- L'ESSENTIEL
- I. LE PLF 2026 PRÉSERVE LE
RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE OPÉRÉ DEPUIS
LE DÉBUT DE LA DÉCENNIE
- A. DANS LA CONTINUITÉ DE LA LOI DE FINANCES
INITIALE (LFI) POUR 2025, LE PLF 2026 PRÉVOIT UNE
STABILISATION DES CRÉDITS DÉDIÉS
À LA RECHERCHE PUBLIQUE
- 1. Les crédits dédiés à
la recherche publique qui financent les principaux opérateurs seront en
légère hausse en 2026
- 2. Pour la deuxième fois consécutive
depuis 2021, une sous-exécution de la loi de programmation de la
recherche due aux difficultés budgétaires
- 3. L'absorption ponctuelle d'un effort
budgétaire ne devrait pas avoir pour effet d'enrayer durablement la
dynamique de réinvestissements dans la recherche publique
- 1. Les crédits dédiés à
la recherche publique qui financent les principaux opérateurs seront en
légère hausse en 2026
- B. DES MOYENS EN FAVEUR DES ORGANISMES DE RECHERCHE
GÉNÉRALISTES QUI SE STABILISENT À DÉFAUT
D'AUGMENTER, MAIS PEUVENT DISSIMULER DES HAUSSES DE CHARGE NON
COMPENSÉES
- A. DANS LA CONTINUITÉ DE LA LOI DE FINANCES
INITIALE (LFI) POUR 2025, LE PLF 2026 PRÉVOIT UNE
STABILISATION DES CRÉDITS DÉDIÉS
À LA RECHERCHE PUBLIQUE
- II. RENFORCER NOTRE SOUVERAINETÉ
NÉCESSITE D'INVESTIR MASSIVEMENT ET DURABLEMENT EN FAVEUR DE LA
RECHERCHE NUCLÉAIRE, SPATIALE ET NUMÉRIQUE
- A. LA NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS EN FAVEUR
DES CAPACITÉS DE RECHERCHE DU CEA ENVISAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT
N'EST PAS ACCEPTABLE DANS LE CONTEXTE DE LA RELANCE DE LA FILIÈRE
NUCLÉAIRE
- B. LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE DEVRAIT
ÉCHAPPER AU DÉCLASSEMENT GRÂCE À UNE CONTRIBUTION EN
LÉGÈRE HAUSSE AU BUDGET DE L'AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE
(ESA)
- C. LA RECHERCHE DANS LES TECHNOLOGIES
NUMÉRIQUES DEVRAIT ÊTRE CONFORTÉE COMME CONDITION
ESSENTIELLE DE NOTRE SOUVERAINETÉ
- 1. Le renforcement de nos capacités de
recherche en matière numérique est indispensable pour assurer
notre avenir technologique
- 2. Les grands opérateurs de recherche
devraient poursuivre leurs efforts pour aligner leurs projets de recherche avec
les priorités nationales définies en matière de
numérique
- 1. Le renforcement de nos capacités de
recherche en matière numérique est indispensable pour assurer
notre avenir technologique
- A. LA NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS EN FAVEUR
DES CAPACITÉS DE RECHERCHE DU CEA ENVISAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT
N'EST PAS ACCEPTABLE DANS LE CONTEXTE DE LA RELANCE DE LA FILIÈRE
NUCLÉAIRE
- I. LE PLF 2026 PRÉSERVE LE
RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE OPÉRÉ DEPUIS
LE DÉBUT DE LA DÉCENNIE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 140 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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TOME V RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR |
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Par M. Patrick CHAIZE, Sénateur |
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(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Vincent Louault, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mmes Martine Berthet, Marie-Pierre Bessin-Guérin, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Mmes Marianne Margaté, Pauline Martin, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Marc Séné, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot. |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 19 novembre 2025, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable aux crédits de la mission « Recherche ».
