un trimestre puis fait l'objet d'un abattement à hauteur de 50 % pour les trois trimestres suivants. L'objectif de la réforme est de parvenir à un cumul intégral pendant un trimestre supplémentaire soit pendant près de six mois.

Cette mesure a été mise en place par le décret n° 2001-1078 du 16 novembre 2001 : ainsi, jusqu'à la première révision trimestrielle, le cumul des revenus avec le RMI demeure intégral. Lors de la première révision trimestrielle suivant l'exercice de l'activité, les revenus du trimestre précédent, appréciés en moyenne annuelle, sont pris en compte avec un abattement de 100 % (et non plus 50 %). Enfin, pour les trois révisions trimestrielles suivantes, les revenus du trimestre écoulé sont affectés d'un nouvel abattement de 50 % (inchangé). Les modalités de cumul de l'allocation de parent isolé (API) avec des revenus d'activité sont semblables à celles retenues en matière de RMI.

Les dépenses prévisionnelles prennent également en compte l'exclusion des bourses de l'enseignement supérieur des ressources prises en compte pour le calcul du RMI.

Si les bourses de l'enseignement primaire et secondaire (collège et lycée) sont exclues du calcul des revenus des parents percevant le RMI, le montant des bourses d'enseignement supérieur perçues par les étudiants était pris en compte pour le calcul des ressources de la famille lorsque celle-ci était bénéficiaire du RMI. Le décret n° 2001-1073 du 16 novembre 2001 a mis fin à ce qui était perçu comme une injustice.

Votre commission est favorable aux formules d'incitation à la reprise d'activité . Il reste que le dispositif issu du décret du 16 novembre dernier aura une incidence au-delà de la seule année 2002 puisque les mécanismes d'intéressement ont pour effet de limiter numériquement le nombre de sorties du dispositif.

Certes, le ministère fait valoir que, dans la majorité des cas, les formules d'intéressement ne sont pas utilisées au-delà de trois mois, les revenus professionnels de l'intéressé entraînant le dépassement des seuils fixés par la loi.

Il reste que cet élément statistique repose sur les constatations établies au cours de l'année 2000 qui peuvent être remises en cause par l'évolution de la conjoncture économique et le retournement du marché de l'emploi observé depuis six mois.

On sait que la mise en place, au début de 1999, des mesures d'amélioration de l'intéressement prévues par la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, renforçant les possibilités de cumul du RMI et des mesures d'activité, a eu un impact important sur le nombre de bénéficiaires de la mesure : 127.000 personnes bénéficiaient, au 31 décembre 2000, de ce mécanisme en métropole, soit 13,5 % des allocataires du RMI.

c) Les dépenses d'ensemble du RMI se situent toujours à niveau élevé

Comme les années précédentes, le coût total du RMI excède largement, pour la collectivité nationale, celui de la seule dotation budgétaire destinée à financer l'allocation. Il s'élève en réalité à 46 milliards de francs en 2000, dont 17 % à la charge des conseils généraux 3( * ) .

La créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, viennent s'ajouter aux crédits destinés au financement de l'allocation stricto sensu.

Le coût de la créance de proratisation 4( * ) dans les DOM s'élève à 913 millions de francs. Les majorations d'aide au logement dont bénéficient les allocataires du RMI s'élèvent à 1 milliard de francs.

Le poste essentiel reste celui du coût des mesures pour l'emploi (contrat emploi consolidé, contrat emploi-solidarité, emplois-jeunes) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le montant total est estimé à 7,2 milliards de francs pour 2000 , soit une multiplication par sept depuis la mise en place du dispositif (1 milliard de francs en 1989).

A cela, il faut ajouter les crédits d'insertion des départements résultant de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des sommes versées par l'Etat l'année précédente au titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait 1,98 milliard de francs en 1992, est passé à 4,9 milliards de francs en 2000 (dont 4,5 milliards de francs pour les dépenses en métropole).

Tableau récapitulatif des dépenses liées au RMI en 2000

(en milliards de francs)

 

Etat

Conseils généraux

Total

Allocation RMI

30,8

 
 

Mesures emploi (e)

7,2

 
 

Crédits d'insertion DOM

0,8

 
 

Majoration d'aide au logement (e)

1

 
 

Exonération de taxe d'habitation

1,16

 
 

Crédits d'insertion

 

4,9

 

Total

40,96

4,9

45,86

Total en %

89 %

11 %

100 %

d) Le maintien d'un « noyau dur » de personnes installées dans le RMI appelle des solutions innovantes

Près d'un tiers des allocataires ne perçoit l'allocation que pendant moins de six mois, tandis qu'à l'inverse plus d'un tiers reste dans le dispositif plus de quatre ans .

