II. L'INSTITUTION JUDICIAIRE EN OUTRE-MER : UN SERVICE RÉGALIEN, DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES

L'organisation de la justice est une compétence régalienne qui relève de l'État dans l'ensemble des collectivités ultramarines. À ce titre, les articles 73 et 74 de la Constitution interdisent d'en transférer ou d'en déléguer, même partiellement, la compétence à une collectivité territoriale située outre-mer.

L'examen des moyens consacrés à la justice outre-mer conduit à constater, à titre liminaire, que l'institution judiciaire est confrontée aux mêmes problématiques qu'en métropole. Ainsi, les insuffisances budgétaires conduisent à des retards de paiement dans les frais de justice qui altèrent la crédibilité de l'institution. Elle fait cependant face à des difficultés spécifiques qui tiennent aux caractéristiques propres de ces collectivités que ces difficultés soient singulières ou partagées par plusieurs d'entre elles. Sur ce point, votre rapporteur pour avis fait sienne l'affirmation du Conseil supérieur de la magistrature dans son rapport d'activité pour l'année 2015 : « Si la gestion de certains territoires en métropole peut à certains égards soulever les mêmes questions que les juridictions d'outre-mer, il demeure des spécificités géographiques humaines et physiques, mais aussi culturelles, propres à l'outre-mer. Pour autant, [...] l'outre-mer ne présente pas davantage d'unité au plan des problématiques judiciaires ».

A. L'ÉVOLUTION CONSTANTE DE L'ORGANISATION ET DE LA CARTE JUDICIAIRES

En application de l'article L. 411-1 du code de l'organisation judiciaire, « il y a, pour toute la République, une Cour de cassation », ce qui emporte sa compétence pour les pourvois formés contre les décisions des juridictions judiciaires situées outre-mer. Cependant, pour les deux autres degrés de juridiction, l'organisation judiciaire connaît des adaptations locales, particulièrement marquées pour celles du premier degré.

De manière générale, il existe deux modèles : l'un applicable aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution - les départements et régions d'outre-mer - avec une organisation proche de celle de la métropole et l'autre propre aux collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution auxquelles il convient de rattacher la Nouvelle-Calédonie où il existe un tribunal de première instance aux compétences étendues.

Enfin, les Terres australes et antarctiques françaises sont rattachées, de manière générale, aux juridictions ayant leur siège à Saint-Denis de La Réunion en application de l'article R. 541-1 du code de l'organisation judiciaire.

1. Une organisation atypique et différenciée des juridictions de premier degré

Les juridictions de premier degré ayant leur siège outre-mer présentent plusieurs spécificités, au demeurant variables selon les collectivités.

a) Les juridictions pénales relevant essentiellement du droit commun

Les juridictions pénales statuant outre-mer sont pour l'essentiel identiques à leurs homologues métropolitaines. À Saint-Pierre-et-Miquelon cependant, le jugement des affaires criminelles relève toujours d'un tribunal criminel qui se réunit sous l'autorité du président du tribunal supérieur d'appel, assisté de ses deux assesseurs et du jury composé, en premier ressort, de quatre jurés, et en appel de six jurés.

Les spécificités d'organisation juridictionnelle en matière pénale ont été réduites à Mayotte. À la suite de la départementalisation de Mayotte, une cour d'assises et une cour d'assises des mineurs ont remplacé, en 2011, respectivement la cour criminelle et la cour criminelle des mineurs. De même, un pôle de l'instruction et un tribunal de l'application des peines ont été créés à Mamoudzou.

Ce rapprochement vers le droit commun n'a cependant pas mis fin à des particularités procédurales sur lesquelles le Conseil constitutionnel exerce son contrôle. Ainsi, par sa décision du 3 juin 2016 2 ( * ) , il a censuré partiellement les règles applicables à la composition des jurys des cours d'assises à Mayotte en veillant au respect du principe d'égalité devant la loi des justiciables. Sur le principe, il a admis, malgré la garantie pour les droits qu'elle constitue, que la procédure pénale puisse connaître des adaptations ponctuelles dans les collectivités ultramarines, au prix toutefois d'un examen approfondi de leur compatibilité avec le principe d'égalité. À cet égard, il a censuré des exclusions du droit commun, sans lien ou contradictoires avec la différence de situation à Mayotte avancée pour justifier la différence de traitement par la loi.

