II. LES MOYENS ALLOUÉS À LA POLITIQUE EN DIRECTION DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

Le programme n° 157 « Handicap et dépendance » , qui devrait bénéficier de 11,6 milliards d'euros en 2015, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2014, regroupe près des trois quarts des crédits de la mission.

Il a pour principal objet le financement de l'allocation adulte handicapé (AAH) ainsi que celui des établissements et services d'aide par le travail (Esat). Il retrace également la participation de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Figure n° 5 : Les crédits de paiement alloués en 2015 au programme n° 157 « Handicap et dépendance »

(en millions d'euros)

Crédits
de paiement
en 2015

Handicap et dépendance

11 600,5

Evaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

56,3

Incitation à l'activité professionnelle

2 747,9

Ressources d'existence

8 774,0

Compensation des conséquences du handicap

16,1

Personnes âgées

2,4

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

A. L'ENVIRONNEMENT GLOBAL DU PROGRAMME

1. Le besoin de concrétisation des mesures lancées dans le cadre du comité interministériel du handicap

La réunion du comité interministériel du handicap le 25 septembre 2013 avait suscité des attentes et des espoirs nombreux chez les acteurs du secteur. Cinq axes de travail ont été définis qui concernent la jeunesse, l'emploi, l'accessibilité, l'accompagnement médico-social et l'accès aux soins ainsi que la gouvernance et la mobilisation de la société.

Si des décisions ont été prises pour un certain nombre d'axes, notamment s'agissant de l'accessibilité 7 ( * ) , d'autres sont encore en attente d'avancées concrètes. Il est ainsi de l'accompagnement des personnes handicapées, qui a fait l'objet d'un rapport de Denis Piveteau publié en juin 2014 8 ( * ) . Ce dernier formule des préconisations visant à éviter les ruptures de prise en charge des personnes handicapées, en substituant notamment à la logique de « places » la construction de réponses accompagnées, fondées sur la recherche de solutions immédiates ainsi que sur la construction de projets visant à les améliorer de façon continue. Marie-Sophie Desaulle, ancienne directrice générale de l'ARS des Pays-de-la-Loire et ancienne présidente de l'association des paralysés de France, vient d'être missionnée par le Gouvernement pour préciser les étapes et modalités de mise en oeuvre de ces recommandations.

Votre rapporteur demeure attentif à ce que ces travaux permettent d'aboutir rapidement à des évolutions tangibles ainsi qu'aux orientations qui pourront être fixées en décembre prochain lors de la prochaine conférence nationale du handicap.

Le rapport Piveteau a permis de mettre l'accent sur les publics qui sont placés dans une situation de fragilité particulière. Votre rapporteur insiste à ce titre sur les enjeux que soulève la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes . Ces dernières sont confrontées à des problématiques spécifiques qui nécessitent que soient interrogées et remises à plat les solutions de prise en charge qui existent actuellement afin que puissent être construites des solutions d'accompagnement permettant d'éviter les ruptures et de respecter les projets de vie des personnes.

Votre rapporteur regrette que le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, qui doit être prochainement examiné au Sénat, ne prenne pas véritablement en compte l'enjeu du vieillissement des personnes handicapées . Un timide rapprochement entre prise en charge des personnes âgées et handicapées est certes opéré à travers les maisons départementales de l'autonomie (MDA) - dispositif qui n'a d'ailleurs pas attendu la loi pour être expérimenté dans un certain nombre de départements - et les comités départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA). Les personnes handicapées vieillissantes restent malgré tout absentes du texte et la question de la suppression des barrières d'âge reste au demeurant irrésolue.

2. Une évolution encore trop peu maîtrisée des dépenses d'allocation pour adultes handicapés

8 524 millions d'euros seront consacrés au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en 2015, soit une hausse de 1,47 % par rapport à 2014.

L'allocation aux adultes handicapés

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) peut être versée à toute personne âgée de plus de 20 ans, qui ne peut prétendre, ni à un avantage vieillesse, ni à une rente d'invalidité, et qui justifie d'un taux d'incapacité, apprécié par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) :

- supérieur ou égal à 80 % ;

- compris entre 50 % et 79 % mais assorti d'une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) liée au handicap.

Pour les personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, le versement de l'AAH prend fin lorsqu'est atteint l'âge légal de départ à la retraite. Pour les autres bénéficiaires, une AAH différentielle peut être versée en complément d'une retraite.

