EXAMEN EN COMMISSION
(MATINÉE DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2004)

Réunie le mercredi 20 octobre 2004 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du projet de loi n° 445 (2003-2004), de programmation pour la cohésion sociale , sur le rapport pour avis de M. Paul Girod, rapporteur pour avis .

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a préalablement rappelé que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale constituait la traduction législative des principales mesures du plan de cohésion sociale, présenté le 30 juin 2004 par M. Jean Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Il a indiqué qu'à rebours de l'approche cloisonnée qui avait longtemps prévalu, le plan de cohésion sociale comportait trois piliers : l'emploi, le logement et l'égalité des chances, qui constituaient les trois titres du présent projet. Il a précisé que les moyens alloués au plan de cohésion sociale faisaient, par ailleurs, l'objet d'une programmation.

Dans un premier temps, M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a présenté le contenu du projet de loi.

Il a précisé que le premier « pilier » du projet de loi, la mobilisation pour l'emploi, comportait quatre chantiers.

Il a indiqué que le premier d'entre eux visait l'amélioration du service public de l'emploi, grâce à la fin du monopole du placement de l'ANPE, à la création de 300 maisons de l'emploi et à la redéfinition de l'obligation de recherche active d'emploi.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a ensuite présenté le deuxième chantier du pilier « emploi », tendant à l'insertion professionnelle des jeunes par la relance de l'apprentissage. Il a précisé que cette réforme comportait des dispositions relatives à l'amélioration du statut, de la rémunération et de la formation des apprentis, au renforcement de la transparence de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, ainsi qu'à la création d'un crédit d'impôt au bénéfice des entreprises qui employaient des apprentis.

Concernant le troisième chantier de ce pilier, qui consistait en la refonte des outils mobilisables pour le retour à l'emploi, il a précisé qu'il s'articulait autour de deux axes : le premier axe avait trait à la rationalisation des contrats aidés, avec la fusion des contrats emploi solidarité (CES) et des contrats emploi consolidé (CEC) en un « contrat d'accompagnement dans l'emploi » d'une part, et la fusion des contrats aidés du secteur marchand au sein du contrat d'initiative d'emploi (CIE) d'autre part ; le deuxième axe était relatif au recentrage du revenu minimum d'activité (RMA) vers le secteur marchand et à la création concomitante du « contrat d'avenir », pendant du RMA pour le secteur non marchand.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a ensuite présenté le quatrième axe du pilier « emploi », constitué de mesures favorisant les créations d'entreprises par les chômeurs, telles que la relance de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise (ACCRE) et la mise en place d'une réduction d'impôt pour les tuteurs de chômeurs créateurs d'entreprise.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a ensuite abordé le second pilier du projet de loi, qui concernait la politique du logement.

Il a indiqué que ce pilier comportait des mesures en faveur de l'accueil et de l'hébergement d'urgence, visant à porter l'offre totale d'hébergement à 100.000 places en cinq ans. Il a ajouté que d'autres mesures étaient prévues afin de combler le retard existant en matière de parc locatif social et de réaliser 500.000 logements en cinq ans. Il a précisé que, dans cette perspective, de nouveaux crédits seraient inscrits au budget des ministères concernés, la durée de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur de certains bailleurs sociaux serait allongée, et le fonctionnement des établissements publics fonciers amélioré.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a rappelé que le parc privé locatif serait également sollicité, une augmentation du budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) étant prévue pour financer 200.000 logements à loyers maîtrisés et remettre sur le marché 100.000 logements vacants au cours des cinq années à venir. Il a relevé que des mesures fiscales devaient compléter le dispositif, en modifiant l'amortissement fiscal d'aide à l'investissement locatif privé d'une part, et l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs pour les logements vacants remis sur le marché d'autre part.

Enfin, M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a indiqué que le troisième pilier du projet de loi, portant sur l'égalité des chances, prévoyait la mise en place de dispositifs de réussite éducative, la promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'accueil et l'intégration des étrangers, et enfin, le soutien aux villes en grande difficulté avec une réforme de la dotation de solidarité urbaine (la DSU).

Il a précisé que cette réforme essentielle de la politique de la ville tendait à porter la DSU de 600 millions d'euros en 2004 à près de 1,2 milliard d'euros en 2009. Il a estimé que cette mesure posait des difficultés techniques qui empêchaient son adoption en l'état d'une part, et qu'elle laissait planer une incertitude réelle sur la définition des collectivités territoriales qui devraient en supporter le coût d'autre part.

