2. Une réduction de la capacité des collectivités à mener des politiques foncières et d'aménagement

L'adoption de l'article 83 B a suscité des réactions très vives de la part de tous les opérateurs compétents en matière d'urbanisme et d'aménagement : associations d'élus, établissements publics fonciers d'Etat et locaux, Union sociale pour l'habitat. Plusieurs points apparaissent de nature à mettre en péril l'utilisation du droit de préemption :

- l'instauration d'un droit de délaissement obligeant la collectivité à acquérir les biens situés dans un périmètre de projet d'aménagement : par là, le droit de préemption devient incompatible avec la notion de réserve foncière et perd sa vocation d'outil d'anticipation ;

- le risque d'une hausse des prix : le titulaire du droit de préemption devra, en cas de prix trop élevé, renoncer à l'acquisition ou acquérir à un prix élevé, cautionnant ainsi une hausse du marché et augmentant le prix de revient de l'opération. Certes 75 % des décisions de préemption se font aujourd'hui au prix de vente. Mais comme le note le Conseil d'Etat dans son rapport « Si la possibilité d'une fixation judiciaire du prix n'est que rarement mise en oeuvre (environ 5 % des cas), son existence même exerce nécessairement une pression sur le vendeur ». Certains opérateurs craignent la multiplication de déclarations d'intention d'aliéner de complaisance (sans acquéreur véritable, avec un prix sans rapport avec le marché réel) ;

- l'incompatibilité entre la préemption au prix de la DIA et la réalisation de logements sociaux : il ne sera pas possible, par principe, d'englober tous les sites potentiels de logements dans des périmètres de projets (dans lesquels, au demeurant, l'instauration d'un droit de délaissement serait difficilement compatible avec le coût des opérations de logement social). L'opportunité d'une mutation d'un bien en secteur urbain constitué est un moyen intéressant de production de logements sociaux disséminés dans le tissu urbain. L'impossibilité de demander une révision de prix sur certains secteurs agglomérés (première couronne francilienne, littoral, secteurs de montagne) où les tensions foncières sont très fortes, risque de conduire à abandonner la préemption faute du délai nécessaire au bouclage de l'équilibre de l'opération. Enfin, cela rend également pratiquement impossible l'exercice par l'Etat du droit de préemption par substitution que lui donne la loi en cas de constat de carence d'une commune pour la construction de logements sociaux.

En outre, le texte supprime un outil utile, créé dans la loi de 2006 portant engagement national pour le logement 95 ( * ) : la possibilité de préempter des parts de sociétés civiles immobilières. Alors que le législateur, prudent, avait choisi en 2006 de le limiter à l'hypothèse où la totalité des parts de la SCI était cédée, c'est le Conseil d'Etat qui avait, dans son rapport de 2007, préconisé de l'étendre aux cas de cession de la majorité des parts, disposition que votre commission avait fait adopter par le Sénat dans la loi de 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion 96 ( * ) . Il serait opportun, plutôt que de supprimer cette faculté, de la rendre plus facile en améliorant l'information de la collectivité sur l'état de la SCI.


* 95 Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 96 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

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