B. LE RÔLE ÉMINENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS LA PROTECTION DES POPULATIONS.

L'organisation locale de la sécurité civile s'établit au niveau de chaque département avec l'institution du service départemental d'incendie et de secours (SDIS).

Cet établissement public dont le conseil d'administration est présidé par le président du conseil général, est organisé en centre d'incendie et de secours. Il comprend un service de santé et de secours médical. Lui est affecté le corps départemental des sapeurs-pompiers composé de professionnels appartenant à la fonction publique territoriale 3 ( * ) et de volontaires relevant des corps communaux ou intercommunaux des centres de secours des 7 400 centres d'incendie et de secours répartis sur l'ensemble du territoire national.

Le maire, en vertu de son pouvoir de police générale, dirige les opérations de secours 4 ( * ) .

1. Des budgets contraints


• Les dépenses supportées par les collectivités locales au titre de la sécurité civile (5,5 milliards d'euros) représentent cinq fois l'effort de l'Etat dans ce secteur (1,017 milliard d'euros en AE et 966,9 millions d'euros en CP).

a) Les investissements, variables d'ajustement budgétaire

Cette année encore, les dépenses globales des SDIS augmenteront (+ 1,28 %) 5 ( * ) .

Les collectivités locales financent plus de 96 % des dépenses de fonctionnement des SDIS : 54 % pour les départements (2,35 milliards d'euros) et 42 % pour les communes (1,78 milliard d'euros) 6 ( * ) .

Dans son rapport sur les SDIS (novembre 2011), la Cour des comptes insiste sur la contrainte majeure, pour leurs budgets, des dépenses de personnels qui « constituent la principale cause d'augmentation des dépenses de fonctionnement : elles ont crû de 54 % entre 2002 et 2010, passant de 1,97 milliard d'euros (76 % des dépenses de fonctionnement) à 3,04 milliards d'euros (80 % de ces dépenses). Les trois quarts sont constitués des rémunérations et indemnités versées aux professionnels et le quart restant des vacations et allocations diverses destinées aux volontaires.

« L'augmentation des dépenses de personnel tient à l'évolution des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels des SDIS (passés de 33 727 en 2002, à 40 302 en 2010, soit une hausse de 19 %) et des personnels administratifs et techniques (7 661 en 2002, 11 123 en 2010, soit une augmentation de 45 %, ce qui paraît élevé ). »

Par ailleurs, les collectivités contribuent indirectement aux investissements des SDIS comme le souligne le DTP « en permettant (aux services) de dégager des excédents de section de fonctionnement qui sont l'un des principaux modes de financement de la section d'investissement ».

Cependant, les derniers budgets indiquent une diminution des investissements (- 3,53 % en 2011), ceux-ci étant la principale variable d'ajustement des dépenses à la contrainte budgétaire.


Vers la disparition du FAI ?

Les SDIS perçoivent de l'Etat une aide à l'investissement à travers le FAI 7 ( * ) : en constante diminution depuis 2006, le fonds est destiné, en 2013, à solder des opérations d'investissement entreprises pour le déploiement du réseau de radiocommunications numériques ANTARES mis en place par l'Etat pour permettre l'interopérabilité des réseaux des services publics participant aux missions de sécurité civile ( cf. infra II ).

Évolution des crédits du FAI

ANNEE

AE (en M€)

CP (en M€)

2003

45

45

2004

54

45

2005

61,45

65

2006

67

64,85

2007

37,5

37,5

2008

27,65

27,65

2009

23,37

23,37

2010

21,36

21,36

2011

21,36

21,36

2012

18.36

18.36

Créé en 2003 pour remplacer la majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement des SDIS au titre du soutien de leurs efforts d'investissement en équipements et matériels, le FAI est réparti entre les zones de défense en fonction de la population DGF des départements sur décision du préfet de zone après avis d'une commission composée notamment des présidents des SDIS de la zone.

Depuis 2007, une circulaire annuelle invite les préfets à orienter les décisions des commissions vers des investissements lourds et/ou structurants ou vers des opérations d'intérêt interdépartemental ou national (NRBC, lutte contre les inondations...) et spécialement la migration vers ANTARES.

Le prochain budget parachève l'orientation voulue par l'Etat au profit de cette infrastructure en lui consacrant exclusivement les crédits inscrits dans la mission sécurité civile au titre du FAI.

