B. LA MISE EN PLACE BIENVENUE D'UN DISPOSITIF DE SUIVI DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

L'activité et le fonctionnement du Conseil constitutionnel ont été profondément impactés par la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) . Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 13 novembre 2020, 864 décisions issues d'une QPC ont été rendues, ce qui représente près de 80 % des décisions du Conseil .

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 14 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil constitutionnel rend depuis entre 60 et 80 décisions QPC chaque année. Le nombre de QPC rendues a même dépassé en 2019 le nombre de décisions a priori rendues en 60 ans, ce qui montre la vitalité du mécanisme.

Depuis le lancement de la procédure, le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen de 74 jours , inférieur au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions « DC » rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu grâce au respect scrupuleux d'un certain nombre de règles : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc. Sur le plan statistique, le rapporteur constate 15 ( * ) qu'il n'existe plus d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Ces éléments révèlent sans aucun doute l'achèvement d'une période qui a permis le lancement, avec succès, d'un mécanisme ayant sensiblement contribué à l'amélioration de l'état de droit.

Délais moyens (en jours) entre les saisines et les décisions
(au 30 juin 2020)

Type de décisions

Délai moyen

Délai imparti

Contrôle de constitutionnalité

Délai moyen pour les DC

17

DC- (Traités)

41

DC- (Règlements)

16

DC- (Lois organiques)

16

DC- (Lois ordinaires)

16

30 16 ( * )

(Lois du pays)

57

90 17 ( * )

Question prioritaire de constitutionnalité

74

90 18 ( * )

Autres compétences

AN (élections législatives)

107

-

SEN (élections sénatoriales)

126

-

L (Déclassements)

18

30 19 ( * )

LOM (Déclassements outre-mer)

69

90 20 ( * )

I (Incompatibilités)

52

-

D (Déchéances)

38

-

Source : Services du Conseil constitutionnel

La QPC devrait entrer dans une nouvelle étape ainsi que l'a indiqué le président du Conseil constitutionnel, lors de son audition 21 ( * ) conduite par le rapporteur. Le Conseil constitutionnel souhaite ouvrir, en 2021, le chantier d'un véritable dispositif de suivi de la procédure de QPC à l'échelle nationale prenant en compte l'ensemble du processus depuis les premières juridictions saisies jusqu'au Conseil constitutionnel. Ce dispositif aurait dû être lancé plus tôt mais la pandémie ne l'a pas permis. L'année à venir doit permettre de définir ce projet et de lancer la sélection des prestataires qui interviendront pour le développement des outils correspondants. Une cellule dédiée au sein du secrétariat général sera constituée pour un coût estimé à 300 000 euros.

Le rapporteur soutient pleinement une telle initiative . En effet, le Conseil constitutionnel n'est pas le seul acteur à intervenir dans le mécanisme de la QPC : les juridictions des deux ordres juridictionnels, les avocats et bien sûr les justiciables se sont appropriés le mécanisme. Les prémices de ce travail considérable ont débuté avec le hors-série de la revue Titre VII 22 ( * ) consacré, au mois d'octobre 2020, à la QPC. D'un point de vue juridique, il est d'ores et déjà établi que la QPC, assortie d'un mécanisme de filtre limitant les manoeuvres dilatoires, permet aux justiciables de faire valoir leurs droits fondamentaux garantis par la Constitution. Le Conseil souhaite désormais aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne nettement moins de QPC 23 ( * ) ? Quelle est la typologie des QPC qui « n'atteignent pas » le Conseil constitutionnel ?

Il sera particulièrement bienvenu, pour le Conseil constitutionnel, de bénéficier de cette vue d'ensemble de la QPC, le cas échéant pour permettre au législateur de formuler des propositions.


* 14 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 15 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 16 Alinéa 3 de l'article 61 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « (...) le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. »

* 17 Article 105 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : « Le Conseil constitutionnel se prononce dans les trois mois de sa saisine. »

* 18 Article 23-10 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (...) »

* 19 Article 25 de l'ordonnance précitée : « Le Conseil constitutionnel se prononce dans le délai d'un mois. Ce délai est réduit à huit jours quand le Gouvernement déclare l'urgence. »

* 20 Article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois. »

* 21 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le jeudi 12 novembre 2020.

* 22 M. Jean Maïa, secrétaire général du Conseil constitutionnel est par ailleurs directeur de la rédaction de la revue.

* 23 22 % des décisions QPC rendues depuis la création du mécanisme concernent la matière fiscale, davantage que la matière pénale (21 %) d'après les statistiques publiées par le hors-série de Titre VII en octobre 2020.

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