N° 104

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2025

AVIS

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée),

Par M. Alain DUFFOURG,

Sénateur





(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Mme Annick Girardin, MM. Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir le numéro :

Sénat :

24 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Le 4 novembre 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Alain Duffourg, a adopté, en en renforçant la portée, l'article 8 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales qui relève de son champ d'expertise dans le domaine des transports.

Les pratiques frauduleuses ont connu un fort essor dans le transport public particulier de personnes (T3P) ces dernières années, en particulier dans le secteur des voitures de transport avec chauffeur (VTC). Ce système frauduleux s'organise autour de « gestionnaires de flotte » faisant office d'intermédiaires entre, d'une part, des chauffeurs VTC indépendants et, d'autre part, des plateformes d'intermédiation (Uber, Bolt, Freenow etc.).

Ce phénomène irrégulier, qui s'est fortement intensifié depuis trois ans, s'accompagne fréquemment d'un recours au travail dissimulé - les chauffeurs n'étant pas nécessairement déclarés -, d'un contournement des obligations fiscales et sociales et de la commission de diverses infractions à la réglementation des transports. Outre un considérable manque à gagner pour l'État, ces pratiques illicites induisent des problèmes de sécurité publique et de concurrence déloyale sur le marché du T3P.

L'article 8 a pour objectif de mieux lutter contre ce phénomène, en sanctionnant plus efficacement les faux professionnels dans le secteur des VTC et en responsabilisant les plateformes d'intermédiation vis-à-vis des exploitants avec lesquels elles contractualisent, notamment à travers l'instauration d'une obligation de vigilance quant au travail dissimulé et au recours à des personnes en situation irrégulière.

La commission a approuvé cet article en y apportant des améliorations visant à :

rehausser le plafond annuel de l'amende prévue par le projet de loi pour les plateformes d'intermédiation qui ne respecteraient pas l'obligation de vigilance qui leur est imposée ;

renforcer le quantum des peines pour l'exercice illégal des professions du T3P, qui constitue souvent un moyen de contourner les obligations fiscales et sociales.

I. T3P : UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION, CARACTÉRISÉ PAR LE DÉVELOPPEMENT PRÉOCCUPANT DE PRATIQUES FRAUDULEUSES

A. UN ESSOR FULGURANT DE L'ACTIVITÉ DES VTC, DONT LA RÉGULATION SE STRUCTURE PROGRESSIVEMENT

1. Le marché du T3P a connu de profondes transformations sous l'effet d'une dérégulation engagée en 2009

Le secteur du transport public particulier de personnes (T3P) comprend les taxis, les voitures de transport avec chauffeur (VTC) et les véhicules motorisés à deux ou trois roues (VMDTR), aussi appelés « mototaxis ». Ces professions sont soumises à des règles d'exercice distinctes.

Les VTC - héritiers de la « grande remise » dont l'existence remontait au XVIIème siècle - ont été créés en 2009 avec la loi dite « Novelli » qui en a dérégulé l'activité : ce texte, conjugué au développement des nouvelles technologies et des plateformes d'intermédiation, a induit un essor considérable des VTC. Dès lors, cette profession qui ciblait autrefois une clientèle professionnelle s'est repositionnée vers le grand public, en concurrence directe avec les taxis sur le marché de la réservation préalable.

Selon la direction compétente du ministère des transports (DGITM), le nombre d'exploitants inscrits au registre VTC s'établit à 79 149 au 1er octobre 2025, avec plus de 120 000 conducteurs associés. Sur les plateformes d'intermédiation, l'Observatoire des transports publics particuliers de personnes estimait le nombre de chauffeurs VTC actifs à 56 000 en 2023, un nombre qui s'établirait plutôt autour de 70 000 chauffeurs aujourd'hui selon les estimations de la DGITM. Les VTC, désormais plus nombreux que les taxis, font l'objet d'une répartition géographique particulière, avec une concentration forte en Île-de-France.

Source: observatoire des T3P, rapport 2025

2. La réglementation actuelle du secteur découle d'une consolidation progressive face à l'apparition de nouveaux acteurs

Face à un cadre réglementaire insuffisant et compte tenu du développement rapide des plateformes d'intermédiation et d'un contexte social tendu entre les « néo-VTC » et les taxis, la régulation du secteur a été renforcée successivement par les lois dites « Thévenoud » (2014) puis « Grandguillaume » (2016) et, plus ponctuellement, par la loi d'orientation des mobilités (2019). À l'heure actuelle, le code des transports impose aux VTC de :

- s'inscrire sur un registre dédié (le registre des exploitants VTC), moyennant le paiement de frais préalables et le respect de certaines garanties (disposer d'une carte professionnelle, d'une attestation d'assurance couvrant la responsabilité civile, démontrer sa capacité financière, remplir des conditions d'honorabilité professionnelle, etc.) ;

- respecter une signalétique spécifique ;

- se conformer à des conditions d'exercice spécifiques, notamment l'interdiction du racolage sur la voie publique, la maraude étant réservée aux taxis.

Les plateformes d'intermédiation doivent quant à elles s'assurer que le conducteur qui réalise une prestation de déplacement respecte certaines garanties (permis de conduire, assurance, carte professionnelle, etc.). En revanche, actuellement, les plateformes du secteur T3P n'ont aucun devoir de vigilance s'agissant du recours au travail dissimulé ou à des travailleurs irréguliers par les exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent, contrairement à ce qui existe pourtant dans les secteurs du transport de marchandises et du transport public collectif.

B. DES PRATIQUES FRAUDULEUSES SE SONT DÉVELOPPÉES À TRAVERS LE SYSTÈME DES « GESTIONNAIRES DE FLOTTE »

1. Les gestionnaires de flotte : des intermédiaires entre les chauffeurs indépendants et les plateformes...

En théorie, les exploitants inscrits au registre des VTC ont le choix entre deux modalités d'exercice : travailler comme chauffeur indépendant - le cas échéant, à travers une plateforme d'intermédiation - ou comme chauffeur salarié d'une société de transport.

Néanmoins, un système intermédiaire s'est développé à travers les gestionnaires de flottes : ces sociétés se voient rattacher des chauffeurs indépendants, auxquels elles proposent certains services (réalisation de démarches administratives, inscription sur les plateformes d'intermédiation, location de véhicules etc.) en contrepartie du prélèvement de charges et de commissions sur le chiffre d'affaires réalisé sur les plateformes.

Ce système de rattachement, juridiquement irrégulier, se développe de manière incontrôlée depuis 2022. Aujourd'hui, on estime que près d'un chauffeur indépendant sur deux est rattaché à un gestionnaire de flotte.

Schéma « classique » pour un conducteur VTC

...

Schéma avec rattachement du conducteur VTC à un gestionnaire de flotte

...

2. ... qui ont conduit au développement d'un système de fraude protéiforme

Ce système de rattachement des chauffeurs indépendants à un gestionnaire de flotte, s'accompagne de nombreux contournements de la réglementation :

- recours au travail dissimulé et au travail de personnes en situation irrégulière ;

- manquements aux obligations sociales et fiscales ;

mise à disposition irrégulière à des conducteurs de l'inscription au registre des VTC de la société, alors que cela n'est possible que dans le cadre d'un contrat salarial entre un exploitant VTC et son chauffeur ;

- recours à des faux professionnels ;

infractions diverses au code des transports, notamment en matière de démarchage de clients sur la voie publique. Ces phénomènes sont particulièrement fréquents aux abords des gares et aéroports.

Ces sociétés existent généralement sur de courtes périodes, afin d'échapper aux contrôles de l'administration fiscale.

Ce système conduit à une précarisation croissante des conducteurs VTC et soulève de lourds enjeux pour les pouvoirs publics.

Il induit en effet des fraudes aux cotisations sociales, que l'Agence des organismes de sécurité sociale (Acoss) évaluait, en 2022, à 70 M€ (chiffres de décembre 2024). Dans la mesure où le nombre de conducteurs VTC a sensiblement augmenté ces trois dernières années, ce montant est certainement très en-deçà de la réalité.

Il induit également des fraudes fiscales, dont le montant n'est toutefois pas précisément évalué à ce jour.

Il suscite enfin des risques évidents pour la sécurité des personnes transportées, qui sont susceptibles de monter à bord de véhicules non conformes et/ou conduits par des faux professionnels, ainsi qu'une concurrence déloyale envers les professionnels exerçant en toute légalité.

