EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 13 mai 2025, la commission a examiné le rapport de Mme Micheline Jacques sur le projet de loi n° 544 (2024-2025) de programmation pour la refondation de Mayotte
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Mes chers collègues, pour la seconde fois, et exactement six mois après le passage du cyclone Chido, je suis devant vous pour présenter un rapport sur un projet de loi relatif à Mayotte.
Alors que je m'y étais rendue seule en janvier dernier, je tiens à souligner l'importance et l'utilité du déplacement à Mayotte d'une délégation de notre commission conduite par sa présidente, la semaine dernière, en amont de l'examen de ce projet de loi. Cela nous a permis, avec Patrick Chaize, Daniel Fargeot, Viviane Artigalas et Antoinette Guhl, de balayer un large panel de sujets cruciaux pour l'archipel, allant de l'agriculture au logement, en passant par l'énergie. Plus encore, ce déplacement nous a permis d'être à l'écoute des élus locaux et des acteurs du terrain. Je tiens à remercier mes collègues présents lors du déplacement pour leur engagement et en particulier notre présidente, sans qui ce déplacement n'aurait pu se concrétiser.
Contrairement à l'examen du texte d'urgence examiné en janvier dernier, notre commission n'est ici saisie au fond que de trois articles, par délégation de la commission des lois : les articles 10, 23 et 24.
L'article 10 vise à faciliter la lutte contre l'habitat informel, un phénomène que j'ai déjà qualifié à de nombreuses reprises de fléau structurel pour Mayotte. Malheureusement, il est en expansion, dans un contexte migratoire sans comparaison avec l'Hexagone et les autres territoires ultramarins. Avec près de 22 000 habitations de fortune abritant environ 100 000 personnes avant le cyclone Chido, cet habitat illégal est non seulement un facteur d'insalubrité et de vulnérabilité sanitaire, en raison de l'absence d'assainissement et de la prévalence d'épidémies, mais aussi un risque majeur en matière de sécurité publique et d'exposition aux catastrophes naturelles. Ces constructions, souvent sans fondations, sur des terrains non constructibles ont été massivement détruites par Chido...et presque intégralement reconstruites depuis.
Je tiens à rappeler que l'article 5 de la loi d'urgence pour Mayotte habilite le Gouvernement à adapter, par voie d'ordonnance, les mesures de lutte contre l'habitat informel à Mayotte. Il n'en a pour l'instant pas fait usage. Certes, nous avions circonscrit la durée des mesures prises par ordonnance à deux ans, mais l'usage de cette faculté ou, comme nous l'avions suggéré et regretté, la prise de dispositions dès le projet de loi d'urgence, aurait sans doute permis de commencer à endiguer la reconstitution de l'habitat informel.
Les outils de résorption des bidonvilles actuels sont très insuffisants face à ce phénomène endémique. Bien que les opérations aient augmenté récemment, elles restent extrêmement limitées : 19 opérations d'évacuation ont été menées en 2023 et 2024 concernant 629 ménages, soit environ 3 000 personnes. Il n'y a qu'à comparer ces chiffres avec celui de 100 000 personnes résidant dans les bidonvilles avant le passage de Chido pour se rendre compte de l'insuffisance notoire des moyens de l'État face à ce phénomène : c'est « vider un océan à la petite cuillère ! »
À cela s'ajoute un dramatique déficit structurel d'hébergements et de logements. Il rend matériellement impossible pour le préfet de proposer un relogement ou un hébergement aux personnes à évacuer : le parc d'hébergement ne compte que 1 241 places ! Il est en suroccupation chronique, à 130 %. Pire, selon les services, dès qu'un arrêté d'évacuation est pris, des places d'hébergement sont « réservées » alors que l'opération n'est souvent réalisée que des semaines après. Cela engendre un phénomène indésirable de vacance de places d'hébergements. Vu la situation, c'est insensé.
L'article 10 prévoit donc plusieurs mesures de facilitation des opérations de résorption des bidonvilles : la réduction du délai d'exécution volontaire de l'ordre d'évacuation d'un mois à quinze jours ; la levée de l'obligation préalable, pour le préfet, de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence ; l'élargissement, au-delà des officiers de police judiciaire (OPJ), de la liste des agents pouvant constater l'installation sans droit ni titre en vue d'une opération de « flagrance ». Cela permettra de pallier les moyens insuffisants des services sur place qui peinent à recruter des profils spécialisés.