L'AAH est une allocation différentielle. Son niveau dépend donc de la différence entre les ressources du bénéficiaire et un montant plafond revalorisé chaque année. Les personnes travaillant en milieu ordinaire doivent transmettre tous les trois mois leur déclaration de ressources à la caisse d'allocations familiales (Caf).

Montant maximal de l'AAH au 1 er septembre 2014 (en euros)

Personne seule

Couple

Pas d'enfant

800,45

1 600,9

Supplément par enfant à charge

+ 400,225

+ 400,225

Sous certaines conditions, pour les personnes les plus lourdement handicapées, l'AAH peut être cumulée avec le complément de ressources (179,31 euros par mois) ou la majoration pour vie autonome (104,77 euros par mois).

Pour les personnes ayant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, l'AAH est attribuée pour une durée comprise entre un et cinq ans. Pour les autres allocataires, elle n'est désormais versée que pour une durée maximale de deux ans.

Le Gouvernement prévoit que l'AAH sera versée en 2015 à un nombre de bénéficiaires compris entre 1 045 000 et 1 064 000. La crise économique, le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de certains publics depuis le RSA vers l'AAH constituent les trois principaux facteurs d'augmentation du nombre de bénéficiaires.

Figure n° 6 : Evolution du nombre de bénéficiaires de l'AAH et des montants moyens mensuels versés entre 2009 et 2014

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre de bénéficiaires

883 300

914 950

930 000

972 000

1 000 000

1 020 800

Montant moyen mensuel (en euros)

595

619

642

666

683

693

Source : Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2015

A l'effet « volume » s'ajoute un effet « prix » lié à la revalorisation annuelle de la prestation. Cet effet « prix » s'atténue depuis plusieurs années puisque la revalorisation exceptionnelle de la prestation de 25 % sur cinq ans a pris fin en 2012.

Le Gouvernement souligne également les efforts réalisés, notamment dans le cadre de la modernisation de l'action publique, pour harmoniser les pratiques d'attribution de l'AAH , qui devraient conduire à assurer, à l'avenir, une meilleure maîtrise du niveau des dépenses.

Les associations auditionnées par votre rapporteur ont cependant une analyse divergente. Elles estiment en effet que le niveau des dépenses d'AAH demeure sous-évalué : malgré un taux de non recours non négligeable, la hausse du nombre de bénéficiaires reste sensible et le niveau des dépenses difficilement maîtrisable.

Leur analyse est confortée par l'exécution du budget 2014. Le projet de loi de finances rectificative, présenté en conseil des ministres le 12 novembre dernier, abonde en effet à hauteur de 43 millions d'euros le niveau des crédits ouverts en loi de finances initiale afin de tenir compte de dépenses plus soutenues que ce qui avait été anticipé. La hausse des crédits prévue pour 2015 ne sera donc pas de 126 mais de 83 millions d'euros, ce qui apparaît insuffisant pour tenir compte, à la fois de la revalorisation annuelle de la prestation et de l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

A l'enveloppe destinée au financement de l'AAH s'ajoutent 249,6 millions d'euros destinés à celui de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), contre 251 millions d'euros en 2014. Cette prestation est versée aux personnes qui perçoivent une pension d'invalidité ou un avantage vieillesse atteintes d'une invalidité générale et n'ayant pas encore atteint l'âge légal de départ à la retraite qui leur permettrait de percevoir l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Pour justifier la baisse de l'enveloppe, le Gouvernement fait l'hypothèse d'une poursuite de la diminution du nombre d'allocataires, observée au cours des dernières années (elle est estimée à - 1,5 % l'année prochaine), qui ne serait pas totalement compensée par la revalorisation annuelle de la prestation. Au 31 décembre 2013, 74 480 personnes bénéficiaient de l'allocation.


* 7 L'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, prise en application de la loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014, oblige les établissements recevant du public qui ne respectent pas les exigences d'accessibilité au 31 décembre 2014 à élaborer un agenda d'accessibilité programmée (Ad'Ap). Ils disposent d'un délai d'un an à l'issue de la publication de l'ordonnance pour déposer leur agenda à la préfecture. Ce délai peut être prorogé de 3 ans maximum en cas de difficultés techniques ou financières liées à l'évaluation ou à la programmation des travaux ou lorsqu'un premier agenda a été rejeté.

* 8 Denis Piveteau, « Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches », 10 juin 2014.

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