Sa décision ne ferme pas la possibilité pour le législateur de réinstaurer à Mayotte certaines mesures d'exclusion du droit commun en veillant néanmoins à mieux les fonder sur la différence de situation qui les justifierait. Le commentaire aux cahiers de la décision précitée relève ainsi : « On ne peut exclure que le législateur ne souhaite pas maintenir une situation dans laquelle la cour d'assises de premier ressort et la cour d'assises d'appel comprendraient le même nombre d'assesseurs-jurés, ou bien encore qu'il souhaite exclure certaines règles d'incompatibilité ou d'incapacité qui seraient par trop inadéquates à la situation de l'île. »

Les règles spécifiques aux cours d'assises à Mayotte
à la suite de la décision du 3 juin 2016 du Conseil constitutionnel

Le titre II du livre VI du code de procédure pénale fixe des règles spéciales à Mayotte. Plus particulièrement, les articles 877, 885 et 886 du même code dérogeaient à plusieurs règles procédurales pour les cours d'assises mahoraires, en première instance comme en appel.

Saisie par une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement ces adaptations au droit commun par sa décision du 3 juin 2016, au regard des ruptures au principe d'égalité.

Préalablement, le juge constitutionnel a indiqué expressément que, même en matière de procédure pénale, les caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer - ici, le fait qu'une proportion importante de la population mahoraise ne remplit pas les conditions d'âge, de nationalité et de connaissance de la langue et de l'écriture françaises exigées pour exercer les fonctions d'assesseur-juré - pouvaient justifier des adaptations aux lois et règlements applicables sur le reste du territoire national.

Le Conseil constitutionnel a ainsi validé le fait que les jurés soient, à Mayotte, sélectionnés par tirage au sort non à partir des listes électorales mais d'une liste restreinte de citoyens établie par le préfet et le président du tribunal de grande instance, à partir de propositions du procureur de la République ou des maires. De même, il a admis que le nombre des jurés soit réduit par rapport aux mêmes juridictions sur l'ensemble du territoire national.

À l'inverse, le Conseil constitutionnel a censuré l'exclusion à Mayotte des règles de droit commun qui n'avaient pas de lien avec la différence de situation qui pouvait justifier la différence de traitement. Il en a ainsi été d'exclusions en matière d'incapacité, d'incompatibilité et de récusation des jurés qui lui ont paru excessivement générales, même si, dans le détail, certaines pouvaient être justifiées. Il a suivi le même raisonnement pour censurer partiellement les règles relatives au nombre de jurés et de majorité applicables à la cour d'assises de Mayotte. La combinaison de ces règles aboutissait à ce qu'en première instance, la majorité requise, compte tenu du nombre de jurés, soit plus dure à réunir pour prononcer une condamnation. Ainsi, à la suite de la décision rendue le 3 juin dernier, la composition et la majorité requise sont identiques, pour la cour d'assises, en première instance comme en appel : trois magistrats et six jurés siègent et statuent à la majorité des deux tiers, soit six membres, comme pour le reste du territoire national. Ainsi, la dérogation mahoraise ne porte que sur la composition et la majorité requise pour la cour d'assises statuant en appel.

Enfin, le Conseil constitutionnel a censuré l'exclusion de l'incrimination frappant un juré qui ne comparaît pas ou se retire avant l'expiration de ses fonctions, qui était paradoxale au regard de la situation particulière de Mayotte qui aurait plutôt plaidé en faveur de l'application de cette incrimination dès lors que le « vivier » de jurés est encore plus réduit qu'ailleurs.

La censure constitutionnelle a conduit à l'application immédiate à Mayotte de plusieurs règles issues du droit commun, suscitant des difficultés d'application. Les chefs de cour de Saint-Denis de La Réunion ont souligné à votre rapporteur pour avis que les nouvelles restrictions à la composition du jury, complétées par la nouvelle possibilité de récusation des jurés, présentent « un risque majeur de blocage des sessions à venir ». Ils concluaient qu'« une prise en compte législative qui présenterait un évident caractère d'urgence apparaît de nature à remédier à la difficulté et à éviter la paralysie de la Cour d'assises ».

