TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Julien Denormandie,
ministre de l'agriculture et de l'alimentation
(Mercredi 18 novembre 2020)

Mme Sophie Primas , présidente . - Monsieur le ministre, même si nous avons pu, depuis le mois de juillet dernier, travailler avec vous sur de nombreux sujets d'actualité - et sans doute pas les plus consensuels -, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui pour la première fois en tant que ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Soyez le bienvenu au sein de notre commission, qui est très attachée aux questions agricoles, alimentaires et forestières.

Comme chaque année, notre commission est saisie pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2021.

À cet égard, monsieur le ministre, quels sont les principaux objectifs que vous vous fixez cette année pour mener la politique agricole au niveau national ? Comment cela se manifeste-t-il dans le budget pour l'année 2021 ? Nous savons que le budget de l'agriculture est assez limité et que tout se joue ailleurs.

S'ajoutent cette année à ces crédits ceux dédiés à la transition agricole dans la mission « Relance » que, j'en suis sûre, vous ne manquerez pas de nous détailler.

Nous nous réjouissons par ailleurs que le Gouvernement reprenne l'idée, chère au Sénat, adoptée l'année dernière dans le projet de loi de finances, à l'initiative transpartisane de nos rapporteurs, d'une aide aux investissements innovants afin d'améliorer le bien-être animal, investir dans les abattoirs et les agroéquipements pour réduire l'usage d'intrants et l'exposition aux aléas climatiques.

Malgré l'opposition du Gouvernement, ces amendements ont été adoptés à l'unanimité au Sénat l'année dernière. Nous nous félicitons que cette idée ait été reprise pour 2021 et que cela couvre près de la moitié du plan de relance agricole, hors forêt.

Puisse cette prime à la conversion - que je nommerai prime Duplomb-Férat-Tissot-Cabanel- et désormais Denormandie - aider les agriculteurs à accélérer les investissements dans la transition.

Reste à ne pas transformer cette mesure de très bon sens en usine à gaz. Les équipements éligibles seront sans doute ceux permettant de renforcer la sécurité des épandages dans les zones de non-traitement à proximité des habitations.

Or l'usine à gaz existe déjà, monsieur le ministre. J'en veux pour preuve un exemple concret dans l'Eure. J'ai transmis le courrier à vos équipes. Dans le cadre du dispositif d'aide aux investissements « zone non traitée » (ZNT), un céréalier a acheté une herse étrille de 9,20 mètres pour laquelle il a formulé une demande de subvention à FranceAgriMer. Celle-ci lui a été refusée au motif que les herses doivent être d'une portée de 6, 9, 12, 18 ou 24 mètres, et non de 9,20 mètres. L'agriculteur n'a pas reçu d'aide et n'a pas le droit de présenter une nouvelle demande. Cette anecdote dit à elle seule ce qui ne doit pas arriver.

Comment, monsieur le ministre, comptez-vous vous y prendre pour faire de ce plan de relance un instrument souple, efficace, simple et résolument tourné vers les besoins des agriculteurs ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Merci beaucoup, madame la présidente.

C'est avec beaucoup de plaisir que je suis devant vous cet après-midi pour discuter de ce budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Ce budget intervient dans une situation exceptionnelle qui impose d'y répondre de manière massive en apportant l'accompagnement nécessaire à ces femmes et ces hommes qui réalisent un travail exceptionnel. Songez que, pendant toute la période du premier confinement, la chaîne alimentaire a toujours tenu. Depuis le début du second confinement, nous ne cessons de nous assurer qu'il n'existe pas de tension sur les chaînes alimentaires.

Je voudrais une nouvelle fois adresser mes remerciements solennels et républicains à l'ensemble de ces femmes et de ces hommes qui, tous les matins, se lèvent et travaillent ardemment. Ils font partie de ce ciment républicain qui permet au pays de tenir.

Face à cette situation exceptionnelle, il faut un budget exceptionnel. Celui-ci se concrétise d'abord par le maintien à un niveau supérieur à l'année dernière des crédits nationaux, modulo une baisse sur des compensations au titre de mécanismes communautaires, qui font diminuer l'un des programmes tout en ayant, à l'échelle de la mission, une augmentation de crédits. Cette diminution de programme est simplement liée à des mécaniques de chronique de paiement.

Ce soutien exceptionnel, au-delà du budget, doit également être mesuré au titre des crédits du plan de relance, qui sont absolument massifs. Vous savez à quel point ma détermination a été totale, dès que j'ai pris mes fonctions, pour faire en sorte que le plan de relance contienne un volet agricole. Le plan de relance a en effet pour mission de créer demain une France plus forte. Or je ne conçois pas une France plus forte sans une agriculture plus forte.

J'ai convaincu le Président de la République et le Premier ministre qu'il nous fallait disposer dans le plan de relance d'un volet agricole à hauteur de 1,2 milliard d'euros.

Il existe par ailleurs des dispositions fiscales. Nous nous sommes également beaucoup battus concernant le budget de la politique agricole commune (PAC) depuis début juillet. Le premier à le faire a été le Président de la République, qui a réussi à obtenir le maintien de crédits très importants au bénéfice des agriculteurs français.

Si l'on ajoute les crédits du budget national, le plan de relance, les mesures fiscales et les mesures européennes, on arrive à des dépenses dans le domaine agricole de l'ordre de 20 milliards d'euros par an, ce qui est tout à fait significatif et, à mes yeux, nécessaire.

J'ai un principe de base : ce n'est pas le budget qui guide la politique, c'est la politique qui doit guider le budget. Peut-être l'oublie-t-on trop souvent, mais c'est à mes yeux absolument essentiel.

Il ne s'agit pas d'énumérer la litanie de tous les postes budgétaires, mais d'abord de vous expliquer le sens politique de l'action qui est la mienne à la tête de ce ministère.

En premier lieu, la question de souveraineté est essentielle. Comment arriver à rendre plus de souveraineté agroalimentaire à notre pays ? Pour la même raison que ce que j'expliquais au titre du plan de relance, il nous faut un pays plus fort, donc une agriculture plus forte, ce qui n'est possible que si notre agriculture et notre système agroalimentaire sont bien plus souverains.

Pendant le premier confinement, certains pays européens enviaient la résilience du système agroalimentaire de la France. Il faut en être fier et insister sur ce point. Ce n'est en effet jamais acquis. Ceci a été rendu possible grâce au travail des travailleurs de seconde ligne, à l'organisation de l'ensemble de cette filière et à tout l'actif que représente le système agricole français, dont je suis très fier. Il est extrêmement précieux pour notre pays, et il nous faut le conforter

Comment faire pour regagner en souveraineté ? La première des souverainetés réside évidemment dans la pérennité de notre modèle agricole vis-à-vis des transitions qui nous sont à juste titre demandées par la société, notamment en matière agroécologique.

Je ne reviens pas sur la vision qui est la mienne de l'agroécologie. Je l'ai déjà dit : pour moi, l'agroécologie n'est pas une vision politique. La vision politique réside dans la souveraineté. L'agroécologie est un moyen qui nous permet de l'atteindre. À ce titre, elle est absolument essentielle.

Nous allons donc renforcer les moyens des crédits nationaux et surtout du plan de relance avec une ligne que nous avons présentée au conseil d'administration de FranceAgriMer hier après-midi. Elle s'élève à 135 millions d'euros et est destinée au financement de matériels d'agroéquipement. Une autre ligne de 100 millions d'euros permet d'assurer la protection contre les aléas dus au changement climatique.

Parallèlement, des crédits très soutenus au titre du budget national sont proposés pour cofinancer l'ensemble des mesures européennes qui, vous le savez, sont souvent abondées par le budget national.

Cela me permet de revenir sur l'anecdote concernant la herse de 9,20 mètres. Vous savez qu'au moment où l'on a établi la ZNT, nous nous sommes engagés à mettre en place un système d'aides à hauteur de 30 millions d'euros pour financer du matériel et soutenir ainsi nos agriculteurs. Cela a mis un peu de temps à se mettre en place, mais c'est chose faite. Le dispositif a très bien fonctionné, et on a eu encore plus de demandes qu'on ne le pensait.

L'échelle n'a rien à voir dans le cas du plan de relance. On passe en effet à 135 millions d'euros rien que pour l'agroéquipement. J'ai fait une tentative pour passer de l'appel à projet au principe de catalogue. Nous sommes tous habitués, dans la vie de tous les jours, à recourir aux catalogues plus qu'aux appels à projets, qui constituent une belle invention française.

Nous sommes donc en train d'établir des catalogues comportant des centaines de référence. Nous allons voir si cela fonctionne. J'ai la conviction que cette approche pragmatique vaut certainement mieux que des volets de conditionnalité.

La souveraineté vis-à-vis des risques sanitaires me paraît par ailleurs essentielle. Certains, jusque dans cette salle, portent cette vision depuis de nombreuses années, et je les en félicite.

Il existe aujourd'hui une approche du monde vivant dans sa globalité, qui correspond à la fameuse initiative « Une seule santé ». Nous devons avoir une approche holistique, avec des passages récurrents entre le monde animal, l'espèce humaine et le monde végétal. Tout ceci est assez logique au demeurant. Malheureusement, ces passerelles sont souvent de plus en plus fortes, voire inquiétantes, comme dans le cas de la Covid-19.

On le voit aussi, depuis 48 heures, avec la détection d'un premier cas d'influenza aviaire H5N8 en Haute-Corse, qui m'a conduit à prendre des mesures d'euthanasie de volailles et à mettre l'ensemble du territoire hexagonal sous une vigilance élevée en termes de biosécurité.

Il est important de pouvoir investir massivement dans l'ensemble de nos élevages pour se prémunir contre ces phénomènes. Il existe des solutions. Celles-ci nécessitent des investissements. Comme pour toute transition, on ne peut pas toujours émettre des injonctions parfois paradoxales, et demander aux uns de mettre en place telle ou telle procédure sans que les autres ne les financent.

Nous avons décidé, dans le cadre du plan de relance, d'investir massivement 250 millions d'euros dans les élevages et les abattoirs, ce qui répond à une autre logique, au final assez proche. Ceci vient en plus du renforcement du programme de la mission dédiée à ce sujet, dans le cadre des budgets que je vous propose aujourd'hui.

Enfin, nous sommes aujourd'hui face à un défi majeur, peut-être le plus important avec celui de la gestion de l'eau, qui n'emporte pas de considérations financières dans la plupart des cas, mais plutôt une considération relative à l'aménagement du territoire, ce qui nécessite un certain courage politique.

Le défi démographique est aujourd'hui majeur. Or nous sommes dans une dépendance démographique incroyablement élevée, et on ne peut toujours miser sur les enfants des agriculteurs pour reprendre une exploitation.

Nos paysans sont des hommes et des femmes passionnés. Heureusement qu'ils sont là mais, comme tout bon père ou bonne mère de famille, ils souhaitent à leurs enfants de travailler dans des filières où l'on peut vivre décemment de son métier. Être paysan, c'est être entrepreneur et non fonctionnaire du vivant.

Ce défi emporte beaucoup de considérations, notamment celle de la rémunération. C'est bien plus important que tout le débat complètement stérile qui oppose agriculture et environnement, sur lequel il nous faut réussir à apaiser la société. Nous devons, là aussi, au titre des budgets ou du plan de relance, apporter les financements adéquats.

Je voudrais avoir une pensée particulière pour le corps professoral de l'enseignement agricole. Ce corps réalise un travail incroyable et constitue une spécificité et un joyau français qu'il nous faut absolument préserver.

Année après année, on constate un déficit d'apprenants. C'est pourquoi on doit prendre le sujet à la racine pour convaincre l'ensemble de la jeunesse de France qu'il existe dans les métiers du vivant des opportunités incroyables. Ce sont des métiers de passion et d'innovation extrêmement pertinents.

Je voudrais également saluer les chefs d'établissements, qui sont remarquables. C'est pourquoi nous consacrons à ce secteur des financements importants.

Enfin, il nous faut préparer l'avenir en investissant massivement dans la recherche. Notre pays a, là aussi, des actifs très importants, de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) jusqu'au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), en passant par l'ensemble des instituts techniques. Il faut absolument développer et chérir ce savoir-faire.

J'entends les critiques formulées à l'égard du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR) et la réduction de son montant. Je rappelle que le débat initial portait sur le fait de savoir s'il fallait rebudgétiser ce compte d'affectation spéciale. On a obtenu de ne pas le faire et de lui conserver sa spécificité.

Le CASDAR est alimenté à partir des niveaux de chiffre d'affaires de l'année n-1. Sur le plan de la sincérité budgétaire, le niveau des recettes du CASDAR sera probablement cette année inférieur au plafond, même réduit de 10 millions d'euros. Cela n'empêche pas les conséquences sur l'année suivante. Vous connaissez la mécanique : la même sincérité budgétaire imposerait d'augmenter le plafond. Or on va nous demander où l'on réalise les économies adjacentes.

Nous investissons par ailleurs massivement, que soit dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), que vous venez d'adopter, ou dans celui du programme d'investissement d'avenir (PIA). J'insiste, car c'est pour moi très important. On s'est posé à propos de la betterave la question de savoir comment investir massivement.

Aujourd'hui, selon moi, l'enjeu consiste d'abord à mettre en oeuvre toutes les mesures de soutien qui ont été annoncées depuis des mois et qui ont trop tardé à être mises en oeuvre. Depuis que je suis arrivé à la tête de ce ministère, je n'ai eu cesse, avec mes équipes, de les finaliser. C'est chose faite, mais il faut savoir de combien les abonder au vu des événements.

On a normalement aujourd'hui « atterri » sur l'ensemble de ces dispositifs sectoriels - cidre, pomme de terre, horticulture. Je remercie toutes les équipes qui ont réalisé un travail énorme à ce sujet.