Les crédits ouverts par le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 demeurent en légère hausse même si, pour la deuxième fois consécutive depuis son adoption, la loi de programmation pour la recherche (LPR) ne sera pas respectée, ce qui soulève la question de sa pérennité. En outre, des efforts significatifs ont été demandés aux opérateurs de recherche en gestion au cours de l'année 2025, et nul doute qu'il en sera de même en 2026.
Si cette contribution à l'effort de redressement de nos finances publiques peut se concevoir, le rapporteur estime que la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique qui avait été initiée depuis 2021 devra rapidement être relancée dans les années à venir, les dépenses de recherche étant des dépenses indispensables à l'amélioration du potentiel de croissance de notre économie.
Ces moyens alloués à la recherche publique gagneraient en outre à être davantage concentrés sur les grandes priorités nationales. Il s'agit en particulier de consolider nos capacités de recherche dans les domaines nucléaire, spatial et numérique afin d'assurer notre avenir dans trois domaines au coeur des grands enjeux de souveraineté.
I. LE PLF 2026 PRÉSERVE LE RÉINVESTISSEMENT DANS LA RECHERCHE PUBLIQUE OPÉRÉ DEPUIS LE DÉBUT DE LA DÉCENNIE
A. DANS LA CONTINUITÉ DE LA LOI DE FINANCES INITIALE (LFI) POUR 2025, LE PLF 2026 PRÉVOIT UNE STABILISATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE PUBLIQUE
1. Les crédits dédiés à la recherche publique qui financent les principaux opérateurs seront en légère hausse en 2026
Pour 2026, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) atteindront 31,9 Md€ en autorisations d'engagement (AE) et 31,5 Md€ en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 1,87 % et de 1,83 % par rapport à la LFI 2025 qui bénéficiera principalement aux programmes de la mission dédiés à l'enseignement supérieur.
S'agissant de la politique de recherche publique, sa mise en oeuvre est largement déléguée à des opérateurs publics qui concentrent 90 % des crédits « Recherche » de la mission. Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (P172) constitue ainsi le principal vecteur de financement de la recherche publique en France car il finance l'Agence nationale de la Recherche (ANR), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national d'études spatiales (Cnes), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) ou bien encore l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
Pour 2026, le budget alloué à ce programme diminue légèrement de - 0,53 % en AE et augmente de 0,54 % en CP à 8,2 Md€, ce qui correspond à une stabilisation de ses crédits.
2. Pour la deuxième fois consécutive depuis 2021, une sous-exécution de la loi de programmation de la recherche due aux difficultés budgétaires
Pour sa sixième année de mise en oeuvre, c'est la deuxième fois consécutive que la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche1(*) (LPR) de 2020, qui était supposée porter un réinvestissement de 25 Md€ pour la période 2021-2030, n'est pas respectée, alors que tant les trajectoires budgétaires que les plafonds d'emplois l'avaient été au cours des quatre premières années d'exécution de la LPR.
Selon l'article 2 de cette loi de programmation, les crédits alloués au programme 172 auraient dû en effet augmenter de 361 M€ en CP par rapport au montant prévu en LFI 2025. Or cette hausse se limitera à 44 M€ en 2026, soit 317 M€ de moins que ce que prévoyait la LPR.
En 2025, cet écart représentait déjà 136 M€, si bien que le programme 172 se verra affecter en 2026 quelque 453 M€ de moins que ce que prévoyait à l'origine la LPR. La prévision indicative pour 2027 fournie par le Gouvernement étant de 8,2 Md€, en très légère baisse par rapport à 2026, cet écart devrait continuer à se creuser, si bien qu'il convient de se demander si la LPR demeure une référence pertinente, ou si elle s'avère désormais caduque, cinq années seulement après son adoption et à mi-parcours de la période de programmation.