Sur les 345.000 entrées au RMI enregistrées en 1999, un tiers des allocataires perçoit l'allocation pendant moins de six mois. Comme dans la plupart des processus d'insertion, les chances de sortie sont plus élevées lorsque les allocataires sont jeunes, diplômés ou plus proches de l'emploi.

Phénomène plus inquiétant : la décrue des effectifs du RMI ne concerne pas fortement les personnes entrées depuis longtemps dans le dispositif : ainsi en 2000, a-t-on constaté que le nombre d'allocataires présents depuis plus de deux ans au RMI avait augmenté de 1,6 %.

Les politiques d'insertion des départements ne sont pas en cause.

La consommation des crédits d'insertion RMI a représenté 4,8 milliards de francs en 1999 (731.755.282 euros), soit 98 % du montant de l'obligation légale et des concours de l'année. Le taux de consommation est en hausse significative : 98 % contre 94 % en 1997. Un effort particulier semble avoir été fait par les départements dont le niveau de consommation était faible.

Taux de consommation des crédits départementaux d'insertion

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

97 %

101 %

96 %

94 %

94 %

98 %

98 %

En même temps, les politiques d'insertion professionnelle par le recours aux contrats aidés d'accès à l'emploi non marchand (contrats emploi-solidarité ; contrats emplois consolidés) semblent avoir atteint les limites de leur efficacité.

Le nombre d'entrées de bénéficiaires du RMI en mesures ciblées de la politique de l'emploi (CES, CEC, CIE et SIFE) a diminué en 2000 passant de 174 600 à 156 000.

Le recentrage de l'offre d'insertion autour du public RMI demeure stable conformément aux orientations données au service public de l'emploi. La part des contrats ou stages attribués à ces allocataires est de l'ordre de 30 % dans les mesures ciblées pour 2000 (30.8% en 1999).

Dans un contexte de diminution du nombre de mesures aidées pour l'emploi, liée au développement plus important des opportunités d'accès direct à l'emploi marchand, le taux de couverture a connu une certaine baisse : moins de 16 % des allocataires ont pu accéder à l'une des mesures ciblées dans l'année 2000 contre 19 % en 1999 et plus de 21 % en 1996, dans un contexte d'accès à l'emploi il est vrai très différent.

Dans un tel contexte, il est nécessaire d'imaginer de s solutions innovantes .

Au cours de la séance publique du jeudi 8 février 2001, réservée aux textes d'initiative parlementaire, le Sénat a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Philippe Nogrix 5( * ) la proposition de loi n° 317 (1999-2000) portant création du revenu minimum d'activité (RMA), déposée par M. Alain Lambert, président de la commission des Finances et M. Philippe Marini, rapporteur général.

Ce dispositif innovant permet au titulaire d'un minimum social (RMI par exemple) de convertir son allocation en un salaire qui lui serait versé directement par l'entreprise.

Ce dispositif, dégressif sur trois ans, serait neutre pour les finances publiques et ne remettrait pas en cause le droit aux minima sociaux existants. Il vise à lutter contre le chômage structurel par une incitation à l'embauche dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée. La rémunération des salariés, qui devrait être légèrement supérieure au SMIC, serait fixée par des accords de branche professionnelle.

Votre commission des Affaires sociales a approuvé entièrement la démarche. Elle a souhaité que les négociations de branche mettent en place un plan de formation, accompagné ou non d'un tutorat, au profit des personnes embauchées ainsi qu'une prise en charge des frais de retour à l'emploi.

Votre rapporteur ne peut que regretter que l'Assemblée nationale n'ait pas souhaité engager la navette sur un dispositif incontestablement utile.

2. L'allocation de parent isolé (API) ne connaît pas de diminution de ses effectifs

L'API est à la fois une prestation à vocation familiale et un minimum social . Il s'agit d'assurer un minimum de ressources aux personnes isolées assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants. L'API est versée par la caisse d'allocation familiale (CAF) ou par les caisses de mutualité sociale agricole.

Ce n'est que depuis le budget pour 1999 que l'API est inscrite sur les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité : la décision de procéder à la « budgétisation » de l'API -auparavant financée par la branche famille de la sécurité sociale- a été prise pour compenser le rétablissement du principe de l'universalité des prestations familiales.