Votre rapporteur pour avis relève que les dispositions du titre III du livre VI du code de procédure pénale applicables aux juridictions pénales à Saint-Pierre-et-Miquelon sont susceptibles, notamment s'agissant des règles de majorité, de soulever des difficultés constitutionnelles similaires qui devraient également appeler une intervention du législateur.

b) Des juridictions civiles de proximité
(1) Deux modèles de juridictions civiles

Les cinq collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution
- départements et régions d'outre-mer - disposent d'un tribunal de grande instance sur le modèle de la métropole, avec au moins une juridiction par collectivité.

Par extension, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui, avant leur création en 2007, relevaient du département de la Guadeloupe sont encore incluses dans le ressort du tribunal de grande instance de Basse-Terre.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à fusionner les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l'incapacité afin de les intégrer dans un pôle social du tribunal de grande instance. Au cours des débats parlementaires, le Gouvernement n'a pas envisagé de faire exception pour les juridictions ultramarines. Ainsi, ces deux juridictions, dont la mise en place à Mayotte était prévue par l'article 10 de l'ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l'organisation judiciaire dans le Département de Mayotte, ne devraient pas voir le jour.

Les autres collectivités ultramarines (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna) connaissent, pour des raisons historiques, une juridiction généraliste : le tribunal de première instance.

Outre ses attributions pénales, le tribunal de première instance exerce les compétences qui sont dévolues en métropole au tribunal d'instance, au juge de proximité et au tribunal de grande instance. À Saint-Pierre-et-Miquelon, il statue même en matière commerciale et pour les litiges relatifs aux contrats de travail, faute de juridictions spécialisées. Cette organisation suppose une grande polyvalence, particulièrement lorsque les décisions sont prises, comme en matière civile et commerciale dans ces collectivités, à juge unique.

En Polynésie française, il est prévu d'instaurer un tribunal foncier compétent pour les litiges civils en matière foncière. Cette formation particulière, émanation du tribunal de première instance, a été instaurée dès 2004 mais n'a vu sa composition et ses règles d'organisation et de fonctionnement fixées qu'en 2016. Faute de la parution du décret d'application, son installation n'a pas encore lieu et achoppe sur la présence d'un commissaire de gouvernement de la Polynésie française qui soulève des difficultés constitutionnelles.

La création du tribunal foncier de la Polynésie française

L'article 17 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française a instauré « à Papeete un tribunal foncier compétent pour les litiges relatifs aux actions réelles immobilières et aux actions relatives à l'indivision ou au partage portant sur des droits réels immobiliers ». Les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement du tribunal foncier ainsi qu'au statut des assesseurs ont été renvoyées à une ordonnance pour laquelle le Gouvernement a été habilité mais qui n'a jamais été publiée.

L'article 23 de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation du droit des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a pourvu à ces règles. L'article L. 552-9-1 du code de l'organisation judiciaire institue un tribunal foncier qui est une formation du tribunal de première instance. Il est présidé par un magistrat et comprend deux assesseurs. Ces assesseurs titulaires et suppléants sont choisis, pour une durée de trois ans renouvelable, parmi les personnes de nationalité française, âgées de plus de vingt-trois ans, jouissant des droits civiques, civils et de famille et présentant des garanties de compétence et d'impartialité.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur pour avis que ce tribunal disposera de locaux propres après des travaux dont le démarrage est prévu au dernier trimestre 2016. Son installation effective est également conditionnée à la publication d'un décret d'application. En outre, un groupe de travail dont la présidence a été confiée à M. Jean-Paul Pastorel, professeur de droit public en Polynésie française, a démarré ses travaux, notamment sur les conditions de désignation et les attributions du commissaire du gouvernement près le tribunal foncier.

Le tribunal intègre effectivement un commissaire du gouvernement de la Polynésie française, censé faire bénéficier la juridiction de son expertise en matière foncière. Lors de l'examen en nouvelle lecture de cette disposition, votre rapporteur pour avis, alors rapporteur de ce texte, avait déjà fait part de ses réserves à l'égard de cette singularité. D'une part, son rôle paraît concurrent avec celui des assesseurs. D'autre part, sa présence, pour des litiges d'ordre privé, n'est pas sans poser des questions au regard du droit à procès équitable. Enfin, il ne disposerait pas du statut de magistrat, ni d'autres garanties pour assurer son impartialité et son indépendance, ce qui pourrait constituer une « incompétence négative » du législateur au regard de la protection constitutionnelle du droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

Cette unification des contentieux civils, commerciaux ou sociaux n'est pas sans rappeler les réflexions qui ont eu lieu à l'occasion de la préparation et de l'examen de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle, sur la fusion en métropole des juridictions spécialisées de première instance au profit d'une juridiction unique disposant de plusieurs formations internes spécialisées.