La deuxième priorité est de mettre en oeuvre le plan de relance. On en a parlé hier lors du débat : selon moi, il faut être le plus simple possible. Sur 1,2 milliard d'euros, 200 millions d'euros concernent la forêt. On aura un débat demain dans l'hémicycle à ce sujet. C'est un débat essentiel. On a notamment créé, dans le cadre de la crise des scolytes, le plus grand plan de reboisement depuis l'après-guerre. Cinquante millions d'arbres vont être replantés.

Il nous faut également mettre en oeuvre le plan de relance. Nous y travaillons. Le confinement ne nous détourne en rien de notre action. Les équipes ont été scindées en deux, l'une étant consacrée au soutien, l'autre à la relance.

Les chambres d'agriculture ont à ce sujet un rôle essentiel à jouer. Il y a eu l'année dernière de nombreux débats à propos de leur budget. J'ai souhaité cette année le consolider, considérant que les chambres d'agriculture devaient être les agents du dernier kilomètre, avec les services de l'État, pour mettre en oeuvre les mesures de soutien et, singulièrement, le plan de relance. Nous réalisons un très gros travail avec les chambres d'agriculture pour que chaque agriculteur, chaque éleveur, dans sa ferme, puisse être contacté afin qu'on puisse informer chacun des dispositifs existants.

Mme Sophie Primas , présidente . - La parole est aux rapporteurs pour avis, puis à nos deux collègues de la commission des finances.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, je voulais vous faire partager notre ressenti. S'il est vrai qu'il était plus facile de rejeter le budget de vos prédécesseurs, nous nous sommes cette fois-ci posé beaucoup de questions.

Pour y répondre, nous avons dressé la liste des avantages et des inconvénients. Du côté des avantages, plusieurs lignes sont en votre faveur : dispositif « TO-DE » relatif aux travailleurs occasionnels du secteur agricole - même si le Sénat vous aide à le pérenniser afin que vous ne nous posiez plus la question dans deux ans -, Agence de services et de paiement (ASP), où force est de constater qu'un un travail de fond a été mené pour rattraper le retard, gazole non routier (GNR), pour lequel le message est plutôt positif pour l'agriculture avec, en prime, une simplification administrative, puisqu'au lieu de récupérer la différence, on ne la paye pas au départ. On constate par ailleurs un maintien des budgets des chambres d'agriculture, ce qui n'était pas le cas chez vos prédécesseurs.

Il faut admettre que le plan de relance vient compléter le budget de la mission agricole à hauteur d'1,2 milliard d'euros - un peu plus d'un milliard pour l'agriculture, près de 200 millions d'euros pour la forêt.

En outre - et ceci fait plaisir à ceux qui ont fait partie de la cellule en charge du suivi de l'agriculture et de l'agroalimentaire durant le confinement et à notre commission en général -, vous avez répondu à notre demande en octroyant des aides directes à la conversion pour résoudre les problématiques de l'agroéquipement, des produits phytosanitaires, du bien-être animal et des aléas climatiques.

Toutefois, plusieurs éléments négatifs plaident malheureusement pour un rejet du budget - sauf si vous revenez sur certains éléments au cours de cette audition.

Nous ne pouvons accepter, alors qu'une mission a été confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) pour vérifier les tenants et les aboutissants du CASDAR que, de façon totalement arbitraire, vous en réduisiez aujourd'hui les dépenses à hauteur de 10 millions d'euros. Je rappelle que le CASDAR est un élément fondamental et historique de la politique agricole. Il est constitué en totalité par les cotisations des agriculteurs. Ce compte ne comporte pas au départ de fonds publics, même si l'État en garantit le paiement, ce qui en fait un fonds public.

La mutualisation du CASDAR permet aux filières qui contribuent le plus de mutualiser leurs moyens par rapport à celles qui contribuent le moins à la recherche. Je rappelle aussi que le CASDAR est cofinancé par l'Europe à hauteur de 80 %.

Par ailleurs, nous ne pouvons nous contenter de simples paroles concernant les aides liées à la problématique sanitaire que nous connaissons. Votre prédécesseur a fait durant sept mois des promesses quasiment tous les jours, et peu de filières ont vu arriver les premiers centimes.

Nous constatons des différences colossales entre les pays concurrents, comme la France et les Pays-Bas, par exemple en matière d'horticulture : en France, on attend toujours les 25 millions d'euros qui doivent être versés, alors que les Pays-Bas se sont engagés à en verser 600 millions et que 150 millions d'euros ont déjà été touchés par les entreprises.

Il en va de même pour la pomme de terre, secteur où les producteurs des Pays-Bas reçoivent 50 euros pour une tonne jetée, alors qu'en France, on est parti de 20 millions d'euros, puis on est passé à 10 millions d'euros, pour arriver à 4 millions d'euros pour 450 000 tonnes à risque. Dans ce secteur, ceux que vous aidez ne se trouvent pas dans des filières structurées, alors que vous voulez aider à structurer les filières ! Tout cela paraît un peu paradoxal.

Enfin, vous avez promis 7 millions d'euros pour aider à sortir du glyphosate, ainsi que 7 millions d'euros pour les betteraves. Nous avons beau retourner le bleu budgétaire dans tous les sens, nous ne trouvons pas ces sommes. Soit votre budget est insincère, et ils sont compris dans le budget mais pas affichés clairement car ils seront financés par redéploiement, mais ce n'est pas respecter le Parlement que de ne pas l'écrire, soit ils n'y sont pas, et il s'agit alors d'une promesse qui ne sera pas suivie d'effets.

Je tenais à vous faire part de ces remarques d'un point de vue général, avant que Françoise Férat ne vous parle de la technique et Jean-Claude Tissot de la politique et, en particulier, du CASDAR.

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, il me revient de vous poser une liste de questions techniques précises sur plusieurs sujets liés au budget 2021.

S'agissant du programme 149, vous savez que l'Office national des forêts (ONF) est placé dans une situation particulièrement délicate, avec un déficit de gestion très lourd, compensé chaque année par des emprunts d'équilibre peu soutenables à terme.

Or les tendances conjoncturelles liées aux diverses maladies, notamment les scolytes, ou aux conditions de marché, cumulées avec des tendances structurelles liées au changement climatique, ne vont pas arranger la situation. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre vision de l'avenir.

À cet égard, les députés ont adopté un amendement visant à augmenter les crédits afin d'éviter les schémas d'emplois des opérateurs de la mission. Cela concerne FranceAgriMer et l'ASP. Au regard de leur mission temporaire liée au plan de relance, pourquoi ne pas recourir aux intérimaires concernant l'ONF ? Quelle est votre position sur cette proposition de l'Assemblée nationale, au regard des schémas d'emplois ?

Enfin, vous prévoyez cette année 190 millions d'euros pour la provision pour aléas. Est-ce suffisant au regard de la sécheresse de 2020 ? Cette probable sous-estimation ne risque-t-elle pas d'altérer la sincérité du budget, alors qu'on parle d'autres problèmes, comme la betterave, etc. ?

Concernant le programme 206, pourriez-vous nous nous en dire plus des actions menées par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de l'influenza aviaire, de la peste porcine africaine (PPA) et de la tuberculose bovine ? Que comptez-vous proposer pour venir en aide aux éleveurs qui pourraient être touchés par une épidémie ? Le dispositif précédent sera-t-il reconduit ? Dès lors, le Gouvernement entend-il adapter sa prévision budgétaire sur les lignes de gestion animale au regard de cette malheureuse actualité ? Il est clair que les indemnisations seront bien supérieures à ce qui était prévu lors de la rédaction du budget, en septembre.

Par ailleurs, le 14 novembre dernier, la DGCCRF a ordonné un retrait et un rappel de produits à base de sésame dans nos grandes surfaces du fait de traces d'oxyde d'éthylène trop importantes dans des graines de sésame importé d'Inde avant transformation. En savez-vous plus à ce stade ?

Vous connaissez, monsieur le ministre, l'attachement de notre commission au respect des normes de production sur les produits importés. C'est encore un exemple d'anomalie qui concerne le conventionnel et le bio. Nous estimons que les contrôles sont à ce stade grandement insuffisants, et ce depuis des années. Comment comptez-vous relever ce défi ?

Des effectifs supplémentaires seront alloués en raison du Brexit : nous les avons appelés de nos voeux, tant mieux ! Plus généralement, quels objectifs vous fixez-vous ?

Enfin, nous renouvelons notre inquiétude au sujet du programme 215 et souhaitons que les schémas d'emplois concernent en priorité les services déconcentrés et non les services centraux. Qu'en est-il cette année, monsieur le ministre ?

Je voudrais en conclusion me joindre à vous pour féliciter tous les partenaires de l'enseignement agricole, sujet qui m'est particulièrement cher.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, nous avons, en début d'après-midi, auditionné vos conseillers. Ils vous ont manifestement transmis nos remarques, car votre propos liminaire est très pertinent.

Mes questions porteront essentiellement sur le CASDAR, dont les dépenses financent la recherche appliquée agricole par le biais des instituts techniques et les appels à projets et, en parallèle, son développement sur le terrain à l'aide de conseils techniques. Le CASDAR est financé par une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, dont un tiers va aux instituts techniques, un tiers aux chambres d'agriculture, un tiers aux appels à projets.

Cependant, nous ne comprenons pas votre position : le budget acte une baisse du plafond des recettes affectées au CASDAR de 10 millions d'euros par rapport à l'année dernière, soit un recul de 8 % du budget du compte d'affectation spéciale. Il est étonnant que l'Insee - contrairement à ce que nous a dit votre conseiller - ne prévoie pas pour octobre un tel recul pour l'activité agricole, dont le chiffre est actuellement estimé à 1 %.

Je vous accorde que personne ne connaît vraiment les prévisions, mais le Gouvernement avait d'autres choix. Il pouvait, par exemple, laisser le plafond actuel et constater en cours d'année une recette inférieure, ce qui a été fait entre 2014 et 2017.

Ceci avait le mérite de préserver les dépenses pour la recherche. Pourquoi ne pas faire de même pour ce budget ? Le Gouvernement pouvait également compenser la baisse de prévisions des recettes en sanctuarisant les dépenses, par exemple, en dégageant 10 millions d'euros sur le budget général pour garantir le financement des instituts techniques. L'article 21 de la LOLF le permet. Pourquoi ne pas y procéder ?

Dès lors, le sentiment qui prédomine est que cette baisse du plafond du CASDAR de 10 millions d'euros est une manière d'imposer une mesure d'économie sur les chambres d'agriculture - ce qui rappelle d'autres tentatives passées pas si lointaines - et sur les instituts techniques. C'est une incohérence : pourquoi réduire le budget des instituts techniques, alors qu'ils sont à la pointe de l'innovation en matière de recherche d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques, par exemple ?

À l'heure de la réduction de l'usage des pesticides, la recherche est la clé. En réduire les moyens en ce moment est une erreur stratégique, d'autant que nous savons parfaitement que le budget ne sera pas relevé l'année prochaine, car cela dégradera la norme de l'État et qu'un rapport de l'IGF est attendu sur le CASDAR.

Nous souhaitons comprendre la position du Gouvernement sur la recherche appliquée agricole. Vous allez sans doute me répondre, comme vous l'avez déjà fait, que le Gouvernement a proposé 7 millions d'euros pour la recherche sur le glyphosate et 7 millions d'euros pour les recherches alternatives aux néonicotinoïdes sur la betterave. Je m'étonne cependant qu'ils ne figurent pas au budget.

Comment comptez-vous financer ces dépenses ? Pourquoi ne pas les inscrire ? Si elles interviennent en gestion, quelles mesures d'économies seront prises en contrepartie ?

Vous me répondrez sans doute que le plan de relance et le PIA prévoiront des crédits à la recherche. Il s'agit d'un fusil à un coup, car la réduction des pesticides va prendre des années. Or on sait que les programmes de recherche s'inscrivent dans la durée.

Pourquoi un tel saupoudrage ? L'État manque d'un instrument visible, global, lisible, rassemblant toutes les initiatives en matière de recherche agricole appliquée pour réduire l'usage des intrants. C'est essentiel si l'on veut mieux en suivre les résultats. C'est essentiel aussi pour le travail parlementaire, afin de mieux communiquer sur les avancées. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de réfléchir à une telle organisation ?

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Monsieur le ministre, le rapport spécial de la commission des finances a été rendu hier, ce qui est assez gênant. Vous avez dit que c'était aux politiques de mener le budget. Je voudrais reprendre ce que j'ai pu lire dans votre Livre bleu. J'y ai vu que la ferme France était en difficulté, avec des revenus bas, des volumes en baisse, un effectif et une valeur ajoutée qui diminuent.

Je m'attendais, à la lecture du plan de relance, à un audit des causes de ce constat et à ce que vous fléchiez votre investissement pour retrouver, demain, la souveraineté alimentaire et la compétitivité, afin que nos exploitants et nos jeunes agriculteurs puissent vivre de leur métier. Je n'ai rien constaté à ce sujet.

Lors d'une de nos auditions, on nous a parlé de l'argent investi dans les abattoirs - je trouve que c'est plutôt une bonne chose - et dans l'agriculture urbaine. Est-ce le nouveau modèle à suivre parce qu'il est rentable ?

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Monsieur le ministre, j'aimerais comprendre les raisons pour lesquelles les crédits dédiés aux mesures agroenvironnementales et climatiques ainsi qu'à l'aide à l'agriculture biologique diminuent de manière sensible en termes d'autorisations d'engagement.

En outre, les crédits à l'installation sont aussi en baisse ou peinent en tout cas à être consommés. Vous l'avez dit, on est en face d'un vrai défi démographique, qu'il va falloir véritablement appréhender.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit à propos du CASDAR, mais je voudrais connaître votre avis sur le fait que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le deuxième pilier en particulier sont en baisse même si, globalement, les crédits de la PAC semblent stabilisés.