Je considère ces mesures nécessaires, mais je propose deux ajustements essentiels. Le premier vise à tirer les conséquences de l'avis du Conseil d'État, dont le Gouvernement n'a pas tenu compte. Pourtant, le Conseil d'État a clairement indiqué que la suppression pérenne et systématique de l'obligation de relogement n'était pas conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Si nous ne sommes pas là pour réparer les erreurs du Gouvernement, il me semble indispensable de ne pas laisser les élus locaux livrés à eux-mêmes face à un risque de censure du Conseil constitutionnel de cet article : cela signifierait le retour au droit actuel, alors que tous les élus de Mayotte nous enjoignent de lutter davantage contre ce fléau.
Je vous propose donc un amendement visant à tenir compte des remarques du Conseil d'État, dans le but de sécuriser autant que possible la mesure.
Par équilibre, je vous propose un second ajustement, qui va lui dans le sens d'une accélération des mesures de résorption de l'habitat informel. Il s'agit d'éviter que l'exercice d'un recours ne suspende pendant trop longtemps les délais d'exécution d'office de l'ordre d'évacuation, tout en laissant aux intéressés une voie de recours effective grâce au référé-liberté.
À l'aune de mes différents déplacements à Mayotte et de mes échanges avec les acteurs de terrain, ma conclusion est que, malgré ces avancées, seule une approche systémique permettra de lutter contre les bidonvilles. Au-delà d'agir sur les outils de résorption, il nous faut renforcer les effectifs de sécurité sur l'archipel, car l'habitat informel est accentué par l'immigration illégale et peut être à l'origine de graves troubles à l'ordre public. Il nous faut mettre en oeuvre une politique migratoire plus ferme afin de répondre aux arrivées quotidiennes massives, et accentuer les sanctions contre les organisations qui profitent financièrement de cette détresse humaine, qu'il s'agisse des réseaux de passeurs ou des marchands de sommeil.
Il faut aussi intensifier nos efforts en faveur de la construction de logements à Mayotte. Ces efforts sont freinés par les poches d'habitat informel qui limitent les politiques foncières. L'objectif du Gouvernement de construire 24 000 logements en dix ans ne pourra être réalisé sans lever les freins à la construction que notre commission a largement mis en évidence lors de l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte : accès au foncier, coût et disponibilité des matériaux, capacités d'ingénierie des acteurs, prise en compte des caractéristiques sismiques et naturelles, etc. - ils sont immenses. En l'absence d'approche globale, nous ne faisons que poser un pansement sur une jambe de bois.
J'en viens maintenant à l'article 23, qui vise à classer tout Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), de manière temporaire. J'ai accueilli cette mesure avec prudence, pour plusieurs raisons. Néanmoins, il me semble qu'elle se justifie au regard du caractère dramatique de la situation économique et sociale à Mayotte.
Premièrement, la géographie prioritaire de la politique de la ville a fait l'objet d'une révision en décembre 2024. Elle a porté le nombre de QPV à Mayotte à quarante-deux, pour quinze communes concernées sur les dix-sept communes de Mayotte. Cela fait de Mayotte, département le plus pauvre de France, le département le plus concerné par la politique de la ville. Or, vous le savez, la politique de la ville est fondée sur un principe de ciblage : on peut légitimement s'interroger sur le sens de classer l'intégralité d'un territoire d'une population de près de 300 000 personnes en QPV.
Néanmoins, cette révision a été entamée avant le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi : les critères de délimitation des QPV n'ont pas pris en compte leurs conséquences dramatiques sur les infrastructures, l'habitat et a fortiori l'activité économique et les populations à Mayotte. Je rappelle que seulement 16 % de l'habitat n'a pas été endommagé. Le sud de Grande-Terre, qui n'est actuellement pas classé en QPV, a été particulièrement touché par les inondations liées au passage de la tempête Dikeledi. Au regard de cette situation, il me semble légitime de réintroduire les communes sortantes de Bouéni et de Kani-Kéli dans la géographie prioritaire de la ville.
Deuxièmement, cette mesure aura probablement un effet limité sur le développement de Mayotte. Les trois quarts de la population de Mayotte sont déjà situés dans un QPV ! Certes, l'extension des dispositifs fiscaux adossés au zonage QPV, comme l'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) ou de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), est bienvenue, mais l'essentiel du soutien à l'activité économique de Mayotte est porté par l'article 22, qui adapte à Mayotte la zone franche d'activité nouvelle génération (Zfang).
