B. UN MANDAT PROLONGÉ JUSQU'EN 2033 MAIS AVEC DES MOYENS RÉDUITS

1. Des ressources réduites à partir de 2024

Afin de faire face à cette explosion de la dette sociale, la loi organique prévoit un report de la date d'extinction de la Cades du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2033.

L'étude d'impact présentée par le Gouvernement à l'occasion du débat législatif insistait ainsi sur le fait que le prolongement de la Cades au-delà de 2025 impliquait de maintenir l'ensemble des ressources qui lui sont actuellement affectées. Dans ces conditions, la prolongation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) devrait accompagner la prorogation du mandat de la CADES. Il en va également de même pour l'affectation d'une partie de la CSG.

L'étude d'impact présentée lors de l'adoption des projets de lois organique et ordinaire tablait sur un montant de recettes de 256 milliards d'euros pour la période 2020-2033.

Reste que la loi du 7 août 2020 prévoit de réaffecter à la CNSA une partie de la fraction de CSG actuellement versée à la Cades. À compter du 1 er janvier 2024, date à laquelle seront amorties les dettes reprises par la Cades entre 1996 et 2018, cette fraction serait réduite à 0,45 point de CSG, soit 2,3 milliards d'euros.

Afin de pérenniser le prolongement de sa durée de vie, l'article 2 de la loi ordinaire proroge, au-delà de 2024, le versement, par le Fonds de réserve des retraites, de sa contribution annuelle de 2,1 milliards d'euros à la Cades. Les réserves du FRR étant cependant insuffisantes pour maintenir le montant de ce versement jusqu'en 2033, la contribution annuelle sera ramenée à 1,45 milliard d'euros à partir de 2025.

Ressources de la Cades 2020-2033

(en milliards d'euros)

Nature

Montant

CSG (2020-2024)

34

CSG (2025-2033)

78

CRDS (2020-2033)

121

FRR (2020-2024)

11

FRR (2025-2033)

13

Total

256

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'étude d'impact du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Au total, en 2025, les ressources de la Cades seront donc amputées de 3 milliards d'euros, soit 16 % de ses recettes actuelles.

Plus généralement, s'agissant de l'évolution des ressources affectées à la Cades sur la période 2020-2033, les hypothèses macroéconomiques retenues pour définir la trajectoire peuvent apparaitre irréalistes. Le Gouvernement retenait, en effet, dans son étude d'impact, l'hypothèse d'une progression des recettes de CSG et de CRDS de près de 2 % par an en moyenne sur 2020-2033. Le Conseil d'État a cependant exprimé des doutes sur cette option dans son avis sur les deux textes 27 ( * ) . Les hypothèses macro-économiques retenues lui apparaissent en effet « fragiles » dans un contexte incertain en raison des conséquences de la pandémie. Il est possible de partager ce constat au regard du ralentissement économique et de la contraction de la masse salariale induite par celui-ci.

L'évolution du résultat net de la Cades d'ici à 2023 présentée dans le présent projet de loi de financement confirme cette inquiétude quant à une fragilisation des ressources de la caisse. Le résultat net, soit le montant des ressources minoré des charges, devrait en effet chuter de 12,6 % entre 2019 et 2024, en raison d'une baisse de ses ressources et d'une majoration concomitante de ses charges financières ( cf infra ), conséquence logique de l'augmentation de l'encours de dette.

Dans ces conditions, l'hypothèse d'un amortissement de l'intégralité de la dette sociale reprise par la Cades à l'horizon 2035 et non plus 2033 peut apparaître envisageable 28 ( * ) .

Résultat net de la Cades entre 2018 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 8 au PLFSS 2021

Un rendement de 2 % des ressources de la Cades apparaît d'autant plus aléatoire que le scenario macro-économique retenu pour cette estimation dans l'étude d'impact tablait en 2020 sur une récession de 8 % et une contraction de la masse salariale de 7,5 %, chiffres réévalués à la hausse depuis.

Ainsi, compte-tenu du cycle économique, les ressources risquent de diminuer au moment même où la Cades verra son encours augmenter de façon conséquente.

2. Des charges financières appelées à augmenter

Il est également possible de s'interroger sur les conditions d'emprunt.