Par ailleurs, sans revenir sur les sujets précédemment évoqués, s'agissant des problématiques forestières et du plan de relance en particulier, il semblerait que les crédits de l'ONF, qui est en difficulté, soient principalement orientés vers les moyens technologiques de cartographie, alors qu'il existe des difficultés d'une autre nature. L'ensemble de la filière amont a en particulier besoin d'être soutenu, voire développée, sachant que l'on consomme à peu près la moitié de l'accroissement de la forêt naturelle chaque année.

Enfin, je voudrais évoquer avec vous les programmes destinés à la maîtrise des risques sanitaires, qui est un véritable enjeu, dont l'augmentation apparaît aujourd'hui relativement sensible. Elle s'élève à environ 30 millions d'euros, c'est-à-dire 5 % d'augmentation par rapport à l'année précédente. Si on enlève l'impact des indemnisations aux éleveurs et la création d'emplois liée au Brexit, il ne reste pas grand-chose pour apporter des réponses au risque sanitaire sur le plan végétal et animal.

M. Julien Denormandie, ministre . - Je voudrais tout d'abord rassurer le sénateur Duplomb s'agissant des aides relatives à la Covid-19. Je suis d'accord avec vous : elles ont mis beaucoup trop de temps à arriver. Depuis mon accession au ministère, nous n'avons cessé d'en accélérer la mise en oeuvre.

La réalité est moins noire que ce que vous avez indiqué, mais elle n'est pas encore satisfaisante même si, au moment où je vous parle, on a a priori mis en place l'ensemble des dispositifs.

Pour certains secteurs, comme la viticulture, les choses ont bien commencé : on a augmenté les aides dès cet été et, sur 250 millions d'euros, on en a déjà engagé 150 millions. Le diable se cache cependant dans les détails : on a mis en place des aides de stockage en plus des aides à la distillation. J'ai dû pour cela me battre à Bruxelles pour obtenir un acte délégué de la Commission européenne. Les délais ne dépendent pas toujours de nous, mais des règles bruxelloises.

S'agissant de la pomme de terre, des aides à la filière aval viendront s'ajouter aux 4 millions d'euros déjà prévus.

Pourquoi ce chiffre, moins élevé que prévu ? Les choses se sont faites en fonction du stockage in fine . La filière a elle-même annoncé des réductions de production.

Le troisième volet porte sur l'horticulture. Des débats homériques ont eu lieu au sein même de la filière sur les seuils nécessaires. Cela a pris dix fois trop de temps, alors que les gens étaient en pleine détresse. Il n'est pas normal qu'aucun euro sur les 25 millions n'ait commencé à être déboursé.

Nous nous sommes mis d'accord après des jours et des jours de discussion, et on vient enfin d'entériner le fléchage de la somme. Probablement faudra-t-il aller plus loin. Quant au cidre et à la bière, c'est chose faite. On a ajouté le canard en tant que produit festif. Je déploie avec mes équipes toute l'énergie nécessaire pour mettre ces mesures de soutien en oeuvre.

S'agissant du financement des deux fois 7 millions d'euros, je ne voudrais pas que vous puissiez avoir le sentiment que je fais des promesses non financées, ou que je ne m'engage pas à les mettre en oeuvre. Les 7 millions d'euros en faveur de la betterave seront financés à hauteur de 5 millions d'euros au titre du plan de relance et de deux millions d'euros au titre du CASDAR.

Quant aux moyens supplémentaires dédiés à la recherche d'alternatives au glyphosate, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, ils seront financés par redéploiement. Plusieurs pistes sont possibles. La trésorerie du CASDAR n'étant pas aujourd'hui utilisée, on pourrait s'en servir, mais c'est en effet un fusil à un coup. Si ce n'est pas possible, nous le ferons par redéploiement. Ce fait a été pris en compte et sera financé. Il n'y a pas de doute à ce sujet.

Je partage votre interrogation quant au fait de savoir s'il faut à nouveau budgétiser le CASDAR. Il faut connaître la finalité de la mission de l'IGF. Les comptes d'affectation spéciale ne sont plus dans l'air du temps. Je me suis battu pour faire en sorte qu'on maintienne le CASDAR, en arguant du fait que la mission de l'IGF n'avait pas commencé.

Au bout du compte, on ne touche pas à sa rebudgétisation, mais il enregistre une diminution de 10 millions d'euros. J'entends vos propos sur le volet macroéconomique concernant l'alimentation du CASDAR. À la vérité, je pense que nous ne serons pas au sommet cette année. Je peux me tromper, mais c'est mon sentiment.

C'est de toute manière insuffisant pour expliquer la diminution de 10 millions d'euros. Il est trop facile d'invoquer la sincérité budgétaire cette année et, l'année prochaine, de vous dire qu'il s'agit d'une dépense nouvelle. Vous avez donc tout à fait raison de mettre cette diminution en avant.

J'insiste sur le fait que le financement de la recherche ne repose pas uniquement sur le CASDAR. D'ailleurs, il finance aussi les chambres d'agriculture.

Par ailleurs, beaucoup de recherches vont être financées par le truchement du plan de relance. On annonce par exemple, dans les prochains jours, un plan protéines financé à hauteur de 100 millions d'euros pour mettre fin au système absurde de dépendance vis-à-vis des importations de soja d'Amérique du Sud, qui remontent à plusieurs années. Plus de 100 millions d'euros viennent d'être validés. Ceci va être annoncé dans les prochains jours.

Parmi eux figurent 5 millions d'euros pour financer les organismes de recherche, cette somme venant s'ajouter à tout ce que l'on peut faire au titre du CASDAR.

De la même façon, des sommes importantes figurent dans le PIA dont on a renforcé les crédits, et permettent de financer la recherche. Il en va de même dans le cadre de la LPPR. On ne va pas bouder notre plaisir pour une fois qu'une LPPR finance autant la recherche et prend en compte la recherche agronomique. La recherche ne dépend pas uniquement du CASDAR, même si cela envoie un signal politique.

Vous l'aurez compris, il en va de même des TO-DE ou des chambres d'agriculture. Nous sommes dans une période d'immenses incertitudes. La meilleure des politiques possibles est d'essayer de demeurer sur nos fondamentaux et de donner un peu de lisibilité là où on peut le faire.

Quelle est ma vision de l'avenir de l'ONF, notamment à propos de la question des schémas d'emplois ? L'ONF constitue un défi immense. Il y a eu et il y a encore des difficultés, même à l'intérieur de l'Office. On a tous en tête les événements tragiques qui ont pu s'y dérouler. Nous intervenons en soutien et avons changé la gouvernance.

Combien de forestiers se sentent impuissants face à une parcelle de bois frappée par le scolyte, faute de moyens pour la régénérer ? Je me suis battu pour leur en redonner, notamment au titre du plan de relance. Personne n'a jamais investi 200 millions d'euros dans la forêt française.

Cee 150 millions d'euros sur 200 vont financer le reboisement nécessaire, y compris dans la forêt privée. On estime qu'on peut replanter jusqu'à 50 millions d'arbres, ce qui est colossal.

Il faut avant tout savoir ce que l'on peut y replanter. C'est un sujet très compliqué. Je pense qu'il faut partir des usages. Dans 40 ou 50 ans, la forêt française servira aux constructions en bois.

Quels sont les moyens donnés à l'ONF, notamment en termes d'outils de gestion ? 22 millions d'euros sont consacrés au développement de la télédétection par laser LiDAR, qui constitue un outil de gestion cartographique très utile dans le domaine de la météo. Des expériences ont eu lieu dans d'autres pays. Nous avons décidé d'en doter l'ONF.

L'amont et l'aval constituent la clé de voûte sur laquelle la filière forestière n'a jamais su se reposer. Il faut bien appeler un chat un chat. L'aval ne tire pas l'amont, et l'amont estime que c'est à l'aval de s'adapter. L'amont produit telle essence et pense que c'est à l'aval de l'utiliser, mais l'aval ne passe pas d'accord avec l'amont. On a pourtant fait des tentatives en ce sens.

C'est un sujet très compliqué. C'est pourquoi les 200 millions d'euros comprennent un fonds bois numéro 3 bien plus significatif que les deux autres. Le dernier a été créé lorsqu'Emmanuel Macron était ministre de l'économie.

S'agissant du schéma d'emplois, je crois qu'il faut avoir en politique une certaine cohérence. Je ne peux que répéter les propos tenus à l'Assemblée nationale à ce sujet. J'ai pris note, tout comme vous, que l'Assemblée nationale a décidé de revenir sur ce schéma d'emplois. Je demeurerai cohérent avec les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale.

Enfin, un tiers des travailleurs de l'ONF, voire plus, relèvent du droit privé. Cette question a été abordée dans le cadre d'une ordonnance que vous avez fait voter pour éclairer les modalités de recrutement de l'ONF.

On a fait la même chose pour les chambres d'agriculture. Je me réfère à ce débat qui n'est pas évident, mais je n'oppose pas un statut de droit privé à quelqu'un qui peut remplir une mission de service public. C'est une conception de l'État qui n'est pas la mienne.

S'agissant de la provision pour aléas, on a déjà augmenté de 15 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Je pense que cela répond à la sincérité budgétaire. On verra ce qui va se passer.

Le sujet qu'il nous faut traiter réside dans la question assurantielle agricole. On a commencé à travailler sur ce sujet durant huit mois. Je réunis tout ce petit monde courant décembre pour voir où en est. On a d'un côté les calamités agricoles, de l'autre les assurances privées. Parfois, les calamités agricoles assurent mieux que les assurances privées, ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'incitation à choisir les assurances privées, sauf dans certains cas. Le système assurantiel, notamment privé, n'est pas suffisamment développé dans le monde agricole.

La réponse ne peut pas être de diminuer la qualité de l'indemnisation de la calamité agricole pour redonner une attractivité au système assurantiel privé, mais de savoir comment redonner de l'intérêt au système assurantiel privé. C'est ainsi qu'on doit traiter le sujet, qui est très compliqué. Comment mutualiser le risque pour faire en sorte que la prime soit faible ? Cela signifie qu'il faut être beaucoup, voire rendre l'adhésion obligatoire. On n'a pas le même son de cloche en fonction des filières et des zones géographiques. C'est ce que l'on va devoir traiter.

S'agissant de l'influenza, chacune de ses apparitions, depuis 2015, a engendré environ 100 millions d'euros de dépenses exceptionnelles. On verra ce qu'il en est en cours d'année. Rien n'a été prévu par rapport au budget initial. Pour l'instant, on essaye de circonscrire le foyer de Haute-Corse. Le problème vient plus des oiseaux migrateurs que de ce foyer. Depuis 2016, nous avons développé beaucoup d'outils de biocontrôle et de biosécurité dans les élevages.

Quant à la PPA, elle est aux portes de l'Allemagne. On a réussi à la contenir lorsqu'elle était en Belgique. Elle est passée de Pologne en Allemagne via le sanglier. En Allemagne, elle se répand par leur biais, mais la vitesse de propagation reste très faible. On peut donc estimer que le fait que la PPA arrive en Alsace est assez peu probable. C'est ce que disent un certain nombre d'experts. J'étudie néanmoins cela avec beaucoup de précautions.

En revanche, n'oublions pas que la PPA est arrivée d'un seul coup en Belgique. La probabilité qu'elle arrive en Alsace par un sanglier allemand n'est pas plus forte que celle qu'elle arrive directement en Bretagne par un camion qui a traversé la Pologne ou l'Allemagne. Nous réalisons là aussi des mesures de biosécurité, etc.

Dans le plan de relance, 130 millions d'euros sont consacrés aux abattoirs, environ 130 millions d'euros aux éleveurs, afin de leur permettre d'investir dans le domaine de la biosécurité et du bien-être de l'éleveur comme de l'élevage.

S'agissant du sésame, je n'ai pas d'informations. Je m'engage à vous les communiquer.

Par ailleurs, concernant le Brexit, on a programmé le recrutement de plus de 300 équivalents temps plein (ETP). Pour dire les choses simplement, on est à peu près au clair pour ce qui touche aux importations du Royaume-Uni vers la France. On avait jusqu'à présent deux centres de traitement phytosanitaire entre Calais, Dunkerque, etc. On en crée cinq supplémentaires. On a déjà recruté près de 200 personnes
- vétérinaires, etc.

Là aussi, le diable est dans les détails. J'étais en compagnie de la commissaire à la santé, il y a quelques jours. Environ 500 000 chiens et chats font le trajet chaque année. Il faut donc absolument que la rage ne se propage pas au Royaume-Uni, faute de quoi il faudra tester les 500 000 chiens et chats qui arrivent chaque jour. Je vous laisse imaginer l'organisation que cela suppose.

J'imagine que l'on fera preuve de pragmatisme à ce sujet. On compte par ailleurs 12 000 passages de chevaux par an. Aujourd'hui, il existe un accord trilatéral. Demain, il faudra les contrôler. Vous imaginez la logistique à mettre en place. On est en train de s'organiser.

La grande difficulté vient du fait qu'on ne connaît toujours pas les règles à appliquer vers la Grande-Bretagne, les Britanniques ne les ayant toujours pas déterminées. C'est ce qui est compliqué.

J'ai oublié de parler d'un élément très important en matière de recherche, le plan Écophyto. Le budget prévoit 71 millions d'euros pour ce plan. On vient de signer la feuille de route. Je pourrais vous l'adresser si vous le souhaitez, ainsi qu'à la présidente.

Beaucoup d'entre vous me parlent des fermes du réseau Démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires (DEPHY). Elles fonctionnent objectivement très bien, et nous leur accordons 13 millions d'euros.

S'agissant de la rentabilité, on l'améliore par le plan de relance. Il faut également tenir compte de la question de la gestion du risque. N'oublions jamais que la meilleure façon de gérer les risques, c'est d'abord d'améliorer la gestion en eau et d'avoir ensuite un système assurantiel. La loi Egalim ne donne pas encore de résultats satisfaisants. Cela fonctionne pour certains secteurs, et non pour d'autres.

