Article 97 - (art. L. 247-4, L. 247-5, L. 248-1, L. 311-3, L. 313-4, L. 312-9 et L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles article 2 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 ; article 55 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) - Suppression ou abrogation de diverses dispositions

Objet : Cet article propose, pour des motifs divers et qui semblent inégalement justifiés, de supprimer ou d'abroger un certain nombre de dispositions.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article comporte trois paragraphes :

Le paragraphe I propose de modifier ou d'abroger plusieurs articles du code de l'action sociale et des familles n'ayant pas reçu leur décret d'application :

- le propose l'abrogation de l'article L. 247-4, qui prévoit la transmission au ministère en charge des personnes handicapées, d'informations individuelles et statistiques relatives aux décisions prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), pour constituer des échantillons statistiquement représentatifs afin d'étudier les situations et les parcours d'insertion des personnes concernées. Les modalités de transmission de ces informations devaient être définies par voie réglementaire. Or, le décret nécessaire n'ayant pas été pris, le présent article procède à l'abrogation pure et simple de la disposition, sans en expliquer le motif de fond ;

- le bis est une mesure de coordination ajoutée en commission par l'Assemblée nationale, qui supprime, à l'article L. 247-5, la référence à l'article L. 247-4 dont le 1° propose l'abrogation ;

- le abroge le chapitre VIII du titre IV du livre II, qui correspond en réalité à un article unique, l'article L. 248-1. Celui-ci prévoit que des décrets en Conseil d'Etat définissent les modalités de formation des aidants familiaux, des bénévoles associatifs et des accompagnateurs non professionnels de personnes handicapées. En l'absence desdits décrets, mais aussi du fait des nouvelles dispositions introduites dans ce domaine par l'article 124 de la loi HPST du 21 juillet 2009 29 ( * ) , l'article L. 248-1 n'a en effet plus de raison d'être ;

- le supprime le dernier alinéa de l'article L. 311-3 précisant que les modalités de mise en oeuvre du droit d'accès à toute information ou document relatif à la prise en charge des personnes dans les établissements et services médico-sociaux sont fixées par voie réglementaire. Or le renvoi à un décret se révèle finalement inutile, des dispositions du code de la santé publique 30 ( * ) , précisées par décret 31 ( * ) , organisant déjà, pour l'ensemble des professionnels concernés, les conditions dans lesquelles toutes informations, et en particulier les données médicales individuelles, doivent être communiquées ;

- le abroge l'article L. 312-9 posant notamment le double principe de la compatibilité des systèmes d'informations de l'Etat, des collectivités territoriales, des organismes de protection sociale et des établissements et services médico-sociaux et de la protection des données à caractère nominatif. Ainsi formulée, cette règle de compatibilité est effectivement obsolète, dans la mesure où elle ne prend pas en compte l'existence de deux nouveaux acteurs : les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- le bis est une mesure de coordination introduite en commission par l'Assemblée nationale pour tirer les conséquences de l'abrogation de l'article L. 312-9 ;

- enfin, le propose de modifier les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, relatif à l'agrément des conjoints des membres des Forces françaises et de l'Elément civil stationnés en Allemagne qui souhaitent exercer la profession d'assistant maternel auprès des enfants de ces personnels.

Le texte en vigueur prévoit que cet agrément peut être délivré par le président du conseil général d'un département frontalier « sauf dans les cas, prévus par décret, où cette compétence est exercée par l'Etat » . Ce décret n'a jamais été pris : dans la pratique, l'agrément est toujours délivré par le président du conseil général d'un des départements frontaliers et la nécessité de recourir à une procédure d'agrément par l'Etat n'est jamais apparue. Le texte propose donc de supprimer la mention de l'éventuelle compétence de l'Etat.

Le paragraphe II supprime le I de l'article 2 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, dite « loi DDOSEC ».

Cette disposition, qui était applicable du 1 er juillet 2001 au 31 décembre 2003, autorisait, sous certaines conditions, le régime d'assurance chômage à contribuer au financement du contrat de qualification adulte (CQA) 32 ( * ) .

L'abrogation de ce texte, qui n'est plus en vigueur depuis plusieurs années, a une portée toute symbolique.

Le paragraphe III a pour objet d'abroger l'article 55 de la loi n° 2005-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dite « LCEN ».

Cet article dispose qu'un décret fixe annuellement une liste des services sociaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles. Il résulte d'un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, avec avis favorable du Gouvernement 33 ( * ) .

A la même époque, un amendement du Gouvernement allant dans le même sens avait été également adopté lors de la discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et à la communication audiovisuelle 34 ( * ) : cet amendement donnait mission à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) de « définir une classe de numéros spéciaux réservés à ce type de services [sociaux] auxquels l'accès serait gratuit depuis les téléphones fixes et mobiles » et « d'établir de façon concertée avec les opérateurs et les fournisseurs de services les principes de tarification auxquels ces numéros doivent répondre » 35 ( * ) .