Alors M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a abordé la partie relative à programmation du projet de loi, portant sur la période 2005-2009.

Il a indiqué que les dépenses les plus importantes ayant fait l'objet d'une programmation concernaient le financement des maisons de l'emploi et des contrats d'avenir pour le pilier emploi, des crédits en faveur de l'hébergement d'urgence et du logement locatif social, ainsi que ceux destinés à l'ANAH pour le pilier logement, et des seuls dispositifs de réussite éducative pour le pilier égalité des chances.

Il a relevé que pour les piliers emploi et logement, l'articulation avec la loi de finances pour 2005 manquait parfois de netteté, et que les montants programmés se situaient en retrait du plan de cohésion sociale. Il a souligné que la part des financements extérieurs des dispositifs de réussite éducative pouvait présenter un aléa important.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a regretté que les différentes dispositions ayant trait à la programmation n'aient pas fait l'objet d'un regroupement au sein du projet de loi, afin de favoriser leur lisibilité.

Il a rappelé que les moyens affichés par le plan de cohésion sociale atteignaient, en cumul, 12,8 milliards d'euros, dont 1,15 milliard d'euros dès 2005, soit des montants supérieurs aux moyens programmés par le projet de loi qui, d'après ses calculs, s'élevaient à moins de 8 milliards d'euros sur la durée du plan, et à 636 millions d'euros pour 2005.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a précisé que cette différence s'expliquait par deux raisons : l'absence de programmation exhaustive par le projet de loi des dépenses prévues par le plan de cohésion sociale, et la nature fiscale de certaines dispositions qui ne pouvaient faire l'objet d'une « programmation » de dépenses.

Il a enfin observé que la traduction budgétaire de certaines des mesures du projet de loi, dont la définition avait évolué depuis juin 2004, avait eu pour effet de modifier le coût du plan de cohésion sociale. Il a estimé que le coût net du plan de cohésion sociale s'établissait à 1,57 milliard d'euros en 2005, contre 1,15 milliard d'euros annoncés dans l'exposé des motifs du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, et, sur la durée du plan, à 13,8 milliards d'euros contre 12,8 milliards d'euros annoncés.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a noté que les imprécisions de la programmation devaient toutefois être relativisées, en raison de la portée limitée de la méthode programmatique, les échéanciers de dépenses ayant un caractère purement indicatif.

Il a rappelé que, dès la loi de finances pour 2006, la fongibilité des crédits prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ne permettrait pas au Gouvernement de faire voter par le Parlement une autorisation de dépense correspondant strictement, en volume comme en affectation, à la présente programmation. Il a souligné que seules les lois de règlement permettraient de mesurer la véritable portée de l'engagement en faveur de la cohésion sociale. Dans cette perspective, il a observé que la loi de règlement se rapportant à l'exécution, en 2006, de la présente programmation ne serait votée qu'en 2007, tandis que la dernière loi de règlement se rapportant à l'ensemble de cette programmation ne le serait qu'en 2010.

Par ailleurs, M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a considéré que la réalisation de certains objectifs du plan de cohésion sociale supposait la participation d'intervenants extérieurs à l'Etat, en particulier des collectivités territoriales, ce qui rendait incertain le lien entre la programmation des dépenses et l'aboutissement du plan, précisant que les cofinancements requis concernaient le logement locatif social et l'accompagnement des enfants en difficulté.

Enfin, il a considéré que les additions de moyens portant sur un certain nombre d'années surprenaient parfois davantage qu'elles ne renseignaient véritablement sur l'évolution des engagements de l'Etat. Il a relevé qu'un calcul portant sur la valeur actualisée des engagements futurs entraînés par les dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale aurait toutefois permis d'obtenir des chiffres plus étayés, mais il a montré ce qu'une telle addition de moyens sur plusieurs années pourrait avoir d'artificiel, compte tenu de la faible durée de vie moyenne des instruments de la politique de l'emploi.

Sans préjuger de l'opportunité des mesures contenues dans le présent projet, dont beaucoup lui paraissaient prometteuses, M. Paul Girod, rapporteur pour avis, a conclu qu'il ne convenait peut-être pas d'accorder à la programmation une importance centrale.

