D. ASSURER, EN MATIÈRE DE RECONNAISSANCE, L'ÉGALITÉ ENTRE TOUTES LES GÉNÉRATIONS DU FEU

L'évolution de l'organisation des armées françaises et de leurs engagements à l'étranger , qui a débuté à partir de la fin des années 1970 et s'est amplifiée après la fin de la guerre froide, a transformé la notion même d'ancien combattant. Jusqu'à la guerre d'Algérie, ce sont des classes entières d'appelés qui ont participé à des conflits de masse , mobilisant plus d'un million d'hommes et créant au sein de générations entières de Français une mémoire partagée ainsi qu'un sentiment d'appartenance à une communauté marquée des expériences similaires. Aujourd'hui, la professionnalisation des armées fait intervenir en Opex , dans un cadre bilatéral ou multilatéral, des militaires professionnels en nombre plus réduit, les contingents ne dépassant pas, en comptant les relèves, quelques dizaines de milliers de femmes et d'hommes qui peuvent d'ailleurs, tout au long de leur carrière, faire plusieurs Opex. Davantage que les opérations auxquelles ils ont participé, c'est l' unité au sein de laquelle ils ont servi qui constitue le point de rattachement de ces nouvelles générations d'anciens combattants .

La reconnaissance de la Nation envers cette quatrième génération du feu a été longtemps hésitante , progressive , voire même tardive . Alors que les premières Opex, au Tchad, en République centrafricaine ou au Liban, ont débuté à la fin des années 1970 et que plusieurs centaines de soldats français sont morts pour la France sur ces théâtres durant les années 1980, notamment au cours de l'attentat du Drakkar à Beyrouth le 23 octobre 1983 52 ( * ) , ce n'est que depuis 1993 que les anciens participants aux Opex peuvent obtenir la carte du combattant . La loi du 4 janvier 1993 53 ( * ) a en effet étendu ce titre aux militaires ayant participé à des conflits armés ou à des opérations conduites en application des engagements internationaux de la France, dès lors qu'ils satisfaisaient à l'une de ces six conditions alternatives 54 ( * ) :

- avoir appartenu pendant trois mois à une unité combattante ;

- avoir appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;

- avoir pris part à cinq actions de feu ou de combat ;

- avoir été évacué pour une blessure contractée en service au sein d'une unité combattante ;

- avoir été évacué pour une blessure de guerre ;

- avoir été détenu par l'adversaire pendant au moins quatre-vingt-dix jours.

Ces critères , initialement élaborés pour les deux guerres mondiales et modifiés pour tenir compte des circonstances particulières de la guerre d'Algérie, se sont rapidement révélés inadaptés à la réalité des Opex . Le législateur a tiré, pour la guerre d'Algérie, les conséquences des limites de ce cadre, qui repose notamment sur l'examen des journaux des marches et opérations (JMO) des unités, en lui substituant un critère unique fondé sur la durée de présence en Afrique du Nord. Initialement fixée à dix-huit mois par la loi de finances pour 1998 55 ( * ) , elle fut abaissée à quinze mois 56 ( * ) , puis douze mois 57 ( * ) avant d'être établie à quatre mois 58 ( * ) à compter du 1 er juillet 2004.

Les anciens des Opex ne bénéficièrent pas de cette mesure . En conséquence, seulement 41 440 cartes du combattant leur ont été attribuées entre 1993 et 2010. Cette même année, un arrêté 59 ( * ) est venu préciser la définition des actions de feu ou de combat requises pour recevoir la carte, afin d'y intégrer celles communément rencontrées en Opex, comme le contrôle de foule, le rétablissement de l'ordre, le contrôle de zone ou le déminage.

Ce premier assouplissement , s'il marque une prise de conscience de la nécessité d'améliorer la reconnaissance des anciens des Opex, n'a toutefois pas levé tous les obstacles existant en la matière, conditionnant toujours l'attribution de la carte à un examen approfondi, par le service historique de la défense (SHD), de l'activité de l'unité à laquelle le demandeur était rattaché au cours de la période concernée. Plusieurs initiatives parlementaires, notamment au Sénat 60 ( * ) , ont cherché sans succès à obtenir l'alignement des critères d'attribution de la carte du combattant en faveur des anciens des Opex sur ceux en vigueur pour la guerre d'Algérie.

C'est finalement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 61 ( * ) , à l'initiative du Gouvernement, que cette mesure a été adoptée, pour une mise en oeuvre à compter du 1 er octobre 2015. L'égalité devant la reconnaissance de la Nation entre les différentes générations du feu a enfin été atteinte .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, 92 164 cartes du combattant ont été délivrées au titre des Opex entre 2010 et le 1 er juillet 2016. Les principaux théâtres d'opération concernés sont, par ordre décroissant, l'ex-Yougoslavie (28 473), l'Afghanistan (21 733), le Tchad (10 748) et le Liban (7 656 toutes opérations confondues).

Parmi celles-ci, 29 600 l'ont été au titre des quatre mois de présence en Opex, dont 13 524 dès la fin de l'année 2015 et la différence en 2016. Sur la base d'une estimation de 150 000 bénéficiaires potentiels , environ 130 000 cartes seraient encore à attribuer et devraient l'être au cours des trois prochaines années. Au total, 133 604 cartes du combattant ont été attribuées au titre des Opex depuis 1993, chiffre à comparer aux 912 916 retraites du combattant versées à des anciens combattants d'Algérie au 31 décembre 2015.

Les effectifs de la quatrième génération du feu n'atteindront jamais ceux de celles qui l'ont précédée , et le coût des mesures associées à cette reconnaissance devrait rester pendant encore plusieurs décennies très limité. Ainsi, sur les 13 524 cartes du combattant attribuées en application du nouveau critère de présence en 2015, seulement 1 700 (12,6 %) l'ont été à des personnes d'au moins 65 ans , c'est-à-dire éligibles à la retraite du combattant. Pour 2016 et 2017, l'Onac estime qu'il pourrait y en avoir respectivement 2 000 et 1 500 . Dans le même temps, les projections font état d'une diminution du nombre de titulaires de la retraite du combattant de 49 890 entre 2015 et 2016 et de 50 900 entre 2016 et 2017. Enfin, sur les 133 604 titulaires de la carte Opex depuis 1993, seulement 2 333 , soit 1,75 %, sont âgés d'au moins 74 ans et bénéficient donc d'une demi-part fiscale.


* 52 58 parachutistes français tués.

* 53 Loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant.

* 54 Définies à l'article R. 224 du CPMIVG.

* 55 Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, art. 108.

* 56 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, art. 123.

* 57 Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, art. 120.

* 58 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, art. 123.

* 59 Arrêté N° 80066/DEF/DAJ/D2P/EGL du 10 décembre 2010 fixant la liste des actions de feu ou de combat définies à l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

* 60 Proposition de loi n° 669 (2011-2012) visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1 er juillet 1964 ou en opérations extérieures, rejetée par le Sénat le 19 novembre 2013 ; cf. supra.

* 61 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, art. 87.

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