Selon les organismes de recherche entendus par le rapporteur, la revoyure de la LPR à la baisse signifie de facto l'abandon de l'essentiel des mesures catégorielles visant à revaloriser le régime indemnitaire des enseignants et chercheurs mais également un renoncement non assumé aux mesures de renforcement du soutien aux laboratoires, en contradiction avec l'ambition affichée en 2020 d'augmenter durablement la dépense intérieure de R&D des administrations.
Autre point de préoccupation, le PLF 2026 confirme et amplifie le montant des charges non compensées, déjà significatif en 2025. Alors que la hausse de la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) pensions n'avait pas du tout été compensée pour les organismes de recherche en 2025, elle ne le serait pratiquement pas non plus en 2026, avec seulement 16 M€ budgétés. L'exemple du CNRS, détaillé infra, est à cet égard éclairant.
Enfin, le rapporteur regrette que les crédits en faveur de la recherche demeurent, comme en 2024, significativement touchés par les annulations en cours de gestion, puisque le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits avait procédé à de premières annulations de 199,4 M€ sur le programme 172 et de 94,5 M€ sur le programme 193 « Recherches spatiales », auxquelles le projet de loi de fin de gestion 2025 est venu ajouter l'annulation de 50 M€ sur le programme 172 et de 99 M€ sur le programme 193, ces annulations de fin de gestion portant dans les deux cas sur les réserves de précaution de ces programmes.
Ces suppressions supplémentaires de crédits viennent par conséquent éloigner encore un peu plus ces programmes des objectifs de la LPR, laquelle paraît désormais largement vidée de sa substance.
3. L'absorption ponctuelle d'un effort budgétaire ne devrait pas avoir pour effet d'enrayer durablement la dynamique de réinvestissements dans la recherche publique
À l'issue de ses travaux, le rapporteur constate que les grands opérateurs de recherche ont accepté la nécessité de contribuer à l'effort national de redressement budgétaire, à la fois par des mesures prises en gestion et par l'acceptation de hausses de budget et d'emplois qui sont bien moins ambitieuses que prévu.
Il tient toutefois à rappeler que l'effort de recherche français, c'est-à-dire la dépense intérieure de R&D rapportée au PIB s'élève à 2,2 %, un chiffre qui reste nettement en deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne dans le cadre de la stratégie « Horizon Europe », et très inférieur à l'effort consenti par des pays tels que la Corée du Sud, Israël ou les États-Unis.
Or les dépenses de recherche et d'innovation sont fondamentales pour assurer la croissance future de notre pays, comme l'ont montré les travaux de notre récent prix Nobel d'économie Philippe Aghion. S'il existe une « bonne » dépense publique, c'est bien la dépense en faveur de la recherche et de l'innovation.
Ainsi, si une stabilisation temporaire de la dynamique impulsée par la loi de programmation pour la recherche (LPR) peut se concevoir eu égard à la dégradation des finances publiques, il conviendra de la relancer dans les années à venir afin de ne pas perdre le bénéfice des premières années d'exécution de la LPR, même si cela devait impliquer le cas échéant d'adopter un mode de financement de la recherche publique plus sélectif et plus en adéquation avec les grandes priorités énergétiques, numériques, économiques, technologiques et industrielles de notre pays.
B. DES MOYENS EN FAVEUR DES ORGANISMES DE RECHERCHE GÉNÉRALISTES QUI SE STABILISENT À DÉFAUT D'AUGMENTER, MAIS PEUVENT DISSIMULER DES HAUSSES DE CHARGE NON COMPENSÉES
1. Après quatre années de renforcement significatif et une première année de stabilisation, les moyens d'intervention de l'ANR se maintiendront à un niveau satisfaisant en 2026
À compter de la mise en oeuvre de la LPR en 2021, l'Agence nationale de la recherche (ANR) avait été l'opérateur dont les moyens s'étaient le plus renforcés, avec une hausse très significative de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024, laquelle était nécessaire pour améliorer le taux de sélection des projets qui lui étaient soumis par les chercheurs.
