Avis n° 82 (2002-2003) de M. Laurent BÉTEILLE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 décembre 2002

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N° 82

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 décembre 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) , en application de l'article 11, alinéa 1, du Règlement, sur la proposition de résolution de MM. Bernard PLASAIT, Henri de RAINCOURT et les membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites ,

Par M. Laurent BÉTEILLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir le numéro :

Sénat : 348 (2001-2002).

Drogue.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'une proposition de résolution n° 378 (2001-2002) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites , présentée par nos excellents collègues MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.

L'article 11 du Règlement du Sénat prévoit que lorsqu'elle n'est pas saisie au fond d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, la commission des Lois est appelée à émettre un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

La commission des Affaires sociales ayant été saisie au fond sur la présente proposition de résolution, la compétence de la commission des Lois se limite donc strictement à l'examen de sa recevabilité.

Les conditions de constitution des commissions d'enquête sont fixées par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée et précisées par l'article 11 du Règlement du Sénat.

La loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 a modifié cet article 6 en regroupant sous la dénomination commune de commission d'enquête, les commissions d'enquête et les anciennes commissions de contrôle qui avaient pour objet de contrôler le fonctionnement d'une entreprise nationale ou d'un service public.

Pour autant, cette unification d'ordre terminologique n'a pas gommé la dualité entre les commissions d'enquête proprement dites et celles chargées de contrôler le fonctionnement d'une entreprise nationale ou d'un service public, ainsi qu'il ressort de la rédaction actuelle des deuxième et troisième alinéas de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 :

« Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.

« Il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter . ».

Dans la première hypothèse, en cas d'enquête sur des faits déterminés, la pratique traditionnellement suivie pour les anciennes commissions d'enquête continue d'être observée : le Président de la commission des Lois demande à M. le Président du Sénat de bien vouloir interroger le Garde des Sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.

Dans la seconde hypothèse, comme pour les anciennes commissions de contrôle, cette procédure de demande d'information ne s'impose pas en raison de l'objet de la commission qui est d'enquêter non pas sur des faits déterminés, mais sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

Lorsqu'elle est saisie pour avis d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, l'unique tâche de la commission des Lois consiste à déterminer si cette création entre dans le champ de l'article 6 de l'ordonnance et si la consultation du Garde des Sceaux s'impose ou non.

L'exposé des motifs de la proposition de résolution relève que « la répression de l'usage et du trafic des drogues illicites est de plus en plus difficile. L'augmentation des quantités de cannabis saisies (multiplication par 2,5 des quantités de cannabis saisies entre 1994 et 2000), des interpellations pour usage ou usage-revente (94.300 au cours de l'année 2000) ainsi que pour trafic (6.500 en 2000) accrédite l'idée selon laquelle trafic et consommation s'accroissent dans des conditions telles que la lutte serait de plus en plus inefficace et que, partant, il vaudrait mieux légaliser l'usage de certaines drogues ».

Toujours selon l'exposé des motifs de la proposition de résolution, le champ d'investigation de la commission d'enquête porterait notamment :

« - sur l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la toxicomanie, la détention, la consommation, la vente et le trafic de stupéfiants ;

« - sur la définition des drogues, de leurs effets sur la santé des consommateurs, la santé et la sécurité publiques, au regard des connaissances scientifiques actuelles en la matière ;

« - sur la définition d'une politique nationale forte, claire et cohérente de lutte contre les drogues illicites. »

Selon les auteurs de la proposition de résolution, ces trois axes impliqueraient d'examiner :

« - l'action des administrations, des organismes publics ou associatifs qui ont vocation à mettre en oeuvre les politiques de répression, de prévention et d'information en matière de toxicomanie ;

« - l'adéquation des moyens humains et matériels consacrés à la prévention de l'usage des drogues illicites ;

« - l'efficacité de l'arsenal pénal réprimant l'usage et le trafic des stupéfiants et son éventuelle adaptation ainsi que celle des moyens douaniers, policiers et judiciaires affectés à sa mise en oeuvre ;

« - l'adaptation et les besoins des Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes (CSST) et des établissements sanitaires ainsi que la possibilité d'étendre la gamme de ces établissements » .

Prévoyant le contrôle de services publics, la proposition de résolution entre ainsi dans la champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'existence de poursuites judiciaires .

Enfin, la proposition de résolution fixe à vingt et un le nombre des membres de la commission d'enquête, conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission estime que la proposition de résolution n° 348 (2001-2002) soumise à l'examen du Sénat n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée.

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