Article 45 -
(Articles L. 321-1, L. 321-3 et L. 321-7-1 (nouveau) du code de l'urbanisme) -

Création d'une catégorie d'établissement public foncier d'Etat

Cet article vise à permettre la création d'établissements fonciers d'Etat exclusivement tournés vers la réalisation d'interventions foncières , à l'exclusion d'opérations d'aménagement. Il prévoit que, pour la création de ces établissements, un décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil régional et des conseils généraux intéressés est nécessaire. Enfin, il affecte aux établissements une ressource propre, la taxe spéciale d'équipement.

Le droit en vigueur

La volonté de créer des instruments de maîtrise foncière a conduit à la mise en place de deux types d'opérateurs, dont les régimes sont proches.

Les établissements publics d'Etat , dont le régime est codifié aux articles L. 321-1 à L. 321-9 du code de l'urbanisme, sont des établissements à caractère industriel et commercial dotés d'une double compétence, qui recouvre les interventions foncières et les opérations d'aménagement 19 ( * ) . Ils sont créés par décret en Conseil d'Etat après avis du ou des conseils généraux et des conseils municipaux intéressés . Toutefois, lorsque leur zone d'activité s'étend sur plus de cent communes, le décret est pris en Conseil d'Etat et en Conseil des ministres après avis des conseils généraux. Ce décret détermine l'objet, la zone d'activité territoriale et éventuellement la durée de l'établissement, et fixe la composition du conseil d'administration.

Les ressources des établissements proviennent de subventions de l'Etat et des collectivités territoriales, attribuées notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région, du produit de la taxe spéciale d'équipement dont le plafond a été fixé pour chaque établissement en loi de finances, du produit des emprunts, et des produits de gestion foncière.

Afin d'encourager les initiatives locales, la loi n°91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville a créé les établissements publics fonciers locaux , dont le régime s'inspirait de celui des établissements publics d'Etat, mais dont la création a été facilitée, puisqu'elle ne nécessite que la décision du représentant de l'Etat dans le département 20 ( * ) . Le faible nombre d'établissements constitués dans les années 1990 a cependant conduit à modifier leur régime en 2000 21 ( * ) . Celui-ci repose désormais sur les principes suivants : libre adhésion , substitution des établissements publics de coopération intercommunale à leurs communes membres 22 ( * ) , et non exclusion, lors de la création, du département et de la région.

La compétence de ces établissements est limitée à la réalisation d'opérations foncières, leur financement étant assuré, entre autres, par une taxe spéciale d'équipement dont le plafond était, jusque récemment, fixé en loi de finances chaque année (articles L. 324-8 du code de l'urbanisme et 1607 bis du code général des impôts). Aux termes de l'article 193 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, ce plafond est désormais fixé, pour tous, à 20 euros par habitant .

Bilan des établissements publics fonciers

On relèvera que, malgré la réforme de 2000, la création d'établissements locaux est restée modeste : seuls six établissements publics fonciers locaux ont été créés. Dans les années 1990, on ne compte que deux établissements publics fonciers locaux : l'établissement public foncier du Puy-de-Dôme, créé le 29 décembre 1992 et l'établissement public foncier d'Argenteuil-Bezons le 5 janvier 1994. Depuis 2002, sous l'effet de la réforme opérée par la loi « SRU », quatre nouveaux établissements ont été institués : l'établissement public foncier de la Réunion, créé le 16 septembre 2002, celui de la région grenobloise le 31 octobre 2002, celui de Côte-d'Or, le 18 juillet 2003 et celui du département de la Haute-Savoie, créé le 23 décembre 2003.

S'agissant des établissements d'Etat , seuls concernés par le projet de loi, deux types d'établissements se sont mis en place, sous l'empire d'une même législation. D'une part, les établissements publics d'aménagement , financés par subvention de l'Etat et des collectivités territoriales (Euroméditerrannée, Plaine de France, Nanterre-Seine Arche, Le Mantois-Seine Aval) réalisent essentiellement des opérations d'aménagement, telles que définies par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. D'autre part, des établissements ne réalisant quasiment que des interventions foncières ont été créés, à une échelle régionale ou interdépartementale.

Leur mise en place s'est effectuée suivant trois « vagues » successives. En 1968 et 1973, les établissements de Basse-Seine et de Lorraine ont été créés dans un contexte de forte intervention de l'Etat (mise en oeuvre du schéma d'aménagement de la Basse-Seine pour le premier, constitution de la métropole lorraine pour le deuxième). En 1990 et en 1998 respectivement, les établissements du Nord-Pas-de-Calais et de l'Ouest-Rhône Alpes (EPORA) ont été institués afin de contribuer à la requalification des friches industrielles, militaires et urbaines de ces zones. Enfin, l'établissement de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, créé en 2001, vise, dans un contexte de très forte pression foncière, à réguler le marché foncier, et mener des actions en faveur du logement (plus de 70 % de ses investissements sont orientés en faveur de l'habitat).