L'allocation de parent isolé (API) est versée à la future mère en situation d'isolement ou à toute personne qui du fait du décès du conjoint ou concubin, d'un divorce, d'une séparation de droit ou de fait se retrouve seule pour élever un ou plusieurs enfants. L'allocation est au plus versée pendant un an ou jusqu'au troisième anniversaire du dernier enfant. Il s'agit d'une allocation strictement différentielle qui n'est versée que si les ressources totales du demandeur sont inférieures au montant garanti variable selon le nombre d'enfants. Pour une personne seule (femme enceinte), le montant garanti s'élève à 3.295 francs pour une femme enceinte sans enfant à charge et à 4.395 francs pour un parent isolé avec un enfant à charge . Les ressources prises en compte pour calculer la différentielle intègrent tous les revenus du trimestre précédant à l'exclusion de l'allocation logement et de l'allocation pour jeune enfant (APJE) versée du 4 ème mois de grossesse au 3 ème mois suivant la naissance ; elles comprennent donc toutes les autres prestations familiales.

L'API a été créée en 1976 : ses effectifs ont connu une forte progression de l'ordre de 14 % par an entre 1978 et 1988. De 25.000 personnes en 1977, le nombre de personnes concernées est passé à 75.000 en 1981, 125.000 en 1985 et 150.000 en 1989.

Les effectifs concernés par l'API connaissent à nouveau une augmentation en 1999 et 2000, alors que la tendance au ralentissement était encore observée en 1998.

Evolution de l'API

Année

Nombre de bénéficiaires

Evolution par rapport à l'année précédente en %

Niveau des crédits consommés en trésorerie
(en millions de francs)

1989

156.000

 

3.945

1990

157.000

+ 0,6

4.104

1991

157.000

0

4.189

1992

160.000

+ 1,9

4.311

1993

164.000

+ 2,5

4.517

1994

169.000

+ 3

4.720

1995

164.000

- 3

4.750

1996

163.000

- 0,6

4.985

1997

164.000

+ 0,6

4.649

1998

163.000

+ 0,6

4.561

1999

168.000

+ 3,2

4.635

2000

170.000

+ 1,2

4.731

La dotation budgétaire qui était fixée à 4,35 milliards de francs en 2000 et à 4,7 milliards de francs en 2001 augmenterait de 3,6 % en 2002 pour atteindre 4,8 milliards de francs .

L'API, plus encore que le RMI, est une prestation qui s'avère lente à enregistrer les effets d'une amélioration de l'activité économique, alors même qu'elle a été conçue pour faciliter la vie des familles pendant une période de recherche d'emploi.

L'hypothèse, selon laquelle les mesures tendant à améliorer la couverture des frais pour garde d'enfants liés à la reprise d'un emploi devaient contribuer à diminuer le nombre de titulaires de l'API, ne s'est pas vérifiée.

Les créations d'emploi sur la période 1997-2000 auraient dû entraîner une baisse d'environ 25.000 allocataires, mais cette diminution théorique ne se retrouve pas dans l'évolution d'ensemble des allocataires de l'API. En effet si sur cette période, le nombre d'allocataires a continué de croître à un rythme plus faible en raison de l'amélioration de la situation de l'emploi  (+ 3,2 % en 1999, + 1,2 % en 2000) l'impact d'une meilleure conjoncture sur l'évolution des effectifs a été atténué par deux phénomènes.

Tout d'abord, la mise en place des mesures de cumul avec des revenus d'activité, tout en garantissant une meilleure couverture en cas de reprise d'activité, a pour conséquence de maintenir plus longtemps les allocataires dans le dispositif : sur la période 1997-2000, 10.000 bénéficiaires ont été concernés.

Ensuite, le nombre des familles monoparentales évolue parallèlement à celui des naissances et augmente depuis 1996 (sur la période 1997-2000, contribution de 11.000 bénéficiaires).

La dotation pour 2002 a été fixée en se fondant, selon les éléments transmis à votre rapporteur, sur une stabilisation de l'évolution des effectifs de la dotation, d'une revalorisation du montant de l'allocation en fonction de la base mensuelle des allocations familiales, la majoration du barème de l'API dans les départements d'outre-mer conformément à la loi d'orientation du 13 décembre 2000 sur l'outre-mer et la prolongation d'un trimestre de la période de cumul intégral de l'allocation avec un revenu d'activité dans le cadre de l'amélioration du régime d'intéressement.

En fait, votre rapporteur partage l'objection émise par votre commission lorsque le financement de l'API avait été transférée de la branche famille au budget de l'Etat et que M. Jean Chérioux avait reprise à son compte dans son avis de l'année dernière.