Ces deux amendements avaient le même objet : permettre l'accès téléphonique gratuit à certains services sociaux essentiels non seulement aux utilisateurs d'appareils fixes (comme c'est le cas actuellement des services accessibles par des numéros en 0800 ou 0805) mais aussi aux utilisateurs de téléphones mobiles 36 ( * ) , et de mettre ainsi fin, au moins pour ces services, à une différence de traitement qui est un des problèmes, mais non le seul, que pose la tarification des services d'accueil téléphonique des services publics en général et des services sociaux en particulier.

C'est le premier de ces textes qui a été finalement retenu et est devenu l'article 55 de la LCEN.

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

Article 55

Un décret en Conseil d'Etat détermine chaque année la liste des services sociaux mettant à la disposition des usagers des numéros d'appel spéciaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles.

Une tranche de numéros spéciaux réservés à cet usage est définie par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes établit, après consultation publique, les principes de tarification entre opérateurs et fournisseurs de services auxquels l'utilisation de ces numéros est soumise.

La proposition de loi propose de l'abroger, pour des motifs qui n'emportent pas la conviction.

Il est hélas exact que cet article n'est pas encore appliqué, et que le pouvoir réglementaire n'a pas, jusqu'à présent, paru souhaiter son application.

Comme l'écrivaient les auteurs du rapport d'information de l'Assemblée nationale sur l'application de la LCEN 37 ( * ) : « En réalité, l'article 55 obligeait les administrations à prendre des mesures qu'elles ne voulaient pas prendre. Elles l'ont donc ignoré. Ce ne sont pas des méthodes. L'article 55 est (...) issu d'un amendement parlementaire. Le Gouvernement aurait pu lui opposer l'article 40 (...). Il ne l'a pas fait ». Cette attitude est, comme ils le soulignent, « choquante » .

Il est aussi un peu surprenant qu'ait été invoqué, pour justifier le défaut d'application de cet article, le fait que n'aurait pas été perçue, lors de son adoption, la « difficulté financière » résultant du fait que la charge des appels gratuits repose sur les services appelés.

Les débats à l'Assemblée nationale en février 2004 montrent cependant que ce sujet a largement été évoqué. Comme d'autres intervenants, Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l'industrie, avait, à ce propos, exposé la nécessité de définir une classe de numéros spéciaux réservés aux services sociaux concernés et celle de prévoir que l'ART puisse établir les principes de tarification auxquels ces numéros devraient répondre -dispositions qui figurent dans l'article 55 de la LCEN 38 ( * ) .

Quoi qu'il en soit, il serait peu compréhensible que le Parlement abroge une mesure utile, et qu'il a pris l'initiative d'inscrire dans la loi, au motif principal que le pouvoir exécutif refuserait de l'appliquer - après, de surcroît, avoir approuvé son adoption.

La commission des lois de l'Assemblée nationale avance aussi que l'article 55 LCEN serait, sinon implicitement abrogé par l'article 18 de la loi « Chatel » 39 ( * ) (l'avis du Conseil d'Etat a écarté sans ambiguïté cette interprétation), du moins « incompatible » avec cette disposition plus récente.

Il serait plus exact de considérer, comme le notent très justement les auteurs du rapport d'information précité, que les administrations concernées n'ont pas voulu appliquer l'article 55, ni proposer de dispositif alternatif et que : « La loi Chatel est donc le début d'une reprise à zéro d'un problème qui avait été traité par la LCEN ».

Les dispositions prévues par la loi Chatel, qui ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des services accessibles par appel gratuit, ne sont en effet pas adaptées à la définition de tarifs susceptibles de convenir à des services non commerciaux. Elles permettent seulement à l'ART de définir un tarif « raisonnable » pour l'ensemble des services concernés - et qui peuvent donc être assez élevés car, pour les entreprises commerciales, l'appel gratuit est un investissement généralement très rentable.

Cependant, elles représentent un progrès vers la « faisabilité » du « gratuit-gratuit », c'est-à-dire de la mise en place de numéros pouvant être appelés gratuitement à partir aussi bien des appareils fixes que des portables, en imposant à tous les opérateurs de formuler une offre d'interconnexion.

L'article 55 de la LCEN permet en revanche d'appliquer des principes tarifaires spécifiques pour les tarifs de gros entre opérateurs et fournisseurs de services, et sa mise en oeuvre donnerait la possibilité de réduire ces tarifs pour permettre aux services sociaux de faire baisser les services de détail en mettant en concurrence les opérateurs.

Il permet donc d'aller beaucoup plus loin et paraît indispensable pour favoriser la mise en place, par les services sociaux qui seraient définis par décret, de numéros « gratuits-gratuits » dans des conditions financièrement supportables.

Les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience des conséquences du développement un peu anarchique, dans la sphère administrative et celle des services publics, des services surtaxés, qui ne bénéficient qu'aux opérateurs, qui sont très coûteux pour les usagers et qui, de manière très contestable, font supporter à ceux-ci non seulement le coût de l'accès à un service, mais celui du service 40 ( * ) .