Début décembre, nous allons réunir pour la troisième fois avec Agnès Pannier-Runacher le comité de suivi des relations commerciales. La confiance est aujourd'hui établie. L'exigence doit être absolue de notre part, mais on doit y ajouter un troisième volet sur la transparence. Il faut réussir à passer de la guerre des prix à la transparence des marges. L'économie est basée sur un rapport de force et une théorie des jeux. On ne peut peser dans une économie qui n'administre pas les prix mais rend toute entente pénalement répréhensible qu'en instaurant la transparence. Nous sommes convenus de mettre ce sujet sur la table.

J'ai demandé à Serge Papin, qui est devenu une sorte de figure tutélaire, de travailler avec nous sur ce sujet. Il mène une mission jusqu'à la fin du mois d'avril et nous accompagne dans le cadre du triptyque « Confiance, exigence, transparence ».

Par ailleurs, la baisse de la dotation en faveur des Mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) est due au fait que nous avons dépensé en 2020 des sommes très importantes liées à des MAEC exceptionnelles en 2015.

Enfin, concernant le FEADER, nous allons connaître deux années avec des crédits très importants que le plan de relance agricole européen va permettre de financer.

Mme Sophie Primas , présidente . - La parole est aux commissaires.

M. Daniel Laurent . - Monsieur le ministre, la filière viticole a été durement touchée par la crise sanitaire, d'autant qu'elle a dû concomitamment affronter les sanctions américaines, le Brexit et la crise de Hong Kong. L'OMC a autorisé l'Union européenne à appliquer des sanctions tarifaires d'un montant de 4 milliards de dollars, avec les risques que cela comporte.

Je vous rappelle que, depuis la mise en place des sanctions américaines, les exportateurs font face à une perte de plus d'un million d'euros par jour aux États-Unis.

Par ailleurs, la régulation des droits de plantation au-delà de 2030 semble être en bonne voie. Où en sont les discussions avec les institutions européennes ?

Dans la viticulture, les priorités peuvent se résumer au soutien apporté aux entreprises viticoles qui ont maintenu l'emploi pendant la crise, à l'autorisation donnée en 2021 aux exploitations de calculer leurs cotisations sociales sur le résultat de l'année n, à l'ouverture du dispositif d'épargne de précaution aux entreprises agricoles imposées à l'impôt sur les sociétés, à l'utilisation non fiscalisée des sommes antérieurement épargnées ou à l'exonération de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) des biens ruraux loués à long terme. Nous présenterons bien sûr des amendements en ce sens.

Nous avons compris qu'il n'y aurait pas de loi foncière sur le foncier agricole. Cependant, il est indispensable d'accompagner les jeunes agriculteurs qui souhaitent s'installer ou réguler la financiarisation du foncier agricole. La voie réglementaire semble être envisagée.

Dans un référé, la Cour des comptes fait un certain nombre de recommandations visant notamment à permettre aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d'avoir plus de contrôle sur les transferts de parts de société. Quel en est le calendrier ?

Concernant les prix garantis par l'État, envisagez-vous compte tenu des méventes à prévoir, de décaler le remboursement des échéances de deux ou trois ans ?

S'agissant de la distillation de crise, mesure efficace à propos de laquelle nous vous remercions, les négociations demandent des mesures supplémentaires au vu des stocks des récoltes 2019 et de la récolte 2020, qui est très importante.

Pour conclure, le décret fixant la définition des volumes prélevables pour l'irrigation issu de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) associera-t-il les ministères de l'agriculture et de la transition écologique ?

M. Jean-Marie Janssens . - Monsieur le ministre, le projet de loi de finances présenté en conseil des ministres le 28 septembre consacre un budget 2021 stable pour notre agriculture.

C'est une nouvelle rassurante pour un secteur essentiel de notre économie et pour l'avenir de nos agriculteurs. Ceci est d'autant plus important dans un contexte de crise sanitaire et économique historique. Ces mois de confinement ont souligné à quel point l'agriculture de proximité et la qualité de nos productions nationales étaient importantes pour nos concitoyens : manger bien et manger local est une réelle priorité pour les Français et pour notre économie.

L'avenir de notre agriculture réside dans l'équilibre entre qualité et proximité. À ce titre, le budget de l'État consacré à l'agriculture française n'aura de sens et d'efficacité que s'il s'appuie sur une politique agricole commune bien conçue et bien articulée avec notre ambition nationale.

La participation de l'Union européenne pour mener à bien l'évolution de notre modèle agricole est déterminante face au blocage inquiétant de la Pologne et de la Hongrie, sur le plan de relance européen. Étant donné les tensions réelles qui existent sur un compromis sur la PAC 2021-2027, nous pouvons nourrir quelques inquiétudes légitimes sur le soutien de l'Union européenne à nos agriculteurs.

Le volontarisme français ne doit pas se heurter à une forme de blocage européen. Pouvez-vous nous préciser le rôle et la place que la France entend jouer dans la mise en place de la place de la PAC 2021-2027, notamment pour assurer plus d'aides directes envers nos agriculteurs, sécuriser leurs revenus et valoriser une agriculture soucieuse de préserver l'environnement ?

Mme Patricia Schillinger . - Monsieur le ministre, les 19et 20 octobre, le conseil des ministres de l'agriculture est parvenu à un accord sur une PAC ambitieuse d'un point de vue environnemental pour la période 2023-2027. Nous saluons cet accord, dans lequel vous vous êtes fortement investi, monsieur le ministre. Il permettra que 20 % à 30 % des paiements directs soient conditionnés aux normes environnementales.

Il faut que, dans tous les États membres, les agriculteurs puissent répondre des mêmes règles et adoptent une culture de la terre respectueuse de son environnement, dont la France peut être fière.

Cet accord est dans la continuité des mesures agroécologiques présentées dans le plan de relance, comme la mesure de la conversion pour l'agroéquipement des exploitations agricoles. La création du crédit d'impôt de haute valeur environnementale (HVE) constitue une aide financière que nous ne pouvons que saluer pour renforcer l'accompagnement agroécologique de nos exploitants.

L'agroécologie représente une véritable priorité agricole en cette période de crise et de changements afin de concrétiser nos engagements en matière de transition écologique et de garantir une alimentation saine, sûre, durable, locale et de qualité.

Les obstacles qui ont été franchis sont importants, mais il reste encore à finaliser notre programmation stratégique nationale et à gérer la période de transition. Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle sera votre méthode dans les prochains mois pour mener ce chantier si important pour nos territoires, nos concitoyens et, bien évidemment, nos agriculteurs ?

M. Rémi Cardon . - Monsieur le ministre, vous avez voulu verdir votre budget pour 2021, mais quels sont les moyens mis en place pour accompagner la conversion des agriculteurs en agriculture biologique ? Un chiffre marque les esprits, notamment dans le département de la Somme : en 2018, seules 167 fermes se sont converties à l'agriculture biologique, soit 1,18 % de la surface agricole utilisable.

Cela traduit le manque d'ambition de l'accompagnement des agriculteurs à se convertir, car il y a parfois de la bonne volonté chez eux. Je vous invite à me répondre concrètement.

M. Jean-Pierre Moga . - Monsieur le ministre, Daniel Laurent a fait tout à l'heure allusion aux droits de douane de 25 % sur les vins français imposés par l'administration Trump et ses effets très négatifs - 400 millions d'euros de pertes par an.

La filière viticole espère que l'élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis permettra à la France et aux États-Unis de résoudre les différends commerciaux exacerbés sous la présidence de Donald Trump et affectant lourdement les exportations françaises.

Elle fonde l'espoir que, parmi les premiers sujets abordés, la question des droits de douane pourra être revue et permettra à la taxation des vins hexagonaux de rester dans la norme. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour parvenir à un accord très rapidement avec la nouvelle administration américaine, mettant ainsi fin aux taxes sur nos vins outre-Atlantique et instaurant un climat beaucoup plus apaisé ? Je pense que vous en êtes capable.

Par ailleurs, dans quelle mesure allez-vous vous mobiliser pour ne pas accroître le risque et les difficultés qui pèsent sur les exportateurs français de vins et de spiritueux et, par-delà, sur notre balance commerciale ?

M. Pierre Cuypers . - Monsieur le ministre, vous êtes battu et nous avons tous ensemble sauvé la filière betteravière grâce à un projet de loi sur lequel le Conseil constitutionnel n'a certes pas encore statué.

Ce plan ne réussira que si l'on peut prendre des mesures dans le cadre de la loi de finances pour sauver totalement cette filière, grâce aux indemnités qui devraient être versées pour compenser les pertes de l'année 2020. Comment envisagez-vous les choses ?

Par ailleurs, le Gouvernement a prévu la révision des contrats d'achat de certaines installations photovoltaïques. J'ai déjà eu l'occasion de contester ici auprès de votre collègue ministre de l'environnement tant la méthode que le fond de cette évolution très préoccupante, pénalisante et contre-productive.

Certes, sur la méthode, son introduction par voie d'amendement parlementaire ne permet pas de mesurer pleinement ses effets juridiques ou financiers ni de mener à bien l'ensemble des consultations nécessaires.

Cependant, sur le fond, son caractère rétroactif soulève une lourde interrogation constitutionnelle et remet en cause la parole de l'État, ainsi que les hypothèses sur lesquelles les porteurs de projets se sont fondés et se sont bien souvent lourdement endettés.

Je souhaiterais connaître l'impact de cette évolution sur le secteur agricole, car beaucoup d'agriculteurs ont investi dans des installations photovoltaïques sur leur exploitation. Le seuil de 250 kilowatts prévu pour l'application du dispositif les préserve-t-il ?

M. Franck Montaugé . - Monsieur le ministre, je suis de ceux qui pensent - et nous sommes quelques-uns dans cette salle - que l'agroécologie reste une grande politique et pas seulement un moyen, même si cela peut être considéré comme tel.

À cet égard, la loi d'avenir de 2014 a fait évoluer profondément l'agriculture. Depuis, chaque Gouvernement qui se succède ne cesse d'approfondir le sillon.

Vous avez évoqué les défis majeurs et parlé de démographie agricole ainsi que de gestion de l'eau. Je partage tout à fait votre avis, étant issu d'un territoire, le Gers, en difficulté à certains égards sur le plan agricole.

Je vous confirme que ces sujets sont primordiaux pour beaucoup de territoires de notre pays, et je voudrais vous interroger sur la façon dont vous allez utiliser certains des crédits de votre ministère en 2021 par rapport à la question de la future PAC.

La question de la démographie médicale pose la question de la manière dont on va faire évoluer la PAC, notamment à propos des aires surfaciques. Que pensez-vous de la possibilité de faire évoluer ces aides en tenant compte des rendements qui sont, pour des filières communes, souvent très différents d'un endroit à l'autre du fait de la qualité agronomique des sols ?

Je pense que ce sujet va dans l'absolu au-delà du plafonnement des primes et du plafond des surfaces. C'est un sujet important.

Je suis un fervent promoteur de la reconnaissance des externalités positives de l'agriculture. Le moment est peut-être venu d'envisager de financer des paiements ou des prestations pour services environnementaux rendus par l'agriculture et la société française dans son ensemble. J'ajoute qu'il serait bon qu'une partie des paiements pour services environnementaux (PSE) soient financés en dehors de la PAC.

Enfin, le foncier est aussi un enjeu fondamental par rapport à la question du devenir de la démographie agricole. Il est urgent de s'attaquer à ces sujets. Quand allez-vous le faire ?

M. Daniel Gremillet . - Monsieur le ministre, ce budget 2021 est intéressant, mais il pose question.

Vous avez parlé à plusieurs reprises de souveraineté alimentaire, mais à aucun moment de souveraineté exportatrice. L'agriculture française a-t-elle encore une fonction exportatrice, un rôle au niveau européen et mondial ?

Ce budget comporte-t-il des moyens de contrôle pour respecter les normes alimentaires qui sont exigées de la part des agriculteurs à travers les importations ? Cela fait partie notamment des textes qui ont été votés au Sénat.

Par ailleurs, la recherche génomique a été lancée par une opération conjointe des paysans, financée par les paysans, une partie du CASDAR et le ministère de la recherche. C'est ainsi qu'on a avancé sur la connaissance du génome, tant humain qu'animal.

L'agriculture est à un tournant de son histoire. On ne peut régler cette question dans le cadre d'une audition, mais c'est un vrai sujet.

Enfin, je ne suis pas d'accord avec vous s'agissant de la forêt. Certes, 200 millions sont sur la table, mais on est loin derrière les Allemands. D'autre part, la forêt a besoin des femmes et des hommes qui sont le territoire, et il nous faut aujourd'hui mener une politique sanitaire à ce niveau. Or nous assistons à un véritable gâchis de la ressource, alors qu'elle peut apporter une réponse sociétale en matière de captation des gaz à effet de serre.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Monsieur le ministre, quelles initiatives avez-vous prises pour permettre à nos éleveurs d'assurer l'abreuvement de leur bétail d'ici quelques mois ?

Pourrait-on les autoriser à installer des seuils dans les prairies, sur les petits cours d'eau, ce qui permettrait également d'irriguer les prairies pour permettre éventuellement deux passes de coupe ? Il s'agit de demandes qui viennent du terrain. C'est un sujet très pratique.

S'agissant de l'enjeu démographique, comment comptez-vous soutenir les reprises d'exploitation ? Aujourd'hui, c'est un drame. L'accompagnement n'est absolument pas à la hauteur des défis. Un jeune qui veut s'engager bénéficie d'une aide de 5 000 euros à 30 000 euros, alors que les exploitations valent 600 000 euros, 700 000 euros ou 800 000 euros. Autant dire que ce n'est pas jouable.

