K. WALLIS ET FUTUNA : UN STATU QUO INSTITUTIONNEL ANCIEN

Le « territoire des îles Wallis-et-Futuna » est une collectivité d'outre-mer dotée d'une organisation atypique, définie par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, qui intègre les structures coutumières au sein des institutions républicaines. L'État y est représenté par un administrateur supérieur qui exerce également les fonctions de chef de territoire et dont les prérogatives sont définies aux articles 8 et 9 de la loi du 29 juillet 1961 précitée.

Le chef de territoire préside également un conseil territorial qui l'assiste pour l'administration du territoire, et notamment pour l'examen de tous les projets de délibération qui doivent être soumis à l'assemblée territoriale. Ce conseil territorial est composé de l'administrateur supérieur, des trois chefs traditionnels (rois) et de trois personnalités nommées par l'administrateur supérieur après avis de l'assemblée territoriale.

L' assemblée territoriale est, quant à elle, composée de vingt membres élus pour cinq ans au scrutin de liste (sans panachage ou liste incomplète) à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Il existe cinq circonscriptions électorales (trois à Wallis, deux à Futuna).

Trois conseils de circonscription, un à Wallis (royaume d'Uvea), deux à Futuna (royaumes d'Alo et de Sigave) sont élus dans les conditions prévues par la coutume. Les conseils de circonscription délibèrent sur tous les projets préparés par le chef de circonscription (à Wallis) et le délégué de l'administrateur supérieur (à Futuna), représentants directs de l'administrateur supérieur, notamment sur le budget de la circonscription.

L'institution communale n'existe pas à Wallis-et-Futuna. Les circonscriptions territoriales assument les compétences des communes, notamment en matière de tenue de l'état civil ou d'organisation des opérations électorales.

En 2012, le Président de la République M. François Hollande a souhaité « proposer aux élus et aux autorités traditionnelles de réfléchir à une modernisation du statut de l'archipel dont la décision appartiendra à la population qui sera accompagnée et informée ».

Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le régime constitutionnel de Wallis-et-Futuna a été modifié : le territoie - dont l'appellation officielle demeure « territoire des îles Wallis et Futuna » - est devenu une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution et soumise au principe de spécialité législative.

Bien qu'adopté en 1961, le statut de la collectivité se fonde sur des équilibres et des compétences issus de l'organisation des territoires d'outre-mer de la IV ème République. En raison de la modernisation de l'environnement économique et social, il devient de plus en plus difficile d'assurer la correspondance entre les anciennes désignations de compétences et les nouvelles.

Dans le respect du choix qui relève des populations concernées, une actualisation des dispositions statutaires apparaît donc souhaitable, dans le cadre du nouveau contexte constitutionnel, afin que Wallis-et-Futuna puisse bénéficier d'un statut moderne adapté aux évolutions juridiques, sociales, économiques et environnementales des collectivités territoriales.

Cependant, une telle réforme ne peut aboutir sans l'accord des autorités coutumières et la garantie de la préservation du rôle de la coutume, élément indispensable à un consensus. À cet égard, dans son discours prononcé le 22 février 2016 devant l'assemblée territoriale, le Président de la République a annoncé que si les autorités locales en formulaient la demande, l'État serait prêt à accepter une nouvelle étape vers la décentralisation. De même, l'État serait prêt à associer la collectivité à la représentation de la France dans le Pacifique. Toutefois, il a souligné qu'il appartenait aux autorités locales de choisir le bon équilibre entre les pouvoirs de la coutume et les pouvoirs des institutions politiques.

À défaut de demande formulée par les autorités locales, il peut néanmoins être envisagé une nécessaire clarification de la répartition des compétences entre l'État et la collectivité.

La collectivité connaît une instabilité coutumière depuis plusieurs années. L'ensemble des chefs traditionnels Hau et Sau (rois) de Wallis et de Futuna a été renouvelé en 2016 :

- le roi de Wallis ( Lavelua ), Patalione Aisake Kanimoa, depuis le 3 juin 2016 (17 avril 2016 15 ( * ) ) ;

- le roi du royaume futunien d'Alo ( Tuigaifo ), Filipo Katoa depuis le 15 mai 2016 ;

- et le roi du royaume futunien de Sigave ( Tuisigave ), Eufenio Takala, depuis le 5 mars 2016.

Le royaume d'Uvea, divisé en trois districts coutumiers (Hahake, Hihifo et Mu'a), connaît une crise coutumière depuis le début des années 2000 et l'apparition de deux camps opposés, les « conservateurs » et les « rénovateurs ».

Cette opposition conduira à la destitution du Lavelua Kapeliele Faupala en septembre 2014 et à une vacance du titre coutumier, jusqu'à ce que les familles de la noblesse ( aliki) pouvant prétendre au titre coutumier trouvent un consensus pour la désignation d'un successeur en avril 2016. Une délibération du conseil de la circonscription d'Uvea a ainsi pu constater la désignation de Patalione Aisake Kanimoa en qualité de chef traditionnel (Hau) du royaume d'Uvea.

Cependant, une autre délibération du conseil de la circonscription d'Uvea a, de manière concurrente, constater également l'intronisation de Tominiko Halagahu au titre de Lavelua .

Ne pouvant s'immiscer dans les affaires coutumières, l'État a, dans un premier temps, demandé aux parties concernées de régler le différend. Puis, en l'absence de règlement, le chef de territoire a été contraint, pour satisfaire à son obligation de publication des délibérations, de constater que l'une des délibérations avait été prise par des autorités incompétentes puisque destituées. Il a donc été procédé à la publication de la seule délibération valide, celle désignant Patalione Aisake Kanimoa.

Tominiko Halagahu qui a contesté ce constat, se positionne désormais avec les membres de sa chefferie comme une autorité coutumière concurrente qui n'a cependant pas accès aux institutions.

Cette situation illustre l'instabilité coutumière qui tend à fragiliser l'autorité de la coutume à Wallis, mais également à Futuna.


* 15 Date du constat par les autorités coutumières.

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