La LPR visait à porter le taux de succès aux appels à projets (AAP) de l'ANR à 30 % à l'horizon 2027. Le taux de succès des AAP de l'ANR a effectivement connu une progression significative grâce à l'élan de la LPR, passant de 19,2 % en 2020 à 25,2 % et 24,2 % en 2023 et 2024, respectivement. À ce jour, le taux de succès 2025 n'est pas établi de façon définitive mais il devrait se situer 1,5 point en dessous en 2024, soit entre 22,5 et 23 %.
Après une stabilité en 2025, les crédits d'intervention de l'ANR en faveur des appels à projets connaîtront en 2026 une légère hausse de 20 millions d'euros, ce qui devrait continuer à permettre que près d'un quart des projets de recherche déposés à l'ANR bénéficient d'un financement, ratio qui, en principe, permet d'éviter de sacrifier d'excellents projets comme c'était trop souvent le cas dans les années 2010.
Un problème important devra toutefois être rapidement résolu, lié au fait que les décaissements (CP) de l'ANR augmentent avec un délai par rapport aux engagements (AE) car ils suivent le cycle de vie des projets. Les décaissements augmentent donc encore actuellement sous le coup des engagements élevés des années passées prévus par la LPR : même en stabilisant les engagements, les décaissements continueront ainsi à augmenter pendant plusieurs années, l'écart actuel entre AE et CP s'élevant à 280 M€ environ.
En 2025, le niveau de recettes de l'ANR (correspondant au CP de l'État) était en stabilité par rapport à 2024. Dans la mesure où ce niveau était insuffisant pour financer les décaissements prévus, le budget d'intervention a alors été baissé de 90 M€ en AE (par rapport à une hausse affichée de 120 M€) et des mesures de lissage des décaissements ont été mises en place dont l'effet estimé en 2025 est de 160 M€.
Évolution du nombre de projets déposés et du taux de sélection de l'ANR
Source : Agence nationale de la recherche
Pour 2026, le PLF place l'ANR dans une situation similaire, le problème de fond persistant : le niveau de CP programmé ne permet pas de faire face aux décaissements prévus, ce qui laisse courir le risque d'une régression brutale, c'est-à-dire d'une forte baisse de financement de nouveaux projets.
Il importe donc que le Gouvernement s'empare de cette difficulté pour trouver rapidement une solution qui ne perturbe pas le bon déroulement des projets engagés ni ne provoque une hausse brutale du niveau de sélectivité de nouveaux projets.
2. Le CNRS pourrait voir son attractivité dégradée par l'accumulation des charges non compensées
Dans un contexte de forte compétition internationale pour attirer et fidéliser les talents scientifiques, le CNRS se doit impérativement de poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie de renforcement de son attractivité.
En matière de recrutement par concours (270 chercheurs par an de 2023 à 2027), les indicateurs demeurent à ce stade plutôt rassurant, puisque les candidatures ont augmenté en 2025, la part des candidats étrangers représentant désormais 42 % et celle des lauréats non nationaux 34 % des admis.
Autre signal encourageant : dans le contexte de dégradation des libertés académiques aux États-Unis à l'oeuvre depuis le début de l'année 2025, le CNRS a lancé, dans le cadre du programme Choose France for Science, l'appel Choose CNRS, qui a permis de recueillir quelque 700 candidatures de scientifiques au cours des six derniers mois. Il est d'ailleurs permis de regretter que les faibles moyens financiers consacrés au programme Choose France for Science ne permettent in fine de recruter qu'une centaine de scientifiques étrangers, toutes universités et organismes de recherche confondus.
Si cette attractivité du CNRS s'explique avant tout par sa tradition d'excellence scientifique et la qualité souvent exceptionnelle de ses infrastructures de recherche, elle passe également par une politique de rémunération et de carrière dynamique (garantie d'une rémunération minimale de deux SMIC pour les jeunes chercheurs, amélioration des perspectives de promotion, recours accru au CDI, etc.).
