CINQUIÈME PARTIE - DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE TENDU, LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 N'A PAS PROCÉDÉ AUX RÉALLOCATIONS QUI AURAIENT PERMIS DE DÉGAGER DES MARGES DE MANOEUVRE

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE PERMET PAS DE SORTIR DES CONTRADICTIONS ENTRE LES MOYENS DISPONIBLES ET LES PRIORITÉS GÉOGRAPHIQUES ET SECTORIELLES

La véritable difficulté de la coopération française à court terme réside dans la faiblesse de ses moyens en subventions pour intervenir dans les PMA francophones qui n'ont pas la possibilité de recourir aux emprunts.

A. LA COOPÉRATION FRANÇAISE NE BÉNÉFICIE PAS DE MOYENS SUFFISANTS POUR INTERVENIR DANS LES PAYS PRIORITAIRES ET LES PAYS SAHÉLIENS

La démonstration a déjà été faite par vos rapporteurs. Au-delà des chiffres officiels de l'aide au développement, on constate que les services français disposent, dans les 14 pays prioritaires, de 212 millions d'euros de subventions au sens de l'OCDE et, vraisemblablement, un peu plus d'une centaine de millions d'euros si on se réfère à l'aide programmable.

Evolution du montant des dons programmables consacrés aux 14 pays pauvres prioritaires

Dons programmables, en millions €

2006

2007

2008

2009

Bénin

54,54

36,34

48,07

37,59

Burkina Faso

110,8

89,5

96,79

63,61

Centrafricaine, république

19,64

42,83

17,5

17,95

Tchad

28,43

27,22

26,39

32,73

Comores

10,09

7,42

10,46

13,59

RDC

11,14

12,7

15,65

18,05

Ghana

15,21

24,56

17,88

16,19

Guinée

15,73

27,69

23,17

16,91

Madagascar

80,23

115,17

70,88

76,14

Mali

65,12

79,4

64,02

61,78

Mauritanie

25,91

25,95

24,09

19,23

Niger

72,78

44,51

54,08

47,01

Sénégal

221,13

101,65

95,6

71,81

Togo

20,61

18,77

25,68

29,55

Total

751,36

653,71

590,26

522,14

La tendance, ces dernières années, a été une diminution des dons programmables 53 ( * ) consacrés aux 14 pays pauvres prioritaires.

De 2006 à 2009 cette diminution est de l'ordre de 30 %.

Certes la France participe également via l'Europe au Programme Indicatif Régional (PIR) de l'Afrique de l'Ouest pour l'appui à l'intégration régionale, aux négociations APE, à la compétitivité des entreprises et au développement du secteur privé.

Mais les montants des financements dégagés pour cette zone en difficulté sont très limités même lorsque l'on comptabilise l'aide multilatérale imputable à la France.

Evolution des montants d'APD bilatérale nette et multilatérale imputée nette
de la France pour les pays du Sahel entre 2005 et 2009

En millions de dollars US courants - Source : CAD de l'OCDE

Face à cela on constate une aggravation préoccupante de la situation dans certains pays prioritaires et notamment au Sahel.

La situation sécuritaire dégradée qui prévaut dans la sous-région avec notamment une forte dégradation au Mali au cours des douze derniers mois constitue une source de préoccupation majeure.

Comme l'illustrent les cartes publiées sur le site du ministère des affaires étrangères, les zones aujourd'hui où la menace terroriste est présente sont de plus en plus vastes. Il ne s'agit pas seulement du Nord Mali, mais également d'une partie de la Mauritanie et du Niger.

Les trois pays sahéliens que sont le Niger, le Burkina et le Mali sont par ailleurs dans une situation démographique très préoccupante : le Niger, qui avait 3 millions d'habitants à l'indépendance, en aura plus de 55 en 2050. La population de ces 3 pays passera d'ici 2050 de 44 millions d'habitants aujourd'hui à 125 millions. Or, à moins de changements radicaux localement des politiques économiques et des politiques d'aide, les ressources en terres arables et en eau ne permettront pas de les nourrir ni de leur offrir des emplois.

Vos rapporteurs estiment que nous ne pouvons pas laisser cette région s'enfoncer dans le non-développement et devenir une zone de non-droit. C'est leur intérêt, c'est notre intérêt.

Si l'insécurité actuelle ne permet pas de mener des projets à bien, il faut préparer d'ores et déjà l'après-crise en espérant que le Mali ne devienne pas un nouvel Afghanistan.

Dans les pays où nous pouvons encore assurer la sécurité du personnel de la coopération et gérer des projets, notre politique doit apporter un soutien aux populations par le rétablissement des services essentiels et conforter l'Etat dans l'exercice de ses missions régaliennes (police, sécurité civile, justice, administrations déconcentrées), tout en renforçant la participation des populations aux processus de décision.

Notre action après des autorités locales doit contribuer à réduire les causes de tensions et, quand les menaces sur la sécurité y atteignent un point critique, à conduire des programmes de renforcement des forces de sécurité (douanes, police, armée) accompagnés, à chaque fois que cela est possible, d'actions qui contribuent au redéploiement rapide des services de l'Etat en réponse aux besoins des populations locales.

Ce sont des situations où composantes de sécurité et de développement sont étroitement imbriquées, voire menées simultanément. Or, actuellement, l'absence de moyens pour financer des projets de développement conduit à un déséquilibre en faveur de solutions purement sécuritaires.

La situation est préoccupante dans des pays fragiles comme le Tchad, la RCA et le Niger où il faut craindre des phénomènes de désintégration sociale de grande ampleur. Or comme le souligne Serge Michailof dans son dernier ouvrage « Notre maison brûle au sud 54 ( * ) », l'aide au développement est aujourd'hui la moins efficace là où il y en a le plus besoin :  « nous sommes sans moyens d'action effectifs pour répondre à nos préoccupations propres, qu'il s'agisse d'intervenir dans des pays pauvres où nous avons des enjeux géopolitiques, comme ceux du Sahel, ou sur des thématiques importantes, comme le développement rural pour lequel nous avons une expertise ancienne avérée » 55 ( * ) .


* 53 Le montant des dons programmables est obtenu en retranchant de l'aide publique programmable totale le montant des prêts (déduction faite des rééchelonnements de dette).

* 54 Notre maison brûle au Sud, Serge Michailof, Fayard, 2010

* 55 Intervention de M. Serge MICHAILOF, le 12 mai 2010 au Sénat : http://videos.senat.fr/video/videos/2010/video4908.html

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