C. JUSQU'OÙ ALLER ?

1. Quelques développements possibles du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur à long terme

A ce jour, il existe très peu de structures communes à la police et à la gendarmerie.

Outre le Conseil de l'équipement et de la logistique précité et le conseil de coordination de la formation police/gendarmerie récemment créé le 25 mars 2008, il existe le Conseil supérieur de la police technique et scientifique 11 ( * ) .

Mais il n'existe pas de structure administrative supervisant la coordination et la mutualisation de l'ensemble des moyens de la police et de la gendarmerie. Ce rôle sera assumé par le ministre de l'intérieur et son cabinet.

La direction générale de la police nationale (DGPN) et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) restent chacune autonome. La gendarmerie nationale deviendra au plus tard à la fin du premier semestre 2009 une direction générale du ministère de l'intérieur au même titre que la direction générale de la police nationale. Matériellement, le cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale devrait s'installer dans les prochains mois place Beauvau.

Sans l'approuver, une piste de réflexion pourrait être la création d'une sorte de secrétariat général à la sécurité qui chapeauterait la DGPN et la DGGN. C'est le cas en Espagne par exemple. A moins que le secrétariat général du ministère de l'intérieur n'endosse ce rôle. C'est d'ailleurs lui qui est à l'initiative du projet de direction général des systèmes d'information et de communication du ministère de l'intérieur.

Par ailleurs, le rapprochement police-gendarmerie devrait inévitablement relancer les réflexions sur un partage des compétences entre les deux forces. A ce jour, chacune exerce des missions civiles identiques. Leur seule spécialisation est une spécialisation géographique en matière de sécurité publique : la police dans les agglomérations et la gendarmerie dans les zones rurales et sur les axes de communication. Les différences de nature du terrain contrôlé justifient pleinement ce partage des compétences entre deux forces, dont l'une à statut militaire.

Toutefois, pour les missions ne relevant pas de la sécurité publique -maintien de l'ordre, coopération internationale, renseignement 12 ( * ) -, la justification du dualisme est moins évidente.

Au demeurant, s'agissant du renseignement intérieur, l'essentiel des moyens spécialisés relève déjà de la police nationale, et en particulier de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Certes, la mission de renseignement reste l'une des missions quotidiennes des gendarmes comme de chaque policier d'ailleurs. Mais la gendarmerie ne dispose pas de services spécialisés dans ce domaine.

S'agissant de la coopération internationale, il importe de parler d'une seule voix face à nos partenaires étrangers.

Enfin, en matière de maintien de l'ordre, les techniques restent peu ou prou les mêmes 13 ( * ) .

2. Le maintien du dualisme « policier » : une limite à un rapprochement trop étroit

Les remarques précédentes montrent qu'il peut être difficile de conserver un équilibre entre la recherche de l'efficacité et la préservation du dualisme police-gendarmerie.

Or, la lutte contre les doublons ou les défauts de coordination, aussi légitime qu'elle soit, ne doit pas faire perdre de vue les vertus du dualisme.

La mutualisation des moyens ne doit pas être recherchée systématiquement, par principe, car au final c'est la spécificité de chaque force qui perdrait sa justification.

Sauf exception, la capacité à travailler en commun ne doit pas conduire à fusionner des unités ou services. La concurrence entre deux forces, à la condition qu'elle ne soit pas exacerbée, est aussi un facteur d'efficacité.

Ces remarques valent également pour certaines des fonctions supports qui font l'objet des principales mutualisations.

Ainsi, s'agissant de la police technique et scientifique, des progrès très importants ont été accomplis, par exemple en créant des fichiers de police judiciaire communs. Certaines fonctions comme la formation, la passation des marchés, voire le recrutement, doivent encore faire l'objet d'une meilleure mutualisation. Toutefois, votre rapporteur n'estime pas qu'une fusion de l'institut national de la police scientifique (INPS) et de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) soit indispensable pour autant.

L'existence de deux structures importantes de police scientifique permet d'entretenir une saine concurrence, et donc l'excellence, dans des matières de plus en plus pointues et complexes. Elle offre également l'avantage de permettre des contre-expertises, notamment lorsque le mis en cause est un gendarme ou un policier.