Par ailleurs, vous avez parlé de l'enjeu de la transformation des circuits courts. Aujourd'hui, l'autorisation d'exercer des ateliers de transformation des volailles et des palmipèdes que l'on trouve sur certaines exploitations arrive à échéance le 30 décembre. Comment pensez-vous pérenniser ces ateliers, ô combien nécessaires sur nos territoires ?

Enfin, il semblerait que des menaces planent sur l'observatoire des prix sur les marchés de bétail à vif. La profession ne pourrait plus disposer des cotations qui assurent l'impartialité, la qualité et la transparence du secteur. Comment pensez-vous agir pour préserver cet observatoire ?

M. Patrick Chauvet . - Monsieur le ministre, je partage pour partie vos propos et tous ceux de mes collègues concernant les crédits affectés, qui sont totalement justifiés. Vous l'avez dit au départ, ce n'est pas le budget qui fait la politique, c'est la politique qui doit trouver son budget.

Vous n'avez pas évoqué les modalités d'accès aux crédits affectés. Il y a un énorme travail de simplification à réaliser dans ce domaine. En 1970, les Shadocks avaient découvert une maladie grave, la « compliquite ». On ne s'en est jamais sorti ! La simplification serait pourtant efficiente pour vos services, les ministères, les agriculteurs. On en parle toujours, et on ne la réalise jamais. Je suis persuadé que c'est un bel exercice intellectuel que d'essayer de s'y essayer.

Mme la présidente a pris l'exemple de la herse. On a toutes et tous des anecdotes sur le terrain. J'ai été vice-président en charge de la ruralité et de l'agriculture de mon département. La première chose qu'on me demandait lorsque je me rendais dans une exploitation, c'était de simplifier l'accès à tous les dispositifs.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous développiez un peu plus l'idée de catalogue, en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une nouvelle forme de complexification. Certes, la complexification a sans doute servi à réduire les budgets - j'en suis persuadé - mais certains jeunes agriculteurs ont été obligés de rembourser des crédits qu'ils avaient souscrits. Ce sont des choses inacceptables, dont on ne veut plus entendre parler sur le terrain.

Enfin, l'agriculture a besoin de perspectives. C'est actuellement très difficile, mais cela a été évoqué tout à l'heure avec le photovoltaïque. Je voudrais vous parler des énergies renouvelables, et notamment de méthanisation. On a, au travers de la microméthanisation, un levier extraordinaire d'aménagement du territoire, de pérennisation des élevages, si l'on veut bien considérer que l'effluent d'élevage est un minerai pour fabriquer de l'énergie. Si on l'utilise, on sert l'humain, l'économie et l'environnement.

M. Joël Labbé . - Monsieur le ministre, j'ai entendu votre belle formule selon laquelle c'est la politique qui doit guider le budget et non l'inverse. Je vous ai également entendu, chiffres à l'appui, parler d'un investissement massif dans la recherche.

Je voudrais évoquer ici le parent pauvre de la recherche, l'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB). C'est une structure historique de recherche et d'expérimentation unique dans le paysage de l'innovation agricole et agro-alimentaire.

Nous sommes dans un changement d'échelle, avec des engagements européens à 25 % de bio en 2030, un plan Ambition bio à hauteur de 15 % en 2022, la nécessité, par la loi, de parvenir à 20 % de bio dans la restauration collective pour 2022. Or on constate que 30 % des produits alimentaires bio consommés en France sont importés. C'est dire s'il y a une attente sociétale très forte.

Des travaux sont menés par 'l'Inrae. J'ai suivi en partie le colloque d'aujourd'hui sur le programme Métabio, qui est très intéressant.

La dotation CASDAR a été maintenue au niveau de celle de 2013 pour l'Institut de l'agriculture biologique, soit 1 million d'euros, ce qui représente seulement 2 % des dotations CASDAR pour les instituts techniques agricoles. Alors que les agriculteurs bio financent à hauteur de 10 % les contributions volontaires obligatoires (CVO), on ne constate aucune éligibilité de l'ITAB aux CVO.

Monsieur le ministre, il y a là une très forte asymétrie budgétaire. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce contexte de changement d'échelle de l'agriculture biologique ?

M. Christian Redon-Sarrazy . - Monsieur le ministre, un certain nombre de surfaces destinées à l'élevage sont actuellement acquises par des investisseurs, qui les stockent en vue d'une future utilisation pour produire de l'énergie verte, photovoltaïque pour l'essentiel.

Quels outils comptez-vous mobiliser ou renforcer afin que ces terres conservent leur vocation initiale et permettent l'installation de jeunes agriculteurs ? Il existe bien un problème de renouvellement générationnel, mais la première des conditions pour l'installation, c'est de disposer du foncier.

Les SAFER peuvent remplir partiellement ce rôle, mais insuffisamment pour l'instant, puisqu'on retrouve cette démarche dans plusieurs départements. C'est relativement inquiétant, notamment quand on connaît le niveau requis pour l'installation de jeunes agriculteurs, en particulier dans les zones d'élevage.

M. Henri Cabanel . - Monsieur le ministre, j'aimerais insister sur le métier d'agriculteur. Vous souhaitez revaloriser le métier et je m'en réjouis, mais le constat est alarmant : l'âge moyen des agriculteurs est élevé et, comme vous l'avez dit, les enfants ne reprennent plus systématiquement la suite. Les parents ne veulent pas qu'ils subissent la frustration de ce métier toute une vie, et finissent, comme beaucoup d'agriculteurs - environ 450 par an - par se suicider. C'est un sujet sur lequel ma collègue Françoise Férat et moi travaillons.

Je voudrais aussi évoquer le manque de main-d'oeuvre que traverse l'agriculture. La main-d'oeuvre est souvent étrangère et ma question est simple : quelles actions concrètes allez-vous mettre en oeuvre pour revaloriser ce magnifique métier d'agriculteur ?

M. Jean-Jacques Michau . - Monsieur le ministre, un mot concernant les associations foncières pastorales, qui mettent à disposition des terrains, les aménagent et les donnent à des éleveurs dans des groupements pastoraux.

Depuis 2015, les propriétaires bénéficient d'exonérations de foncier sur le foncier non bâti. Ces exonérations s'arrêteraient cette année. Pourriez-vous les maintenir ? Il s'agit d'une aide importante, et les bénéfices qu'en retirent les propriétaires sont extrêmement faibles.

M. Olivier Rietmann . - Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous avez décidé d'intégrer dans votre projet de loi de finances 160 millions d'euros pour la rénovation des abattoirs, et notamment pour l'amélioration du bien-être de l'éleveur et des animaux dans les exploitations agricoles.

Avec cette décision, vous avez manifesté beaucoup de bonne volonté, mais vous vous trompez de diagnostic : si les abattoirs n'ont pas eu les moyens ces dernières années de réinvestir afin d'améliorer le bien-être animal, notamment le système de contention et de robotisation des abattages et du conditionnement de la viande, si les exploitants agricoles n'ont pas eu les moyens d'améliorer leur bien-être et le bien-être animal par des systèmes de logement et de contention plus modernes, c'est à cause d'un problème de rentabilité de la filière de production de viande, bovine ou porcine.

Je pense qu'il vaudrait mieux consacrer ces 260 millions et un certain nombre d'autres à l'amélioration et la rentabilisation des exploitations agricoles productrices de viande bovine et porcine. Cela aurait également pour effet d'inciter davantage de jeunes agriculteurs à s'installer dans ces filières, qui souffrent cruellement.

J'ai travaillé dix ans dans la gestion de patrimoine. J'étais ingénieur d'affaires, et j'ai quitté ce secteur pour devenir paysan il y a quinze ans, par passion. Ce sont des choses que l'on verra de moins en moins, parce que la production de viande n'est plus rentable. Il vaudrait donc mieux consacrer cet argent à la rentabilité de la filière plutôt qu'à soigner des maux.

Mme Marie-Christine Chauvin . - Monsieur le ministre, les éleveurs qui produisent des broutards sont en grande difficulté, car les prix ne cessent de chuter. Avez-vous prévu un plan d'urgence les concernant ?

Mme Sophie Primas , présidente . - Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Julien Denormandie, ministre . - Tout d'abord, s'agissant des discussions avec les États-Unis, il ne faut faire preuve d'aucune naïveté. On connaît le poids de l'administration américaine sur tous ces sujets, même si l'élection de Joe Biden va très certainement apaiser le climat.

Il s'agit de mettre en oeuvre les 4 milliards de dollars de mesures de rétorsion permises par l'OMC, ce sur quoi la France a beaucoup travaillé et que l'Union européenne a adopté il y a quelques jours. Il est très important de montrer 'que nous sommes prêts à entrer dans un rapport de force pour obtenir la désescalade et revenir à un système beaucoup plus apaisé.

La deuxième question, que vous êtes plusieurs à avoir posée, porte sur le foncier agricole. On pourrait en parler durant des heures. Je crois qu'il nous faut mener une grande réforme du foncier agricole. Cela va prendre cinq à dix ans. Ceci recouvre les sujets des baux ruraux, du fermage, du statut de l'agriculteur, des SAFER, de leur gouvernance, du portage foncier.

Nous avons en France les terres agricoles probablement les moins chères parmi nos compétiteurs européens, mais nous ne les valorisons pas. Nous avons là pour une fois un avantage comparatif indéniable, ce qui amène même parfois certains, comme nos amis belges, à se les approprier dans le nord du pays, car il s'agit de terres particulièrement compétitives.

Je ne suis pas sûr, compte tenu des modifications législatives dues à la situation sanitaire, qu'on dispose d'une fenêtre pour que le Gouvernement dépose une grande loi de réforme foncière d'ici la fin du quinquennat. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas avancer, ou que les parlementaires ne peuvent pas le faire de leur côté.

Que peut-on faire rapidement ? J'entends les critiques visant les SAFER. Pour autant, vous en connaissez la gouvernance, et chacun doit assumer ses responsabilités.

Il existe un point sur lequel on peut avancer sans passer par la loi. Certains d'entre vous l'ont dit, le jeune agriculteur qui s'installe, s'il n'hérite pas de terres, doit souscrire des prêts à hauteur de 200 000 euros, 300 000 euros, 400 000 euros, 600 000 euros.

Face à cela, il faut avancer avec des systèmes de portage foncier. Des expériences ont été menées dans certaines régions. On travaille aujourd'hui beaucoup avec la banque des territoires pour voir comment réaliser ce portage foncier, qui est extrêmement pertinent.

Je pense que la nouvelle génération d'agriculteurs est prête, ce qui n'était pas concevable pour leurs parents. La première des grandes réformes foncières à mener, c'est celle des retraites de nos agriculteurs, afin de définitivement clore le sujet. Tant qu'on n'arrivera pas à boucler ce dossier, on ne changera jamais l'approche que l'on peut avoir du foncier. C'est ce que nous sommes en train de faire, puisqu'on doit mettre en place la retraite minimale à 85 % du SMIC avant début 2022, y compris pour le stock. C'est très important.

Concernant le PGE, les choses sont déjà faites. Cette possibilité existe hors du monde agricole. On est passé d'une à deux années. Il s'agit de mesures transversales, mais il faut que l'on s'adapte.

Je me félicite par ailleurs du décret issu de la loi ASAP sur la gestion de l'eau et la répartition, et je vous en remercie. Cela a été un beau sujet parlementaire. On a là un cadre défini, et c'est très bien.

Ce décret vient de partir à la concertation. Ce qui est sûr, c'est que le ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriculture, comme toujours pour ce type de documents réglementaires, seront associés à la concertation. C'est un sujet très important. Il nous faut maintenant nous assurer que le décret en tant que tel est pertinent.

Monsieur Janssens, le sujet est assez simple s'agissant de la question du rôle et de la place de la France dans la PAC 2021-2027. À mon arrivée, il existait des lignes rouges. Il s'agissait en premier lieu d'avoir une PAC plus verte et d'accompagner la transition agroécologique, mais surtout de faire en sorte que la convergence au sein du marché commun soit une priorité absolue. On ne peut demander aux uns de changer de pratiques si les autres ne changent pas aussi. Cela va prendre un certain temps.

Je suis sûr que les prochains ministres de l'agriculture continueront à travailler sur ce sujet, mais on a franchi une étape très importante. Cela aurait été un immense échec si l'on n'y était pas parvenu. On s'est beaucoup battu lors du conseil des ministres du 21 octobre pour obtenir que le fameux principe qui conditionne 20 % à 30 % des paiements du premier pilier à des mesures environnementales soit obligatoire pour tous les États membres. Auparavant, chacun y allait avec ses desiderata . C'est une grande avancée.

Cependant, tous les pays vont établir des plans stratégiques nationaux. Il va falloir rester très vigilant en matière de convergence, mais on a obtenu l'avancée nécessaire il y a tout juste un mois, après des mois de discussions et des jours et des nuits d'intenses tractations.

Madame Schillinger, à mes yeux, la souveraineté agroalimentaire passe par la souveraineté française et, bien sûr, européenne. Un sujet est particulièrement important, celui de la souveraineté protéique.

Les aides couplées pour certains types d'élevages ne sont aujourd'hui possibles que pour des secteurs en difficulté ou des actions que l'on veut maintenir sur un certain nombre de territoires. Ce n'est pas possible quand il s'agit de soutenir une filière ou accroître sa production. Ce n'est pas logique. Si nous ne voulons plus être dépendants du tourteau de soja brésilien ou en provenance d'Amérique du Sud, il nous faut accroître nos surfaces. J'ai obtenu il y a tout juste un mois l'autorisation d'utiliser les aides couplées notamment pour la filière protéique.

Monsieur le sénateur Cardon, il faut considérer deux éléments s'agissant la conversion agribio, et en premier lieu tout ce que l'on fait au titre des schémas habituels, qui ne cessent d'augmenter. Les financements européens et nationaux sont passés, de 2016 à 2020, d'environ 250 millions d'euros à 500 millions d'euros au titre du bio.