Or cette politique apparaît aujourd'hui menacée par l'accumulation des charges non compensées transférées à l'établissement, qui tendent à assécher la trésorerie libre d'emploi.
Au titre de 2025, ces charges nouvelles avaient déjà représenté quelque 200 millions d'euros. Elles devraient augmenter de 60 millions d'euros supplémentaires en 2026, en raison d'une hausse de la contribution au CAS Pensions ainsi que d'une absence de financement de la protection sociale complémentaire et du glissement vieillesse-technicité (GVT).
Il importera donc de limiter au maximum le recours à ce type d'expédients budgétaires dans les années à venir, au risque de fragiliser le premier organisme de recherche de notre pays qu'il nous faut collectivement armer pour qu'il puisse, dans tous ses domaines d'expertise, demeurer au meilleur niveau mondial.
II. RENFORCER NOTRE SOUVERAINETÉ NÉCESSITE D'INVESTIR MASSIVEMENT ET DURABLEMENT EN FAVEUR DE LA RECHERCHE NUCLÉAIRE, SPATIALE ET NUMÉRIQUE
A. LA NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS EN FAVEUR DES CAPACITÉS DE RECHERCHE DU CEA ENVISAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT N'EST PAS ACCEPTABLE DANS LE CONTEXTE DE LA RELANCE DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE
Alors que la filière nucléaire française, qui faisait depuis plusieurs décennies la fierté de notre pays, avait subi un regrettable déclin depuis les années 2010 à la suite de la catastrophe de Fukushima, ce qui avait affecté le rayonnement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le renouveau engagé ces dernières années à la suite du discours de Belfort prononcé par le Président de la République le 10 février 20222(*) ne s'était pas pour autant traduit par une hausse de crédits dans le domaine de la recherche nucléaire suffisante eu égard aux besoins.
Cette situation tend à perdurer dans le cadre du PLF 2026.
De fait, la hausse des crédits affectés au CEA entre la LFI 2025 et le PLF 2026 doit être fortement relativisée, dans la mesure où elle résulte principalement de deux mouvements de crédits visant simplement à rétablir des modifications d'importance qui avaient été apportées lors de l'examen pour le moins difficile du PLF 2025, à savoir :
- le rétablissement du financement des charges nucléaires de long terme des installations du CEA au niveau prévu initialement dans le PLF 2025, soit 780 M€, alors qu'une suppression de 190 M€ avait été adoptée en LFI 20253(*) ; or les engagements pris vis-à-vis des autorités de sûreté et la structure des dépenses d'assainissement et de démantèlement sont incompatibles avec une réduction massive de ces crédits, dans la mesure où celle-ci conduirait à des coûts ultérieurs supportés par l'État supérieurs puisqu'il faudrait annuler des contrats pluriannuels à réaliser par des entreprises, principalement françaises, puis relancer les consultations et les contractualisations ;
- le rétablissement des crédits relatifs à la recherche duale, là encore au niveau du PLF 2025. La LFI 2025 avait en effet réduit de 14,3 M€ (soit 64 %) les crédits du programme 191 « recherche duale (civile et militaire) » alloués au CEA. Depuis 2015, les crédits en faveur de la recherche duale au CEA ont diminué de près de 30 %. Or ces crédits permettent notamment de financer le volet R&D du programme interministériel de lutte contre le terrorisme NRBC-E, plus que jamais nécessaires dans un contexte géopolitique très dégradé.
Pour le reste, les crédits portés par le programme 172, loin de connaître une augmentation au titre de la LPR, diminuent de 1 M€ par rapport à 2025, ce qui constitue une rupture par rapport à la période précédente.
De fait, les moyens obtenus par le CEA sur ce programme lors des années passées avaient permis de renforcer l'emploi scientifique, de financer l'augmentation de la masse salariale et les emplois nouveaux et de contribuer à l'amélioration de la capacité d'investissement de l'établissement.