II. UN DISPOSITIF VISANT À MIEUX LUTTER CONTRE LES PRATIQUES FRAUDULEUSES DES GESTIONNAIRES DE FLOTTES

A. LUTTER CONTRE LES FAUX PROFESSIONNELS DANS LE T3P

L'article 8 du projet de loi vise à lutter contre les faux VTC, à travers plusieurs mesures :

- il clarifie le champ d'application du délit d'exercice illégal de la profession de VTC (non-inscription au registre des exploitants VTC) ;

- il inscrit dans la loi l'interdiction de la mise à disposition d'un tiers, à titre onéreux ou gratuit, de l'inscription au registre des exploitants VTC, en dehors des cas où le conducteur est légalement employé par un exploitant VTC ;

- il prévoit trois sanctions administratives en cas de méconnaissance de cette interdiction par un exploitant VTC :

. la radiation du registre des exploitants VTC ;

. l'interdiction pour cet exploitant de s'inscrire à nouveau sur le registre pendant une durée maximale de trois ans ;

. l'interdiction à toute personne agissant en dirigeant « de droit ou de fait » de cet exploitant d'intervenir à nouveau en tant que dirigeant d'un exploitant inscrit au registre VTC.

B. RESPONSABILISER LES PLATEFORMES D'INTERMÉDIATION, AU CoeUR DU SYSTÈME

L'article 8 propose également de responsabiliser davantage les plateformes d'intermédiation dans la lutte contre les faux professionnels et le travail dissimulé à deux titres.

D'une part, elles devront s'assurer que les attestations d'inscription au registre des exploitants VTC de leurs conducteurs ne leur ont pas été remises par des tiers de manière irrégulière.

D'autre part, elles seront soumises à une obligation de vigilance leur imposant de vérifier que les exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national. Les manquements à cette obligation seront sanctionnés par une amende administrative, d'un montant maximal de 150 € par mise en relation avec un client, avec un plafond annuel fixé à 150 000 € (et 300 000 € en cas de récidive dans un délai de deux ans).

La commission a accueilli favorablement ces avancées, tout en proposant d'en renforcer l'efficacité à travers :

- l'augmentation du plafond annuel de l'amende prévue pour sanctionner le non-respect par les plateformes de leur obligation de vigilance, pour le fixer à 3 M€. Ce montant semble en effet plus dissuasif et cohérent, au regard de l'activité économique des plateformes ( amdt) ;

- le rehaussement du quantum des peines pour les faux professionnels du T3P et le renforcement des moyens des agents de contrôle en la matière, avec la possibilité pour les forces de l'ordre de recourir à la procédure dite du « client mystère » afin de faciliter les constations. Ce dispositif sera de nature à faciliter la lutte contre les pratiques frauduleuses des gestionnaires de flotte, dont le développement s'est accompagné de contournements de la réglementation sociale et fiscale ( amdt).

EXAMEN DE L'ARTICLE

Article 8 (délégué)
Lutter contre les fraudes fiscales et sociales dans le secteur des transports publics particuliers de personnes (T3P)

Cet article vise à lutter contre certaines pratiques frauduleuses dans le secteur des véhicules de transport avec chauffeur (VTC), à travers notamment la mise à disposition d'un tiers de l'inscription au registre des exploitants VTC et le développement des « gestionnaires de flotte ». Ce système d'intermédiation entre les plateformes de réservation et les chauffeurs VTC conduit souvent à des fraudes à la réglementation des transports ainsi qu'à des fraudes sociales et fiscales.

Ces pratiques frauduleuses présentent un triple inconvénient : source d'un manque à gagner pour l'État, elles induisent aussi une concurrence déloyale dans ce secteur et soulèvent enfin des problèmes de sûreté et de sécurité pour les passagers, qui sont susceptibles d'être pris en charge par des chauffeurs non professionnels.

À cet effet, l'article 8 :

- instaure une sanction administrative (radiation du registre et interdiction de s'y inscrire pendant une durée maximale de trois ans) pour les personnes qui mettent à disposition d'un tiers l'inscription au registre des exploitants VTC qu'elles ont obtenue pour leur propre compte ;

- impose aux plateformes de réservation de s'assurer que l'attestation d'inscription au registre des exploitants ne leur a pas été mise à disposition par un tiers ;

- crée une obligation de vigilance pour les plateformes de réservation, afin qu'elles s'assurent que les exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national ;

- met en place une sanction administrative à l'égard des plateformes de réservation qui, n'exerçant pas ces vérifications de manière satisfaisante, ne respecteraient pas cette obligation de vigilance.

La commission propose d'adopter l'article 8, sous le bénéfice de quatre amendements tendant, d'une part, à apporter des améliorations rédactionnelles ( COM-111 et COM-112) et, d'autre part, à renforcer la portée du dispositif à travers :

- le rehaussement du plafond annuel de l'amende prévue à l'encontre des plateformes ne respectant pas leur devoir de vigilance ( COM-113) ;

- le renforcement du quantum des peines pour sanctionner l'exercice illicite des professions de VTC et de taxis ainsi que la pratique illégale de la maraude ( COM-114).

I. LE DÉVELOPPEMENT DE PRATIQUES FRAUDULEUSES DANS LE SECTEUR DES VTC APPELLE À COMBLER CERTAINES LACUNES LÉGISLATIVES

A. LES VTC : UN SECTEUR DU TRANSPORT PUBLIC PARTICULIER DE PERSONNES (T3P) RÉCENT, DONT L'ENCADREMENT JURIDIQUE S'EST PROGRESSIVEMENT CONSOLIDÉ

1. Les VTC : une profession au statut juridique récent, qui a connu un essor fulgurant sous l'effet du développement des nouvelles technologies

La profession dite du « transport de voyageurs à titre onéreux » remonterait au XVIIème siècle : on distinguait alors déjà les « carrosses de remise » - qui pouvaient être loués selon un tarif libre - des « carrosses de place » qui étaient autorisés à stationner sur certaines places dans Paris et se louaient selon un tarif réglementé. Les appellations de « grande remise » et de « petite remise » désignaient les cochers du roi et de sa cour qui attendaient dans l'enceinte du palais du Louvre, dans des remises dédiées.

Ces deux appellations ont perduré jusqu'à la fin des années 2000, pour désigner divers types de véhicules loués avec chauffeur. Historiquement, ces secteurs se positionnaient sur un marché de luxe, avec une clientèle professionnelle, tandis que les taxis visaient plus spécifiquement une clientèle grand public.

En 2009, la loi dite « Novelli »1(*) a substitué à la notion de véhicules de grande remise l'appellation de « voitures de tourisme avec chauffeur » (VTC) et a contribué à déréglementer le secteur, grâce notamment à une procédure d'immatriculation particulièrement souple. Ce texte, associé au développement des nouvelles technologiques a favorisé un essor fulgurant des VTC : le développement de plateformes numériques de réservation2(*) fonctionnant grâce à des applications mobiles, au premier rang desquelles la société Uber, a en effet permis aux VTC de se positionner en direction du grand public et, dès lors, d'être en concurrence directe avec les taxis sur le marché de la réservation préalable.

T3P, taxis et VTC : de quoi parle-t-on ?

Le secteur des transports publics particuliers de personnes (T3P) comprend les véhicules de moins de dix places suivants : les taxis, les voitures de transport avec chauffeur (VTC) et les véhicules motorisés à deux ou trois roues (VMDTR) aussi appelés « mototaxis ».

Ces activités sont soumises à des règles d'exercice distinctes. En effet, les taxis ont le monopole de la maraude (possibilité de prendre en charge un client sur la voie publique sans réservation et de circuler ou stationner sur la voie publique en quête de clients), tandis que les VTC et les véhicules motorisés à deux ou trois roues ne peuvent prendre des clients que sur réservation préalable. L'ensemble des déplacements de cette catégorie se fait à titre onéreux avec des conducteurs professionnels.

2. VTC : un cadre juridique qui s'est progressivement consolidé avec les lois dites « Thévenoud » (2014) et « Grandguillaume » (2016) et la LOM3(*) (2019), après la libéralisation de 2009

Face à un cadre réglementaire insuffisant et dans un contexte social tendu entre la profession des VTC et celle des taxis, la loi dite « Thévenoud »4(*) en 2014 a redéfini plus clairement les droits et devoirs de ces deux professions. Elle a, par exemple, institué un registre des exploitants VTC et a imposé à ceux-ci le retour à la base ou à un stationnement en dehors de la chaussée après une course, en l'absence de réservation préalable.

En 2016, la loi dite « Grandguillaume »5(*) a poursuivi la structuration du secteur, en créant un examen théorique commun aux taxis et VTC et en précisant les obligations pesant sur les centrales de réservation, notamment les plateformes d'intermédiation.

Enfin, bien que de façon plus ponctuelle, la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019 a apporté des évolutions en faveur d'une meilleure transparence des plateformes (obligation de communiquer aux chauffeurs, avant chaque prestation, la distance couverte et le prix minimal garanti dont ils bénéficieront, déduction faite des frais de commission) et protection des travailleurs (droit de refuser une prestation, sans que cela n'occasionne une pénalité, libre choix des plages horaires d'activité par le chauffeur, droit à la déconnexion, etc.).