Troisièmement, j'ai insisté auprès des services et du Gouvernement sur la nécessité de veiller aux éventuels effets de bord du dispositif sur le logement social compte tenu d'impératifs de mixité sociale, qui limitent les agréments en faveur du logement social dans les QPV. Ils sont justifiés dans l'Hexagone, mais le sont beaucoup moins à Mayotte. Ce sujet ne relève pas du niveau législatif, mais est important pour notre commission : j'appellerai donc à nouveau le ministre à la vigilance sur le sujet en séance publique. Il faut que les administrations prévoient les dérogations nécessaires au niveau réglementaire.
Quatrièmement, j'insiste sur le pilotage des contrats de ville : c'est sur eux que repose le succès de la politique de la ville. La loi de finances pour 2025 a autorisé la mobilisation des crédits dédiés à la politique de la ville dans l'attente de la signature des contrats de ville, uniquement pour cette année. Il est donc indispensable que les contrats de ville des dix-sept communes de Mayotte soient signés d'ici au 31 décembre prochain.
Je vous propose d'adopter cet article modifié par un unique amendement de portée principalement rédactionnelle.
J'en viens à l'article 24. Cette disposition vise à permettre à la chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (Capam) de déléguer, dans des conditions définies par décret, ses compétences en matière de pêche et de conchyliculture. Cette délégation se ferait au profit d'une association préfiguratrice d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins.
Il ressort de mes auditions, de même que des échanges que nous avons eus dans le cadre du déplacement à Mayotte, qu'il s'agit d'une mesure consensuelle, attendue tant par les pêcheurs que par les agriculteurs.
En effet, en raison d'une insuffisante structuration de la filière pêche - la filière conchylicole n'existe, quant à elle, pratiquement pas - Mayotte ne dispose pas, comme les autres départements et régions d'outre-mer (Drom), d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins capable de représenter les intérêts des pêcheurs.
Les compétences de la chambre d'agriculture ont donc été aménagées pour permettre d'y accueillir un collège de pêcheurs, qui demeure, logiquement, minoritaire.
Cette situation ne satisfait ni la Capam, dont la vocation et le coeur de métier demeurent agricoles, ni les pêcheurs, à juste titre demandeurs d'une instance dédiée.
La mise en place sans délai d'un comité régional des pêches apparaissant hors de portée d'une filière dont la structuration reste largement à organiser, l'option privilégiée tant par les acteurs locaux que les pouvoirs publics est celle de la mise en place, dans un premier temps, d'une association préfiguratrice.
Dans un second temps, à l'horizon de 2027, l'objectif est bien de créer un comité des pêches au service de la filière.
Je soutiens naturellement cette méthode pragmatique tenant compte de la réalité du terrain. Je souligne cependant que la mise en place de cette association, puis du comité, nécessitera un engagement fort de l'ensemble des acteurs, ainsi qu'un soutien constant des pouvoirs publics.
En effet, si l'article 24 permet à la Capam de transférer en bloc les compétences pêches et conchyliculture, je note que des possibilités de délégations existaient déjà, et n'ont pas été exploitées, témoignant une fois encore de la difficile structuration d'une filière marquée par le poids des normes et de l'activité informelle.
Enfin, je note que, si la mise en place d'un comité des pêches aboutit bel et bien, se posera alors la question de la réforme de la Capam, pour que celle-ci devienne une chambre d'agriculture de droit commun, ce à quoi elle aspire.
Je vous propose donc d'adopter cet article conforme.
Il me revient maintenant de vous faire lecture du périmètre retenu pour apprécier la recevabilité des amendements au titre de l'article 45 de la Constitution, pour les articles 10, 23 et 24 du texte dont l'examen a été délégué à la commission des affaires économiques. Sont susceptibles de représenter un lien, même indirect, avec le texte retenu, les dispositions portant adaptation à Mayotte des règles relatives à la lutte contre l'habitat informel, à la mise en oeuvre de la politique de la ville et aux compétences de la Capam.
Mme Viviane Artigalas. - Merci au rapporteur pour ce travail et pour l'organisation du déplacement à Mayotte, qui nous permet d'affiner le regard que nous portons sur ce projet de loi.
Nous avons un désaccord sur l'article 10 et suggérons de maintenir l'obligation de proposer une solution de relogement. Concernant l'article 23, les financements de la politique de la ville ne sont pas toujours à la hauteur des besoins, alors que ceux-ci sont encore plus grands à Mayotte.