À cette stabilisation des moyens généraux viennent en outre s'ajouter les effets du changement de jurisprudence relatif à la fin de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties pour les établissements publics industriels et commerciaux qui se traduit par un surcoût de 20 millions d'euros pour le CEA, non compensé par l'État.
Tableau présentant les évolutions
des crédits du CEA
entre le PLF 2025, la LFI 2025 et
le PLF 2026
Source : CEA
Quant aux crédits relatifs à la R&D nucléaire, ils sont en forte baisse de 15 M€ alors que 18,5 M€ avaient déjà été supprimés en 2025, ce qui avait conduit le CEA, pour ne pas pénaliser ces dépenses indispensables, à réduire à due concurrence ses dépenses pourtant nécessaires d'assainissement et de démantèlement (cf. supra).
Le rapporteur considère que cette diminution des crédits en faveur de la R&D nucléaire entre en contradiction flagrante avec l'objectif de relance de la filière nucléaire portée de longue date par la commission des affaires économiques et que le Gouvernement a officiellement fait sienne depuis 2022 et n'a cessé depuis de renouveler dans le cadre des réunions du Conseil de politique nucléaire.
C'est la raison pour laquelle il soutient pleinement l'amendement de Jean-François Rapin, rapporteur spécial au nom de la commission des finances des crédits de la recherche, visant à rétablir ces 15 M€ destinés à financer la R&D nucléaire.
Pour autant, il convient de ne pas s'illusionner : même si ces 15 M€ sont bien in fine rétablis, le renforcement de la R&D dans le domaine du nucléaire civil sera clairement revu à la baisse par rapport aux ambitions initialement exprimées à l'occasion du Conseil de politique nucléaire du 18 juillet 2023 : pour 2026, les effectifs seront simplement stabilisés au niveau de 2025 et le CEA devra proposer une priorisation du financement pour les installations essentielles au maintien de la R&D nucléaire dans les prochaines années par la mobilisation de crédits du plan de relance et de France 2030.
En outre, si le soutien aux start-up du nucléaire se poursuivra, ce soutien sera nécessairement inférieur à ce qui était prévu dans la trajectoire précédente compte tenu de la réduction des moyens. S'agissant des small modular reactors (SMR) et autres réacteurs innovants, les actions du CEA seront ainsi principalement centrées sur le développement de concepts ou d'usages innovants., le CEA prévoyant de mobiliser 63 ETPT4(*) et 12 M€ en coûts directs sur cette thématique.
B. LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE DEVRAIT ÉCHAPPER AU DÉCLASSEMENT GRÂCE À UNE CONTRIBUTION EN LÉGÈRE HAUSSE AU BUDGET DE L'AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE (ESA)
Alors que le Président de la République a présenté le 12 novembre 2025 une stratégie spatiale 2025-2040 ambitieuse pour notre pays, la réalité de cette ambition a été mise à rude épreuve lors de la récente conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA).
Cette « CMIN », qui se tient tous les trois ans, est en effet le moment où les États membres décident collectivement des programmes qui seront mis en oeuvre dans le cadre de l'ESA pour les années suivantes, et, individuellement, de leurs souscriptions à ces différents programmes. Or, la conférence ministérielle (CMIN) de l'ESA qui s'est tenue les 26 et 27 novembre 2025 à Brême a fixé à hauteur de 22 Md€ le budget de l'ESA pour la période 2026-2028 contre 16,9 M€ pour la période 2022-2025, soit une forte augmentation de 30 %.
Sous la pression des industriels mais également, entre autres, du Sénat, le Gouvernement, après avoir un temps envisagé de se limiter à une enveloppe historiquement basse qui aurait marqué une véritable régression, a finalement accepté de porter la contribution française à 3,6 Md€ contre 3,2 Md€ pour la période 2022-2025, soit une hausse de 12,4 %.
Ce montant restera cependant très en retrait de celui consenti par l'Allemagne, lequel atteindra 5 Md€, en hausse de 45,8 %, dans un contexte où nos voisins d'outre-Rhin ont par ailleurs annoncé vouloir investir 35 Md€ d'ici 2030 dans le spatial militaire.