La dette portée par la Cades était gérée, jusqu'en 2017, par une équipe autonome de spécialistes en opérations de marché et en activités de post-marché, agissant sous la supervision du conseil d'administration et, notamment, de son président. Un décret du 9 mai 2017 a cependant conduit au rapprochement des activités financières de la Cades et de l'Agence France Trésor (AFT) 29 ( * ) . Maintenue en tant qu'entité indépendante garantissant l'effectivité du principe de cantonnement et d'amortissement de la dette sociale, la Cades conserve une gouvernance propre (président exécutif, conseil d'administration et comité de surveillance). Son équipe dédiée à la gestion des opérations financières est en revanche intégrée aux services de l'AFT, qui agit au nom et pour le compte de la Cades.

Reste que les structures des émissions de la Cades et de l'AFT sont différentes. La Cades emprunte en euros mais aussi en devises étrangères (dollars, yuan), à taux fixe comme à taux variable. Ses coûts d'emprunt sont d'ores et déjà supérieurs à ceux de l'État. La moyenne pour l'État en 2019 était de 0,11 % pour les OAT et - 0,58% pour les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF).

Ainsi, si la Cades emprunte aujourd'hui à des taux relativement bas, un renchérissement est observé depuis 2016 : son taux de financement s'établissait à 1,87 % au 31 août 2020 contre 1,61 % en 2016.

L'augmentation constatée du taux de financement, dans un contexte de politiques monétaires non conventionnelles très accommodantes, tenait jusque-là au fait que la Cades émettait beaucoup moins de dette qu'elle n'en remboursait et ne bénéficiait donc que peu des taux très bas actuels. L'étude d'impact du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie tablait sur une poursuite du renchérissement du coût de l'endettement, estimé à 2,25 % sur la période 2020-2033. La Cades confirme retenir des hypothèses de taux prudentes, intégrant une normalisation des taux à moyen terme.

La Cades ne devrait donc pas bénéficier de la baisse des taux constatée par ailleurs. Le Gouvernement table ainsi sur une baisse de la charge de la dette de l'État en 2021, qui s'élèverait à 30,4 milliards d'euros en 2021 contre 35,3 milliards d'euros en 2019. La charge de la dette pourrait même se révéler inférieure à la prévision gouvernementale, dès lors que cette dernière repose sur l'hypothèse d'une remontée rapide des taux longs (OAT à 10 ans), qui atteindraient 0,7 % à la fin de l'exercice 2021, contre - 0,25 % actuellement. Le Consensus forecasts d'avril dernier misait, de son côté, sur un scénario de remontée beaucoup plus lent, dans lequel les taux à dix ans n'atteindraient 0,7 % qu'en 2023.

Les charges d'intérêt nettes des produits financiers, se sont établies à 2 milliards d'euros en 2019, contre 2,2 milliards en 2018. Dans le scenario prudent retenu par la Cades, ces charges sont donc appelées à augmenter. La Cades a, ces dernières années, diminué la sensibilité de son endettement à une hausse possible des taux en augmentant la part de l'endettement à taux fixe. Le taux d'intérêt moyen résultant des instruments à taux fixe (84 % de sa dette) s'établit ainsi à 2,30 % au 30 juin 2019. Les taux révisables représentent quant à eux 8,3 % de l'endettement de la Cades et intègrent des taux courts négatifs. Enfin, les taux indexés sur l'inflation représentent 10,4 % de l'endettement de la Cades.

Répartition de la dette de la CADES en fonction des taux d'intérêt

31/12/2017

31/12/2018

31/12/2019

Taux fixe

63,61 %

79,25 %

84,106 %

Taux indexé

8,41 %

9,54 %

7,67 %

Taux variable

27,98 %

11,22 %

8,27  %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire


* 27 Conseil d'État, section sociale, n° 400188 et 400189, 26 mai 2020.

* 28 L'annexe 8 du PLFSS 2021 présente un tel scenario qui reposerait sur une probabilité d'échouer à atteindre un seuil de capacité de remboursement moyenne à 95 %. L'extinction en 2033 repose sur une probabilité établie à 50 %.

* 29 Décret n° 2017-869 du 9 mai 2017 relatif à la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

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