Je m'inquiète, enfin, de l'avenir de la filière pêche à Mayotte, car les difficultés ne résident pas uniquement dans le financement, mais aussi dans un manque de structuration : il faudrait que des personnes dotées d'une véritable expertise jouent un rôle moteur en matière de respect des normes et des règlements, ainsi que pour protéger certaines zones de pêche.
Mme Antoinette Guhl. - Notre groupe vous remercie pour ce déplacement, qui nous a permis de mieux comprendre la situation de Mayotte en rencontrant aussi bien les pêcheurs et les entrepreneurs que les habitants des bidonvilles, ce qui nous permet de porter un autre regard sur le projet de loi.
Nous avons également déposé un amendement de suppression de l'article 10, dont les dispositions soulèvent des enjeux de constitutionnalité et ne nous paraissent pas de nature à régler le problème de l'habitat informel.
Concernant le zonage en QPV, nous ne pouvons qu'y être favorables afin de faciliter les constructions, mais encore faudra-t-il voir comment cela se traduira effectivement dans le budget.
Enfin, je partage l'inquiétude de Viviane Artigalas au sujet de l'avenir de la filière pêche, encore plus démunie après le passage du cyclone Chido qu'elle ne l'était déjà. Une structure préfiguratrice d'un comité des pêches pourrait amorcer une structuration qui prendra du temps, mais qui est indispensable compte tenu des enjeux, dont celui de la préservation de la biodiversité marine.
M. Daniel Fargeot. - Ce déplacement a en effet été enrichissant pour nous tous. La situation dans l'archipel reste très tendue.
Je suis favorable aux propositions du rapporteur et j'espère que nous pourrons apporter le meilleur à l'archipel. J'ai été marqué par l'accueil de la population, malgré la très grande précarité, lorsque nous nous sommes déplacés dans un bidonville.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Les visites variées que nous avons pu effectuer éclairent les travaux de notre commission, l'archipel ayant d'ailleurs reçu la visite de nombreuses délégations ministérielles et parlementaires. Des acteurs économiques s'y sont également rendus et Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), se trouvait à Mayotte en même temps que nous.
Je souligne que nous avons été pratiquement la seule délégation à avoir demandé à visiter un bidonville. Trois heures durant, nous avons pu constater le dénuement total des familles vivant sur place, nous permettant de nous rendre compte de l'importance de ce problème.
Nous avons également tenu à rencontrer les pêcheurs, profession très en colère. Ils sont favorables à la structuration de la filière par le biais d'un comité des pêches, afin de pouvoir avancer sur ce dossier avec leurs représentants.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Je vous remercie d'avoir participé à ce déplacement, les territoires ultramarins étant souvent vus sous l'angle de clichés positifs ou négatifs : sans se rendre sur place et sans échanger avec la population, on peine à imaginer la difficulté des situations et le décalage existant avec la métropole.
Nous avons un désaccord sur l'article 10 : selon moi, il n'est pas envisageable, dans la France de 2025, de laisser perdurer des conditions de vie aussi précaires et indignes que celles qui existent dans les bidonvilles à Mayotte.
J'ajoute que l'île compte 300 000 habitants pour 379 kilomètres carrés, ce qui soulève la question de la souveraineté alimentaire. Des choix doivent être effectués dans un contexte où il est question de lutter contre l'artificialisation des sols, puisqu'il faut arbitrer entre l'usage agricole des terrains et la nécessité criante de construire des logements.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Je ne suis pas favorable à l'amendement de suppression COM-50, car la lutte contre l'habitat informel passe par une approche globale. De surcroît, le renforcement des pouvoirs de police administrative en matière d'évacuation et de démolition répond à une demande forte des élus locaux et des acteurs de terrain. Il serait dommageable de supprimer cet article qui vise à leur donner davantage de moyens, notamment en autorisant un plus grand nombre d'agents à constater l'édification des locaux et en accélérant les évacuations par la réduction des délais d'exécution.
En ce qui concerne la levée de l'obligation de relogement, je vous proposerai un amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-50.
Mme Viviane Artigalas. - L'amendement COM-20 vise à supprimer les alinéas concernant la levée de l'obligation de relogement. S'il n'est pas adopté, nous voterons contre l'article 10.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-70 que je vous propose d'adopter vise à traduire les éléments présents dans l'avis du Conseil d'État concernant la conformité constitutionnelle de l'article 10. Comme je l'ai déjà dit, nous ne pouvons pas rester les bras croisés face à un risque de censure constitutionnelle de cet article alors que les élus de Mayotte comptent sur nous pour renforcer la lutte contre l'habitat informel.