En revanche, il a indiqué qu'il attendait beaucoup de la mise en oeuvre de la LOLF, qui ferait succéder à une logique de moyens une logique d'objectifs et de résultats, qui pourraient être rapportés à la dépense publique. Il a ainsi considéré que les objectifs et les indicateurs de résultats, associés aux programmes dans la nouvelle présentation budgétaire prévue par la LOLF, seraient parfaitement adaptés à l'esprit du plan de cohésion sociale.

Un large débat s'est alors instauré.

Mme Nicole Bricq , après avoir indiqué que le texte comportait une forte dimension d'annonce, et souligné la faiblesse relative des montants faisant l'objet d'une programmation au regard des annonces du plan de cohésion sociale, s'est interrogée sur la réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) figurant à l'article 59, qui annonçait, selon elle, des difficultés majeures dans les discussions à venir.

M. Jean-Jacques Jégou s'est inquiété de la sortie de certaines communes du dispositif DSU prévue par l'article 59 du projet de loi de finances pour 2005.

Ensuite, M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la mise en perspective de dispositions du projet avec une analyse en termes d'objectifs et de résultats.

M. Henri de Raincourt , pour sa part, a demandé quelles seraient les conséquences budgétaires de ces dispositions pour les collectivités territoriales. En particulier, il a souhaité que l'articulation entre le revenu minimum d'activité (RMA), géré par le département, et le nouveau « contrat d'avenir », à la gestion duquel seraient conviées les communes, soit précisée. Il a également voulu savoir quel serait, le cas échéant, l'implication financière des collectivités territoriales concernant la partie « logement » et il s'est demandé s'il ne fallait pas que le présent projet de loi prévoie une obligation de compensation des coûts de la part de l'Etat.

M. Jean-Pierre Masseret , revenant à la réforme de la DSU prévue par l'article 59, après avoir souligné qu'elle pourrait aggraver le sort de certaines communes, a posé la question de la mesure de cette aggravation.

M. Serge Dassault , après s'être interrogé sur la traduction en loi de finances pour 2005 des mesures programmées par le projet, a regretté qu'il ne contienne pas de mesures se rapportant à la gestion participative, qui, indubitablement, constituait un aspect de la cohésion sociale. Il a rappelé que, d'une façon générale, c'étaient les entreprises qui créaient les emplois (eux-mêmes étant à la source de la cohésion sociale), et qu'en France, les entreprises étaient enserrées dans un faisceau de contraintes qui nuisait à l'initiative et à leur développement. A ce titre, M. Jean Arthuis, président , a évoqué le « modèle danois » qui, combinant plein emploi et flexibilité maximale du marché du travail au sein de la notion dite de « flex-sécurité », était susceptible d'inspirer les travaux de la commission des finances.

M. Philippe Dallier a évoqué le sort des communes urbaines qui n'étaient pas éligibles à la DSU. Il a précisé qu'une attention particulière devait leur être portée, certaines connaissant de sérieuses difficultés, d'autant plus que les ressources dont elles bénéficiaient avaient parfois diminué en volume au cours de ces vingt dernières années.

Pour sa part, M. Michel Charasse a estimé que, sur le plan de la cohésion sociale, il eût été particulièrement profitable de renforcer l'obligation de scolarisation. Puis il a déploré que le texte proposé mélange des dispositions portant sur l'action sociale, qui dépendait normalement du département, et sur l'aide sociale qui était du domaine de l'Etat. En toute hypothèse, il a souhaité que fût clairement établie l'absence de toute participation financière obligatoire de la part des collectivités territoriales. Puis il a considéré que la DSU n'augmentait qu'en raison d'une évolution de la dotation forfaitaire se trouvant, par ailleurs, limitée, ce qui n'était supportable pour toutes les collectivités qu'en période de croissance, qui ne pouvait, hélas, être garantie dans la durée.

M. Jean Arthuis, président, après s'être interrogé sur la faisabilité d'une étude faisant ressortir l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour la réalisation du plan de cohésion sociale, qu'il s'agisse de l'Etat, des collectivités territoriales ou de tout autre acteur, a évoqué les cautionnements apportés par les communes aux organismes de HLM. Après que M. Jean-Jacques Jégou eut évoqué de possibles redondances avec les caisses de garantie du logement locatif social (CGLLS), M. Serge Dassault s'est prononcé pour la suppression de la garantie d'emprunt, tandis que M. Michel Charasse a évoqué la possibilité d'améliorer l'information des collectivités sur la situation financière des organismes HLM, préalablement à toute garantie d'emprunt.

