II. UNE NOUVELLE REPRISE DE LA DETTE SOCIALE PAR LA CADES QUI POURRAIT S'AVÉRER INSUFFISANTE

Compte-tenu de l'ampleur des déficits des comptes sociaux enregistrés en 2020 et de ceux à venir, la question de la gestion de la dette sociale par la Cades est de nouveau posée.

Créée en 1996, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a pour principale mission le remboursement de la dette sociale - pour l'essentiel constituée des déficits sociaux cumulés -, via l'émission d'emprunts sur les marchés internationaux. Ces emprunts sont garantis par l'affectation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et d'une partie de la CSG (0,6 point). La Cades perçoit également une partie des prélèvements sociaux opérés sur les revenus du capital et une contribution versée par le Fonds de réserve des retraites.

Principales recettes de la CADES depuis 2017 20 ( * )

(en milliards d'euros)

2017

2018

2019

CRDS

7,17

7,35

7,60

CSG

7,94

8,13

8,58

Fonds de réserve des retraites

2,10

2,10

2,10

Source : commission des finances du Sénat d'après le compte de résultat de la Cades 2019

Avant la crise de la Covid-19, la Cour des comptes a jugé à plusieurs reprises plausible l'hypothèse d'une extinction de la dette portée par la Cades en 2024, telle que définie dans la LFSS 2013. Le montant total de la dette transférée à la CADES s'élevait, depuis sa création, à 260,5 milliards d'euros. 155,1 milliards d'euros ont d'ores et déjà été amortis, soit près de 60 % de l'encours total. Il restait, fin 2019, 89,3 milliards d'euros de dette à amortir. Après avoir amorti 15,4 milliards d'euros de dette en 2018 et 16 milliards d'euros en 2019, la Cades prévoyait, aux termes de la LFSS 2020, un apurement de l'ordre de 16,7 milliards d'euros en 2020. Au final, 190 milliards d'euros devaient avoir ainsi été remboursés d'ici à la fin de l'exercice 2020.

Évolution de la dette reprise par la Cades 1996-2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après Les chiffres clés de la Cades

A. LA CADES VA DEVOIR GÉRER 136 MILLIARDS D'EUROS DE DETTE SOCIALE SUPPLÉMENTAIRE

1. Une dette composite

La crise de la Covid-19 a remis en cause les perspectives d'amortissement de la dette sociale. La baisse des recettes de CSG et de CRDS affectées à la Cades a, en effet, conduit à réviser la cible d'amortissement, ramenée à 15,9 milliards d'euros. La loi organique et la loi du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l'autonomie ont, par ailleurs, prévu le transfert à la Cades de 136 milliards d'euros de dette sociale d'ici à 2023.

Ce montant se décompose de la façon suivante :

31 milliards d'euros, soit le montant des déficits cumulés non repris au 31 décembre 2019 de la branche maladie du régime général (16,2 milliards d'euros), du Fonds de solidarité vieillesse (9,9 milliards d'euros), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles (3,6 milliards d'euros) et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - CNRACL (1,2 milliard d'euros) ;

92 milliards d'euros , soit les déficits prévisionnels cumulés non repris de la branche maladie du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles pour les exercices 2020 à 2023 21 ( * ) ;

•  13 milliards d'euros, soit un tiers de la dette des établissements publics de santé au 31 décembre 2019 .

20 milliards d'euros ont d'ores et déjà été repris au titre des déficits antérieurs à 2020 : 16,4 milliards d'euros au titre de la branche maladie et du FSV et 3,6 milliards d'euros au titre des déficits de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles 22 ( * ) .

Évolution de la dette reprise par la CADES 2019 - 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

L'article 22 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale assigne à la Cades un objectif d'amortissement de la dette sociale de 17,1 milliards d'euros pour l'année 2021.

2. La question de la dette des hôpitaux

La loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie 23 ( * ) et la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale prévoient une reprise, par l'assurance-maladie, d'un tiers de la dette des établissements hospitaliers. Elle viserait l'encours actuel (30,1 milliards d'euros fin 2019) et les frais financiers annuels (8,6 milliards d'euros en 2019) et s'élèverait, en conséquence à environ 13 milliards d'euros. Les modalités de cette reprise sont précisées dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La dette des hôpitaux publics

Six hôpitaux publics sur dix étaient en déficit fin 2017, le déficit cumulé des établissements déficitaires atteignant 1,1 milliard d'euros (725 millions d'euros en 2016) 24 ( * ) . L'essentiel de ce déficit reste concentré sur un petit nombre d'établissements, la moitié du déficit cumulé étant imputable à une quarantaine d'établissements en 2017.

