B. LE MAINTIEN DE FILIÈRES AGRICOLES COMPÉTITIVES : UN DÉFI DIFFICILE.

1. Conserver une agriculture et un secteur agroalimentaire compétitifs : un objectif qui se heurte à un contexte budgétaire délicat.
a) Des crédits maintenus pour alléger les charges sur le travail agricole.

La compétitivité constitue un enjeu fort pour l'agriculture et l'agroalimentaire, car le marché des produits de base et des produits alimentaires est mondialisé . La PAC ne joue d'ailleurs plus son rôle d'amortisseur des mouvements de prix mais fonctionne comme un mécanisme de soutien au revenu des agriculteurs, dans un contexte de volatilité croissante des prix agricole comme l'a analysé la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les crédits de l'agriculture, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 8 ( * ) .

Parmi les secteurs les plus exposés figure la production de fruits et légumes. Dans une note d'août 2012, Légumes de France, association représentant les entreprises de production de légumes, qui emploient environ 200 000 personnes, remarquait que les surfaces cultivées en légumes, à l'exception des légumes secs, ont diminué de 30 % en France entre 1995 et 2010.

La concurrence intra-européenne n'est pas pour rien dans la perte de parts de marché de la production française de légumes, y compris sur le marché intérieur, par rapport à l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne . Légumes de France met en cause les distorsions de concurrence entre États membres de l'Union européenne, qui pratiquent une forme de dumping social , avec des salaires plus faibles qu'en France et des cotisations sociales parfois totalement inexistantes - en contrepartie d'une absence de protection sociale pour les salariés. En Allemagne, le coût horaire de la main d'oeuvre représenterait 6 euros, avec une absence totale de cotisations sociales.

Cet impératif de compétitivité, en particulier des filières fruits et légumes, justifie qu'aient été maintenus dans le budget pour 2013 les mêmes montants de crédits qu'en 2012, pour financer les allègements de cotisations sociales. La ligne de crédits correspondante, dotée de 506,8 millions d'euros, représente 28,2 % de l'ensemble des crédits du programme 154, ce qui est considérable.

Elle permet de prendre en charge auprès de la mutualité sociale agricole (MSA) les exonérations des contrats vendanges, pour un coût de 19 millions d'euros.

Elle permet surtout de prendre en charge auprès de la MSA les exonérations de cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE), pour 487,8 millions d'euros. L'article 60 du projet de loi de finances pour 2013 recentre le dispositif, qui coûte aujourd'hui davantage que le montant des crédits inscrits, afin de ne pas accumuler une dette de l'État à l'égard de la MSA. Votre commission vous propose d'ailleurs d'assouplir ce recentrage en modifiant l'article 60 .

b) Le crédit d'impôt compétitivité emploi bénéficiera à l'agriculture.

Annoncé par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 6 novembre 2012, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) devrait bénéficier au secteur agricole, qui emploie 155 000 salariés soit 16 % des effectifs permanents en agriculture.

Ce dispositif concerne tant les salariés temporaires que les salariés permanents, gagnant jusqu'à 2,5 SMIC, et s'avère donc complémentaire du dispositif TO-DE. Il devrait conduire à une baisse du coût du travail d'environ 6 % et coûter 20 milliards d'euros aux finances publiques .

Cette annonce a été saluée par un grand nombre d'acteurs du monde agricoles, même si sa mise en oeuvre doit encore faire l'objet d'une discussion lors du prochain projet de loi de finances rectificative.

Enfin, la compétitivité ne saurait se résumer à la seule recherche de coûts salariaux les plus bas possibles. Une meilleure valorisation des productions constitue aussi une voie à explorer, permettant de recréer de la valeur pour l'agriculteur.

c) Des crédits de soutien à l'export sérieusement réduits.

L'exportation est un débouché traditionnel des productions agricoles et agroalimentaires françaises. D'ailleurs, l'un des objectifs du projet annuel de performances « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » consiste à faire progresser la valeur des ventes de produits agricoles et alimentaires français hors du territoire national. En 2011, les exportations de produits agricoles et alimentaires ont atteint 56 milliards d'euros, plaçant la France au quatrième rang mondial après les États-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas, et juste devant le Brésil 9 ( * ) .

Les prix élevés des céréales, et en particulier du blé tendre, et les progressions des volumes exportés de vins et spiritueux ont tiré l'excédent de la balance commerciale, qui enregistre un niveau record de 11,6 milliards d'euros en 2011 (contre un excédent d'un peu plus de 5 milliards d'euros seulement en 2009).

Le budget 2013 est cependant marqué par un recul des moyens attribués par l'État aux organismes chargés de porter la stratégie export de la France en matière agricole et agroalimentaire : l'enveloppe destinée à l'action internationale est réduite de plus d'un tiers, passant de 16,7 millions d'euros à 11 millions d'euros .

Cette ligne budgétaire permet de soutenir l'action de l'Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires (ADEPTA), à hauteur de 1,7 millions d'euros.

