B. DES POSSIBILITÉS DE SUSPENDRE LES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL À RENFORCER ET ÉLARGIR

1. Des possibilités de suspendre les conditions matérielles d'accueil...

L'actuel article L. 5423-11 du code du travail prévoit qu'il est possible de refuser ou de suspendre le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente dans certains cas, en particulier lorsque le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières, lorsqu'il n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas présenté aux convocations des autorités, ou lorsqu'il présente une deuxième demande de réexamen. Ces possibilités ont été introduites par l'article 31 de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 13 ( * ) .

L'article 15 du présent projet de loi créé un article L. 744-8 du CESEDA qui va plus loin que les dispositions existantes :

- du point de vue du champ d'application, cet article permet de limiter ou de suspendre le bénéfice de l'ensemble des conditions matérielles , c'est-à-dire non seulement de l'allocation, mais également de l'hébergement offert ;

- i l assouplit et élargit par ailleurs les conditions permettant de procéder à cette suspension . Ainsi, il prévoit que l'autorité administrative peut suspendre le bénéfice des conditions matérielles dès la première demande de réexamen 14 ( * ) . Par ailleurs, il prévoit deux nouveaux cas de suspension : le cas où le demandeur a abandonné son lieu d'hébergement et le cas où il n'a pas sollicité l'asile « dès qu'il était en mesure de le faire après son entrée en France » .

L'ensemble de ces évolutions sont permises par l'article 20 de la directive « accueil ».

L'Assemblée nationale a précisé que la suspension ou la limitation des conditions matérielles d'accueil n'intervient, dans le cas d'une absence de réponse aux convocations ou d'une absence de dépôt de la demande d'asile dans des délais raisonnables, que si le demandeur ne peut justifier d'un motif légitime.

2. ...qui doivent être renforcées pour assurer une baisse effective des dépenses liées à la demande d'asile

• La possibilité de suspendre ou limiter les conditions matérielles lorsque le demandeur n'a pas déposé sa demande dès qu'il pouvait le faire reprend une proposition formulée par votre rapporteur pour avis dans son rapport d'information précité sur l'allocation temporaire d'attente. Un rapport d'inspection commun de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration, datant de 2013, soulignait en effet, sur la base de l'étude d'un échantillon de 783 demandeurs, que 25 % d'entre eux avait déposé leur demande d'asile plus de trois mois après leur arrivée sur le sol français . Or, un tel retard dans le dépôt illustre souvent le fait que la demande d'asile est détournée, dans l'objectif de prolonger un séjour sur le territoire français (par exemple lorsque l'intéressé est menacé d'expulsion du territoire français et/ou est déjà placé en rétention).

Toutefois, la formulation retenue par le présent article est trop imprécise, ce qui pourrait rendre son application délicate et entraîner un contentieux important ; il sera en effet difficile d'apprécier, pour l'autorité administrative, la date à laquelle chaque demandeur a été « en mesure [de solliciter l'asile] après son entrée en France ».

Aussi, afin d'éviter toute contestation sur l'appréciation par l'OFII du moment où le demandeur était en mesure de déposer sa demande, et afin de garantir l'application effective de cette disposition, votre commission des finances a adopté un amendement visant à fixer un délai de deux mois après l'entrée sur le territoire français . À titre de comparaison, comme le rappelle le rapport d'inspection précité, les demandeurs d'asile souhaitant déposer une demande au Royaume-Uni doivent respecter un délai de 21 jours seulement après leur entrée sur le territoire britannique.

• Votre rapporteur spécial vous propose également d'adopter un amendement visant à ajouter à la liste des motifs de limitation ou de suspension des conditions matérielles d'accueil le manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ou le comportement violent du demandeur . Cette possibilité, qui permet de responsabiliser les demandeurs hébergés dans des centres et de prévoir une sanction dissuasive à ce type de comportements, est prévue par l'article 20 de la directive européenne « accueil ».

L'amendement propose, par cohérence, de prévoir que les lieux d'hébergement ont l'obligation de transmettre à l'OFII tout incident ou comportement violent. Il prévoit également de suspendre les conditions matérielles d'accueil si le demandeur d'asile a été reconnu coupable d'un crime ou d'un délit.

• Le présent article prévoit que, lorsque la suspension des conditions matérielles d'accueil a été décidée par l'OFII en raison d'un abandon du lieu d'hébergement ou d'une absence de réponse aux convocations des autorités, l'OFII « statue sur le rétablissement éventuel du bénéfice des conditions matérielles lorsque le demandeur d'asile est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes ».

À cet égard, votre commission des finances a adopté un amendement qui vise à procéder à deux modifications.

Tout d'abord, elle vous propose de supprimer la possibilité de rétablir les conditions matérielles lorsque le demandeur d'asile « est retrouvé », cette mention étant à la fois imprécise et injustifiée , s'il s'agit d'un demandeur en fuite qui serait par exemple retrouvé à l'occasion d'un contrôle de police.

Par ailleurs, l'amendement adopté par votre commission des finances a pour dernier objet d'exiger de l'autorité administrative une décision motivée avant tout rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Il s'agit d'éviter que le rétablissement des conditions matérielles d'accueil soit automatique et de faire en sorte qu'il soit justifié par la bonne foi et la situation réelle du demandeur d'asile.


* 13 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 14 À cet égard, votre rapporteur pour avis avait déposé un amendement en ce sens au projet de loi de finances rectificative précédemment mentionné, qui n'avait pas pu être débattu en séance publique compte tenu du rejet de la première partie de la loi de finances.

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