Dans ces conditions, la dette des hôpitaux publics a atteint 30,2 milliards d'euros en 2019 (contre 24,1 milliards d'euros en 2010), soit un taux d'endettement d'environ 52 % (47,4 % en 2010) 25 ( * ) . D'après la Cour des comptes, 90 % des encours relevaient en 2016 de la catégorie la moins risquée d'emprunt (catégorie A1) 26 ( * ) .

L'endettement hospitalier consiste essentiellement en des emprunts bancaires (25,7 milliards d'euros en 2016). Les emprunts obligataires (2,4 milliards d'euros en 2016) et les encours liés à des partenariats public/privé - PPP (1,2 milliard d'euros en 2016) sont marginaux.

Cette situation n'est pas sans incidence sur les investissements. Ceux-ci représentaient 4 milliards d'euros en 2017. L'effort d'investissement, soit le ratio des dépenses d'investissement rapportées aux recettes, a reculé pour la huitième année consécutive, s'établissant à 5,7 % fin 2017, contre 5,9 % l'année précédente et 11 % en 2010.

Source : commission des finances du Sénat

L'article 27 du présent projet de loi de financement prévoit ainsi que la Caisse nationale d'assurance-maladie procède annuellement, entre 2021 et 2034, à des versements au profit des établissements de santé concernés visant la reprise des échéances des emprunts contractés au 31 décembre 2019. Ces versements seraient financés par la Caisse d'amortissement de la dette sociale. La Cades emprunterait, à cet effet, sur les marchés financiers.

La reprise serait conditionnée à la signature, avant le 31 décembre 2021, par les établissements concernés, d'un contrat d'une durée maximale de dix ans avec l'agence régionale de santé dont ils dépendent. Ces contrats devront préciser les engagements pris par les établissements en matière d'investissement, de transformation et d'assainissement de la situation financière.

Comme l'a relevé la commission des finances à l'occasion de l'examen du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire, il y a lieu de s'interroger sur l'assimilation de dettes liées à des dépenses d'investissement à de la dette sociale. L'essentiel de la dette hospitalière est, en effet, liée à des investissements immobiliers et ne relève pas, a priori , de dépenses d'assurance-maladie.

La rédaction de l'article 27, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale après examen d'un amendement du Gouvernement, créée par ailleurs les conditions d'un cercle vicieux. Aux termes des deux lois du 7 août 2020, l'intervention de la Cades était en priorité dédiée au désendettement des hôpitaux. La rédaction de l'article 27 tend à orienter davantage cette intervention vers le soutien à l'investissement et à la transformation de l'offre en redonnant aux établissements les marges financières nécessaires par le versement d'aides en capital destinées à financer tant les projets structurants que l'investissement du quotidien. La Cades va donc, dans ces conditions, financer l'investissement des établissements de santé et, potentiellement, un nouvel endettement alors qu'un tel plan d'investissement devrait être supporté par le budget de l'État. Afin d'éviter une telle perspective, le rapporteur pour avis propose un amendement supprimant cet article (n° 93).


* 20 Recettes nettes des frais de recouvrement.

* 21 Si le montant des déficits cumulés 2020-2023 excède 92 milliards d'euros, les transferts sont affectés par priorité à la couverture de la dette ou des déficits les plus anciens et, en 2023, par ordre de priorité à la branche maladie du régime général, au FSV puis au régime des non salariés agricoles.

* 22 Décret n° 2020-1074 du 19 août 2020 relatif au transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale des déficits du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à effectuer en 2020.

* 23 Loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

* 24 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), Les établissements de santé - édition 2019.

* 25 Le taux d'endettement reflète la part des dettes au sein des ressources stables (constituées des capitaux propres et des dettes financières).

* 26 Cour des comptes, La dette des hôpitaux: des améliorations fragiles, une vigilance à maintenir, février 2018.

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