C. UN EFFORT DE SÉCURISATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES SANS DOUTE INSUFFISANT FACE AUX BESOINS

La situation de sur-occupation chronique combinée au manque de personnel contribue dans un certain nombre d'établissements aux phénomènes de violence, à la persistance de trafics divers et à la reconstitution de bandes et de phénomènes de « caïdat ». Ces phénomènes prennent une dimension particulière dans certains établissements vétustes, où la disposition des locaux impose un grand nombre de déplacements (accès aux douches par exemple).

La question de la sécurité dans ces établissements se pose donc avec une acuité particulière. Plus que par les parloirs, c'est surtout grâce aux projections que des produits interdits (téléphones portables, produits stupéfiants, etc.) circulent dans les établissements pénitentiaires.

Une étude réalisée en 2012 par le ministère de la justice a montré qu'un tiers des établissements était exposé à des projections systématiques , et qu'un autre tiers y était régulièrement soumis.

La localisation de certains établissements en zone urbaine, en particulier en l'absence de glacis, constitue un facteur aggravant. Ainsi, la maison d'arrêt de Dunkerque est-elle entourée de logements et de bâtiments directement attenants, au point qu'il n'est pas rare que le personnel pénitentiaire y soit confronté, non seulement à des projections, mais aussi à des tentatives d'intrusion de personnes...

Votre rapporteur a pu, cette année encore, mesurer à quel point, dans ce contexte, la question de l'encadrement des fouilles voulu par le législateur (article 57 de la loi pénitentiaire) demeurait un sujet d'inquiétude et de réticences majeur pour les personnels pénitentiaires 33 ( * ) .

C'est dans ce contexte que la garde des sceaux a annoncé, le 3 juin 2013, un plan pour la sécurité des établissements pénitentiaires visant à la fois à améliorer la sécurité dans les établissements, mais également à accompagner l'application, par les personnels pénitentiaires, de cet article 57 de la loi pénitentiaire imposant des critères de nécessité et de proportionnalité pour la réalisation de fouille, en particulier dite « intégrale », sur une personne détenue.

S'inscrivant en renfort des travaux régulièrement conduits dans les établissements concernés (vidéosurveillance, pose de caillebotis, rehaussement des clôtures, etc.), il prévoit d'affecter 33 millions d'euros, dont 24 millions d'euros de crédits de paiement en 2014 , à la réalisation des mesures suivantes :

- création ou renforcement de dispositifs anti-projections dans 35 établissements identifiés (coût évalué à 12 millions d'euros) ;

- équipement des zones sensibles de tous les établissements pénitentiaires de 282 portiques de détection de masse métallique et 393 magnétomètres supplémentaires. Sur la base d'un recensement des besoins effectué en juin 2013, priorité a été donnée à l'équipement des secteurs parloirs, promenades et ateliers. 142 portiques doivent être installés avant fin 2013, 128 courant 2014. 399 magnétomètres doivent être livrés aux établissements concernés avant la fin de l'année 2013 ;

- équipement de l'ensemble des maisons centrales et quartiers maison centrale ainsi que neuf maisons d'arrêt de portiques de détection à ondes millimétriques ;

- création de deux équipes cynotechniques supplémentaires dans les directions interrégionales de Rennes et de Lyon.

En complément de ces mesures, le ministère de la justice continue de travailler à l'expérimentation de dispositifs de brouillage des téléphones portables dans les établissements pénitentiaires.

Enfin, une circulaire relative à la prise en charge des détenus particulièrement signalés et un plan d'action en faveur des maisons centrales devraient être élaborés dans les mois qui viennent.

Parmi ces mesures, votre rapporteur salue tout particulièrement la décision de la garde des sceaux tendant à installer des portiques à ondes millimétriques dans plusieurs établissements pénitentiaires - solution qu'il a maintes fois préconisée en alternative aux fouilles corporelles .

Sans doute le coût d'un tel dispositif est-il relativement élevé (150 000 à 160 000 euros l'unité), mais ce coût est susceptible de diminuer sensiblement dans le cas d'un achat en nombre.

À l'heure actuelle, deux des 20 établissements concernés sont déjà équipés (il s'agit du centre pénitentiaire de Lannemezan et de la maison centrale de Saint-Maur), un autre doit être installé en novembre 2013 à la maison centrale de Moulins. Les maisons centrales de Clairvaux et d'Arles ainsi que les centres pénitentiaires de Condé sur Sarthe et Sud Francilien devraient être équipés en début d'année 2014, les 13 portiques restants devant être installés dans le courant de l'année prochaine.

Les neuf maisons d'arrêt concernées seront quant à elle sélectionnées en fonction du profil des détenus hébergés - priorité étant donnée à celles accueillant, dans le cadre d'une détention provisoire, des « détenus particulièrement signalés ».

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'utilisation de cette technologie en alternative à la fouille intégrale présenterait toutefois certaines limites : d'une part, elle ne permet de détecter que les objets métalliques, plastiques, liquides, semi-liquides ou en papier dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne ; d'autre part, le temps de détection serait relativement long (une à deux minutes par personne), rendant l'utilisation de cette technologie peu envisageable dans les parloirs d'établissements pénitentiaires surpeuplés notamment.

Votre rapporteur estime à cet égard qu'un premier bilan de l'utilisation de ces appareils dans les établissements équipés devra être rapidement tiré afin d'évaluer l'opportunité de leur généralisation aux autres établissements pénitentiaires.

En tout état de cause, la sécurisation des établissements pénitentiaires ne peut à long terme que reposer sur des réformes de structure . Outre la lutte contre la sur-occupation des maisons d'arrêt, il paraît également nécessaire de faire de la sécurité un élément essentiel du bâti des établissements pénitentiaires, lorsque cela est possible.

Depuis 2012, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) promeut en particulier la réalisation de glacis intérieurs , qui constituent une réponse plus adaptée au problème des projections et des « parloirs sauvages ». Cette préconisation a été intégrée dans le cahier des charges des nouveaux établissements, notamment celui concernant l'extension de Luynes (voir supra ).


* 33 Voir les développements que votre rapporteur a consacrés à cette question majeure dans le rapport d'évaluation de l'application de la loi pénitentiaire qu'il a co-signé avec Mme Borvo Cohen-Seat, rapport précité, pages 43 et suivantes.

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