En 2013, en raison du contexte budgétaire, aucune nouvelle autorisation d'engagement n'est prévue. Une enveloppe de 3,9 millions d'euros en crédits de paiement est seule destinée à financer les opérations d'investissement des SDIS qui ont déjà bénéficié d'une subvention du FAI mais dont la réalisation n'est pas encore achevée. Lors de son audition par votre commission le 21 novembre dernier, le ministre de l'intérieur l'a confirmé : en raison du contexte budgétaire, le fonds ne sera pas doté au-delà de la seule couverture des engagements antérieurs.

Dans ces conditions, l'avenir du FAI est plus qu'incertain.

Votre rapporteur partage l'appréciation de notre collègue Dominique de Legge dans son tout récent rapport d'information sur les investissements de la sécurité civile 8 ( * ) : pour lui, la suppression par l'Etat du fonds « aurait pour effet mécanique un déport de la dépense sur les collectivités territoriales et s'apparenterait à un nouveau transfert de charge ». Aussi préconise-t-il « une nouvelle approche de la logique d'attribution de l'aide » et il propose en ce sens de « revoir la logique d'attribution des crédits du fonds d'aide à l'investissement (FAI) en favorisant les appels à projets et la mutualisation des investissements ».

Pour l'heure, le FAI assure le rôle qui lui avait été assigné à sa création pour le seul achèvement d'ANTARES, dont l'utilité n'est évidemment pas en cause. Cette infrastructure (INPT) s'avère indispensable à l'organisation et à la coordination des secours.

Cette année encore, le fonds a aussi servi à « gager » les contributions dues par les départements au titre du fonctionnement de l'INPT 9 ( * ) : la DGSCGC préfinance sur le fonds le montant de ces cotisations dont elle fait l'avance et, au fur et à mesure de leur règlement par les SDIS, abonde d'autant le FAI.

Cette procédure permet d'assurer la réalisation normale des travaux de déploiement et d'amélioration d'ANTARES : l'Etat peut répartir l'enveloppe entre les zones de défense.

b) Les voies de la maîtrise des dépenses

L'augmentation croissante des dépenses supportées par les collectivités, dans un contexte budgétaire contraint, les conduit depuis plusieurs années à rechercher les voies de maîtriser les budgets des SDIS.


Alléger et adapter les normes régissant les équipements

Notre collègue Eric Doligé, dans son rapport de mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales (2011) a notamment proposé d'adapter le type de véhicule de secours à personne à la réalité opérationnelle alors que les sapeurs-pompiers sont de plus en plus sollicités, parfois, faute d'ambulancier privé disponible.


Mieux exploiter les dispositifs de mutualisation des moyens

La mutualisation est source d'économies. Elle est encouragée par le législateur qui, au cours des dernières années, a favorisé notamment la mise en commun des moyens :

- la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a ouvert aux SDIS la faculté de se regrouper dans un établissement interdépartemental : l'EPIDIS (établissement public interdépartemental d'incendie et de secours) 10 ( * ) peut être créé pour gérer ensemble la formation des personnels, l'information et la sensibilisation du public aux risques, l'organisation de marchés groupés, la réalisation d'études et de recherches... ( cf articles L. 1424-51 et L. 1424-52 du code général des collectivités territoriales). Les départements peuvent bénéficier du soutien de la DGSCGC pour créer cet outil ;

- la loi du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l'équipement a ouvert aux départements à l'initiative de notre collègue Bruno Sido la faculté d'effectuer pour le compte et à la demande des SDIS l'entretien de l'ensemble de leurs moyens matériels ;

- la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales permet aux SDIS et aux conseils généraux de mutualiser, par convention, leurs services fonctionnels.

Pourtant, ces dispositifs sont encore trop peu employés. La Cour des comptes observe, d'une part, que « le plus souvent les initiatives restent dispersées et ponctuelles » et, d'autre part, que « la mutualisation des écoles et des centres de formation 11 ( * ) est particulièrement insuffisante » 12 ( * )


Optimiser le dispositif de formation

Pour sa part, notre collègue Dominique de Legge note que si les écoles départementales présentent un certain nombre d'atouts (proximité du terrain pour les stagiaires, formations ciblées sur les risques locaux, regroupement des formations auparavant éparpillées et homogénéisation des formations dispensées), elles « constituent toutefois une lourde charge d'investissement pour les SDIS et les départements ». Il préconise, en conséquence, de davantage mutualiser ces instruments, notamment leurs plateaux techniques. Dans le même temps, il appelle l'ENSOSP qui a notamment pour mission d'arrimer le réseau des écoles départementales, à « jouer un rôle fédérateur autour de projets structurants pour les SDIS » 13 ( * ) .