Quelques progrès ont été accomplis, notamment la baisse de certains tarifs d'appel et l'effort pour développer l'usage de numéros non surtaxés.

Cependant, l'absence de gratuité pour les appels à partir de portables, les tarifs élevés et peu transparents facturés par les opérateurs de téléphonie mobile pour l'accès aux services dits « à valeur ajoutée » sont très mal ressentis par l'opinion et très préjudiciables aux personnes les plus vulnérables.

L'application de l'article 55 de la LCEN reste donc nécessaire.

Enfin, on observera qu'un recours devant la juridiction administrative contre une décision implicite de refus d'appliquer cet article a été formé, en août dernier, par le sénateur Jean Louis Masson : ce recours a connu un écho médiatique qui reflète la sensibilité du public sur cette question.

Le seul fait qu'une procédure contentieuse soit en cours rendrait plus contestable encore une abrogation de l'article 55 de la LCEN.

II - La position de votre commission

Votre commission a adopté quatre amendements à cet article :

- un amendement de suppression des et bis du paragraphe I , afin de préserver le dispositif de transmission au ministère en charge des personnes handicapées des informations statistiques collectées par les MDPH. En effet, après consultation de la direction générale de la cohésion sociale, votre rapporteur considère que cette disposition devrait être maintenue, en raison de l'utilité des informations transmises, en particulier dans le contexte actuel de mise en place de la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). En effet, celle-ci prévoit l'évaluation systématique des capacités professionnelles des bénéficiaires et leur éventuel accompagnement vers l'emploi. Aussi la collecte d'information sur les parcours d'insertion et la situation de ces personnes devrait permettre de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette réforme ;

- un amendement visant à modifier le 4° du paragraphe I pour rétablir le troisième alinéa de l'article L. 312-9, alinéa ajouté à cet article postérieurement à la publication de la présente proposition de loi par la loi de financement de la sécurité sociale n° 2009-1646 du 24 décembre 2009. Or, cet alinéa doit être conservé car il prévoit la transmission à la CNSA, par les établissements et services médico-sociaux, des données nécessaires à l'étude de leurs coûts, prévue au 11° du I de l'article L. 14-10-1 du code de l'action sociale et des familles. Le même amendement supprime le bis du même paragraphe par coordination ;

- un amendement proposant une nouvelle rédaction du 5° du paragraphe I afin d'y intégrer une mesure de coordination et de lui apporter une modification rédactionnelle, en remplaçant le terme de département « limitrophe » par celui, plus exact, de département « frontalier » ;

- en vertu des considérations précédentes sur le bien-fondé du maintien de l'article 55 de la LCEN, un amendement tendant à la suppression du paragraphe III .

Elle demande à la commission saisie au fond d'adopter cet article ainsi modifié.


* 29 L'article 124 a modifié le paragraphe IV de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles et prévu le financement par la CNSA des formations visées à l'article L. 248-1.

* 30 Article L. 1111-2 et suivants.

* 31 Articles R. 1111-1 à R. 1111-9 du code de la santé publique.

* 32 Créé par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions et remplacé, en application de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social, par le contrat de professionnalisation.

* 33 Assemblée nationale, 2 e séance du 8 janvier 2004, JO AN p. 233 et 234.

* 34 Assemblée nationale, 2 e séance du 11 février 2004, JO AN p. 1696 et 1697.

* 35 Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

* 36 Plus de 20 % des Français ne disposent que d'un téléphone mobile et, parmi eux, beaucoup de personnes à revenus modestes ou en situation précaire.

* 37 Rapport d'information n° 627 (XIII e législature) établi par Jean Dionis du Séjour et Corinne Erhel.

* 38 Une décision de l'ART a défini dès le 7 octobre 2004 une tranche de numéros dédiés « pour être utilisés comme numéros gratuits permettant l'accès aux services sociaux à partir de tous les réseaux sur le territoire national ».

* 39 Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour la concurrence en faveur des consommateurs. Le II de l'article 18 de cette loi, issu également d'un amendement parlementaire, introduit dans le code des postes et des communications électroniques un article 34-8-1 ainsi rédigé : « les opérateurs qui commercialisent un service téléphonique ouvert au public formulent une offre d'interconnexion visant à permettre à leurs clients d'appeler gratuitement certains numéros identifiés à cet effet au sein du plan national de numérotation. La prestation correspondante d'acheminement de ces appels à destination de l'opérateur exploitant du numéro est commercialisée à un tarif raisonnable dans les conditions prévues au I de l'article L. 34-8. »

* 40 Comme le notaient très justement les observations de l'ARCEP au rapport provisoire de la mission d'audit de modernisation sur l'accueil à distance dans les administrations, effectuée par l'Inspection générale des finances, l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des affaires sociales (juin 2007).

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