Les exploitants VTC (qui peuvent être des chauffeurs indépendants ou des sociétés de transport) et les plateformes de réservation sont soumis à un régime juridique défini par le code des transports (respectivement, par le chapitre II du titre II et par le titre IV du livre Ier de la troisième partie).

a) Le régime juridique applicable aux exploitants VTC au titre du code des transports

Ils doivent être inscrits sur un registre, dont la gestion est assurée par le ministère des transports, moyennant le paiement préalable de frais d'inscription (article L. 3122-3) fixés par un arrêté ministériel. Le dossier d'inscription est composé d'un justificatif de la capacité financière de l'exploitant, du certificat d'immatriculation du ou des véhicules et de la carte professionnelle prévue à l'article L. 3120-2-2 du code des transports. Il doit être accompagné d'une attestation de l'assurance couvrant la responsabilité civile professionnelle (article R. 3122-1) de l'exploitant. L'inscription à ce registre donne lieu à l'envoi d'une attestation d'inscription à l'exploitant (article R. 3122-2).

L'autorité compétente pour délivrer la carte professionnelle de conducteur de VTC est le préfet de département.

L'aptitude professionnelle des chauffeurs de VTC peut être constatée par la réussite à un examen écrit et pratique ou par la production d'une pièce permettant d'établir une expérience professionnelle d'une durée minimale d'un an dans des fonctions de conducteur professionnel.

Outre cette condition d'aptitude professionnelle, il est également nécessaire pour l'obtention de la carte professionnelle :

- d'être titulaire du permis de conduire autorisant la conduite du véhicule utilisé ;

- de satisfaire à une condition d'honorabilité professionnelle.

L'inscription au registre est renouvelable tous les cinq ans.

Les exploitants VTC peuvent être radiés du registre dans deux cas (article R. 3122-4) :

- lorsque l'une des conditions requises pour l'inscription au registre n'est plus remplie, notamment lorsque l'exploitant met à disposition d'un tiers, à titre onéreux ou non, l'inscription audit registre qu'il a obtenue pour son compte propre ;

- lorsque l'exploitant cesse son activité avec des VTC.

La radiation est prononcée après mise en demeure restée sans effet.

· Les VTC comportent au moins quatre places et au plus neuf places, y compris celle du conducteur (article R. 3122-6).

· Les voitures de VTC sont munies d'une signalétique distinctive (sous la forme d'un macaron), définie par arrêté du ministre chargé des transports.

· Les VTC sont soumis à des conditions d'exercice spécifiques, distinctes de celles des taxis. Outre l'interdiction de la maraude, le conducteur d'un VTC est tenu, dès l'achèvement de la prestation commandée via une réservation préalable, de retourner au lieu d'établissement de l'exploitant du véhicule ou dans un lieu, en dehors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s'il justifie d'une réservation préalable (article L. 3122-9).

b) Le régime juridique applicable aux plateformes de réservation de VTC au titre du code des transports

Les activités de mise en relation par voie électronique dans le secteur du T3P sont définies aux articles L. 3141-1 à L. 3143-4 du code des transports.

La plateforme de réservation doit s'assurer que le conducteur qui réalise une prestation de déplacement dispose des documents suivants (article L. 3141-2) :

- le permis de conduire requis pour le véhicule utilisé ;

- un justificatif de l'assurance du véhicule utilisé ;

- un justificatif de l'assurance de responsabilité civile requise pour l'activité pratiquée ;

- la carte professionnelle requise pour l'activité, le cas échéant.

En revanche, ces plateformes ne sont soumises à aucun devoir de vigilance en matière de recours au travail dissimulé par les exploitants VTC.

L'article L. 8222-1 du code du travail prévoit une telle obligation pour tout donneur d'ordre, qui est tenu, vis-à-vis du prestataire avec lequel il a conclu un contrat d'un montant global au moins égal à 5 000 €, d'être vigilant quant au respect par celui-ci des interdictions relatives au travail dissimulé et à l'emploi d'étrangers sans titre. Dès la signature du contrat puis tous les six mois, le donneur d'ordre doit se faire remettre par son cocontractant une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale émanant de l'URSSAF6(*).

Définition du travail dissimulé par dissimulation d'activité

Aux termes de l'article L. 8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en application des dispositions légales. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radiée par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;

3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'État sur le territoire duquel il est établi, des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

Or, ainsi que le souligne l'étude d'impact du projet de loi, dans les relations entre une plateforme de réservation, un exploitant VTC et un client, c'est le client qui est considéré comme un donneur d'ordre et non la plateforme. Celle-ci n'est donc pas tenue par un tel devoir de vigilance envers les exploitants VTC avec lesquels elle contracte.

Le code des transports prévoit une obligation de vigilance spécifique en matière de travail dissimulé et d'emploi d'étrangers sans titre pour les plateformes de mise en relation intervenant dans les secteurs du transport routier de marchandises7(*) et des transports publics collectifs de personnes8(*).

Néanmoins, aucune obligation équivalente n'est prévue à ce jour dans le secteur du T3P.

3. Le secteur des VTC a connu un essor fulgurant ces dernières années

Depuis la loi dite « Novelli » de 2009 et à la faveur du développement des plateformes d'intermédiation, le nombre d'exploitants VTC en France a explosé. Il est toutefois difficile d'évaluer précisément le nombre de conducteurs en exercice, qui varie selon l'indicateur pris en compte.

Le nombre d'exploitants inscrits au registre VTC s'établit, selon la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), à 79 149 au 1er octobre 2025, avec plus de 120 000 conducteurs associés. Le tableau ci-après retrace l'évolution du nombre d'inscrits sur les derniers mois.

Date

Exploitants inscrits

Conducteurs associés

01/01/2024

59 509

79 119

01/07/2024

66 634

93 853

01/01/2025

71 467

102 687

01/07/2025

76 103

115 817

01/10/2025

79 149

120 717

Source : DGITM, octobre 2025

Il convient de noter que le fait d'être inscrit au registre des exploitants de VTC n'implique, néanmoins, pas une activité effective9(*).

Si l'on s'intéresse au nombre de titulaires de cartes VTC, ils sont au nombre de 137 350 cartes au 28 septembre 2025. Ainsi que le souligne la DGITM, comme pour l'inscription au registre des exploitants, l'ensemble des détenteurs de cartes professionnelles valides n'a toutefois pas d'activité effective et certains sont susceptibles d'avoir une activité irrégulière ou à temps partiel.

S'agissant à présent du nombre de chauffeurs actifs sur les plateformes : selon le rapport de l'Observatoire des transports publics particuliers de personnes publié en 2025, ils étaient 56 000 en 2023. Si le nombre de chauffeurs actifs au cours de l'année 2024 n'est pas encore établi (il sera publié en novembre 2025 par le ministère des transports), selon diverses sources, il est estimé à environ 70 000 chauffeurs.

Le nombre de conducteurs de VTC actifs en dehors des plateformes n'est, en revanche, pas connu. Ils semblent néanmoins peu nombreux : il s'agit généralement de chauffeurs salariés des entreprises dites de « grande remise » qui réalisent des prestations haut de gamme, avec quelques chauffeurs indépendants ayant développé leur propre clientèle.

À titre de comparaison, le rapport 2025 de l'Observatoire national du T3P estimait à environ 63 000 le nombre de taxis en exercice en 2023. Ces deux professions - taxis et VTC - sont caractérisées par une répartition géographique différenciée : tandis que seuls 36 % des taxis exercent en Île-de-France, cette proportion atteint 80 % pour les VTC.

B. LE DÉVELOPPEMENT DU MODÈLE DES CHAUFFEURS « RATTACHÉS » À DES GESTIONNAIRES DE FLOTTE S'ACCOMPAGNE DE PRATIQUES FRAUDULEUSES PRÉOCCUPANTES

Ainsi que le souligne l'étude d'impact jointe au projet de loi, les forces de contrôle (police des taxis et VTC de la préfecture de police de Paris - dite « brigade des Boers » - gendarmerie, inspection du travail et contrôleurs des transports terrestres) constatent une hausse préoccupante de la fraude dans le secteur des T3P depuis plusieurs années.

Celle-ci prend différentes formes : présence de faux professionnels (exercice illicite de la profession de VTC et de taxi), par exemple, s'agissant des VTC, à travers la sous-location de l'inscription au registre des exploitants VTC à un tiers, fraudes à la réglementation du code des transports, travail dissimulé et fraudes fiscales et sociales.

La généralisation de sociétés « gestionnaires de flotte » a accompagné le développement de ce système de fraude organisée.

Pour rappel, les exploitants VTC ont, en théorie, deux options pour exercer leur profession : travailler comme chauffeur indépendant - le cas échéant, en passant par une plateforme d'intermédiation10(*) - ou comme chauffeur salarié d'une société de transport inscrite au registre des exploitants VTC.