Au-delà, on a augmenté de 50 % le fonds Avenir Bio, prorogé le crédit d'impôt bio et mis en place les structurations de filières, notamment de filières bio, à hauteur de 60 millions d'euros. On doit être aujourd'hui à 8,5 % de surfaces agricoles utiles en bio, ce qui n'est évidemment pas assez par rapport à l'objectif de 15 % d'ici 2022. Il nous faut donc accélérer.

En revanche, j'ai fait le choix, que j'assume, de ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Au moment où je consentais une augmentation de 50 % au fonds Avenir Bio, j'ai décidé de créer le crédit d'impôt HVE et de le doter de 70 millions d'euros. J'aurais pu choisir de tout mettre sur le bio, mais j'ai fait le choix du bio, du HVE et du conventionnel, c'est-à-dire de pousser tous les feux.

C'est un choix politique qui m'incombe, mais je pense qu'il est très important de développer également le HVE, même s'il faut aller à fond sur le bio. Enfin, le crédit d'impôt bio est également prolongé.

Monsieur Moga, j'ai répondu concernant la taxe américaine.

Monsieur Cuypers, il faut d'abord évaluer toutes les pertes avant de lancer l'indemnisation au titre du principe de minimi .

Par ailleurs, j'entends les craintes concernant le photovoltaïque. À la suite du débat à l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement, la révision des tarifs ne concerne que les installations supérieures à 250 mégawatts. On parle de dix à quatre-vingts unités agricoles. J'entends qu'il y a des interrogations sur cette évaluation et que cela pourrait être beaucoup plus. Le rôle du Gouvernement, avant la séance au cours de laquelle vous allez étudier la chose, est de vous apporter la réponse précise. Nous y travaillons.

Monsieur Montaugé, la question des aides surfaciques et non surfaciques est un débat très compliqué. Nous l'avons eu au moment de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit national au droit de l'Union européenne (DDADUE). Le Sénat, en séance, n'a pas voté en faveur de la proposition du Gouvernement.

Entre le débat dans l'hémicycle et la CMP, nous avons beaucoup travaillé avec les régions et sommes convenus d'un accord avec elles sur ce point. Nous avons, selon une méthode qui m'importe, établi avec le président Muselier et les autres présidents de région le meilleur des schémas.

Pour les aides surfaciques, l'autorité de gestion décisionnaire est l'État. Pour les aides non surfaciques, ce sont les régions qui représentent l'autorité de gestion et le décisionnaire. Il faut ensuite que chacun veille à ce qu'il existe une forme de convergence entre les différentes régions. J'ai souvent rencontré de jeunes agriculteurs frontaliers qui déploraient le fait que certains s'expatriaient dans des endroits où l'aide à l'installation était meilleure. Cette convergence est donc dans l'intérêt de tous.

On a un peu de temps pour régler tout cela, ces nouvelles répartitions n'entrant en vigueur qu'en 2023. On s'est mis d'accord avec les régions sur le principal. C'était très important. Comme pour les aides surfaciques, l'autorité de gestion est l'État, mais cela se décide avec les territoires et les régions. Il faut donc maintenir tous les comités de région et continuer à échanger.

Monsieur Gremillet, je suis un grand défenseur de l'exportation. J'en ai beaucoup parlé hier dans l'hémicycle du Sénat. Je pense qu'il faut à la fois avoir une agriculture de proximité, et une agriculture d'exportation. Les deux sont nécessaires.

Cela nécessite des mesures d'aide à l'exportation. Songez que 30 à 40 % de l'activité de Business France est tournée vers l'agroalimentaire. On a créé un plan de relance export. Dans ce cadre, j'ai « doublé la mise » pour que ce soit deux fois plus intéressant de l'utiliser dans le domaine agricole.

Je ne reviens pas sur les moyens de contrôle. J'ai évoqué le Brexit tout à l'heure.

Madame Loisier, vous avez raison : la mère des batailles reste l'eau. On ne peut faire d'agriculture sans eau. La tension sur l'usage de l'eau est vieille comme le monde. Il existe des guerres de l'eau depuis que l'homme est sédentaire. Cela crispe souvent tout le monde au début puis, une fois que la réserve est montée, plus personne n'en parle, ce qui montre bien que les gens réussissent à s'adapter.

Il faut donc simplifier les choses, comme le fait décret sur la répartition des débits, et se concerter.

S'agissant des retenues individuelles, une ligne de 100 millions d'euros est prévue pour l'aide aux aléas climatiques. Les bassines de collecte d'eau pour les éleveurs, qui coûtent quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d'euros, peuvent être éligibles au titre de cette ligne. Il faut les rajouter si elles ne le sont pas.

J'ai déjà répondu concernant le sujet de la démographie. Il nous faut créer des systèmes de portage de foncier. Avec Mme la présidente et Mme Estrosi Sassone, nous avions travaillé sur ces sujets, notamment dans le domaine du logement. Il faut donc avancer sur ce point.

Pour ce qui est de l'observatoire des prix que vous mentionnez, on a finalement maintenu tous les budgets en 2020. Il faut continuer à en parler. Je n'entre pas dans le détail, mais on dispose d'un peu de temps.

Monsieur Chauvet, un point est extrêmement important dans le domaine des aides à l'installation, vous l'avez dit. L'un des problèmes fondamentaux de la PAC est qu'on ne peut jamais bénéficier de seconde chance si, pour une raison ou une autre, on s'est trompé dans sa demande de paiement.

On a changé les choses concernant les aides aux jeunes agriculteurs après 2015, mais on est encore en train de traiter les reliquats de 2011 à 2015. J'ai souhaité, dès mon arrivée, instaurer la notion de droit à l'erreur dans la PAC. J'ai donc poussé un amendement au Parlement, avec les délégations européennes. J'ai obtenu une déclaration du Conseil sur le sujet. J'espère que le trilogue va valider cette notion. Si l'on y arrive, on aura réussi à obtenir quelque chose de fondamental.

Monsieur Labbé, concernant l'ITAB, les réunions ont lieu en ce moment, notamment au sujet de la répartition du CASDAR. Ceci prouve qu'on y travaille. Je vous propose d'en reparler en parallèle, n'ayant pas suffisamment de détails à ce sujet.

Monsieur Cabanel, j'ai répondu tout à l'heure à votre question sur les métiers.

Monsieur Michaud, nous allons déposer un amendement pour reconduire cette année le dispositif relatif à l'association foncière pastorale.

Monsieur Rietmann, vous avez raison : il s'agit d'une question de rentabilité, mais c'est pour moi typiquement une injonction contradictoire. En France, on adore les animaux, beaucoup apprécient la viande, mais on n'aime pas ce qui se passe entre les deux. On fait donc une sorte de transfert de culpabilité en direction des personnes qui travaillent dans les abattoirs.

Qui est déjà allé dans un abattoir ? Qui accepterait d'aller y travailler ? Je veux rendre hommage à celles et ceux qui y sont employés, qui font un métier extrêmement difficile et subissent ces injonctions, alors qu'on n'accepte pas de payer la viande plus cher pour couvrir les investissements.

C'est cette injonction contradictoire qu'il nous faut combattre, mais il faut bien que j'agisse le temps que cela se fasse, car les abattoirs de proximité ne cessent de fermer. Il nous faut arriver à avancer sur ce sujet. C'est pourquoi ces établissements sont éligibles au plan de relance, le temps que le sujet évolue.

J'ai parlé hier encore de la question des établissements de transformation lors de la réunion du conseil des ministres européens, en expliquant qu'on en avait absolument besoin en France.

Enfin, j'ai bien le sujet des broutards en tête. J'étais dans votre territoire il y a peu. Nous nous sommes mis d'accord sur un modus operandi afin de renouer le dialogue entre tous les acteurs. Une feuille de route commune a été arrêtée, qu'on m'a remise vendredi dernier. Je vais l'étudier.

Ces pistes sont très importantes sur le moyen terme, mais il existe également un sujet de très court terme. Il s'agit malheureusement d'opérations de marché. La question est de savoir si les Italiens acceptent de payer plus. Ce n'est pas si facile. Nous sommes aujourd'hui dépendants du marché italien, alors même que les Italiens sont dépendants de nous. C'est un système dans lequel on devrait pouvoir nous-mêmes fixer globalement les prix, alors que c'est l'inverse. Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond. Nous y travaillons.

Monsieur Redon-Sarrazin, votre question portait sur la transmission des terres. Même si on ne fait pas de loi foncière tout de suite, il nous est possible de commencer, notamment sur la question du portage du foncier. C'est un sujet très compliqué.

Je souhaite avancer sur tous ces sujets. Ce n'est pas faute de travailler, mais il faut aussi savoir quels sujets traiter en priorité. Mesures de soutien, plan de relance, PAC, assurances, eau, énergie, forêt, biocontrôle, biosécurité, foncier, transmission, etc. : on a beaucoup de sujets face à nous. Il faut voir comment les traiter les uns après les autres. J'aurais également pu citer le Brexit, le plan protéines, etc.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous savons que vous avez une grosse capacité de travail. Dominique Estrosi Sassone et moi-même l'avons constaté au moment de la loi Elan.

Nous avions encore beaucoup de questions à vous poser, mais nous nous retrouverons dans l'hémicycle à l'occasion de l'examen de cette mission.

Examen en commission
(Mardi 24 novembre 2020)

Réunie le mardi 24 novembre 2020, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Laurent Duplomb, Mme Françoise Férat et M. Jean-Claude Tissot sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2021.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons le rapport de M. Laurent Duplomb, Mme Françoise Férat et M. Jean-Claude Tissot sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2021.

Avant de commencer, j'en profite pour saluer M. Fabien Gay, dont le travail sur l'affaire des faux steaks hachés distribués aux associations caritatives a été mis en lumière par une grande chaîne de télévision nationale hier soir.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Le budget, après examen par l'Assemblée nationale, est proposé à hauteur de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour 2021, soit un recul de 34 millions en AE et une augmentation de 34 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiales pour 2020.

Deux évolutions ont un impact à la baisse sur le budget en AE. La première est la baisse des cofinancements des dotations aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) par rapport à l'année dernière, même si c'est un effet d'optique puisque ces dotations avaient été exceptionnellement accrues en 2020 pour engager une nouvelle vague de contrats MAEC. J'en veux pour preuve que nous aurons encore en 2021 des crédits à engager à un niveau deux fois supérieur à celui de 2019. La seconde évolution est la baisse des dotations du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) de 11 millions en AE et de 23 millions en CP.

J'ajoute, pour information, que les crédits de paiements pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) seront en recul de 2 millions d'euros en raison de la fin de la compensation pour les communes sortantes du nouveau zonage.

En parallèle ont été augmentées plusieurs lignes budgétaires. Pour le programme 149, je veux mentionner la dotation pour aléas de provisions, tout d'abord, qui passe de 175 à 190 millions d'euros. Il en va de même pour les crédits de l'action dédiée à la forêt, en hausse de 7 millions d'euros.

Le programme 206, dédié à la sécurité sanitaire, augmente également de 33 millions d'euros en AE et 32 millions d'euros en CP, principalement pour boucler le plan de recrutement des contrôles aux importations dans le cadre du Brexit et pour réformer la base de données nationale d'identification animale (BDNI), conformément à nos engagements européens.

Enfin, le programme 215, dédié aux moyens du ministère, est également en augmentation en raison, principalement, d'investissements immobiliers et informatiques.

On le voit, c'est un budget de gestion. À ce budget finalement assez stable s'ajoutent plusieurs points positifs : le maintien du dispositif d'exonérations de charges patronales pour les employeurs de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emplois en agriculture pour deux années supplémentaires - le Sénat l'a d'ailleurs, et à juste titre, pérennisé dans le PLFSS ; le maintien du budget des chambres d'agriculture et l'abandon, cette année, du projet de baisse de leur budget de 45 millions d'euros envisagé l'année dernière par le Gouvernement ; la mise en place d'un volet agricole dans le plan de relance pour 1,2 milliard d'euros comportant plusieurs mesures favorables à l'investissement, notamment des aides aux investissements favorables à la réduction d'intrants, au bien-être animal et à la réduction des risques liés aux aléas climatiques, ce que nous défendons lors des discussions sur le projet de loi de finances depuis longtemps et que le Gouvernement s'est enfin décidé à reprendre. Avec MM. Franck Montaugé, Bernard Buis et Franck Menonville, nous avions, au nom de la cellule de veille et de contrôle de notre commission sur la crise sanitaire, fait des propositions et appelé le Gouvernement à prendre de telles mesures. Nous ne pouvons donc que nous en féliciter : dans le détail, un milliard sera consacré à l'agriculture et 200 millions à la forêt.

Toutefois, nous constatons trois points négatifs qui nous opposent à ce budget. Le premier, et M. Jean-Claude Tissot y reviendra, concerne la diminution de 10 millions d'euros du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).

Le second concerne les aides de crise. Vous le savez, certaines filières agricoles n'ont pas été épargnées par le premier confinement, notamment en l'absence de débouchés à l'export ou en restauration hors foyer (RHF) et en raison de la fermeture de certains canaux de distribution. Je pense à la viticulture, à l'horticulture, aux brasseurs, aux producteurs de cidre, aux petites filières de la volaille ou aux producteurs de pommes de terre. Nous avons obtenu l'engagement du précédent ministre de l'agriculture d'obtenir des aides ciblées pour les viticulteurs, l'horticulture, la pomme de terre, les brasseurs et producteurs de cidre, ainsi que des aides européennes pour les pisciculteurs et conchyliculteurs.

Mais nous avons découvert trois anomalies. À ce stade, aucune aide nationale n'a été versée ! Seules les aides européennes ont été décaissées pour les viticulteurs pour la distillation de crise. Aucune aide française n'a été versée depuis le début du confinement au mois de mars : le Gouvernement répond-il ainsi à l'urgence dans ces conditions en attendant plusieurs mois avant d'agir ?

