II. UN EFFORT BUDGÉTAIRE SUBSTANTIEL EN FAVEUR DES ÉTUDIANTS LES PLUS PRÉCAIRES

A. LE PROGRAMME 231 : UNE HAUSSE DES CRÉDITS POUR ACCOMPAGNER LES ÉTUDIANTS PENDANT LA CRISE

Le programme 231 , « Vie étudiante », est doté de 2,9 milliards d'euros à la fois en autorisations d'engagement et en crédits de paiement l'année prochaine, soit une hausse respectivement de 4,9 % et de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Les 133,5 millions d'euros de moyens nouveaux sont fléchés d'une part, sur l'augmentation de la subvention pour charges de service public versée au réseau des oeuvres universitaires et scolaires , elle-même destinée à financer des mesures de soutien aux étudiants dans le contexte de crise sanitaire, d'autre part, sur le renforcement des aides directes pour les étudiants les plus précaires .

1. Une année 2020 marquée par d'importantes pertes d'exploitation pour le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, dont la compensation intégrale est impérative

Acteur majeur de la conduite des politiques en faveur de la vie étudiante, le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, composé du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et des 26 centres régionaux universitaires et scolaires (Crous), est extrêmement sollicité depuis le début de la crise sanitaire. Aussi, le rapporteur pour avis tient à saluer le très fort engagement de l'équipe de direction du Cnous et des personnels des Crous sur le terrain .

La première vague épidémique a entraîné la fermeture de l'ensemble des structures de restauration du réseau et le départ de 65 % des étudiants logés dans les résidences des Crous, générant des pertes d'exploitation d'un montant de 97,5 millions d'euros pour la période allant de mars à août 2020 .

Des prévisions établies en juillet dernier faisaient état de 50 millions d'euros de pertes supplémentaires entre septembre et décembre 2020 . Il est d'ores et déjà avéré que ce montant sera revu à la hausse , compte tenu des conditions inédites dans lesquelles s'est déroulée la rentrée universitaire 2020 (arrivée décalée des étudiants - notamment internationaux, développement de l'enseignement en distanciel entraînant une moindre présence sur les campus), des conséquences opérationnelles de l'application des consignes sanitaires (capacité d'accueil réduite des structures de restauration), et de la mise en place, à compter du 30 octobre dernier, d'un nouveau confinement national.

La crise sanitaire a également engendré des coûts , d'un montant estimé à 5 millions d'euros , liés au versement d'une prime à une partie des agents et à l'achat d'équipements de protection individuelle (EPI) pour les personnels. Des coûts supplémentaires, n'ayant toutefois pas fait l'objet d'un recensement exhaustif à ce jour, sont aussi attendus en raison des délais pris par les chantiers immobiliers en cours.

Dans ce contexte exceptionnel, la loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 3) prévoyait l'attribution de 65 millions d'euros au réseau pour couvrir ses pertes d'exploitation. De nouveaux arbitrages ont finalement conduit le ministère à lui pré-notifier, le 25 septembre dernier, un complément de subvention pour charges de service public d'un montant de 100 millions d'euros au titre de l'année 2020 afin de financer :

- à hauteur de 80 millions d'euros, les incidences de la crise sanitaire ;

- à hauteur de 20 millions d'euros, le coût de la mise en place, à compter du 1 er septembre 2020, du ticket de restaurant universitaire à un euro pour les étudiants boursiers.

Rappelant que le groupe de travail de la commission chargé du suivi de la gestion de la crise sanitaire avait, dès le printemps dernier, alerté sur la situation financière très critique des Crous et appelé à la compensation intégrale des pertes subies , le rapporteur pour avis salue ce premier abondement .

Ainsi que l'avait annoncé la ministre lors de son audition par la commission, un deuxième abondement de 39,9 millions d'euros a été budgété dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR 4) , récemment adopté. Cette enveloppe pourrait toutefois s'avérer insuffisante. Le rapporteur pour avis sera donc particulièrement vigilant au schéma de fin de gestion sur le programme 231 pour l'année 2020, afin que l'intégralité des pertes enregistrées par le réseau du fait de la crise sanitaire soit entièrement comblée.

En complément du soutien de l'État, le Cnous a par ailleurs mobilisé 9,5 millions d'euros sur son fonds de roulement et opéré un redéploiement de crédits de fonctionnement de 9,7 millions d'euros. L'ensemble de ces financements a été réparti en tenant compte de la situation financière propre à chaque Crous, dans une logique de solidarité au sein du réseau.

2. Une hausse de la subvention au réseau en 2021 destinée au financement de nouvelles aides indirectes aux étudiants, mais dont la stabilisation hors prise en charge de ces mesures inquiète

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 65,6 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée au réseau des oeuvres universitaires et scolaires , par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Ces crédits supplémentaires sont fléchés sur le financement de mesures de soutien aux étudiants, que le rapporteur pour avis considère comme nécessaires dans le contexte de crise :

- 49 millions d'euros sont prévus pour compenser le manque à gagner que génère l'instauration, depuis septembre dernier, du ticket de restaurant universitaire à un euro ;

- 11 millions d'euros sont prévus pour compenser la perte de revenus résultant du gel de l'augmentation des loyers 2020 en résidences universitaires .