Néanmoins, un système intermédiaire irrégulier s'est instauré à travers les gestionnaires de flottes. Ces sociétés se voient rattacher des chauffeurs indépendants auxquels elles proposent certains services (réalisation de démarches administratives, inscription sur les plateformes d'intermédiation, location de véhicules etc.). Elles contractualisent avec les plateformes d'intermédiation et perçoivent la rémunération des courses réalisées pour le compte des conducteurs indépendants relevant de leur flotte, auxquels elles reversent les montants perçus après déduction de charges éventuelles et d'une commission. Outre le fait qu'un tel rattachement de travailleurs ayant le statut d'indépendants soit irrégulier d'un point de vue juridique, de nombreux contournements de la réglementation ont été identifiés :

• les manquements aux obligations sociales et fiscales ;

• la mise à disposition irrégulière à des conducteurs de l'inscription au registre des exploitants VTC de la société (la seule possibilité permettant à un exploitant VTC de faire réaliser une prestation par un autre chauffeur implique que ce dernier soit son salarié) ;

• du travail dissimulé, le statut réel des chauffeurs étant susceptible d'être requalifié et les prestations ne faisant pas l'objet des déclarations et versement des cotisations associées.

À ce jour, selon la DGITM, 26 660 exploitants VTC sont constitués sous forme de sociétés par actions simplifiées, ce qui regroupe des exploitants employant légalement des salariés (telles que les sociétés dites de « grande remise ») et des entreprises dites « gestionnaires de flotte » potentiellement fraudeuses. Une estimation du nombre de conducteurs rattachés est d'environ de 30 000 conducteurs (soit 40 % des 70 000 conducteurs de plateformes).

Souvent, ces sociétés gestionnaires de flotte cessent leur activité en cas de risque de contrôle déclenché à la suite du traitement par les services concernés des informations issues des plateformes qui ont l'obligation de transmettre annuellement, à l'administration fiscale, les bénéficiaires des sommes qu'elles versent et les montants associés.

Selon la DGITM :

« Un des premiers critères d'attractivité de ces sociétés est lié à la mise à disposition d'un véhicule pour des conducteurs indépendants qui ne pourraient pas en acquérir ou louer un pour des raisons de solvabilité ou qui ne détiennent pas de carte professionnelle, certaines sociétés étant peu ou pas exigeantes en la matière. Ces sociétés proposent en outre la location des véhicules à la semaine.

Une autre motivation est le flux financier transitant par un intermédiaire entre la plateforme et le conducteur, qui rend plus facile sa dissimulation ainsi que le cumul de l'activité avec le bénéfice de prestations sociales. Enfin, passer par l'intermédiaire d'un gestionnaire de flotte évite les démarches d'inscription au registre des exploitants VTC et, notamment, de devoir justifier d'une garantie financière.

En revanche, le conducteur ne peut pas bénéficier des couvertures sociales associées aux cotisations. Le versement par les plateformes des revenus des courses aux gestionnaires de flottes constitue un obstacle à la mise en place des précomptes de cotisations par les plateformes, en cours d'expérimentation11(*). Les conducteurs ne bénéficient pas non plus des garanties apportées aux travailleurs indépendants en application des accords négociés au sein de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE), entre les représentants des plateformes et des travailleurs indépendants du secteur des VTC, tels que le montant minimum garanti des courses. »12(*)

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a estimé, en décembre 2024, que les fraudes aux cotisations sociales dans le secteur des VTC représentaient 70 M€ en 2022, alors qu'il ne comptait que 20 000 chauffeurs indépendants à cette époque. L'augmentation sensible et rapide du nombre de chauffeurs VTC depuis plusieurs années laisse présager un niveau de fraudes sociales bien supérieur. À ces fraudes sociales s'ajoutent, en outre, des fraudes fiscales, notamment à la TVA, qui ne sont toutefois pas documentées. Selon la DGITM, « il peut être estimé que les mêmes sommes qui ne font pas l'objet de versement des cotisations sociales ne font pas non plus l'objet du paiement de la TVA, la TVA étant normalement payée par l'exploitant qui réalise la course ».

Ces pratiques frauduleuses engendrent en outre des problèmes majeurs de sûreté et de sécurité pour les passagers qui sont susceptibles de monter à bord de véhicules non conformes à la réglementation et/ou conduits par de faux professionnels, ainsi qu'une concurrence déloyale envers les exploitants VTC exerçant leur activité en toute légalité.

Le développement des phénomènes de rattachement de chauffeurs indépendants à des gestionnaires de flottes a été qualifié d'« inquiétant » par la préfecture de police de Paris, dont des représentants ont indiqué au rapporteur :

« Outre des conséquences en matière de fraudes fiscale et sociale (dissimulation de revenus, non-paiement des charges, etc.), [ce phénomène] augmente les risques en matière de sécurité des personnes transportées. Il augmente le risque pour les clients d'être confrontés à de faux professionnels qui n'ont pas la qualité de chauffeur de VTC et qui ne disposent donc pas des conditions d'honorabilité et de compétences professionnelles avec les risques associés : risque routier ou d'escroquerie. En outre, il augmente le racolage notamment aux abords des aéroports et des gares, engendrant une concurrence déloyale des vrais professionnels et un risque sur la sécurité publique. [...]

Les phénomènes à l'oeuvre (exercice illégal et prêts de comptes) induisent du travail dissimulé de masse. Le recours à des personnes en situation irrégulière sur le territoire national est également fréquent. »13(*)

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LUTTER CONTRE LES PRATIQUES FRAUDULEUSES DES GESTIONNAIRES DE FLOTTES

L'article 8 du projet de loi vise à lutter contre les pratiques frauduleuses des gestionnaires de flotte, à travers plusieurs mesures introduites dans le code des transports.

Premièrement (2° du I), il clarifie le champ d'application du délit prévu à l'article L. 3124-7 du code des transports, pour les personnes se livrant à l'exercice illicite de la profession de VTC, c'est-à-dire sans être inscrits au registre des exploitants VTC.

Deuxièmement (b du 1° du I), il inscrit à l'article L. 3122-3 une disposition selon laquelle l'inscription au registre des exploitants VTC ne peut être mise à disposition d'un tiers, que ce soit à titre onéreux ou non.

Troisièmement, (3° du I), il introduit un article L. 3124-7-1 dans le code prévoyant trois sanctions administratives pour les personnes qui mettent à disposition d'un tiers l'inscription au registre des exploitants VTC qu'elles ont obtenue pour leur propre compte : la radiation du registre des exploitants VTC (une disposition similaire figure à l'heure actuelle dans la partie réglementaire du code) ; l'interdiction pour cet exploitant de s'inscrire à nouveau à ce registre, pendant une durée maximale de trois ans ; et, enfin, l'interdiction, pendant la même durée maximale, à toute personne agissant en qualité de dirigeant de droit ou de fait de cet exploitant d'intervenir en tant que dirigeant d'un exploitant inscrit au registre des exploitants.

Troisièmement (1° du II), il complète l'article L. 3141-2 pour imposer aux plateformes de réservation de s'assurer que les attestations d'inscription au registre des exploitants VTC de leurs conducteurs ne lui ont pas été remises par des tiers, que ce soit à titre gratuit ou onéreux. Lorsque le chauffeur VTC n'est pas indépendant et qu'il travaille pour une société de transport, la plateforme doit s'assurer que l'attestation d'inscription audit registre est bien mise à disposition du conducteur par l'exploitant qui l'emploie.

Quatrièmement (2° du II), il instaure une obligation de vigilance pour les plateformes de réservation afin qu'elles s'assurent que les exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national. Cette disposition est similaire à celle qui existe déjà pour le transport routier de marchandises et le transport public collectif (cf. infra). Les conditions d'application de cet article ont vocation à être précisées par décret en Conseil d'État.

Les manquements à cette obligation de vigilance seront recherchés et constatés par les agents de contrôle prévus à l'article L. 8271-1-2 du code du travail qui mentionne notamment les agents de contrôle de l'inspection du travail, les officiers et agents de police judiciaire et les contrôleurs des transports terrestres.

Cinquièmement (4° du II), une sanction administrative est instaurée à l'égard des plateformes qui n'exerceraient pas les vérifications découlant de leur obligation de vigilance : cette sanction serait constituée d'une amende d'un montant maximal de 150 € par mise en relation avec un ou plusieurs passagers sans avoir opéré les vérifications idoines. Il est prévu que le montant de cette amende ne peut dépasser 150 000 € par an, ou 300 000 € par an en cas de récidive dans un délai de deux ans.

Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. Un délai de prescription de l'action de l'administration est prévu : il est fixé à deux ans révolus à compter du jour où le manquement a été commis.

Les conditions d'application de l'article 8 sont renvoyées à un décret en Conseil d'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : UN DISPOSITIF OPPORTUN, DONT L'EFFICACITÉ DOIT ÊTRE RENFORCÉE

La commission ne peut qu'accueillir favorablement l'article 8, qui va dans le sens d'un contrôle plus efficace des pratiques illicites dans le secteur du transport public particulier de personnes et d'une plus grande responsabilisation des plateformes dans ce domaine.

Néanmoins, elle a souhaité renforcer l'ambition de cet article à deux titres.

