IV. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE FAMILLE

A. LA DÉGRADATION TENDANCIELLE DES DÉFICITS DE LA BRANCHE FAMILLE

1. L'impuissance du Gouvernement à résorber les déficits de la branche famille en 2013 et en 2014

Alors que les comptes de la branche famille se trouvaient en situation de quasi-équilibre pendant de nombreuses années, ceux-ci se sont progressivement détériorés à partir de 2007 96 ( * ) pour atteindre un déficit de 2,5 milliards d'euros en 2012.

En 2013 , après la première année « pleine » de la nouvelle législature, le déficit s'est encore accentué pour atteindre 3,2 milliards d'euros .

Cette altération de la situation financière de la branche famille s'explique en partie par le contexte économique . En effet, à partir de 2009, la branche famille a subi les effets de la crise économique avec une dégradation accentuée de ses recettes propres. Celles-ci reposent pour une large part sur les revenus d'activité et la masse salariale puisqu'elles se composent à plus de 80 % de cotisations sociales ( 62 % du total des produits de la branche en 2014 97 ( * ) ) et de la CSG ( 19 % en 2014).

Face à cette situation, le Gouvernement a engagé un plan de « rénovation » de la politique familiale en juin 2013. Le solde pluriannuel des comptes de la branche, annexé au présent projet de loi de financement, traduit l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire affiché par l'exécutif.

Graphique n° 10 : Évolution du solde annuel du régime général et de l'ensemble des régimes obligatoires de base de la branche famille depuis 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe B au PLFSS 2015)

Le Gouvernement a adopté plusieurs mesures d'économies à l'occasion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014 (cf. infra ). Néanmoins, on observe que le déficit de la branche pour 2014 ne s'est pas résorbé et continue de se situer à un niveau élevé (- 2,9 milliards d'euros en 2014 contre - 3,2 milliard d'euros en 2013).

Pour la branche famille, l'écart entre l'objectif de solde voté lors de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (- 2,3 milliards d'euros) et la prévision figurant dans le présent projet de loi (- 2,9 milliards d'euros) s'élève à 600 millions d'euros . En 2014, en effet, malgré une faible inflation qui a freiné la hausse des prestations versées par la CNAF (+ 2,2 % sur l'année), la croissance des recettes (+ 1,5 %) a été insuffisante pour combler les déficits. Cotisations sociales (+ 1,2 %) et CSG (+ 0,8 %) évoluent à un rythme très faible en raison de la conjoncture économique et ne permettent pas de restaurer l'équilibre de la branche famille.

2. Des prévisions de redressement de la branche famille peu vraisemblables
a) Des incertitudes sur le montant des économies pour 2015

D'après les données fournies par le Gouvernement, le montant du déficit de la branche famille serait en 2015 de 3,2 milliards d'euros avant les réformes annoncées . Ces prévisions reposent sur le constat qu'en 2015, la croissance des charges nettes de la branche, bien que modérée, continuerait d'être supérieure (+ 1,9 %) à celle de ses produits nets (+ 1,5 %). D'après le rapport remis en septembre 2014 à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les divers impôts et taxes (qui représenteraient 16 % du total des recettes en 2015) baisseraient même de 1 % en 2015 sous l'effet de la baisse du préciput et de la taxe sur les véhicules de société. Ces chiffres montrent par conséquent la fragilité d'une partie du financement de la branche famille.

Compte tenu de la dégradation tendancielle du solde de la branche famille (sans mesures nouvelles, le solde se dégraderait donc de 300 millions d'euros), le Gouvernement a annoncé que ses réformes devraient contribuer à résorber le déficit de la branche de 900 millions d'euros en 2015. Il prévoit en effet que le solde de la branche ne serait plus déficitaire qu'à hauteur de 2,3 milliards d'euros en 2015 .

Or le Gouvernement n'a présenté des mesures d'économies que pour un montant de 700 millions d'euros (cf . infra ). Le flou entretenu par celui-ci autour des 9,6 milliards d'euros qu'il souhaite économiser sur le budget de la sécurité sociale en 2015 a donc des prolongements au niveau de la branche famille. Le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, a certes indiqué que 600 millions d'euros d'économies proviendraient des mesures prises en 2013, mais seuls 290 millions d'euros correspondent à de réelles économies, d'après les données recueillies (cf. infra ).

En l'absence de toute précision supplémentaire 98 ( * ) sur le « trou » de 200 millions d'euros entre le plan d'économies et l'écart de solde avant et après réforme, il semblerait donc que l'objectif de solde budgétaire de la branche famille ne soit que partiellement justifié pour 2015 .

b) Des interrogations sur la trajectoire pluriannuelle de réduction des dépenses publiques

En premier lieu, la fiabilité des prévisions avancées peut être discutée . On doit rappeler en effet que les prévisions du Gouvernement pour 2014 ont, l'an dernier, déjà sous-estimé de 600 millions d'euros le niveau du déficit de la branche famille. Si les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles repose le scénario du Gouvernement 99 ( * ) pour 2015 semblent « acceptables » selon le Haut Conseil des finances publiques, elles s'avéreraient encore trop optimistes entre 2016 et 2018 (cf. supra ).

Des doutes sérieux peuvent donc être émis sur les prévisions pluriannuelles relatives au solde budgétaire de la branche à compter de 2016. En tout état de cause, même si les estimations optimistes du Gouvernement s'avéraient justes, l'équilibre de la branche ne serait pas atteint en 2018 (- 700 millions d'euros).

En second lieu, le choix de faire porter l'effort sur les seules prestations familiales semble insuffisant puisque les dépenses continuent d'augmenter à un rythme plus important que les recettes de la branche. Il conviendrait de s'interroger sur les marges de productivité à dégager en matière de gestion des prestations par les caisses d'allocations familiales (CAF). Les erreurs de calcul des prestations sont estimées chaque année à environ 1 milliard d'euros par la Cour des comptes dans son rapport annuel de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 100 ( * ) .

Par ailleurs, la priorité devrait porter de préférence sur la lutte contre les fraudes plutôt que sur la réduction des aides aux familles .

En l'absence d'un retour rapide de la croissance, l'objectif de réduction des déficits de la branche ne laissera que peu de solutions. Il faudrait soit engager de nouvelles réformes, soit transférer des recettes supplémentaires à la branche.


* 96 Cette année-là, la branche famille présentait un solde en excédent de 0,2 milliard d'euros.

* 97 La part des cotisations sociales dans le financement de la branche diminuera fortement en 2015 (56 % du total) à la suite des dispositions votées dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.

* 98 L'écart pourrait correspondre à des économies de gestion supplémentaires sur les CAF ou à la sous-consommation de crédits en 2013 mais ces hypothèses n'ont jamais été confirmées par le Gouvernement en l'espace de plusieurs semaines.

* 99 Selon l'annexe B au présent projet de loi : « Pour l'année 2015, l'évolution des soldes des régimes de sécurité sociale et du FSV retient comme sous-jacent une prévision de croissance du PIB de 1 % [...] L'hypothèse de masse salariale associée à cette prévision de croissance de l'activité s'élève à 2 % pour le prochain exercice ».

* 100 Parmi les raisons avancées par la Cour des comptes pour refuser de certifier les comptes 2011 de la branche figure l'augmentation du montant des erreurs de portée financière qui affectent les prestations légales, impact évalué à 1,6 milliard d'euros. Les comptes 2013 de la branche ont été certifiés avec notamment pour réserve le maintien d'erreurs de calcul évaluées à 1,4 milliard d'euros.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page