Elle permet aussi de commander des études de marché à Ubifrance, à hauteur de 0,7 millions d'euros. Le soutien de l'État à la promotion des exportations agroalimentaires par Ubifrance passe cependant essentiellement par les crédits du programme 134 : « développement des entreprises et du tourisme » au sein de la mission « Économie », qui comportent une subvention pour charges de service public de 81,6 millions d'euros pour Ubifrance, en progression de 2,8 % par rapport à 2012, et des crédits d'intervention de 22,4 millions d'euros, qui sont versés ensuite aux entreprises pour les actions collectives de promotion qu'elles mènent sur les marchés extérieurs. Près de 200 personnes, sur les 1 000 employées par Ubifrance, se consacreraient à la promotion de l'exportation dans le secteur agroalimentaire.

En réalité, la baisse de la ligne budgétaire s'explique principalement par la nouvelle délégation de service public (DSP) de promotion de produits agroalimentaires, pour la période 2013-2017, attribuée en février 2012 à la société Sopexa, qui emploie un peu plus de 200 personnes. Cette DSP prévoit une baisse des soutiens de l'État de 13,5 millions d'euros par an à 9 millions d'euros, incitant la Sopexa à trouver des ressources nouvelles.

Comme chaque année, vos rapporteurs pour avis s'interrogent sur l'opportunité d'une fusion entre les différents organismes qui interviennent pour promouvoir les produits agricoles et agroalimentaires français sur les marchés extérieurs, et en particulier sur la fusion entre Ubifrance et Sopexa.

Le dispositif national d'appui à l'exportation est porté également par les crédits de promotion et communication de FranceAgrimer, pour un montant situé entre 12 et 13 millions d'euros par an.

Enfin, il est complété par le dispositif horizontal de promotion cofinancé par l'Union européenne à hauteur de 50 %. Les professionnels concernés par ces actions de promotion doivent prendre en charge au moins 20 % des programmes. Il existe actuellement 16 programmes de promotion en cours pour un montant total de 65 millions d'euros sur trois ans, mais cet outil n'est pas totalement satisfaisant. D'une part, le désengagement financier de l'État, qui ne soutient plus ce dispositif, conduit les professionnels à s'en détourner. D'autre part, l'interdiction de mentionner l'origine nationale des produits dans la communication à l'égard des pays tiers constitue un frein à l'engagement des professionnels, qui espèrent que cette interdiction pourra être bientôt levée.

2. La politique d'orientation des filières en danger.
a) L'enveloppe en faveur des filières ultramarines globalement préservée.

L'action en faveur de l'agriculture ultramarine voit ses moyens légèrement réduits en 2013 par rapport à 2012. Ils permettront cependant de poursuivre une politique ambitieuse de développement agricole des outremers, dans la continuité de la politique définie à la suite des États généraux de l'outre-mer de 2009 :

- L'aide à la filière canne à sucre est maintenue à 86,4 millions d'euros en 2013 , contre 90 millions d'euros en 2012. Plus de la moitié de l'aide (56 millions d'euros) est destinée aux planteurs.

- Les crédits d'intervention de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'Outre-mer (Odeadom) s'élèvent en 2013 comme en 2012 à 6,1 millions d'euros .

- Une enveloppe visant à encourager la diversification agricole, à améliorer l'organisation des filières, et d'une part à compléter le financement d'actions soutenu par l'Odeadom et d'autre part à abonder la part nationale du dispositif européen de soutien appelé programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), est également conservée dans le projet de loi de finances pour 2013 : elle s'élève à 35 millions d'euros, contre 40 millions d'euros en 2012 .

Au total, 127,5 millions d'euros vont à l'agriculture ultra-marine en 2013.

b) Une baisse inquiétante des crédits d'intervention de FranceAgrimer.

Les arbitrages budgétaires rendus pour 2013 sont très sévères en matière de crédits pour l'animation et l'orientation des filières.

Avec la fin des plans stratégiques en faveur des filières (PSF), qui étaient dotés de 46,2 millions d'euros en AE et 39 millions d'euros en CP en 2012, les crédits d'intervention gérés par FranceAgrimer sont amputés d'autant et ne s'élèveront qu'à 97,2 millions d'euros. Si l'on prend en compte la pratique de gels de crédits en début d'exercice, les moyens réels à disposition de FranceAgrimer début 2013 pourraient n'être que de 90 millions d'euros.

Il s'agit là d'un niveau de crédits historiquement bas , qui va rendre extrêmement difficiles les arbitrages entre filières, d'autant plus que certaines dépenses sont inévitables pour 2013 : la fin du programme de mise aux normes des élevages porcins (15 millions d'euros), on encore l'appui aux abattoirs.

D'après les représentants du monde agricole, il manquerait de l'ordre de 30 millions d'euros pour mener une véritable politique d'appui aux filières. Certes, FranceAgrimer dispose de ressources autres que celles provenant de l'action n° 11 du programme 154. Ainsi, une fraction de la taxe fiscale affectée 10 ( * ) sur les céréales - environ 4 millions d'euros, sur les 23 millions d'euros prévus - pourrait compléter le financement des actions d'orientation des filières. Mais cela ne suffira pas.