Tant qu'elle était considérée avant tout comme une prestation familiale, l'API pouvait éviter de devenir un dispositif stigmatisant comme peut l'être parfois le RMI ; en revanche, le financement direct par l'Etat ne peut que conduire à faire prévaloir la dimension de minimum social de cette prestation au détriment de la volonté d'insérer les parents isolés dans la vie économique .

3. Les incertitudes sur les économies prévues au titre de la couverture maladie universelle (CMU)

a) Le dispositif de la CMU

La loi du 27 juillet 1999 a prévu deux dispositifs :

- une couverture maladie universelle de base obligatoire ouverte aux personnes résidant en France de façon stable et régulière dont les ressources n'excèdent pas 3.600 francs par mois pour une personne seule. Les dépenses de cette couverture de base sont prises en charge directement au sein de la branche assurance maladie ; en 2000, le coût des prestations de la CMU de base s'est élevé à 10,941 milliards de francs pour le régime général.

- une couverture complémentaire ouverte sous conditions de ressources, permettant de bénéficier d'une prise en charge à 100 % des soins (avec la prise en charge intégrale du ticket modérateur), de la prise en charge du forfait hospitalier, ainsi que de divers appareillages. Le bénéfice du tiers payant est étendu aux intéressés qui ont le choix de leur organisme d'affiliation, soit une caisse d'assurance maladie, soit une mutuelle, soit une institution de prévoyance, soit une compagnie d'assurance.

b) La révision à la baisse des crédits

Pour 2001, la prévision de dépenses était de 7,4 milliards de francs au titre de la couverture complémentaire.

Les effectifs détaillés de la CMU au 30 décembre 2000

•  A la date du 30 décembre 2000, dernier chiffre connu, l'effectif des bénéficiaires de la couverture de base , ou « régime de résidence » s'établit à 1.130.717 personnes . Parmi ces bénéficiaires, 80 % sont domiciliés en France métropolitaine, et la très grande majorité (73 %) sont également bénéficiaires du RMI. 5,4 %, acquittent une cotisation du fait qu'ils dépassent le plafond de ressources en deçà duquel a été instaurée une franchise de cotisations. En outre, 165.519 bénéficiaires du régime de résidence n'ont pas de couverture CMU complémentaire.

•  A la date du 30 décembre 2000, dernier chiffre connu, les effectifs des bénéficiaires de la couverture complémentaire sont les suivants :

- 4.360.000 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par une CPAM ou une CGSS pour le compte de l'Etat, hors section locale mutualiste ;

- 103.000 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par une caisse mutuelle régionale ;

- 6.860 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par une caisse de mutualité sociale agricole ;

- près de 400.000 bénéficiaires affiliés à la CMU complémentaire gérée par un organisme complémentaire, dont 344.000 affiliés au régime général, 22.000 au régime des non salariés non agricoles et 15.740 au régime agricole.

En définitive, les comptes prévisionnels du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie s'établissent comme suit pour 2001.

Compte prévisionnel du fonds CMU pour 2001

(en millions de francs)

Recettes

Dépenses

Dotation budgétaire de l'Etat

6.599

Versements aux organismes de sécurité sociale et aux organismes de couverture maladie complémentaire

7.589

Contribution de 1,75 % à la charge des organismes de couverture maladie complémentaire

1.000

Gestion administrative

10

Total

7.599

 

7.599

Le financement de la couverture complémentaire de la couverture maladie universelle, créée par la loi du 27 juillet 1999, soulève des interrogations (chapitre 46-82). La dotation pour 2002 fait apparaître une économie de 450 millions de francs . Par ailleurs, l'arrêté d'annulation de crédits du 14 novembre 2001, repris en annexe du projet de loi de finances rectificative pour 2001, fait apparaître une économie de 521 millions de francs . On rappellera qu'un milliard de francs avait également fait l'objet d'une annulation en 2000.

La dotation budgétaire pour 2000 avait été fixée à 7 milliards de francs et celle pour 2001 à 6,6 milliards de francs en se fondant sur l'hypothèse de 6 millions de bénéficiaires.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, le montant de 6,6 milliards de francs fixé par la loi de finances pour 2001 reposait sur une « connaissance limitée de la montée en charge du dispositif » (nombre de bénéficiaires, dépense individuelle), comme des conditions de sortie des anciens bénéficiaires de l'aide médicale.