D'une part, elle propose d'adopter un amendement COM-113 visant à rehausser le plafond annuel de l'amende administrative prévue pour sanctionner les plateformes ne respectant pas leur devoir de vigilance vis-à-vis des exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent. Pour rappel, une amende d'un montant maximal de 150 € par mise en relation avec un client en méconnaissance de ce devoir de vigilance est prévue par le projet de loi, avec un plafond annuel de 150 000 €. L'amendement propose de multiplier par vingt ce plafond, pour le porter à 3 000 000 d'euros. Cet amendement supprime par ailleurs le second plafond applicable en cas de récidives constatées dans un délai de deux ans, car sa mise en oeuvre semble soulever des difficultés d'ordre technique et opérationnel : à la place, il intègre une mention concernant la réitération du manquement parmi les critères à prendre en compte pour la détermination du montant de la sanction.

D'autre part, elle propose d'adopter un amendement COM-114 ayant pour objet de lutter plus efficacement contre l'exercice illicite des professions de VTC et de taxis, des pratiques qui s'accompagnent bien souvent d'un contournement des obligations fiscales et sociales et de la réglementation du travail. Il vise ainsi à :

- rehausser le quantum de peine pour les délits d'exercice illégal de la profession de VTC et de taxi, l'exercice illégal de la maraude et du démarchage de clients en vue d'une prise en charge sans réservation préalable, ainsi que pour les conducteurs ne disposant pas d'une carte professionnelle adaptée à l'activité pratiquée ;

- permettre au juge de décider d'interdictions temporaires de paraître dans certains lieux (infrastructures de transport, sites touristiques etc.) pour les personnes physiques ayant commis de telles infractions, afin de lutter contre la récidive ;

- permettre aux agents de contrôle d'user d'une procédure dite « du client mystère » pour constater les pratiques d'exercice illégal des professions, de maraude irrégulière sur la voie publique ou de racolage de clients, qui sont l'apanage des faux professionnels dont l'activité dissimulée ne fait pas l'objet des déclarations fiscales et sociales indispensables. Cette mesure, qui figure déjà dans le code de consommation pour les agents de la DGCCRF, est de nature à faciliter les constatations de ces délits.

Ces mesures apparaissent essentielles, à la lumière des travaux préparatoires du rapporteur. Ainsi que l'ont indiqué des représentants de la préfecture de police de Paris, « l'action des services de police [dans le secteur du T3P] est d'abord limitée par les faibles quantums de peines. Les délits du T3P, exercice illégal de l'activité de taxi et prise en charge sans réservation préalable pour les VTC/VMDTR notamment, ne sont pour l'heure punis que d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Les pouvoirs d'investigation judiciaire des enquêteurs sont ainsi plus limités. La réponse pénale est, elle aussi, contrainte par ce cadre qui correspond aux délits les plus faiblement réprimés. »14(*)

La commission propose en outre d'adopter des amendements COM-111 et COM-112 procédant à des améliorations rédactionnelles.

La commission propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié.

TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation d'un rapporteur pour avis
(Mercredi 22 octobre 2025)

M. Didier Mandelli, président. - Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Ce texte a été déposé le 14 octobre dernier par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée. Il a été envoyé au fond à la commission des affaires sociales, qui l'examinera le mercredi 5 novembre prochain, sa discussion en séance publique est quant à elle prévue le jeudi 13 novembre.

Je vous propose que notre commission accepte une délégation au fond sur l'article 8, qui relève de son champ d'expertise dans la mesure où il vise à lutter contre certaines pratiques frauduleuses déployées dans le secteur des voitures de transport avec chauffeur (VTC), en particulier la mise à disposition d'un tiers de l'inscription au registre des VTC et le recours au travail dissimulé.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature d'Alain Duffourg. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 24 (2025-2026) relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales et désigne M. Alain Duffourg rapporteur pour avis.

Examen du rapport pour avis
(Mardi 4 novembre 2025)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner l'article 8 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, délégué à notre commission.

Ce texte a été déposé le 14 octobre dernier par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée. Il a été envoyé au fond à la commission des affaires sociales, qui l'examinera demain. L'examen du projet de loi en séance publique est, quant à lui, prévu les mercredi 12 et jeudi 13 novembre.

L'article 8 relève du champ d'expertise de notre commission, car il vise à lutter contre certaines pratiques frauduleuses déployées dans le secteur du transport public particulier de personnes (T3P), notamment via la mise à disposition d'un tiers de l'inscription au registre des voitures de transport avec chauffeur (VTC), qui se traduit de fait par l'existence de faux professionnels et le recours au travail dissimulé.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - L'article 8 du projet de loi a pour objet de renforcer la lutte contre l'exercice illégal et le travail dissimulé dans le secteur du transport public particulier de personnes.

Selon les constats des forces de l'ordre ainsi que des professionnels du transport, la fraude dans le secteur du T3P a atteint des niveaux préoccupants : on voit depuis des années se développer massivement une « offre parallèle » au secteur régulé, alimentée par la présence de « faux professionnels » commettant des infractions à la réglementation des transports. En outre, ces fraudes s'accompagnent bien souvent d'un contournement des obligations sociales et fiscales, de la réglementation du travail et de celle des assurances.

Le secteur des véhicules de transport avec chauffeur est particulièrement touché par ces pratiques frauduleuses.

Avant la loi Novelli de 2009, les métiers de la « grande remise » - les ancêtres des VTC, dont les racines remontent à plusieurs siècles - visaient une clientèle professionnelle, sur un marché de luxe. La loi Novelli a créé le statut de VTC, en l'assortissant de règles souples d'accès à la profession. De fait, cette réforme a libéralisé la grande remise et conduit à un essor fulgurant des VTC, soutenu par le développement parallèle des plateformes numériques de réservation, au premier rang desquelles Uber. Cette évolution a induit une profonde mutation du marché des T3P : les VTC ont pu se positionner en direction du grand public et, dès lors, être en concurrence directe avec les taxis sur le marché de la réservation préalable.

Face à un cadre réglementaire insuffisant, en 2014, la loi Thévenoud est venue renforcer la régulation du secteur, en délimitant plus clairement les droits et devoirs respectifs des taxis et VTC et en renforçant les régimes de sanction en cas d'infraction. Elle a, par exemple, institué un registre des exploitants et imposé aux VTC le retour à la base ou à un stationnement en dehors de la chaussée après une course, en l'absence de réservation préalable.

En 2016, la loi Grandguillaume a poursuivi la structuration du secteur, en créant un examen théorique commun aux taxis et VTC et en précisant les obligations pesant sur les centrales de réservation, notamment les plateformes.

Vous l'aurez compris, le secteur du T3P a connu de profondes transformations ces quinze dernières années, avec une combinaison de mesures de libéralisation et d'encadrement. On ne peut que constater que la réglementation présente encore de réelles lacunes, dont certains acteurs peu scrupuleux - mais malheureusement inventifs - ont su tirer parti.

Au fil de mes auditions, j'ai pu mesurer l'ampleur de ces réseaux organisés de fraude, dont le fonctionnement s'avère particulièrement opaque. Je pense en particulier aux « gestionnaires de flotte » qui se sont massivement développés dans le secteur des VTC depuis environ trois ans, et dont je vais tenter de vous exposer le mode opératoire.

Pour exercer leur métier, deux options s'offrent, en théorie, aux chauffeurs VTC : exercer en tant que chauffeurs indépendants - le cas échéant au travers d'une plateforme d'intermédiation comme Uber - ou au sein d'une société de transport, sous un statut salarial. Néanmoins, une troisième voie s'est développée depuis quelques années : sont apparus des « gestionnaires de flottes », sociétés intermédiaires auxquelles des chauffeurs sont « rattachés » tout en conservant un statut indépendant. Ces sociétés « attirent » les chauffeurs en leur proposant certains services - réalisation de démarches administratives, inscription sur les plateformes d'intermédiation, la location de véhicule... En contrepartie, elles prélèvent des charges et des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé par chaque chauffeur sur les plateformes. Le rattachement de travailleurs indépendants à ces sociétés « écran » est irrégulier d'un point de vue juridique ; de surcroît, il s'accompagne souvent de pratiques frauduleuses.

Nombre de ces gestionnaires de flottes ne déclarent pas leurs chauffeurs et contournent leurs obligations sociales et fiscales. Bien sûr, ces sociétés sont souvent créées pour de courtes périodes, inférieures à un an, afin d'échapper aux contrôles de l'administration fiscale.

Au-delà de ces fraudes fiscales et sociales, ces sociétés commettent également des infractions au code des transports, par exemple en faisant travailler de faux professionnels à travers le prêt ou la sous-location d'inscriptions au registre des VTC.

Inexistant il y a encore quelques années, ce phénomène a explosé : on estime aujourd'hui que parmi les 70 000 chauffeurs VTC actifs sur les plateformes telles qu'Uber, environ un sur deux exerce via le rattachement à un gestionnaire de flotte. Ce système est probablement assez lucratif pour les plateformes : il leur a permis d'attirer un nombre important de nouveaux chauffeurs et de gagner, très rapidement, des parts de marché.