Ces établissements publics fonciers (EPF) remplissent essentiellement trois missions :

- ils jouent un rôle de conseil, d'ingénierie, d'expertise auprès des collectivités territoriales, par la réalisation d'études préalables aux acquisitions foncières ;

- ils acquièrent des terrains , de gré à gré, par voie de préemption, ou par voie d'expropriation et les cèdent ensuite aux collectivités ;

- ils réalisent des opérations de « remise en état » des sites afin de redonner une valeur d'usage aux biens.

Ce n'est qu'à titre exceptionnel, et seulement avec l'autorisation des ministres chargés de l'urbanisme, du budget et des collectivités territoriales , que ces établissements peuvent, aux termes de leurs décrets constitutifs, mener des opérations d'aménagement. En pratique, leur activité « aménagement » est restée marginale. En 2004, l'établissement du Nord-Pas-de-Calais et celui de Basse-Seine (les deux plus importants en termes d'activité), n'ont pas réalisé d'opération d'aménagement, et l'établissement de PACA déclare une seule opération de réhabilitation d'habitat insalubre. Quant à l'EPORA et à l'établissement de Lorraine, l'activité d'aménagement représente 3% de leurs recettes en 2004.

Votre commission pour avis relève que le bilan de ces établissements apparaît positif et souligne que la place des élus locaux y est prépondérante .

D'une part, les objectifs de l'EPF sont définis par son conseil d'administration, composé exclusivement d'élus et de représentants des chambres consulaires, à travers un « programme pluriannuel d'intervention foncière » généralement prévu pour six ans. D'autre part, ces objectifs sont ensuite définis dans des conventions passées avec les collectivités ou leurs groupements. La collectivité qui souhaite faire intervenir l'établissement détermine le périmètre des propriétés dont elle demande l'acquisition, précise la nature de son projet d'aménagement, et s'engage à racheter, à terme, la réserve foncière. Les conditions de la revente sont déterminées dans une convention passée dès l'engagement de l'opération.

Agissant à la demande des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale, et par convention avec eux, les EPF constituent donc un instrument efficace de mutualisation des moyens pour mener des opérations d'acquisition foncière et de portage foncier, impliquant une remise en état (recyclage foncier, dépollution, etc ...). L'Etat n'intervient qu'à travers le directeur, nommé par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme, qui prépare et exécute les décisions du conseil d'administration, et à travers le préfet de région, qui exerce la tutelle au nom de l'Etat.

Caractérisés par une stabilité certaine dans le temps, ils ont en outre adapté leurs missions à l'évolution des enjeux d'aménagement du territoire. Ainsi le territoire d'intervention de l'établissement de Basse-Seine, étendu une première fois en 1977, a été élargi de nouveau, par décret du 31 octobre 2000, à l'ensemble de la région Haute-Normandie et du département du Calvados, tandis que ses missions étaient diversifiées pour répondre aux enjeux actuels de l'aménagement du territoire : au fil du temps, la part consacrée à la maîtrise de zones d'extension urbaine, a décru au profit des acquisitions en milieu urbain, afin de contribuer aux opérations de recomposition urbaine . Cet établissement effectue désormais, par exemple, des opérations de portage à taux bonifié pour deux catégories d'opération, celles inscrites dans une politique locale de l'habitat, visant la mixité urbaine et la diversification de l'offre de logement, et les opérations de renouvellement urbain.

Le texte du projet de loi

Le projet de loi vise, dans un contexte de pénurie foncière, à favoriser la création d'opérateurs fonciers caractérisés par une taille suffisante pour atteindre une assise financière solide. L'article 45 crée pour cela un statut juridique particulier, et affecte aux établissements une ressource propre, la taxe spéciale d'équipement.

S'agissant de la sécurité juridique , le projet de loi offre la possibilité, inexistante jusqu'à présent, de créer des établissements uniquement dédiés aux interventions foncières. Cette spécialisation des établissements répond à la nécessité de séparer les deux « métiers », très différents, que constituent les activités d'aménagement et d'opérateur foncier. En outre, elle doit permettre de les mettre à l'abri d'éventuels problèmes de compatibilité avec les exigences du droit européen. En effet, des incertitudes juridiques pèsent sur l'activité d'aménagement , notamment du fait que la Commission européenne conteste le régime des conventions publiques d'aménagement, qu'elle considère comme étant en infraction avec les règles de concurrence. Afin de sécuriser la situation des établissements publics fonciers, le projet de loi limite donc leur activité aux interventions foncières. Cette limitation correspond au demeurant à la situation actuelle des établissements fonciers, dont le rôle est de faciliter l'aménagement et non de le réaliser, en prenant en charge la maîtrise du foncier et sa remise en état.