Le ministre a aussi annoncé une baisse de certaines enveloppes, c'est le cas pour les pommes de terre, les montants étant réduits à 4 au lieu de 10 millions d'euros. Et les viticulteurs craignent que les services du ministère ne reviennent sur leurs promesses de fonds pour compenser les sanctions américaines en considérant que la distillation de crise valait solde de tout compte. C'est une remise en doute de la parole de l'État qui pose des difficultés.

Enfin, tout occupé à assurer le versement, on l'a compris tardif et réduit, des aides du premier confinement, le ministère n'a pas envisagé, encore aujourd'hui, un plan d'aides liées au second confinement. Or les problèmes sont les mêmes et les mêmes filières sont en difficulté : volailles à l'approche de Noël, pommes de terre et brasseurs sans débouchés avec la fermeture des restaurants, horticulteur en l'absence de fleuristes, etc.

Nous aurons encore un retard qui mettra en péril certaines filières. Avec MM. Franck Montaugé, Bernard Buis et Franck Menonville, nous craignions cet été qu'à défaut d'aides, le potentiel productif ne soit réduit, notamment dans les plus petites filières. Nous y voici ! Pour la pintade, par exemple, 15 % du matériel génétique a été détruit depuis mars. C'est une perte pour la France. Il en va de même pour les pigeons ou les cailles. En ajoutant une saison de Noël potentiellement catastrophique et un risque d'influenza aviaire, la filière pourrait ne pas s'en remettre. Il faut les aider et vite ! Nous appelons le ministre à réagir sur ce sujet rapidement, avant qu'il ne soit trop tard.

Le troisième point négatif concerne enfin la sincérité du budget. Il est étonnant de constater que des mesures nouvelles annoncées, ici même, par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne figurent pas dans le budget, par exemple les 7 millions d'euros afin d'accélérer la recherche sur les alternatives au glyphosate ou les 7 millions d'euros destinés à financer le plan de recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes pour la betterave sucrière. Enfin, aucune mention du plan d'indemnisation des planteurs betteraviers touchés par l'épidémie de jaunisse en 2020 ne figure dans les documents budgétaires, alors que cette mesure a été annoncée par le ministère, sans être à ce stade chiffrée.

Lors de son audition, le ministre a assuré que ces crédits seraient financés par des « redéploiements » en cours de gestion à la fois sur le Casdar et les crédits de la mission, c'est-à-dire en imposant des économies sur d'autres dispositifs, notamment en mobilisant la réserve, et sans informer préalablement le Parlement de ces mesures. Cela n'est pas conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et nous prive d'un débat sur ces sujets.

Au fond, il me semble que nous ne pouvons pas accepter le budget présenté cette année. Il commet une erreur stratégique sur le Casdar, une erreur tactique sur les aides d'urgence liées à la covid-19 et suscite des inquiétudes en ne prenant pas en compte certains risques évidents. Comment comprendre que les Pays-Bas soutiennent massivement leurs horticulteurs dans la crise, alors que le Gouvernement français qui leur avait promis 25 émillions d'aides n'a toujours pas versé un centime...

C'est pour ces raisons que nous vous proposons d'adopter un avis défavorable sur les crédits de la mission et sur le Casdar.

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis . - Nos auditions nous ont conduits également à étudier certains facteurs de risque que le budget ne prend pas en compte à ce stade. Ce sont des défis. Ils sont source d'inquiétude. J'en prendrai trois : l'adaptation au changement climatique, la sécurité sanitaire et la forêt.

Les crédits dédiés à compenser les pertes agricoles liées au changement climatique sont avant tout tracés, dans le budget, par le biais de la provision pour aléas. Créée en 2018, à hauteur de 300 millions, cette provision avait pour mission de couvrir les effets des crises agricoles selon le Gouvernement. Notre commission avait, de son côté, relevé l'intérêt manifeste de cette réserve, à savoir masquer un budget pour l'agriculture en forte baisse en 2018, compte tenu de la fin de la compensation à la Mutualité sociale agricole (MSA) de l'exonération de cotisation maladie des exploitants agricoles. Elle avait craint que cette provision ne serve, au fur et à mesure, de variable d'ajustement budgétaire.

Depuis, force est de constater que cette provision est devenue cette variable d'ajustement utilisée par le ministère de l'agriculture pour donner des économies à Bercy lors de la construction du budget. Elle a été réduite de 100 millions d'euros en 2019 et de 25 millions en 2020. Il faut le regretter dans la mesure où ces crédits sont censés couvrir les frais engagés en cas de crise agricole, qu'elle provienne d'un aléa climatique ou sanitaire, mais aussi les frais engagés pour régler les apurements communautaires.

Or nous constatons, chaque année, sur l'ensemble du territoire français, que la nature et la fréquence de ces crises augmentent. J'en veux pour preuve les sécheresses à répétition connues depuis 2016 ou, plus spécifiquement cette année, les impacts très forts sur les rendements de l'épidémie de jaunisse sur les betteraves.

Et chaque année nous constatons que la provision pour aléa a été sous-dotée. Cette année par exemple, l'État avait prévu une provision de 175 millions d'euros - il en dépensera finalement 230 pour compenser les effets de la sécheresse 2019 au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et payer les apurements communautaires.

En 2020, compte tenu de la sécheresse de cet été, les indemnisations à payer aux producteurs de betterave en raison de la jaunisse et les aides de crise à payer aux filières en difficulté en raison du confinement l'année prochaine, notre boule de cristal nous fait voir que la réévaluation de 15 millions d'euros de la provision ne sera pas suffisante.

J'ajoute à ces craintes les risques importants liés aux épidémies cette année, et c'est le second défi que le budget ne semble pas vouloir relever.

Depuis octobre 2020, plusieurs virus d'influenza aviaire hautement pathogènes sévissent partout au nord de l'Europe. Et la France n'est pas en reste : nous avons eu confirmation, hier, de la détection d'un troisième foyer d'influenza aviaire en France. Les trois cas sont situés dans des animaleries ou des basses-cours et les élevages ne sont pas, à ce stade, touchés. Des zones de protection et de surveillance sont imposées autour de ces foyers. Un premier zonage de trois et dix kilomètres va être effectué autour de ces sites. En parallèle, l'ensemble du territoire national a été placé sous surveillance avec un renforcement des mesures de biosécurité et une surveillance événementielle de l'avifaune plus musclée. Toutefois, la sanction est tombée : la France n'a plus le statut indemne et les exportations de produits en seront altérées.

À cet égard, la tuberculose bovine doit également nous inquiéter. Le nombre de foyers en France est en continuelle augmentation et atteint près de 150 foyers prévalents aujourd'hui, principalement en Nouvelle-Aquitaine, en Normandie et en Côte-d'Or. Au regard de cette augmentation des cas, les mesures de gestion font l'objet d'une dotation supplémentaire de crédits cette année. Enfin, demeurent également les risques d'épidémie de peste porcine africaine, moins élevés désormais depuis la Belgique, mais qui se rapproche lentement depuis l'Allemagne. Et c'est sans parler des impacts des abattages de visons en raison de la covid-19.

Tous ces risques épidémiques font peser un risque fort sur le budget. Pour mémoire, le coût budgétaire de l'épisode H5N8 de 2017 a été estimé à plus de 64 millions d'euros pour le seul programme 206. Il va de soi que, dans ces conditions, le budget qui nous est présenté ne prend pas suffisamment en compte ces éléments en matière de prévention et d'indemnisation.

Enfin, venons-en au défi posé par la forêt. La crise sanitaire que subit notre forêt n'est pas due à l'apparition soudaine de nouveaux insectes. C'est une crise d'affaiblissement des défenses naturelles de nos arbres, qui n'ont pas bien supporté les variations climatiques et les épisodes de sécheresse. Il en résulte une baisse des prix du bois qui met en péril le modèle de notre Office national des forêts (ONF), dont les déficits et l'endettement sont désormais très inquiétants. Nos communes forestières et les propriétaires privées sont également touchés, et ce, au pire moment, à savoir celui où il faudrait investir pour massivement replanter.

Le plan de relance propose d'avancer sur ce sujet en mettant 150 millions d'euros sur la table pour replanter. Mais rappelons que l'Allemagne consacre un effort de près de 800 millions d'euros pour sa forêt. Nous risquons de n'être pas au rendez-vous.

Finalement, le budget de gestion détaillé par M. Laurent Duplomb, ne répond pas aux principaux défis posés à notre monde agricole et forestier. C'est pourquoi je rejoins mon collègue en vous proposant de lui donner un avis défavorable.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - En complément des arguments mentionnés par mes collègues, nous avons, en outre, un sérieux désaccord avec le ministre : c'est le sujet du Casdar. Je rappelle que ses dépenses financent la recherche appliquée agricole par les instituts techniques et des appels à projets et, en parallèle, son développement sur le terrain, par l'aide de conseils techniques des chambres. Le Casdar est financé par une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, mise en place explicitement pour financer la recherche agricole appliquée, l'argent revenant pour un tiers aux instituts techniques, pour un tiers aux chambres d'agriculture et, pour un dernier tiers, aux appels à projets. Il s'agit donc d'argent des agriculteurs, pour les agriculteurs, via de la recherche appliquée par des agriculteurs.

Le ministère estime que la baisse des prévisions de recettes, compte tenu d'un chiffre d'affaires 2020 en recul dans les exploitations en raison de la mauvaise récolte de céréales et de la baisse d'activité due à la covid-19, justifie une baisse des dépenses du Casdar de 10 millions d'euros.

En pratique, de nombreux projets ne pourront pas être financés. Je rappelle qu'en 2019, l'État a récupéré 7 millions d'euros, car les prévisions étaient supérieures au plafond manifestement sous-évalué. Cela sera 4 millions cette année. Avec la baisse du budget de 10 millions d'euros l'année prochaine, le Gouvernement aura amputé le budget de la recherche appliquée agricole de 21 millions d'euros ! Les instituts techniques nous ont transmis une liste de 47 projets majeurs refusés ces dernières années malgré leurs intérêts.

Et ces tours de passe-passe budgétaires arrivent au pire moment, comme l'ont rappelé les débats sur les néonicotinoïdes, qui ont bien démontré, malgré nos désaccords sur le fond, que la solution résidait dans la recherche ! Réduire le budget du Casdar est un non-sens. D'autant que le ministre nous a indiqué que les 7 millions d'euros de crédits supplémentaires de recherche pour la betterave seraient affectés depuis un Casdar en baisse. D'autres filières ne pourront donc plus être financées.

Pour 2021, c'est un recul de 8 % du budget du compte d'affectation spéciale par rapport à l'année dernière, qui s'imputera, sans doute, à hauteur de 5 millions d'euros sur les chambres et de 5 millions d'euros sur les instituts techniques, en réduisant leurs dotations ou les appels à projets qui leur reviennent.

Ce qui est étonnant, c'est que l'Insee ne prévoit pas un tel recul de l'activité dans ses prévisions d'octobre pour l'activité agricole, les chiffres étant estimés à - 1 %.

Sans même retenir cet argument de la prévision, que personne ne connaît par construction, je tenais à rappeler que le Gouvernement avait d'autres choix. Il pouvait, par exemple, maintenir le plafond actuel et constater, en cours d'année, une recette inférieure, comme il l'a fait entre 2014 et 2017. C'est ce qui avait le mérite de préserver les dépenses de recherche. Pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?

Il pouvait également compenser la baisse des prévisions des recettes en couvrant les dépenses par le budget général, par exemple en dégageant 10 millions d'euros sur les crédits de la mission agricole pour garantir le financement des instituts techniques. L'article 21 de la loi organique pour les finances publiques (LOLF) le permet. Encore une fois, pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?

Le sentiment qui nous animait tout au long de nos auditions était que cette baisse du plafond du Casdar de 10 millions était une manière d'imposer une mesure d'économies sur les chambres d'agriculture, ce qui rappelle d'autres tentatives passées, et sur les instituts techniques. L'audition du ministre nous a convaincus que cela était bien le cas. Il a reconnu, entre les lignes, qu'il avait obtenu la survie du Casdar une année de plus contre cette mesure d'économies.

L'enjeu va donc bien au-delà des 10 millions d'euros cette année, qui posent déjà de graves difficultés : il s'agit de la survie du Casdar. Une mission des corps d'inspection aura lieu, et il faudra, sans doute, se battre l'année prochaine pour sauver le Casdar. Accepter cette mesure d'économies, c'est déjà accepter sa suppression, telle est ma conviction. Si son fonctionnement peut être amélioré, il faut absolument préserver cet outil qui, je le rappelle, est un fléchage de cotisations des agriculteurs vers le financement d'une recherche appliquée qui leur vient en aide.

Pourquoi remettre en cause le budget des instituts techniques alors qu'ils sont à la pointe de l'innovation en matière de recherches d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques par exemple ? À l'heure de la réduction de l'usage des pesticides, la recherche est la clé. En réduire les moyens à ce moment de l'histoire, c'est une erreur stratégique.

Le ministre se justifie en nous rassurant sur le plan de relance et le programme d'investissements d'avenir, qui prévoiront sans doute des crédits à la recherche agricole. Mais ce sont des fusils à un seul coup, alors que la réduction des pesticides va prendre du temps, des années, et que la recherche a besoin de visibilité et de lisibilité.

En outre, contrairement à ces instruments, le Casdar permet une mutualisation de la recherche entre filières. L'institut technique du houblon est financé par exemple à plus de 70 % par le Casdar, d'autres filières cotisant finalement pour financer la recherche des plus petites. C'est essentiel !

Enfin, le Casdar permet d'avoir un instrument visible, global, lisible rassemblant toutes ses initiatives en matière de recherche agricole appliquée pour réduire l'usage d'intrants. C'est essentiel pour mieux en suivre les résultats. C'est essentiel pour le travail parlementaire. C'est essentiel pour également mieux communiquer les avancées.