L'envers du décor, vous vous en doutez, est assez sombre. Ces pratiques entretiennent bien sûr une précarisation croissante du métier de chauffeur VTC et soulèvent trois problèmes d'ampleur.

D'abord, elles induisent un considérable manque à gagner pour l'État et la sécurité sociale, dans un contexte de finances publiques que nous savons pourtant très dégradé. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) chiffrait la fraude sociale dans le secteur à 70 millions d'euros en 2022. Le nombre de chauffeurs VTC ayant plus que doublé depuis cette date, ces chiffres sont certainement très en deçà de la réalité. La fraude fiscale - TVA, impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu - est également indéniable, mais difficile à quantifier précisément.

Ensuite, elles posent de réels problèmes de sûreté et de sécurité pour les passagers, qui sont susceptibles de monter à bord de véhicules avec de faux professionnels. Dans ce contexte, le lancement récent par Uber d'une offre dédiée aux adolescents mineurs de 13 à 17 ans a d'ailleurs de quoi soulever de sérieuses inquiétudes...

Enfin, elles génèrent une concurrence totalement déloyale envers les professionnels - VTC et taxis - qui exercent en toute légalité.

L'article 8 du projet de loi qui nous est soumis vise à lutter contre ces pratiques frauduleuses à plusieurs titres, même s'il n'entend pas régler tous les problèmes du secteur du transport de personnes.

Premièrement, il prévoit trois sanctions administratives pour les personnes qui mettent à disposition d'un tiers l'inscription au registre des VTC qu'elles ont obtenue pour leur compte : la radiation du registre des exploitants, l'interdiction pour cet exploitant de s'inscrire à nouveau au registre VTC pendant une durée maximale de trois ans et, enfin, l'interdiction à toute personne agissant comme dirigeant de droit ou de fait d'un exploitant VTC d'agir à nouveau comme un tel dirigeant.

Deuxièmement, il impose aux plateformes d'intermédiation comme Uber de s'assurer que l'inscription au registre des VTC des conducteurs travaillant pour elles ne leur a pas été remise par un tiers, hormis bien sûr par une société de transport l'employant en toute légalité à travers un statut salarial.

Troisièmement, il instaure une obligation de vigilance pour les plateformes d'intermédiation, afin qu'elles s'assurent que les exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national.

Le manquement à cette obligation sera soumis à une sanction administrative : une amende de 150 euros maximum par mise en relation avec un ou plusieurs clients est prévue, avec un plafond annuel de 150 000 euros.

Mes chers collègues, je n'ai pu disposer que de quelques jours pour mener mes auditions, ce que je regrette. J'ai néanmoins mis un point d'honneur à entendre des organisations professionnelles du secteur des VTC et des taxis, des représentants des plateformes d'intermédiation, l'administration centrale et des représentants de la préfecture de police de Paris, qui a la particularité de disposer d'une brigade spécialement dédiée aux taxis et VTC.

À la lumière de mes travaux, je vous soumettrai deux amendements visant à renforcer la portée du dispositif.

Le premier amendement vise à rehausser considérablement le montant du plafond annuel de l'amende prévue par le projet de loi pour les plateformes qui ne respecteraient pas leur devoir de vigilance en matière de recours au travail dissimulé. Je propose de le multiplier par vingt, pour le fixer à 3 millions d'euros, afin qu'il soit réellement dissuasif.

Le deuxième amendement vise à lutter plus efficacement contre l'exercice illicite de VTC et de taxi qui est souvent le fait des gestionnaires de flottes, avec un rehaussement du quantum des peines sur ce sujet et un renforcement des moyens de contrôle des forces de l'ordre.

Vous l'aurez compris, le secteur du transport public particulier de personnes a connu et connaît encore de profondes transformations ; sa régulation est encore imparfaite, et elle doit continuer d'évoluer. Le projet de loi qui nous est présenté ne prétend pas s'attaquer à toutes les difficultés induites par l'ubérisation ou la libéralisation de ce secteur - les délais d'examen qui nous sont imposés ne l'auraient, en tout état de cause, pas permis. Il ne vise pas non plus à combler toutes les carences de la réglementation en la matière : il faudrait pour cela dresser un état des lieux global de la situation du secteur des taxis et des VTC qui nécessiterait un travail d'une tout autre ampleur. Au-delà du secteur des transports, il faudrait sans doute aussi engager une lutte plus résolue contre l'ubérisation de la société.

Pour ma part, je me suis attaché à vous proposer quelques pistes pour rendre plus efficace le texte qui nous est soumis, au regard de son objectif : lutter contre le système frauduleux mis en place par les gestionnaires de flottes.

M. Olivier Jacquin. - Je remercie le rapporteur d'avoir accepté d'ouvrir ses auditions, qui étaient très intéressantes. Il est effrayant d'entendre les situations décrites, notamment par les chauffeurs de VTC.

Évidemment, personne n'est favorable à la fraude, mais j'essaie, avec mon groupe politique, d'être cohérent sur ces questions d'ubérisation et de ne pas me fier simplement aux apparences. Depuis la loi d'orientation des mobilités de 2019 (LOM), le développement de la plateformisation de l'économie détruit le salariat, crée des distorsions de concurrence et empêche les travailleurs concernés d'accéder à une protection sociale. La Cour de cassation a d'ailleurs parlé à leurs propos de « faux indépendants ».

Je vois pour ma part l'article 8 du présent projet de loi comme un cheval de Troie qui vise avant tout à protéger les plateformes numériques de travail par un régime spécial leur permettant d'éviter la requalification de salariat par le juge.

La directive européenne de 2024 relative à l'amélioration de conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, portée par l'ancien commissaire européen Nicolas Schmit, et qui doit être transposée en droit français avant décembre 2026, refuse pourtant cette logique de tiers statut en présupposant le salariat. Elle viendrait régler bien des problèmes posés par cet article 8.

Le secteur des livreurs à vélo, où la fraude est encore plus importante que dans le domaine des transports, est d'ailleurs totalement exclu de ce texte - l'amendement que j'avais déposé à ce sujet a été déclaré irrecevable. Les sous-locations de comptes y sont généralisées et l'on emploie pour des revenus de misère énormément de travailleurs sans-papiers. Je vous renvoie au film L'histoire de Souleymane, qui décrit très bien cette situation.

Les plateformes considèrent qu'elles sont de simples intermédiaires, et que le donneur d'ordre est en réalité le client. Or il suffit de consulter les conditions générales imposées par Uber aux chauffeurs de VTC pour se rendre compte que le client ne peut interférer avec le chauffeur que par l'intermédiaire de l'application.

Pour conclure, nous proposerons en séance la suppression de cet article 8, en espérant une accélération de la transposition en droit français de la directive européenne, qui apporterait de véritables solutions. J'ai d'ailleurs déposé une proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution à ce sujet.

M. Jacques Fernique. - L'article 8 de ce projet de loi instaure un droit particulier pour les seuls VTC, mais maintient pour l'essentiel le régime fictif selon lequel tous les chauffeurs seraient des indépendants par rapport aux plateformes. Dans le même temps, la directive européenne évoquée par Olivier Jacquin pose un principe de présomption de relation de travail et devrait entraîner un mouvement de requalification des chauffeurs en salariés. Comment les choses vont-elles évoluer si l'article 8 est adopté en l'état ?

Pour notre part, nous avons proposé deux amendements visant à renforcer l'efficacité de l'article 8. La fraude étant le véritable carburant du modèle économique des plateformes, il nous semble qu'une sanction basée sur le chiffre d'affaires de celles-ci serait plus efficace. Il serait également souhaitable que les plateformes manquant à leur devoir de vigilance se voient infliger une interdiction de contractualiser avec de nouvelles entreprises pour une durée suffisamment longue.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - Concernant le salariat, nous allons en effet devoir nous conformer à la directive européenne.

S'agissant de la sanction, nous proposons d'en augmenter substantiellement le montant, en le portant de 150 000 euros à 3 millions d'euros. Cette somme peut paraître élevée, mais il faut avoir en tête la réalité de l'activité économique d'une société comme Uber, qui réalise un million de trajets par semaine en France.

Enfin, d'un point de vue plus personnel, je suis moi aussi contre l'ubérisation de notre société, notamment en matière de transport. Contrairement aux taxis, les véhicules Uber n'embarquent pas de compteur, leurs clients ne connaissent pas le nom de leur chauffeur, ni même s'il a le permis. Peut-être faudrait-il lancer une mission d'information pour aboutir à un texte législatif qui permettrait d'assainir le système en profondeur.

M. Jean-François Longeot, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le rapporteur pour avis de notre commission propose à la commission des affaires sociales que le périmètre de l'article 8 du projet de loi, qui lui a été délégué au fond, inclut les dispositions relatives aux procédures et moyens de contrôle et aux procédures de sanction destinées à lutter contre les faux professionnels et le travail dissimulé dans le secteur des transports publics particuliers de personnes (T3P) et, en conséquence, contre la fraude sociale et fiscale dans ce secteur ; aux obligations de vigilance applicables aux plateformes d'emploi dans le secteur des VTC vis-à-vis des exploitants VTC et aux procédures de contrôle et de sanction afférentes à ces obligations.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE DÉLÉGUÉ AU FOND

Article 8 (délégué)

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-111 est rédactionnel.

