C. UN PRÉALABLE ESSENTIEL : LE RENFORCEMENT SUBSTANTIEL DES SERVICES PÉNITENTIAIRES D'INSERTION ET DE PROBATION (SPIP)

Sans préjuger de la position qui sera la sienne lors de l'examen par le Parlement de ce projet de loi, votre rapporteur relève qu'en tout état de cause, le renforcement des prises en charge en milieu ouvert, même à droit constant, repose nécessairement sur un renforcement très substantiel des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Nombre de ceux-ci sont en effet à l'heure actuelle dans une situation préoccupante.

Sans doute le nombre de conseillers d'insertion et de probation a-t-il augmenté régulièrement au cours des dernières années, passant de 1 957 ETPT au 1 er janvier 2008 à 2 856 ETPT au 1 er janvier 2013, soit une augmentation de 46 % en cinq ans. Toutefois, cette hausse n'a pas permis de compenser, d'une part, l'augmentation de la population pénale sur la même période et, d'autre part, l'alourdissement des missions confiées aux SPIP par le législateur.

À l'heure actuelle, le ratio théorique de nombre de mesures rapporté au nombre de conseillers d'insertion et de probation est d'environ 90, mais ce ratio ne tient compte ni des disparités territoriales, ni des temps de travail effectifs (temps partiels, etc.) ni de l'organisation des services (certains conseillers sont affectés au traitement de problématiques spécifiques et se voient donc confier un nombre inférieur de mesures à suivre).

À la date de sa visite dans les établissements pénitentiaires d'Aix-Luynes, d'Angers, de Longuenesse et de Dunkerque, il a ainsi été indiqué à votre rapporteur que le ratio « nombre de mesures par CIP » des SPIP dont relevait l'établissement atteignait respectivement 150, 110, 200 et 140 - alors même que le Conseil de l'Europe préconise de ne pas dépasser 60 mesures par conseiller. Par comparaison, toutes proportions gardées, le nombre de mineurs suivis par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse en milieu ouvert est d'environ 25 29 ( * ) .

Cette année encore, les organisations syndicales des personnels d'insertion et de probation ont regretté l'absence de données fiables sur la répartition des effectifs sur le territoire national et la charge de travail effective de chaque service. En tout état de cause, ils ont souligné à quel point la surcharge de nombreux SPIP rendait largement illusoire toute volonté de suivi effectif de la personne condamnée en milieu ouvert.

Comme l'observe également M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport annuel pour 2012, « la charge importante qui pèse sur beaucoup [de conseillers d'insertion et de probation], en diminuant les possibilités de dialogue avec les personnes dont ils ont la charge, accroît les délais d'intervention et diminue leur efficacité, augmente les solutions mécaniques, voire expéditives, source de mécontentements et de frustrations, bref crée les conditions de nouvelles tensions dans le monde carcéral, source de difficultés supplémentaires et de nouveaux découragements » 30 ( * ) .

Alors que l'étude d'impact annexée à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 estimait nécessaire de réduire de 80 à 60 le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller d'insertion et de probation, ce qui supposait la création de 1 000 postes supplémentaires , seuls environ un tiers d'entre eux ont été créés entre 2010 et 2012.

C'est pourquoi votre rapporteur salue l'effort engagé par le Gouvernement pour augmenter significativement le nombre de conseillers d'insertion et de probation et diminuer corrélativement la charge de travail de chacun d'entre eux. Après 63 créations de postes en 2013, le présent projet de loi de finances prévoit la création de 300 emplois de conseillers en 2014, accompagnés de 100 emplois « support », dont 30 encadrants, 10 psychologues et 10 assistants sociaux (voir supra ).

Sur la période 2013-2015, le nombre de créations d'emplois devrait s'élever à 1 000 , le Gouvernement ayant indiqué sa volonté de parvenir à un ratio de 40 mesures par conseiller .

Le respect de cet engagement, indispensable pour améliorer la lutte contre la récidive et oeuvrer à la réinsertion des personnes condamnées, paraît d'autant plus nécessaire que la situation des établissements pénitentiaires demeure extrêmement préoccupante.


* 29 Voir le PAP de la mission « justice », page 137.

* 30 Rapport précité, page 49.

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