Toutefois, l'exemple ultramarin est malheureusement peu sollicité pour apprécier la pertinence des projets de réforme régulièrement avancés sur ce sujet. Il est assez significatif qu'alors que notre collègue Yves Détraigne et notre ancienne collègue Virginie Klès avaient signalé cette particularité dans leur rapport d'information d'octobre 2013 sur la justice de première instance 3 ( * ) , l'étude d'impact du projet de loi précité n'y fasse, à aucun moment, référence pour retirer quelque enseignement, si ce n'est pour s'enquérir de l'application outre-mer de ce texte.

(2) Des organisations dictées par le besoin de proximité

L'organisation des juridictions civiles - tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance - a été adaptée au regard des contraintes géographiques de plusieurs collectivités ultramarines.

Par exemple, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin relèvent du ressort du tribunal de grande instance de Basse-Terre en Guadeloupe, distant respectivement de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de 230 et 250 kilomètres et dont elle est séparée par plusieurs îles étrangères (Montserrat, Antigua et Barbuda, Saint Kitts, Nevis, Saint-Eustache). Toutefois, cette situation de double insularité est compensée partiellement par le fait que chacune de ces deux collectivités dispose sur son territoire d'un tribunal d'instance. Lors de son déplacement aux Antilles en mai 2015, le Président de la République a annoncé la création d'une chambre détachée à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

En Guyane, territoire de 83 846 kilomètres carrés, représentant 15 % de la superficie de la France métropolitaine, le tribunal de grande instance de Cayenne compte désormais une chambre détachée à Saint-Laurent du Maroni. Créée par décret du 24 juillet 2013, la chambre détachée est installée depuis le 1 er septembre 2013. Au 1 er septembre 2016, un vice-président du tribunal de grande instance de Cayenne est chargé de la présider, un juge y est affecté. Les fonctions du parquet y sont assurées par délégation de l'un des vice-procureurs localisés à Cayenne.

En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, en raison de l'éloignement géographique de certains archipels, il existe des sections détachées du tribunal de première instance. Constituée d'un seul juge, la section assure la quasi-totalité des fonctions du tribunal de première instance. En outre, le juge peut tenir des audiences foraines, c'est-à-dire en dehors du palais de justice.

Les chambres détachées et les sections détachées ne forment pas une juridiction distincte du tribunal auxquelles elles se rattachent mais contribuent à rapprocher l'institution judiciaire des populations éloignées du siège du tribunal dans des proportions inconnues en métropole.

Suivant la même logique, dans les îles Wallis et Futuna, distantes entre elles de 240 kilomètres et reliées uniquement par une liaison aérienne, le tribunal de première instance peut tenir des audiences foraines en tout lieu de la collectivité pour les matières civiles et pénales, à l'exclusion des affaires criminelles.

Cette organisation déconcentrée a essaimé puisque le territoire métropolitain compte depuis 2014, à la suite de la réforme de la carte judiciaire, quatre chambres détachées de tribunal de grande instance à Dole, Guingamp, Marmande et Millau, afin de compenser la suppression de juridictions. Cependant, si elle sert de substitut fonctionnel à la juridiction à laquelle elle est rattachée, elle ne peut remplacer l'implantation sur place d'une juridiction de plein exercice. Votre rapporteur pour avis relève ainsi qu'en même temps que plusieurs raisons étaient avancées pour installer une cour d'appel à Cayenne en lieu et place d'une chambre détachée, une simple chambre détachée était installée à Mamoudzou plutôt qu'une cour d'appel. Mayotte est désormais la seule collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution qui ne constitue pas à elle seule le ressort d'une cour d'appel. Cette singularité est préjudiciable à la prise en compte des spécificités mahoraises dans l'approche juridictionnelle, ne serait-ce qu'à travers la définition de la politique pénale qui relève du parquet général.

c) Des juridictions spécialisées davantage échevinées

Les juridictions ultramarines spécialisées présentent une particularité relative à leur composition. En effet, à la différence des juridictions commerciales métropolitaines, elles comptent en leur sein un magistrat professionnel, le président du tribunal de grande instance, qui préside la formation de jugement.