En réponse aux interrogations précédentes, M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a insisté sur le fait que le texte proposé ne comportait aucune obligation de dépenses pour les collectivités territoriales. Il a précisé que l'allongement de la durée de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), prévu par l'article 53 du projet de loi, serait compensé dans les mêmes conditions que l'exonération actuellement en vigueur.

Il a également indiqué que si les crédits programmés par le présent projet se situaient en retrait des moyens planifiés par le plan de cohésion sociale, les dépenses correspondant à ce dernier n'en étaient pas moins, dans leur ensemble, inscrites en loi de finances pour 2005.

Par ailleurs, il a souligné que les aménagements apportés à la taxe d'apprentissage se trouvaient particulièrement bienvenus, entraînant une certaine remise en ordre que beaucoup d'observateurs avaient appelé de leurs voeux.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l' article 15 relatif à la création d'un crédit d'impôt, la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l' article 35 relatif à la réduction d'impôt sur le revenu pour les tuteurs de chômeurs ou de titulaires de minima sociaux qui créaient ou reprenaient une entreprise, la commission a adopté un premier amendement visant à rétablir la cohérence interne de l'article. En réponse à M. Serge Dassault , qui déplorait que la mesure ne fût pas suffisante pour les nombreux jeunes créateurs qui avaient surtout besoin de financements, M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a précisé que de tels dispositifs, qui existaient déjà, n'étaient pas nécessairement repris par le texte proposé qui, par ailleurs, programmait l'alimentation d'un Fonds de garantie par l'insertion économique.

La commission a ensuite adopté un second amendement tendant à empêcher la constitution de certains tutorats « factices », en prévoyant que les contribuables fournissant une aide à une entreprise dont ils détenaient une fraction du capital social, n'étaient pas éligibles au présent dispositif, M. Jean-Pierre Masseret précisant que les « maisons de l'emploi » étaient appelées à viser les conventions de tutorat.

Puis à l' article 46 instaurant une taxe spéciale d'équipement unique en faveur de certains établissements publics fonciers, la commission a adopté un amendement de coordination visant à prendre en compte, dans les dispositions du code général des impôts, la création d'une taxe spéciale d'équipement au profit des établissements publics fonciers visés au dernier alinéa de l'article L. 321 1 du code de l'urbanisme, tel que rédigé par l'article 45 du présent projet de loi.

La commission a ensuite adopté un amendement portant article additionnel après l'article 51 , afin d'exonérer d'impôt sur les sociétés les unions d'économie sociale dont la gérance était désintéressée, pour leurs activités consacrées au logement des personnes en difficulté.

A l' article 54 , M. Michel Charasse a relevé que toutes les communes n'étaient pas dotées d'une caisse des écoles, ce qui risquait de limiter la portée du dispositif proposé.

A l' article 59 relatif à la réforme de la dotation de solidarité urbaine, elle a adopté six amendements : trois amendements rédactionnels, un amendement corrigeant une erreur de référence, un amendement corrigeant une erreur matérielle qui aurait eu pour effet de supprimer le bénéfice de la DSU pour toutes les communes non situées en ZFU, et un amendement selon lequel le plafond de population au-delà duquel les communes ne pourraient plus bénéficier de la majoration de la DSU serait porté de 200.000 habitants à 400.000 habitants. MM. Jean-Jacques Jégou et Bernard Angels ont estimé que la commission devait disposer de la liste des communes devant entrer et sortir du dispositif DSU du fait des dispositions proposées par le projet de loi de finances pour 2005. M. Michel Charasse a regretté que l'article 59 n'ait pas été présenté en tant que tel au comité des finances locales, et s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre de l'article 54 du projet de loi, tendant à étendre les compétences des caisses des écoles. M. Yves Fréville s'est inquiété de l'impact éventuel de la mesure proposée sur la progression de la dotation forfaitaire en 2005, et M. Philippe Adnot a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution de la DGF.

Sur la proposition de M. Jean Arthuis, président , la commission a décidé de réserver sa position sur ce texte jusqu'à l'audition, l'après-midi même, par la commission, de M. François Lucas, adjoint au directeur général des collectivités locales du ministère de l'intérieur.

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