Je propose donc, conformément à ce qu'a indiqué le Conseil d'État, de donner à l'absence possible de proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence « un caractère d'exception », « fondé sur le constat d'une impossibilité matérielle pour l'État de satisfaire à cette obligation », « compte tenu de circonstances spécifiques » et « pour une durée limitée ». Le préfet ne pourra donc déroger à l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence qu'après l'avoir justifié au regard de l'état du parc à Mayotte.
Je propose aussi de faire référence à une durée de dix ans à compter de la survenance du cyclone Chido : cette période, qui peut paraître longue, est nécessaire face à l'ampleur et le caractère dramatique de la situation. Dix ans, cela correspond à deux plans quinquennaux en faveur du logement. Je me fonde également sur mon vécu : sept ans après l'ouragan Irma, force est de constater que tout n'est pas encore entièrement reconstruit à Saint-Martin, alors même que la situation économique et sociale y était plus favorable qu'à Mayotte.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-20.
L'amendement COM-70 est adopté, de même que l'amendement de précision rédactionnelle COM-68.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-69 vise à encadrer l'exercice du recours juridictionnel suspensif dirigé contre un arrêté d'évacuation et de démolition d'habitations informelles.
Actuellement, l'évacuation et la démolition des bidonvilles ne peuvent faire l'objet d'une exécution d'office qu'à l'issue d'un délai d'exécution volontaire d'un mois. Le Gouvernement entend réduire ce délai à quinze jours par le biais du présent article, afin d'accélérer la mise en oeuvre des opérations de résorption de l'habitat informel.
Je souscris à cette mesure : elle permet de répondre au sentiment d'attentisme - voire d'inaction - que ressentent beaucoup d'élus et de Mahorais face au délai qui peut s'écouler entre la prise d'un arrêté et la réalisation de l'évacuation. Dans l'intervalle, de nouvelles installations sont parfois constatées.
Néanmoins, afin que cet objectif d'accélération soit atteint, je propose de prévoir que seul le référé-liberté suspende les délais d'exécution d'office : en effet, dans le cadre du référé-liberté, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures, alors que ce délai peut aller jusqu'à trente jours dans le cas d'un référé-suspension.
Cette mesure permettra de renforcer l'effectivité des opérations de résorption, sans pour autant priver les personnes concernées d'une voie de recours effective. En effet, le référé-liberté permet d'obtenir du juge, sous quarante-huit heures, des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale - en l'occurrence le droit au respect de la vie privée et familiale. Les personnes intéressées sont donc bien plus susceptibles d'exercer un référé-liberté qu'un autre type de référé.
L'amendement COM-69 est adopté.
La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 10 ainsi modifié.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-71 vise à préciser la date d'échéance du classement des communes de Mayotte en QPV. Dans la version actuelle du texte, les dix-sept communes de Mayotte sont classées QPV « jusqu'à la prochaine actualisation des contrats de ville ». Or cette date est prévue par décret.
Par cohérence avec l'actualisation de la liste des QPV, qui est, quant à elle, prévue dans la loi et qui interviendra au plus tard le 1er janvier 2030, il me semble important de fixer l'échéance de cette mesure dérogatoire au 1er janvier 2030 et de ne pas la renvoyer au décret.
L'amendement COM-71 est adopté.
La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 23 ainsi modifié.
Article 24 (délégué)
La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 24 sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article 10 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Mme GUHL |
COM-50 |
Suppression de l'article. |
Défavorable |
Mme ARTIGALAS |
COM-20 |
Suppression des alinéas concernant l'évacuation des bidonvilles en raison de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. |
Défavorable |
Mme JACQUES, rapporteur pour avis |
COM-68 |
Précision rédactionnelle. |
Favorable |
Mme JACQUES, rapporteur pour avis |
COM-70 |
Prise en compte des circonstances locales dans l'assouplissement de l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement lors de l'évacuation d'un bidonville. |
Favorable |
Mme JACQUES, rapporteur pour avis |
COM-69 |
Encadrement du caractère suspensif du recours contre un arrêté d'évacuation ou de démolition afin d'accélérer la mise en oeuvre des opérations de résorption des bidonvilles. |
Favorable |
Article 23 |
|||
Mme JACQUES, rapporteur pour avis |
COM-71 |
Précision quant à la date d'échéance du classement des communes de Mayotte en QPV. |
Favorable |