« Cette dernière variable reste la plus difficile à déterminer. Selon la CNAMTS, environ 900 000 anciens bénéficiaires de l'aide médicale ont vu leurs droits s'interrompre au 30 juin 2001. Cependant, le bilan définitif de cette opération de fin de droits reste incertain : d'une part, de nombreux anciens bénéficiaires doivent faire réexaminer leurs droits au cours du deuxième semestre, d'autre part il est impossible d'apprécier avec exactitude le nombre de personnes qui ne se sont pas manifestées avant le 30 juin 2001 mais qui tenteront d'entrer à nouveau dans le dispositif d'ici la fin de l'année.

« Néanmoins, sur la base des premières données disponibles concernant le nombre de bénéficiaires et le montant moyen de la dépense individuelle, l'exécution de la loi de finances pour 2001 devrait dégager un léger reliquat de crédits non consommés. »

c) Les crédits demandés ne tiennent pas compte des insuffisances du dispositif

Selon les éléments transmis par le Gouvernement : « Le montant de la dotation de l'État au fonds CMU pour 2002 retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002 devrait être de 6,1 milliards de francs. La diminution de crédits s'explique notamment par les sorties de bénéficiaires, notamment les personnes dont les droits ont été prolongés jusqu'au 30 juin 2001 et qui sont sortis à cette date si leurs ressources étaient inférieures à une moyenne mensuelle de 4.000 francs pour une personne seule. »

Votre rapporteur considère que la situation prévue budgétairement pour 2002 ne tient pas compte de la réalité des besoins : le Gouvernement procède à l'affichage d'un abattement de 450 millions de francs pour tenir compte des sorties prévisibles parmi la population des 900.000 personnes qui bénéficiaient auparavant de l'aide médicale gratuite et ont été maintenues à titre temporaire dans le champ de la nouvelle CMU.

Il reste que les droits de ces personnes qui devaient expirer au 30 juin 2001 ont été finalement reconduits jusqu'à la fin de cette année par décision ministérielle. Les pressions seront fortes au cours de l'exercice 2002 pour que les personnes concernées soient à nouveau maintenues.

En effet, le seuil de 3.600 francs de revenu mensuel prévu pour la couverture complémentaire de la CMU ne permet toujours pas de couvrir la population des titulaires des minima sociaux. Les associations de handicapés et l'UNIOPSS regrettent particulièrement que les bénéficiaires de l'AAH ou du minimum vieillesse ne puissent pas avoir droit à la CMU, à 50 francs près .

Au demeurant, un certain nombre de personnes qui sont aujourd'hui écartées du dispositif bénéficiaient de l'ancienne aide médicale gratuite grâce aux initiatives prises dans de nombreux départements.

Toutefois, dans la mesure où la suppression de la compétence des départements en matière d'aide médicale gratuite a pour contrepartie des abattements effectués sur la dotation générale de décentralisation des départements qui sont calculés en tenant compte de l'ensemble des dépenses d'aide médicale auparavant financées par les collectivités locales, qu'il s'agisse de dépenses obligatoires ou de dépenses facultatives et en tenant compte d'un abattement forfaitaire de 5 %. Les départements ont donc déjà été amputés des crédits qu'ils auraient pu consacrer à l'amélioration du dispositif de la CMU, ceci même en tenant compte de l'abattement de 5 %.

Enfin, va se poser inéluctablement la question de l'adaptation du montant forfaitaire de 1.500 francs par affilié versé par le Fonds aux organismes complémentaires. Ce forfait apparaît manifestement sous-évalué .

En ce qui concerne les organismes de protection sociale complémentaire, le fonds CMU a effectué en 2000 près de 450 remboursements représentant environ 71 millions de francs. Du fait de l'augmentation du nombre d'adhésions et de contrats gérés par les organismes de protection sociale complémentaire, ce montant devrait augmenter fortement en 2002. Ainsi, pour 2002, la prévision de dépenses est de 7,492 millions de francs.

La consommation moyenne par bénéficiaire et par an, en 2000, est de l'ordre de 1.500 à 1.600 francs soit d'ores et déjà supérieure au seuil des 1.500 francs précités. Selon une étude de la Fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle , le coût moyen de la prise en charge aurait atteint 1.845 francs en 2001.

Les crédits relatifs à la CMU sont donc frappés par une double incertitude : sur l'avenir des personnes bénéficiant d'un maintien des droits d'une part ; sur la pérennité du remboursement forfaitaire aux organismes complémentaires, d'autre part.

Dans ces conditions, votre commission ne peut que s'interroger sur la réalité des économies prévisionnelles affichées sur ce poste.

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