Hors les crédits consacrés à ces mesures nouvelles, le rapporteur pour avis note cependant que la subvention pour charges de service public du réseau n'évolue pas, comme c'est le cas depuis plusieurs années maintenant . Or cette stabilisation devient, selon les termes de la présidente du Cnous, « un vrai problème ».

En effet, le réseau des Crous poursuit son développement, avec l'ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, qui nécessitent des recrutements supplémentaires avec la masse salariale afférente. L'activité de restauration étant structurellement déficitaire, le besoin de financement augmente nécessairement avec le volume d'activité. Par ailleurs, le réseau développe l'accompagnement social des étudiants, mission qui s'est fortement accrue avec la crise sanitaire ; il s'agit là d'une activité non marchande qui génère également un besoin de financement croissant (recrutement d'assistantes sociales, développement d'outils permettant la distribution des aides, instruments d'amélioration de la relation avec les usagers...).

Aussi, le rapporteur pour avis appelle le ministère à mener une réflexion sur le financement du réseau des Crous, dans un contexte de crise sanitaire et sociale qui risque de durer .

3. Le renforcement nécessaire des aides directes à destination des étudiants les plus précaires

Dans ses conclusions, le groupe de travail de la commission sur le suivi de la gestion de l'épidémie avait salué les mesures prises pour limiter les répercussions économiques et sociales de la crise sur les étudiants : déblocage d'aides spécifiques d'urgence par les Crous, prorogation du droit à bourse en juillet, versement d'une aide exceptionnelle aux jeunes de moins de 25 ans précaires. Celles-ci ont constitué un premier filet de sécurité indispensable. Le groupe de travail avait cependant appelé à une clarification rapide des financements correspondants , dont les premiers montants annoncés avaient semblé sous-calibrés face à l'ampleur des besoins.

Ceux-ci ont été précisés dans le cadre de la LFR 3 :

- 75 millions d'euros ont été votés pour financer l'aide exceptionnelle de 200 euros attribuée aux étudiants boursiers et non boursiers ayant perdu un emploi ou un stage gratifié du fait de la crise sanitaire et aux étudiants ultramarins en formation initiale qui sont restés en métropole ;

- 30 millions d'euros ont permis l'extension du versement des bourses sur critères sociaux au mois de juillet pour les étudiants ayant vu leurs examens repoussés, financement que le groupe de travail de la commission sur le suivi de la gestion de la crise avait appelé de ses voeux ;

- 10 millions d'euros ont été budgétés en prévision de la majoration des bourses sur critères sociaux à la rentrée 2020.

Le budget 2021 s'inscrit dans la continuité de ces mesures de soutien aux étudiants, choix que le rapporteur pour avis approuve . Près de 81 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2020 sont destinés au financement des bourses sur critères sociaux, pour une dotation globale de 2,2 milliards d'euros :

- 21 millions d'euros sont liés à l'augmentation du nombre de boursiers , consécutive au très bon taux de réussite au baccalauréat 2020 ;

- 30 millions d'euros sont fléchés sur le financement de la revalorisation des bourses à hauteur de 1,2 % à la rentrée 2020 ;

- 30 millions d'euros ont vocation à financer la prise en compte, de manière exceptionnelle, des revenus 2020 pour le calcul des bourses 2020-2021, et non des revenus 2018, comme c'est habituellement la règle.

D'autres aides directes continuent par ailleurs d'être proposées aux étudiants : aides au mérite, aide à la mobilité Parcoursup, aide à la mobilité master, aides spécifiques...

Enfin, 4 millions d'euros sont alloués au financement du fonds de garantie des prêts étudiants géré par BPI France . Ce dispositif, dont la montée en charge est souhaitée par votre rapporteur pour avis depuis plusieurs années, est complété par des crédits issus de la mission « Plan de relance » (cf. infra ).

4. Le besoin d'évaluation des conditions d'utilisation de la contribution de vie étudiante et de campus

Particulièrement attentif aux conditions d'utilisation de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) - laquelle ne relève pas du champ du projet de loi de finances -, qui demeurent selon lui opaques, le rapporteur pour avis a tenu à savoir dans quelle mesure celle-ci avait été utilisée pendant la crise .

La présidente du Cnous a estimé que la CVEC avait été moins mobilisée cette année qu'en temps normal, mais que des projets en faveur de la vie étudiante avaient néanmoins pu émerger grâce à elle, comme le réaménagement d'un stade de sport sur le campus de l'Université de Caen.

Un représentant de la Conférence des grandes écoles a, pour sa part, indiqué que le contexte de crise avait encouragé la mobilisation de la CVEC au bénéfice de l'ensemble des étudiants, permettant un retour sur investissement plus équitable pour ceux assujettis à son paiement.

À la demande du rapporteur pour avis, la ministre a précisé lors de son audition que, pendant le premier confinement , plus de 20 millions d'euros de CVEC avaient été utilisés pour des aides directes aux étudiants, des achats ou des prêts d'ordinateurs, ou encore de l'aide alimentaire . Elle a également annoncé avoir commandé un rapport à l'Inspection sur les effets de cette contribution , trois ans après sa création. Le rapporteur pour avis se félicite de cette initiative qui, espère-t-il, permettra de disposer de données objectives sur les modalités de mise en oeuvre de la CVEC .

Page mise à jour le

Partager cette page