De manière générale, la mutualisation des fonctions supports et logistiques doit se réaliser en conservant à l'esprit qu'elle ne doit pas affaiblir les capacités opérationnelles de chacune des deux forces dans l'éventualité où l'une d'entre elles viendrait à faire défaut.

3. Un équilibre difficile : la parité globale de traitement entre policiers et gendarmes

Cet équilibre entre rapprochement et maintien du dualisme est particulièrement difficile à trouver s'agissant de la question de la parité globale de traitement entre policiers et gendarmes, laquelle conditionne une cohabitation apaisée de la police et de la gendarmerie au sein du même ministère.

La parité ne signifie pas une identité de traitement et doit s'apprécier de manière globale et sur l'ensemble d'une carrière. Ce fut le sens des travaux du groupe de travail conjoint au ministère de la défense et au ministère de l'intérieur chargé de procéder à un état des lieux exhaustif afin d'identifier les différences entre les personnels des deux forces et de faire des propositions afin de réduire les écarts, dans le respect de la dualité des statuts.

Son rapport 14 ( * ) conclut que la parité globale existe déjà entre les deux forces, sous réserve de quelques aménagements. Les conclusions de ce rapport ont été ensuite soumises à l'examen de deux personnalités indépendantes, M. Eric Gissler, inspecteur général des finances, et M. Pierre Séguin, contrôleur général des armées. Dans leur avis de mai 2008, les conclusions du rapport ont été validées pour l'essentiel.

Pourtant, l'audition des syndicats de la police nationale par votre rapporteur a montré que cette analyse n'était pas du tout partagée, une certaine animosité étant même perceptible. En sens inverse, même si elles s'expriment de manière plus feutrée et selon des canaux différents - les gendarmes ne peuvent pas être membres d'un syndicat -, des critiques s'élèvent également du côté de la gendarmerie.

Sans prétendre trancher ce débat, il semble à votre rapporteur que seul un dialogue constant et de bonne foi permettra de lever des malentendus et d'examiner la parité de manière globale sur l'ensemble d'une carrière.

En outre, la parité ne peut pas se résumer à un exercice comptable. Le choix de devenir policier, gendarme ou militaire des armées est un choix de vie compte tenu de la nature des missions et des conditions dans lesquelles elles sont accomplies.

A cet égard, votre rapporteur soutient l'idée avancée par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de créer des passerelles entre les deux forces, permettant aux gendarmes ou aux policiers qui le souhaitent, de changer de statut.

Le projet de loi de finances pour 2009 comporte plusieurs mesures correspondant à certains des aménagements évoqués par les rapports précités.

Ainsi, il met en oeuvre le PAGRE rénové (Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées). Ce dernier propose d'arrêter le volume du corps des officiers de gendarmerie à 6.887 (au lieu de 9.200) et de repyramider le corps des sous-officiers de gendarmerie dans sa partie sommitale (3.300 majors au lieu de 1.900 et 6.950 adjudants-chefs au lieu de 5.500), à comparer avec les 7.500 brigadiers-majors et les 17.500 brigadiers-chefs de la police nationale en 2012.

Il s'agit ainsi de permettre, au travers de carrières-types comparables, un déroulement de carrière pour les sous-officiers et les officiers de gendarmerie similaire à celui des fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.

En outre, conformément à l'engagement du président de la République, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale reconnaît à l'Arme le bénéfice d'une grille indiciaire spécifique.

Ces deux éléments -carrières-types comparables grâce au PAGRE rénové et grille indiciaire spécifique- sont de nature à préserver dans l'avenir la parité globale de traitement.

* 11 Il a pour mission de proposer un schéma directeur définissant les orientations de la police technique et scientifique, de veiller à la cohérence de l'application de la politique mise en oeuvre par les services compétents et de s'assurer de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux besoins exprimés par les autorités judiciaires.

* 12 S'agissant de la police judiciaire, le maintien de deux forces compétentes se justifie notamment par le fait que l'autorité judiciaire doit conserver le libre choix du service enquêteur. En outre, en pratique, il serait très difficile de spécialiser chaque force selon un type de délinquance.

* 13 Sur le maintien de l'ordre et l'avenir des forces mobiles, voir le III. C. de cette première partie.

* 14 Rapport intitulé « Police-Gendarmerie : vers la parité globale au sein d'un même ministère » et remis le 14 mars 2008.

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