Le Gouvernement a indiqué qu'exceptionnellement, il serait demandé en 2013 à FranceAgrimer de mobiliser sa trésorerie pour abonder l'enveloppe, à hauteur de 20 millions d'euros. Mais, outre que cette méthode n'est pas reproductible et ne saurait constituer qu'un expédient, il n'est même pas certain qu'un prélèvement d'une telle ampleur soit possible, car il est indispensable de laisser à FranceAgrimer une réserve prudentielle .

Un rebasage des crédits d'intervention de FranceAgrimer, difficile cette année, devra probablement être envisagé dans le prochain budget.

c) L'aide au secteur agroalimentaire singulièrement réduite.

Même si le budget consacré aux industries agroalimentaires reste modeste par rapport à leur chiffre d'affaires qui s'élève à environ 150 milliards d'euros par an, il joue un rôle d'orientation utile. En baisse constante depuis 2010, passant de 14,5 millions d'euros en CP en 2010 à 13 millions d'euros en 2011, puis 12 millions d'euros en 2012, cette ligne budgétaire serait divisée par deux en tombant à 6 millions d'euros en 2013, et la baisse devrait se poursuivre les années suivantes puisque seulement 5 millions d'euros sont prévus en AE.

C'est le Fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires (FISIAA) qui supporte l'essentiel de l'ajustement, passant de 5,5 millions d'euros en 2012 à 1 millions d'euros en 2013.

En revanche, la dotation destinée à soutenir les Fonds régionaux d'aide à l'investissement immatériel (FRAII) progresse légèrement, de 4 millions d'euros à 4,27 millions d'euros.

3. De faibles marges de manoeuvres budgétaires en cas de crise agricole.
a) La gestion des crises et des aléas de production : une dotation symbolique.

Déjà faible dans le précédent projet de loi de finances, l'enveloppe consacrée à la gestion des crises est réduite en 2013 avec 1,9 millions d'euros pour le dispositif en faveur des agriculteurs en difficultés (Agridiff), contre 4 millions d'euros en 2012 et 2,5 millions d'euros pour le fonds d'allègement des charges (FAC) contre 8 millions d'euros en 2012. Il faut donc espérer qu'aucune crise agricole n'intervienne en cours d'exercice , faute de quoi le ministère de l'agriculture sera dépourvu de moyens budgétaires pour y faire face, sauf à redéployer des crédits depuis d'autres lignes budgétaires.

Cette année encore, le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), ne reçoit aucune dotation en loi de finances initiale. La taxe affectée destinée à financer le fonds est maintenue et devrait s'élever à 102 millions d'euros 11 ( * ) . Elle apportera la mise de fond initiale, complétée le cas échéant par des crédits d'État redéployés, comme c'est la pratique depuis plusieurs années.

b) Un point positif : le maintien des crédits en faveur de l'assurance et la mise en place des fonds de mutualisation.

La généralisation de l'assurance récolte est un axe constant de la politique agricole depuis de nombreuses années. L'aide totale peut s'élever jusqu'à 65 % des primes versées par les agriculteurs et elle est prise en charge à 75 % par des crédits européens.

La progression du taux de pénétration de l'assurance récolte en France est modeste mais constante, comme le montre le tableau ci-après :

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Grandes cultures

25,0%

25,8%

27,1%

28,9%

26,0%

27,9%

30,7%

Viticulture

0,6%

10,2%

11,5%

12,9%

13,7%

14,6%

15,5%

Arboriculture

0,8%

1,7%

1,9%

2,1%

2,2%

2,1%

2,3%

Légumes

1,4%

3,5%

7,6%

12,0%

10,7%

13,1%

15,5%

Source : MAAF.

Source : MAAF.

Les moyens nationaux destinés à subventionner la souscription d'assurances couvrant les risques climatiques sont maintenus en 2013 à la même hauteur qu'en 2012, soit 25 millions d'euros, ce qui devrait être suffisant pour couvrir les besoins, l'enveloppe ayant été jusqu'à présent sous-consommée. Ils représentent la contrepartie des crédits européens.

Enfin, le budget 2013 et marqué par une innovation que vos rapporteurs pour avis saluent : pour la première fois, le budget de l'État est doté d'une ligne budgétaire permettant d'alimenter les fonds de mutualisation agréés, dont la mise en place effective était attendue depuis le bilan de santé de la PAC de 2008.


* 8 Avis n° 253 Tome 1, présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2013 - Agriculture et alimentation, par Mme Marie-Lou Marcel, députée.

* 9 Source : Alimagri n° 26 - Hors série - Juillet 2012.

* 10 Créée par l'article 1619 du code général des impôts.

* 11 Annexe au projet de loi de finances - Fascicule des voies et moyens, tome 1, page 152.

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