S'agissant de l'assise financière , la fixation du plafond de la taxe spéciale d'équipement à 20 euros par habitant doit permettre la constitution d'un capital initial conséquent permettant de démarrer les opérations foncières. Par la suite, les ressources liées aux acquisitions et à la gestion des terrains devraient augmenter, entraînant ainsi une modération du taux de la taxe spéciale d'équipement. Cette évolution a été observée, par exemple, pour l'établissement de Basse-Seine : le taux de la taxe s'est élevé, d'après les données fournies par le ministère, jusqu'à 10 euros avant de diminuer jusqu'à son niveau actuel, fixé à 1,9 euro par habitant, son produit représentant 0,2 % de la fiscalité locale. A titre d'exemple, l'établissement de PACA estime qu'une fixation de la TSE à 15 euros par habitant permettrait de dégager dès 2006 une capacité de financement de l'ordre de 75 millions d'euros environ, dont les deux tiers, soit 50 millions d'euros, pourraient être affectés prioritairement au logement . Il convient enfin de rappeler que ce sont les élus locaux concernés qui, à travers le conseil d'administration de l'établissement, voteront le taux de la TSE.

Par ailleurs l'instauration d'un régime unique de TSE apporte une simplification importante par rapport au système en vigueur pour les établissements existants, puisque ceux-ci relèvent actuellement chacun d'une disposition législative spécifique , fixée en loi de finances. Certains d'entre eux ont ainsi exprimé le souhait de voir leur décret de création révisé afin d'entrer dans le champ du nouveau dispositif.

Observations et propositions de votre commission

En premier lieu, la création d'établissements publics uniquement dédiés à l'activité foncière doit permettre de faciliter la réalisation des objectifs très ambitieux fixés par le projet de loi en matière de réalisation de logements sociaux. Votre commission estime donc nécessaire d'afficher plus clairement la priorité que devront accorder les futurs établissements aux opérations destinées, in fine, au logement . Cette priorité doit s'exercer, naturellement, en liaison avec les collectivités territoriales et leurs groupements, compétentes en matière d'aménagement urbain.

C'est pourquoi votre commission pour avis vous propose un amendement obligeant les établissements publics fonciers à tenir compte des priorités définies dans les programmes locaux de l'habitat . Ceux-ci constituent en effet les supports naturels de la politique locale en faveur du logement, puisqu'ils doivent définir, aux termes de l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation, « les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et à assurer entre les communes et les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logement. »

Cet amendement vise également à clarifier la rédaction du paragraphe II de l'article 45, qui apparaît relativement imprécise . Aux termes de la nouvelle rédaction, les deux « métiers », très différents, d'aménageur et d'opérateur foncier, sont mieux distingués :

- les établissements publics d'aménagement peuvent réaliser des opérations d'aménagement et des interventions foncières uniquement lorsqu'elles sont liées aux premières ;

- les établissements fonciers ne sont habilités qu'à procéder à des interventions foncières , comprenant à la fois les acquisitions foncières, les études et les travaux de remise en état.

Enfin, l'amendement maintient la situation des établissements existants tout en leur offrant la possibilité d'entrer dans le champ de l'une ou l'autre catégorie par une révision de leurs décrets constitutifs.

En deuxième lieu, votre commission vous propose de simplifier et d'harmoniser les procédures de création de ces établissements, en conservant la distinction actuelle entre établissements s'étendant sur plus ou moins de cent commune (article L. 321-3 du code de l'urbanisme), et en introduisant les établissements publics de coopération intercommunale, dont le rôle en matière d'aménagement est devenu très important. L'amendement proposé prévoit ainsi que les établissements fonciers et d'aménagement seront créés par décret en Conseil d'Etat après avis du conseil régional, des conseils généraux, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'aménagement, de développement économique et de politique de l'habitat et, lorsque leur zone d'activité s'étend sur moins de cent communes, après avis des conseils municipaux intéressés.

A cet égard, votre commission attire l'attention sur l'importance qui s'attache à une composition équilibrée des conseils d'administration des futurs établissements, et estime que les décrets existants sont satisfaisants de ce point de vue, à une réserve près. En effet, les établissements publics de coopération intercommunale, notamment les communautés d'agglomération, sont actuellement exclus de la plupart des conseils d'administration. Cette situation, liée à leur caractère récent, est en train d'évoluer, puisque certains décrets sont en cours de révision afin d'intégrer ces EPCI. Leur entrée dans les conseils d'administration, au demeurant souhaitée par les EPCI eux-mêmes, apparaît en effet indispensable, puisqu'il sont souvent les premiers concernés par les interventions de l'établissement . Votre commission pour avis insiste donc sur la nécessité qu'ils soient pleinement représentés dans les conseils d'administration des futurs établissements.

Outre ces modifications, votre commission vous propose un amendement visant à supprimer le IV de l'article 45, redondant avec l'article 1697 ter nouveau du code général des impôts.

Votre commission pour avis vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 19 Aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, ils sont compétents « pour réaliser pour leur compte ou, avec leur accord, pour celui de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un autre établissement public, ou faire réaliser, des interventions foncières et des opérations d'aménagement ».

* 20 Articles L. 324-1 à L. 324-10 du code de l'urbanisme.

* 21 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 22 Ces établissements sont créés au vu des délibérations concordantes des organes délibérants des établissements publics compétents en matière de schéma de cohérence territoriale, de réalisation de zone d'aménagement concertée et de programme local de l'habitat et, le cas échéant, de conseils municipaux de communes non membres de l'un de ces établissements.

Page mise à jour le

Partager cette page