M. Olivier Jacquin. - Puisque je demanderai, en séance, la suppression de l'article 8, par cohérence, je voterai contre les amendements de modification de cet article, même si j'apprécie le travail du rapporteur.

L'amendement COM-111 est adopté.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-12 de Mme Goulet semble satisfait. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, de portée générale, prévoit déjà, pour les sanctions administratives, que la décision n'intervient qu'après que l'intéressé a eu la possibilité de répondre au grief qui lui est reproché. La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-12.

L'amendement rédactionnel COM-112 est adopté.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-113 vise à rehausser le plafond de l'amende administrative de 150 000 euros à 3 millions d'euros, pour sanctionner les comportements illégaux des plateformes.

Nous sollicitons en conséquence le retrait de l'amendement COM-150 rectifié. À défaut, l'avis sera défavorable.

M. Jacques Fernique- Cet amendement vise le même objectif que celui du rapporteur, mais il prévoit également de porter l'amende prévue pour chaque course réalisée en méconnaissance de l'obligation de vigilance par la plateforme de 150 à 450 euros. Privilégiant ma rédaction, je m'abstiendrai sur l'amendement COM-113.

L'amendement COM-113 est adopté.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-150 rectifié.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - Je partage l'objectif poursuivi au travers de l'amendement COM-151, qui vise à sanctionner plus largement les plateformes qui ne seraient pas assez vigilantes en matière de recours au travail dissimulé par les exploitants avec lesquels elles contractent, afin de prévenir la récidive.

Son adoption soulèverait toutefois des difficultés juridiques, car il introduirait une restriction excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. En conséquence, l'avis est défavorable.

M. Jean-François Longeot, président. - Je partage l'avis du rapporteur. Cet amendement me paraît intéressant, mais il reviendrait à pénaliser aussi les acteurs qui essaient de respecter les règles.

M. Jacques Fernique. - J'entends vos arguments, mais la réponse que je propose me semble adaptée et proportionnée.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous propose, mon cher collègue, de retirer votre amendement et de le retravailler avec le rapporteur en prévision de la séance publique.

L'amendement COM-151 est retiré.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-114 vise à lutter plus efficacement contre l'exercice des faux professionnels dans le secteur du transport public particulier de personnes.

Nous avons ainsi prévu de rehausser le quantum de la peine pour les délits d'exercice illégal des professions de VTC et de taxi, d'exercice illégal de la maraude et du démarchage de clients en vue d'une prise en charge sans réservation préalable, ainsi que pour les conducteurs ne disposant pas d'une carte professionnelle adaptée à l'exercice pratiqué.

Concrètement, la peine d'emprisonnement encourue passerait d'un an à trois ans et l'amende de 15 000 à 45 000 euros.

M. Olivier Jacquin- Je salue cet amendement du rapporteur. Il existe un service spécialisé en Île-de-France, mais, en province, très peu de moyens sont dévolus au contrôle des faux taxis et des fraudes de cet ordre.

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis. - Cette brigade spécifique basée à Paris compte 120 personnes. Cela peut paraître beaucoup, mais il nous a été dit durant les auditions que ce nombre d'agents n'était pas suffisant, compte tenu du nombre de véhicules en circulation.

L'amendement COM-114 est adopté.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 8 ainsi modifié.

Après l'article 8 (délégué)

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement COM-33 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La réunion est close à 14 h 35.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Auteur

Objet

Sort

Article 8

M. DUFFOURG, rapporteur pour avis

COM-111

Rédactionnel

Adopté

Mme Nathalie GOULET

COM-12

Application d'un principe contradictoire dans la mise en oeuvre des sanctions administration de radiation du registre des exploitants VTC et d'interdiction de s'y réinscrire

Rejeté

M. DUFFOURG, rapporteur pour avis

COM-112

Rédactionnel

Adopté

M. DUFFOURG, rapporteur pour avis

COM-113

Rehaussement du plafond annuel de l'amende visant les plateformes ne respectant pas l'obligation de vigilance

Adopté

M. FERNIQUE

COM-150 rect.

Rehaussement de l'amende visant les plateformes ne respectant pas l'obligation de vigilance et de son plafond annuel

Rejeté

M. FERNIQUE

COM-151

Interdiction pour les plateformes ne respectant pas leur devoir de vigilance de contractualiser avec des exploitants pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an

Retiré

M. DUFFOURG, rapporteur pour avis

COM-114

Rehaussement du quantum des peines en matière d'exercice illicite des professions du T3P

Adopté

Article additionnel après Article 8

M. JACQUIN

COM-33

Interdiction des prêts de compte pour les livreurs des plateformes numériques

Irrecevable

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie15(*) ».

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie16(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte17(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial18(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté le périmètre proposé à la commission des affaires sociales, lors de sa réunion du mardi 4 novembre 2025, concernant l'article 8 qui lui a été délégué au fond du projet de loi n° 24 (2025-2026) relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé à la commission des affaires sociales que ce périmètre inclue les dispositions relatives :

- aux procédures et moyens de contrôle et aux procédures de sanction destinées à lutter contre les faux professionnels et le travail dissimulé dans le secteur des transports publics particuliers de personnes (T3P) et, en conséquence, contre la fraude sociale et fiscale dans ce secteur ;

- aux obligations de vigilance applicables aux plateformes d'emploi dans le secteur des VTC vis-à-vis des exploitants VTC et aux procédures de contrôle et de sanction afférentes à ces obligations.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 28 octobre 2025

- Table ronde d'associations et organisations professionnelles représentant les exploitants et chauffeurs VTC

Union indépendants : MM. Thomas AONZO, président, et Ali LEMMOUCHI, représentant.

Fédération nationale des transports et de la logistique-Force ouvrière (FNTL FO UNCP) : M. Brahim BEN ALI, représentant national.

Association des chauffeurs indépendants lyonnais (ACIL) : MM. Mehdi MEJERI, président, et Ali SABRI, responsable des affaires juridiques.

Fédération française des exploitants de VTC (FFEVTC-GR) : MM. François DONNADILLE, président, et Dagobert PUJOL, vice-président.

- Table ronde des organisations représentatives des plateformes VTC

Fédération française des transports routiers (FNTR) : MM. Yves WEISSELBERGER, président LeCab, Nicolas LE GALL, conseil en affaires publiques, et Xavier BENDAVID, expert en affaires publiques.

Uber : M. Robin BARRIERE, directeur juridique, et Mme Laurène GUARDIOLA, chargée d'affaires publiques.

- Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) : Mme Sylvie ANDRÉ, sous-directrice de la régulation et de la performance durable des transports routiers, et MM. Aurélien BALMER, chef du bureau des transports publics particuliers de personnes, et Nicolas BINA, conseiller élus et communication.

- Préfecture de police de Paris : Mme Adeline POLETTO, conseillère justice au cabinet du préfet de police, et M. Jean-Sébastien ROSADONI, chef de la division régionale de la sécurité routière.

- Stairling : MM. Mimoun EL ALAMINI, fondateur, Jérôme GIUSTI, avocat, et Thibaud CARLASSARE, conseil.

Mercredi 29 octobre 2025

- Table ronde de syndicats et organisations professionnelles de taxis

Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-Taxis : MM. Christophe DUARTE, représentant, et Mohammed ABID, représentant.

Fédération nationale du taxi (FNDT-CPME) : M. Dominique BUISSON, secrétaire fédéral.

Fédération nationale des artisans du taxi (FNAT) : MM. Bernard CREBASSA, président, et Laurent DAYRAUT, membre du comité directeur.

Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI) : Mme Magaly BAZIRE, présidente de la commission affaires sociales, et M. Mohamed BAASSINI, membre de la commission exécutive.

Union nationale des taxis (UNT) : M. Rachid BOUDJEMA, président, et Mme Aya ASSAS, assistante du président.

Union nationale des industries du taxi (UNIT) : MM. Ilan UNDERWOOD, secrétaire général adjoint, et Armand JOSEPH-OUDIN, délégué général.

- Union des VTC Sud : Mme Sabrina SABENA, présidente.

CONTRIBUTION ÉCRITE

- Gescop

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl25-024.html

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ARTICLE 8

Amendement n°  COM-111 présenté par
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Alinéas 5 et 8

Remplacer les mots :

onéreux ou non

par les mots :

gratuit ou onéreux

OBJET

Cet amendement vise à opérer une harmonisation rédactionnelle.

ARTICLE 8

Amendement n°  COM-112 présenté par
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Alinéa 24

Remplacer les mots :

de l'amende est d'au plus

par les mots :

maximal de l'amende est de

OBJET

Cet amendement vise à opérer une amélioration rédactionnelle.