D'après les renseignements transmis à votre rapporteur par la DGSCGC, le montant total des crédits consacrés à la formation par les SDIS s'est élevé en 2011 à 111 357 562 euros (contre 100 895 916 euros en 2010, soit + 10,36  %).

Une démarche d'allègement et de plus grande adéquation des formations est en cours pour en mieux adapter le contenu aux activités et aux emplois occupés par les sapeurs-pompiers.

Avant de réformer le schéma national institué en 2006, a été mise en place dans 43 SDIS volontaires une expérimentation d'une durée de cinq années de référentiels « emplois, activités, compétences » du sapeur-pompier. Il s'agit d'organiser les formations « au plus proche du terrain tout en diminuant les temps d'immobilisation des stagiaires avant de les rendre activables opérationnellement ».

L'enjeu d'une réforme des formations est également de concilier la prise en compte de l'évolution de l'activité des SDIS avec le maintien du niveau opérationnel des personnels. Le président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS), notre collègue Yves Rome, s'interroge : le traitement des risques sociaux nouveaux telles les mésententes familiales pour lesquelles les sapeurs-pompiers sont aujourd'hui appelés à intervenir, implique-t-il la même exigence de formation que celle requise par le « coeur de métier » ? Le président de la CNSIS estime, avec justesse, que les moyens doivent être adaptés aux différents risques.

L'ENSOSP doit également s'inscrire dans cette optique d'optimisation des moyens.

Cet établissement public national à caractère administratif, aujourd'hui installé à Aix-les-Milles dans les Bouches du Rhône, est doté d'un budget de 27 millions d'euros, alimenté par une subvention de l'Etat de 4,2 millions d'euros -heureusement pérénnisée 14 ( * ) -, une dotation de 2,5 millions d'euros au titre de la convention cadre du Centre national de la fonction publique territoriale et les facturations de ses prestations de formation.

Votre rapporteur renouvelle son appel à exploiter au mieux la potentialité offerte par cet établissement doté d'outils pédagogiques performants. La coopération internationale et européenne est une piste, le conventionnement avec des partenaires privés en est une autre émise par notre collègue Dominique de Legge qui cite à l'appui les besoins éventuels de l'industrie chimique, pétrochimique ou nucléaire 15 ( * ) .


Regrouper les achats

Les SDIS se sont engagés dans la mutualisation de leurs achats soit en groupant leurs commandes de véhicules et matériels divers, soit en recourant à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) dotée du statut d'établissement public industriel et commercial : tout en leur permettant des gains qui peuvent être substantiels sur les prix d'achat, cet établissement les dégage de la mise en oeuvre lourde et complexe des procédures de mise en concurrence des fournisseurs en l'assumant lui-même.


* 3 Les pompiers de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) sont des militaires.

* 4 Si l'événement dépasse les limites communales ou ses capacités, la compétence est assurée par le préfet de département (le préfet du département siège de la zone de défense si le sinistre, l'accident ou la catastrophe excède le territoire départemental).

* 5 Budgets primitifs 2012.

* 6 Données comptes de gestion 2011.

* 7 Fonds d'aide à l'investissement.

* 8 Rapport d'information n° 33 (2012-2013) au nom de la commission des finances : Les investissements de la sécurité civile : intérêt national, enjeux locaux - Gérer les risques au meilleur coût, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-033-notice.html .

* 9 La contribution de fonctionnement pur la maintenance du réseau ANTARES s'élève à 12 millions d'euros ventilée sur l'ensemble des SDIS au prorata de la population départementale. A titre d'exemple, la cotisation du Cantal s'élève à 34 000 euros, celle du Rhône à 350 000 euros.

* 10 Cf. article L. 1424-52 du code général des collectivités territoriales.

* 11 Les écoles départementales interviennent en matière de formation initiale et continue des sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, qui ne sont pas officiers. Ceux-ci relèvent de la compétence de l'ENSOSP (école nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers).

* 12 Cf. rapport préc.

* 13 Cf. rapport n° 33 (2012-2013), préc.

* 14 La subvention de l'Etat subit comme les crédits de fonctionnement du programme 128 de la mission sécurité civile au titre de laquelle elle est inscrite, une diminution de 7 %. Ce mouvement se poursuivra en 2014 (- 4 % soit 4,02 millions d'euros) et en 2015 (- 4 % soit 3,86 millions d'euros).

* 15 Cf. rapport n° 33 (2012-2013) préc.

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