Nous ne pouvons donc accepter une telle décision d'économie cette année et nous devons signifier au ministre que nous nous opposerons à toute réforme dénaturant le Casdar. C'est pourquoi je rejoins l'avis de mes collègues en vous proposant d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et du Casdar.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial de la commission des finances . - Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par les rapporteurs. Nous avions longuement échangé en amont et nous partageons les mêmes avis.

M. Joël Labbé . - Nos rapporteurs proposent un avis défavorable. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (SER) est aussi défavorable, mais pour d'autres raisons que je détaillerai lors de la discussion générale en séance. Je rejoins les rapporteurs sur la nécessité de défendre les crédits du Casdar, mais encore faut-il préciser leur utilisation. D'une manière générale, nous sommes très déçus par les crédits de cette mission, car les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Pierre Louault . - Il ne faut rien céder sur le Casdar, il est important de rétablir ses crédits. Pour le reste, ce budget comporte néanmoins des avancées. On a l'impression, malgré tout, que le ministre nous écoute et qu'il a pris en compte certaines de nos demandes, comme sur les retards de paiements, par exemple. C'est pourquoi je suis partagé.

M. Fabien Gay . - Je partage la position des rapporteurs. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi « Egalim », visait à donner des prix rémunérateurs aux paysans. Deux ans plus tard, on est loin du compte ! Nous devrons interpeller le Gouvernement sur ce sujet.

De même, si l'on n'investit pas massivement dans la recherche pour trouver des méthodes de culture alternatives sans glyphosate ni néonicotinoïdes, rien ne changera et on risquera de se retrouver dans la même situation que cette année, lorsque nous avons dû maintenir l'usage des néonicotinoïdes pour la culture des betteraves.

Enfin, on ne peut aborder ce budget de l'agriculture sans poser la question du libre-échange. Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) n'a toujours pas été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. C'est un déni de démocratie ! J'ai interrogé le Gouvernement à ce sujet. En vain ! On ne peut pas prétendre vouloir défendre les paysans et le bio et continuer à signer dans le même temps de tels accords de libre-échange !

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous soutenons la position de nos rapporteurs. Ils insistent à juste titre sur la recherche. Celle-ci est essentielle si l'on veut réussir la mutation de notre agriculture et mettre un terme à l'usage des produits phytosanitaires. Le plan de relance n'est qu'un fusil à un coup. On a donc besoin de financements pérennes, si l'on veut pouvoir mener des recherches dans des domaines variés : sur les méthodes de culture, les semences, etc.

M. Franck Montaugé . - Je suis tout à fait à fait d'accord avec les propos de M. Laurent Duplomb sur les aides de crise ou sur le Casdar. Un budget est aussi un moyen de préparer l'avenir. Or la stratégie du Gouvernement sur la Politique agricole commune (PAC) n'est pas claire. Il reste dans le flou. Rien, dans ce budget, ne traduit des orientations concrètes pour le moyen terme. Je pense notamment à la gestion des risques en agriculture sur laquelle le texte est muet. Quant à l'appréciation sur le ministre, je crois qu'il est encore trop tôt pour se prononcer.

M. Franck Menonville . - Le groupe Les Indépendants - République et Territoires s'abstiendra sur ce budget, car il comporte des améliorations que le Sénat réclamait comme, par exemple, la régularisation des retards de paiements, la reconduction du dispositif TO-DE ou encore la mise en place d'un volet agricole de 1,2 milliard d'euros au titre du plan de relance. En revanche, vous avez raison, il ne faut pas céder sur le Casdar. La recherche appliquée en agriculture est un sujet stratégique, comme nous avons pu le constater, il y a peu, avec la question des néonicotinoïdes dans les champs betteraviers. On ne peut pas non plus mobiliser les chambres d'agriculture si on les prive de moyens.

Mme Sylviane Noël . - Comment évoluent les moyens consacrés l'indemnisation des éleveurs face aux prédations des loups, des lynx et des ours ? En Haute-Savoie, les attaques des loups ont augmenté de 20 %.

M. Bernard Buis . - S'il est vrai que l'on peut regretter la baisse des crédits du Casdar, je tiens à souligner les avancées de ce budget, comme la prolongation du dispositif TO-DE, le maintien des budgets des chambres d'agriculture ou encore le volet agricole du plan de relance de 1,2 milliard d'euros, alors que le Sénat ne réclamait qu'un milliard.

M. Sebastien Pla . - Je partage la position de nos rapporteurs, même si on peut se féliciter de la stabilité des crédits de la mission. Toutefois, en cette période de crise, le compte n'y est pas. Surtout la méthode n'est pas bonne. La priorité devrait être de sauver notre agriculture. Or les crédits de crise n'ont pas été versés, à l'exception des aides pour la distillation de crise. Il faudra ensuite travailler à la relance. Or, pour cela, il faudra innover. La baisse des crédits du Casdar est un très mauvais signal à cet égard. Lors des débats du PLFSS, nous avions demandé des exonérations de charges supplémentaires pour la viticulture. À chaque fois le Gouvernement a refusé, au motif que des aides pour la distillation de crise avaient déjà été versées. Le Gouvernement joue au marchand de tapis et, finalement, ce budget n'est pas à la hauteur. L'aide à la distillation permet de réduire les stocks des coopératives, mais, faute de marchés et de débouchés, les vignerons indépendants du Languedoc ne peuvent écouler leurs bouteilles. C'est pourquoi je voterai contre ce budget.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Monsieur Louault, nous comprenons votre sentiment partagé. Nous sommes aussi passés par une période de doutes. Nous avons beaucoup échangé avec les rapporteurs de la commission des finances et, pour la première fois depuis des années, nous avons véritablement travaillé ensemble et sommes parfaitement d'accord. Nous avons hésité : fallait-il adopter le budget en l'amendant ou bien le refuser ? Je vous proposerai de le refuser, tout en l'amendant.

Monsieur Gay, pour parvenir à un prix rémunérateur, on a besoin de mesures de soutien fortes, afin de compenser des prix de vente qui restent bas. C'était initialement le rôle de la PAC ! Or, celle-ci est de moins en moins commune et vise de moins en moins à soutenir le revenu des agriculteurs. Si le soutien de la PAC disparaît, il faudra augmenter les prix de vente. Mais les consommateurs sont-ils prêts à consacrer à nouveau 30 à 40 % de leurs revenus à l'alimentation ?

Développer la recherche en agriculture, c'est évidemment nécessaire, mais il faut aussi mettre un terme aux injonctions sociétales paradoxales à l'agriculture de la part de personnes qui n'y connaissent rien et qui pourtant nous expliquent tout ce que les agriculteurs devraient faire... Si les demandes sont irréalisables, on n'en sortira pas.

Il ne faut pas non plus se focaliser sur la recherche de solutions alternatives à certains produits phytosanitaires : on peut aussi essayer de développer de nouveaux agroéquipements qui permettraient de réduire massivement la consommation de ces produits. Nous sommes tout à fait favorables à la disparition des produits phytosanitaires, pourvu que l'on préserve la compétitivité et les revenus des agriculteurs. Si cela n'est pas possible dans l'immédiat, il ne faut surtout pas se priver, par dogme, de ces solutions qui permettent de réduire l'utilisation d'intrants, tout en se donnant le temps de trouver des méthodes alternatives à terme.

Quant au CETA, le Sénat n'est pas respecté et nous sommes tous placés devant le fait accompli.

Monsieur Montaugé, je partage votre analyse sur la PAC. Les propositions de la Commission européenne ne sont pas satisfaisantes, tout comme celles du Parlement européen et même, voire encore moins, celles du Conseil européen. On s'oriente vers une PAC de moins en moins commune. L'accent est mis sur la subsidiarité. Dès lors, l'écart sera grand entre les pays qui mettront l'accent sur la compétitivité et ceux qui n'auront de cesse d'ajouter des contraintes à leurs agriculteurs...

Je ne comprends pas votre position, Monsieur Menonville : vous avez fait partie de la cellule de suivi de notre commission. Celle-ci a proposé un plan de relance. Or, ce plan n'est pas mis en place et les aides ne sont pas versées. Comment donner un blanc-seing à ce budget dans ces conditions ?

M. Franck Menonville . - Nous nous abstenons. Ce n'est pas un blanc-seing.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Cela revient au même : on ne peut pas demander des aides rapides à certaines filières et ne pas sanctionner le Gouvernement lorsqu'il n'agit pas...

Les crédits liés à l'indemnisation des éleveurs victimes de la prédation ne fait pas partie de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » mais de la mission « Écologie ». Les charges liées à la prédation et aux indemnisations ont augmenté en 2020 de 3 millions d'euros. Une hausse supplémentaire d'un million d'euros est prévue pour l'an prochain en raison de la hausse de la fréquence des attaques et de la revalorisation des barèmes d'indemnisation : + 14 % pour le loup et le lynx et + 30 % pour l'ours.

Monsieur Pla, le budget est stable, mais le Gouvernement met en avant le volet agricole du plan de relance. Il reste toutefois à voir si celui-ci sera réalisé...

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis . - Avant d'en venir aux amendements, je voudrais vous faire partager ma déception. J'espérais beaucoup de ce budget et de notre nouveau ministre, mais je reste sur ma faim. Nous n'avons pas instruit à charge et nous avons mis en avant les points positifs dans notre rapport. Ce budget constitue un rendez-vous manqué à l'heure où l'agriculture traverse une période difficile. Le Gouvernement manque de stratégie, de vision. Je crains que le plan de relance ne serve avant tout à colmater les brèches.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 33

État B

M. Laurent Duplomb . - Il peut sembler paradoxal de proposer de rejeter le budget tout en l'amendant. Nous rejetons le budget pour les raisons que nous avons évoquées : la baisse des crédits du Casdar, les doutes sur le plan de relance ou encore l'insincérité du budget. Nous proposons simplement deux amendements pour appeler le Ministre à réagir, et lui donner quelques idées.

L'amendement AFFECO.1 vise à rétablir la sincérité du budget, en affichant clairement les crédits de recherche annoncés par le Gouvernement et votés par le Parlement, tout en rétablissant, au fond, les crédits du Casdar. Le Casdar fait l'objet d'un plafonnement défini chaque année en loi de finances à hauteur des recettes prévisionnelles estimées par le Gouvernement. Toutefois, en 2019, les recettes fiscales effectivement constatées ont dépassé de 7 millions d'euros le plafond du compte d'affectation spéciale, empêchant l'engagement de nouvelles dépenses de recherche. Le même phénomène devrait se produire pour 4 millions d'euros en 2020. Enfin, le Gouvernement propose de réduire le plafond du compte de 10 millions d'euros en 2021. Au total, cela représente 21 millions d'euros perdus pour la recherche agricole sur 3 ans. Nous proposons donc simplement d'augmenter d'autant les crédits du CAS. Techniquement, à défaut de pouvoir augmenter le plafond du Casdar par voie d'amendement, nous proposons de flécher de l'argent de la mission vers les crédits du compte d'affectation spéciale. La LOLF le permet comme l'a rappelé M. Jean-Claude Tissot. Il appartiendra au Gouvernement de lever le gage.

Ces 21 millions d'euros permettront de financer les 7 millions d'euros annoncés pour la recherche d'alternatives au glyphosate ainsi que les 2 millions d'euros annoncés pour la recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes pour la culture des betteraves sur le budget général, auxquels s'ajouteront 5 millions depuis le plan de relance ; 12 millions d'euros resteront donc disponibles pour financer d'autres actions de recherche pour d'autres filières : par exemple pour les petites filières, comme la noisette ou la lentille verte du Puy, qui risquent de se retrouver dans des impasses techniques en raison des injonctions nombreuses auxquelles elles sont soumises. On pourrait aussi faire un diagnostic des sols : à l'heure où beaucoup appellent à changer de modèle, à développer des méthodes alternatives, voyons comment les sols peuvent évoluer !

M. Franck Montaugé . - Cet amendement ne cautionne-t-il pas ce que souhaite faire le Gouvernement : financer le Casdar à partir du budget général ?

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Non, nous annulons simplement la baisse de crédits de 10 millions prévue par le Gouvernement l'année prochaine, tout en reprenant les excédents de 2019 et 2020, qui proviennent, je le rappelle, des cotisations des agriculteurs, mais qui n'ont pas servi à financer la recherche agricole. Il s'agit de flécher cet argent, issu des cotisations et destiné à la recherche, vers le Casdar, alors que le Gouvernement y voit des crédits publics susceptibles d'être utilisés à d'autres fins.

L'amendement AFFECO.1 est adopté.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement AFFECO.2 est un amendement d'appel. Il vise à octroyer des aides exceptionnelles de crise aux secteurs les plus en amont des filières de production animale et végétale. On entend beaucoup, et c'est normal, les filières qui perdent de l'argent, comme la pomme de terre, les brasseurs, les horticulteurs. Mais on néglige souvent ceux qui sont en amont, comme les accouveurs dans la filière volailles ou les producteurs d'orge de brasserie ou de houblon. Or, sans eux, les filières ne pourraient se développer. Il s'agit non seulement de sauver les filières, mais aussi de préserver nos capacités de production et notre savoir-faire en matière génétique - je pense par exemple à l'horticulture.

M. Pierre Cuypers . - Je voterai ces amendements. Je ne voterai pas, en revanche, le budget. Les promesses prises n'ont pas été tenues. Il y a donc une perte de confiance dans la parole de l'État. Celui-ci doit donc être réaliste dans les engagements qu'il prend.

Je ne voudrais pas revenir sur la betterave sucrière, mais je ne vois rien dans ce budget qui puisse compenser les pertes abyssales de la récolte cette année, estimées à 285 millions d'euros, et qui sont liées à une décision politique d'interdire une molécule dont on découvre le caractère indispensable et qui n'est pas remplaçable pour le moment.

L'amendement AFFECO.2 est adopté .

M. Joël Labbé . - Nous nous abstenons sur les crédits de la mission.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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