Les tribunaux mixtes de commerce existent ainsi en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion ainsi que, depuis 2011, à Mayotte. Ils sont également présents en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

L'échevinage existe également pour les tribunaux du travail présents en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie 4 ( * ) . Le contentieux prud'homal est ainsi traité par une juridiction composée d'un magistrat professionnel et de deux assesseurs employeurs et de deux assesseurs salariés. Un tribunal du travail existe également à Mayotte où sa disparition au profit d'un conseil des prud'hommes, initialement prévu au plus tard le 31 décembre 2015, a été reportée, en raison de la réforme de la désignation des conseillers prud'homaux et du report conséquent du prochain renouvellement général des conseils des prud'hommes, au plus tard au 31 décembre 2017 5 ( * ) .

Si la création des juridictions de droit commun s'inscrit dans le processus de départementalisation, votre rapporteur pour avis ne peut manquer de relever que cette convergence vers le droit métropolitain aboutit à l'abandon de particularités juridictionnelles - l'échevinage au sein du tribunal du travail - auxquelles pourtant on prête des avantages. À cet égard, le report du délai de création du conseil des prud'hommes à Mayotte pourrait être l'occasion de réévaluer l'équilibre entre la « normalisation » des juridictions mahoraises, souhaitable dans son principe, et la prise en compte de spécificités locales et donc de particularités judiciaires, admises par la jurisprudence constitutionnelle.

2. Une organisation judiciaire plus classique en appel

L'organisation judiciaire des juridictions d'appel correspond à celle en vigueur en métropole, à la seule exception de Saint-Pierre-et-Miquelon. Certains contentieux spécialisés sont cependant, comme en métropole, affectés à des cours d'appel métropolitaines pour des affaires ayant eu lieu outre-mer.

Ainsi, six cours d'appel existent hors de la métropole :

- trois pour les collectivités ultramarines de l'océan Atlantique (Cayenne, Basse-Terre, Fort-de-France) ;

- une pour celles de l'océan Indien (Saint-Denis de La Réunion) ;

- deux pour celles de l'océan Pacifique (Nouméa et Papeete).

Chaque collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution dispose ainsi d'une cour d'appel sur son territoire, à l'exception de Mayotte.

La carte judiciaire des cours d'appel a connu des modifications, d'autant plus notables que l'organisation métropolitaine des cours d'appel en métropole n'a guère évolué.

Ainsi, la cour d'appel de Cayenne a été créée par le décret du 14 décembre 2011 et installée le 1 er janvier 2012. De même, en lieu et place d'un tribunal supérieur d'appel, une chambre détachée de la cour d'appel est en fonction, depuis le 1 er avril 2011, à Mayotte.

Pour les autres collectivités ultramarines, seules la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont le siège d'une cour d'appel. Les affaires jugées en première instance dans les îles Wallis et Futuna sont portées devant la cour d'appel de Nouméa. De même, les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin relèvent du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France.

Enfin, l'archipel Saint-Pierre-et-Miquelon se démarque avec une juridiction ad hoc . Le tribunal supérieur d'appel y exerce les attributions d'une cour d'appel avec une composition spécifique : il compte un magistrat comme président mais des assesseurs citoyens. En outre, le ministère public est assuré par le même magistrat que celui de la juridiction de premier degré.


* 2 Conseil constitutionnel, 3 juin 2016, n° 2016-544 QPC

* 3 Rapport d'information n° 54 (2013-2014) de Mme Virginie Klès et M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois, Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance , déposé le 9 octobre 2013. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-054-notice.html

* 4 Le tribunal du travail de Nouméa est compétent pour les îles Wallis et Futuna.

* 5 Sur le plan réglementaire, le report de la création du tribunal du travail et l'absence de création d'un tribunal des affaires sociales et d'un tribunal du contentieux de l'incapacité a été acté par le décret n° 2016-1398 du 18 octobre 2016 modifiant le décret n° 2011-338 du 29 mars 2011 portant modification de l'organisation judiciaire dans le Département de Mayotte.

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