ARTICLE 8

Amendement n°  COM-113 présenté par
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

I. - Alinéa 25, première phrase

Remplacer le montant :

150 000 euros

par le montant :

3 000 000 d'euros

II. - Alinéa 25, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 27

Après le mot :

manquement,

insérer les mots :

son éventuelle réitération,

OBJET

Le présent amendement vise à rehausser le plafond annuel de l'amende administrative, instituée par cet article, visant à sanctionner les plateformes ne respectant pas leur devoir de vigilance vis-à-vis des exploitants VTC avec lesquels elles contractualisent.

Pour rappel, cette obligation de vigilance, créée par le 2° du II de l'article 8, imposera aux plateformes d'intermédiation (Uber, Heetch, Bolt etc.) de s'assurer que lesdits exploitants ne pratiquent pas de travail dissimulé et n'emploient pas de personnes non autorisées à exercer une activité professionnelle sur le territoire national. Le dispositif instaure en outre, à l'égard des plateformes, une amende d'un montant maximal de 150 € par mise en relation avec un client en méconnaissance de ce devoir de vigilance. Un plafond annuel de l'amende par professionnel est prévu par le projet de loi à hauteur de 150 000 euros, et 300 000 euros en cas de récidive dans un délai de deux ans.

Si l'instauration d'un tel devoir de vigilance à l'égard des plateformes d'intermédiation va dans le bon sens, le montant du plafond annuel de l'amende prévu par cet article apparaît sensiblement trop faible pour avoir un caractère dissuasif.

Dès lors, le présent amendement vise à multiplier ce plafond annuel par vingt, pour le porter à 3 000 000 d'euros. Ce montant apparaît plus cohérent et proportionné au regard de l'activité économique des plateformes d'intermédiation. L'amendement remplace en outre le second plafond, prévu en cas de récidive, par l'ajout d'une mention concernant la réitération du manquement parmi les critères à prendre en compte pour la détermination du montant de la sanction à l'alinéa 27 de l'article 8.

ARTICLE 8

Amendement n°  COM-114 présenté par
M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Compléter cet article par trente-deux alinéas ainsi rédigés :

.... .- Le chapitre V du titre II du livre III du code de la route est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 325-1-1, après la première occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « , le titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports » ;

2° Après le 8° du I de l'article L. 325-1-2, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9°Lorsque le véhicule a été utilisé :

« a) Pour exercer l'activité d'exploitant taxi sans être titulaire de l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1 du code des transports ;

« b) Ou pour exercer l'activité d'exploitant mentionnée à l'article L. 3122-1 du même code en contrevenant à l'article L. 3122-3 dudit code ;

« c) Ou pour contrevenir au I, au II et aux 2° et 3° du III de l'article L. 3120-2 du même code ;

« d) Ou pour réaliser des prestations de transport relevant du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code, lorsque le conducteur ne dispose pas de la carte professionnelle mentionnée à l'article L. 3120-2-2 du même code correspondant à l'activité pratiquée. »

.... - Le titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° L'article L. 3124 4 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

- les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » ;

- le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

b) Après le 3° du II, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° L'interdiction de paraître prévue au 12° de l'article 131-6 du code pénal. » ;

2° L'article L. 3124 7 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

- les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » ;

- le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

b) Le II est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° L'interdiction de paraître prévue au 12° de l'article 131-6 du code pénal. » ;

3° L'article L. 3124-12 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

- les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » ;

- le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

- à la fin, les mots : « et au 1° du II de l'article L. 3120-2 » sont remplacés par les mots : « , au 1° du II ou au 2° ou 3° du III de l'article L. 3120-2 ou de réaliser ou faire réaliser des prestations de transport relevant du présent titre, lorsque le conducteur ne dispose pas de la carte professionnelle mentionnée à l'article L. 3120-2-2 correspondant à l'activité pratiquée » ;

b) Le II est ainsi modifié :

- au premier alinéa, les mots : « de l'infraction prévue » sont remplacés par les mots : « des infractions prévues » ;

- il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° L'interdiction de paraître prévue au 12° de l'article 131-6 du code pénal. » ;

4° L'article L. 3124-13 est ainsi rétabli :

« Art. L. 3124-13. - Lorsque l'établissement de la preuve d'un des délits définis au présent chapitre en dépend, les agents habilités à constater des infractions au titre du présent code peuvent ne décliner leur qualité qu'au moment où ils informent la personne contrôlée de la constatation de l'infraction. »

OBJET

L'article 8 du projet de loi vise à lutter contre l'exercice illégal et le travail dissimulé dans le secteur du transport public particulier de personnes (T3P). Il clarifie notamment le champ d'application de la sanction administrative prévue pour les faux VTC (exerçant sans être inscrits au registre des exploitants VTC) et renforce les sanctions administratives applicables en cas de substitution de chauffeurs (utilisation de l'inscription au registre VTC d'un tiers). Il vise en outre à responsabiliser les plateformes, afin qu'elles s'assurent que les exploitants de VTC avec lesquels elles contractualisent ne pratiquent pas de travail dissimulé.

Le présent amendement vise à compléter cet article afin de lutter plus efficacement encore contre l'exercice de ces faux professionnels, ainsi que contre d'autres pratiques frauduleuses telles que la maraude illicite. De fait, l'essor de ces pratiques contraires à la réglementation des transports - notamment aux abords des gares, aéroports et sites touristiques - s'accompagne bien souvent d'un contournement des obligations fiscales et sociales, de la réglementation du travail de même que de celle des assurances. La montée en puissance de ces offres parallèles au secteur régulé pose en outre un problème majeur de sécurité et de sûreté pour les passagers qui sont susceptibles de monter à bord de véhicules non conformes, non assurés ou conduits par des chauffeurs non professionnels, le cas échéant ne vérifiant pas les critères d'honorabilité que prévoit la réglementation.

Les mesures proposées par cet amendement visent donc à compléter l'article 8 pour renforcer la réponse pénale sur ce sujet et faciliter la constatation de ces infractions par les agents chargés du contrôle de la réglementation de ce secteur afin de renforcer la lutte contre les faux professionnels et, par conséquent, contre les fraudes fiscales et sociales. Il vise à :

- rehausser le quantum de peine pour les délits d'exercice illégal de la profession de VTC et de taxi, l'exercice illégal de la maraude et du démarchage de clients en vue d'une prise en charge sans réservation préalable, ainsi que pour les conducteurs ne disposant pas d'une carte professionnelle adaptée à l'activité pratiquée ;

- permettre au juge de décider d'interdictions temporaires de paraître dans certains lieux (infrastructures de transport, sites touristiques etc.) pour les personnes physiques ayant commis de telles infractions, afin de lutter contre la récidive ;

- permettre aux agents de contrôle d'user d'une procédure dite « du client mystère » pour constater les pratiques d'exercice illégal des professions, de maraude irrégulière sur la voie publique ou de racolage de clients, qui sont l'apanage des faux professionnels dont l'activité dissimulée ne fait pas l'objet des déclarations fiscales et sociales indispensables. Cette mesure, qui figure déjà dans le code de consommation, s'avère d'une grande efficacité pour les agents de la DGCCRF. Le recours à cette méthode est de nature à faciliter les constatations de ces délits, notamment dans les gares et les aéroports où interviennent des réseaux organisés avec des guetteurs qui limitent l'efficacité l'action des forces de l'ordre ;

- permettre une immobilisation temporaire du véhicule utilisé pour commettre l'infraction avec mise en fourrière, afin de lutter contre les faux professionnels et le racolage illicite.


* 1 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

* 2 Les plateformes de réservation doivent déclarer leur activité à l'autorité administrative. La liste des plateformes en exercice est disponible sur le site du ministère chargé des transports.

* 3 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 4 Loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur.

* 5 Loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.

* 6 Article L. 243-15 du code de la sécurité sociale.

* 7 Article L. 3261-3 du code des transports.

* 8 Article L. 3161-4 du code des transports.

* 9 L'inscription au registre étant valable cinq ans, les exploitants peuvent rester inscrits jusqu'au terme de la validité de leur inscription, même s'ils n'ont pas d'activité effective (sauf à être radiés).

* 10 À ce sujet, la directive (UE) 2024/2831 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, qui doit être transposée d'ici au 2 décembre 2026, va induire des évolutions statutaires : elle prévoit une présomption légale de relation de travail entre les plateformes et les personnes qui y exécutent un travail. Il incombera aux plateformes, si elles souhaitent renverser cette présomption, de démontrer que la relation contractuelle en question n'est pas une relation de travail.

* 11 À compter de 2026, plusieurs plateformes mettront en place le précompte des cotisations sociales des travailleurs indépendants, avant une généralisation du dispositif prévu en 2028.

* 12 Source : réponses de la DGITM au questionnaire écrit du rapporteur.

* 13 Source : réponses de la préfecture de police de Paris au questionnaire écrit du rapporteur.

* 14 Source : réponses de la préfecture de police de Paris au questionnaire écrit du rapporteur.

* 15 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.

* 16 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 17 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 18 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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