III. AMÉNAGEMENT DE LA TAXE CARBONE POUR LE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

A. LE DISPOSITIF INITIAL PRÉVOYAIT LA CRÉATION D'UNE TGAP SPÉCIFIQUE POUR LES DONNEURS D'ORDRE

La taxe carbone constitue incontestablement une mesure emblématique proposée par le Gouvernement pour tenter d'enrayer le réchauffement climatique. L'objectif de cette taxe est de sensibiliser l'ensemble des consommateurs aux enjeux climatiques et de modifier progressivement, mais résolument, leurs comportements quotidiens. Fondée sur le contenu en carbone des produits, cette taxe est calculée à partir d'un prix de la tonne de carbone fixé à 17 euros en 2010, mais qui a vocation à augmenter annuellement pour atteindre une valeur-cible estimée à 100 euros en 2030.

Toutefois, des aménagements sectoriels ont été prévus pour tenir compte des spécificités de l'agriculture, de la pêche et des transports routiers.

C'est pourquoi l'article 5 de la première partie du projet de loi de finances pour 2010 prévoyait initialement de porter la taxation des transports routiers de marchandises vers l'aval (autrement dit vers l'expéditeur ou le destinataire des marchandises, voire par le commissionnaire) en exonérant les transporteurs de taxe carbone et en créant un prélèvement de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dû par le bénéficiaire de la prestation lorsqu'elle est réalisée au moyen de véhicules de plus de 7,5 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC).

B. LES DÉPUTÉS ONT CEPENDANT SUPPRIMÉ CETTE TGAP SPÉCIFIQUE

Les débats à l'Assemblée nationale ont toutefois rapidement révélé que ce dispositif était peu soutenu par les milieux professionnels qui ont estimé qu'une application au niveau du transport routier serait plus simple, à l'image de la solution applicable pour les véhicules de moins de 7,5 tonnes.

Dans cette perspective, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement de suppression de la TGAP sur le transport routier de marchandises afin de faire supporter la charge de la taxe carbone sur le gazole utilisé par les transporteurs. Afin de prendre en compte le contexte de forte concurrence internationale dans ce secteur, il a été prévu une mise en oeuvre progressive de la taxe carbone sur quatre ans, conformément au droit communautaire.

PRINCIPAUX AMENDEMENTS ADOPTÉS
PAR LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Quatre modifications substantielles ont été apportées à l'article 5 du projet de loi de finances :

- rétrocession aux collectivités territoriales, par l'Etat, d'une partie du produit de la taxe carbone versée par elles, au titre des transports publics et du chauffage des établissements recevant du public ;

- inscription dans la loi de finances pour 2010 de la création d'une commission de suivi de la taxe carbone, chargée d'en évaluer l'efficacité et de donner un avis sur la détermination de son assiette et l'évolution de son taux ;

- suppression de la possibilité donnée aux transporteurs routiers bénéficiaires du remboursement de la taxe carbone de diminuer tout ou partie de leur demande de remboursement contre la remise d'un certificat cessible ;

- exonération définitive, pour les départements d'Outre-mer, du paiement de la TGAP sur les carburants.

Par conséquent, le dispositif finalement retenu par les députés est conçu pour permettre une compensation totale de la taxe carbone en 2010 pour le secteur de transport routier

En effet, les transporteurs sont pleinement assujettis à la taxe- carbone sur le carburant livré à la pompe (soit un coût global pour la profession d'environ 283 millions d'euros ) mais trois mesures ont été prises pour assurer la neutralité fiscale de la taxe.

Premièrement, la réforme de la taxe professionnelle générera pour le secteur un gain de 50 millions d'euros .

Deuxièmement, le remboursement partiel de la taxe carbone par le mécanisme de remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ( TIPP) s'élèvera à 100 millions d'euros 11 ( * ) .

Enfin, l'exclusion des indemnités pour temps de disponibilité (issue de la réforme du temps de travail) du calcul des exonérations « Fillon » est estimée à 133 millions d'euros .

LES DÉBATS AUTOUR DE LA DÉFINITION DU TEMPS DE DISPONIBILITÉ

En vertu de la directive européenne 2002/15/CE du 11 mars 2002, les temps de pause, les temps de repos et les temps de disponibilité sont exclus du temps de travail .

Plus précisément, le temps de disponibilité, au sens du droit communautaire, comprend :

- les périodes durant lesquelles le travailleur n'est pas tenu de rester à son poste mais doit être disponible pour répondre à des appels éventuels ;

- les périodes d'accompagnement d'un véhicule transporté par ferry boat ou train ;

- les périodes d'attente aux frontières ;

- les périodes d'interdiction de circulation ;

- le temps passé à côté du conducteur ou sur une couchette, autres que les temps de pause ou de repos.

Toutes ces périodes et leur durée prévisible doivent être connus à l'avance .

La spécificité du régime français vient du fait que les temps de disponibilité , suite à l'application du régime des « équivalences » 12 ( * ) , sont inclus dans le temps de travail effectif et rémunérés , avec un taux de majoration égal à celui des premières heures supplémentaires.

Compte tenu de l'impact de cette spécificité française sur les coûts de l'heure de conduite des chauffeurs français (supérieurs de 15 % aux coûts en Allemagne), une mission a été confiée à M. Claude Lieberman , membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable, pour réfléchir à l'évolution de la notion de temps de travail dans le transport routier de marchandises. Parmi les scénarii examinés, une attention particulière doit être donnée à l'hypothèse d'une exclusion des temps de disponibilité du décompte des temps d'attente rémunérés , compensée par une indemnité versée par le salarié, en fonction de l'activité du conducteur et qui pourrait être majorée par négociation conventionnelle.

Une réforme de la notion de temps de travail dans ce secteur permettrait un allégement des cotisations patronales . En effet, du fait des heures d'équivalences, les salariés du transport routier ne peuvent que partiellement bénéficier des effets de la loi TEPA du 21 août 2007 en matière d''exonérations sociales et fiscales attachées aux heures supplémentaires (exclusion des heures d'équivalence du bénéfice des exonérations), tandis que les entreprises ne peuvent pas aujourd'hui bénéficier complètement des exonérations dite « Fillon ».

* 11 Il s'agit en effet d'un remboursement partiel de la taxe carbone via un abaissement du seuil de remboursement de la TIPP qui passe de 39,19 euros par hectolitre à 37,59 euros, ce qui représente en 2010 un montant d'environ 100  millions d'euros de baisse de TIPP équivalant à 35 % de remboursement de la taxe carbone (ce système devra être dégressif dans les quatre prochaines années) .

* 12 A l'occasion des réformes réduisant la durée du travail à 35 heures, un système d'équivalence a été pérennisé pour tenir compte des spécificités du secteur du transport routier. Ainsi, 43 heures de temps de service pour les « grands routiers » ou 39 heures de temps de service pour les conducteurs « courte distance » équivalent à la durée de 35 heures prévues par le code du travail.

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