Alors que beaucoup s'attendaient à ce que l'Italie contribue à hauteur de 4 Md€, le montant de sa souscription est finalement légèrement inférieur à celui de la France, ce qui permettra à notre pays de demeurer le deuxième contributeur de l'Agence, limitant ainsi le risque de déclassement qui le menaçait.
De fait, compte tenu de la logique des retours géographiques qui structure le fonctionnement de l'ESA, l'industrie spatiale française aurait été susceptible de souffrir durablement d'une contribution française trop faible, car la part qui aurait été, dans cette hypothèse, réservée à l'activité satellitaire, priorité nationale sur laquelle travaillent en particulier Thalès Alenia Space et Airbus Defence & Space, aurait été susceptible de substantiellement diminuer. Alors que ces acteurs ont dû supprimer des emplois en 2024 et en 2025, un tel résultat aurait été pour le moins dommageable.
L'effort financier consenti par le Gouvernement dans la dernière ligne droite, même s'il demeure inférieur aux besoins, devrait permettre d'éviter un tel scénario défavorable.
Au-delà de cet enjeu, la France, et plus particulièrement son bras armé dans le domaine spatial, le Cnes, devra continuer à faire progresser ses priorités en matière de politique spatiale européenne et nationale, notamment :
- la montée en puissance des lancements d'Ariane 6, qui a déjà réussi 4 lancements depuis son vol inaugural en juillet 2024 et compte réaliser 9 lancements en 2026 et 9 ou 10 en 2027. À cette date, un soutien annuel à l'exploitation compris entre 290 et 340 M€ sera nécessaire pour équilibrer le plan d'affaires d'Ariane 6, malgré une réduction du coût de lancement d'environ 40 % par rapport à Ariane 5. Conforter l'autonomie d'accès à l'espace de la France et de l'Europe sera d'autant plus crucial que la concurrence américaine, qu'il s'agisse de Space X mais également désormais de Blue Origin5(*), maîtrise la récupération des propulseurs de ses fusées, ce qui lui confère un avantage concurrentiel déterminant ;
- l'engagement du Cnes et des entreprises françaises dans le déploiement de la constellation européenne de connectivité sécurisée Iris2 qui devrait débuter pour 2026, indispensable pour soutenir la filière satellitaire française dont les difficultés ont été mentionnées supra. Le rapporteur relève à cet égard que la France avait investi 300 M€ en faveur d'Iris2 dans le cadre du précédent budget triennal de l'ESA (CMIN22) et qu'elle envisage une contribution complémentaire de 80 M€ lors de la CMIN25 pour des missions et démonstrations à développer par des entreprises émergentes du « new space » ;
- le développement des jeunes entreprises innovantes et des acteurs émergents de ce secteur du « new space » dont la montée en puissance a été accélérée grâce aux crédits du plan France 2030, en particulier dans le domaine des lanceurs et des micro-lanceurs ;
- la prise en compte de la politique isolationniste de l'administration Trump, qui a publié en mai une requête budgétaire pour l'année fiscale 2026 qui propose une réduction de 25 % du budget de la Nasa, priorisant les missions vers la Lune et Mars (avec un fort appui du secteur privé), ce qui impliquerait, si cette demande était validée telle qu'elle par le Congrès américain, l'annulation de plusieurs programmes dans lesquels la France est impliquée.
C. LA RECHERCHE DANS LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES DEVRAIT ÊTRE CONFORTÉE COMME CONDITION ESSENTIELLE DE NOTRE SOUVERAINETÉ
1. Le renforcement de nos capacités de recherche en matière numérique est indispensable pour assurer notre avenir technologique
Convaincues depuis de nombreuses années de la nécessité d'investir dans la recherche, les infrastructures et les technologies numériques pour assurer notre souveraineté, notre sécurité et notre compétitivité, le rapporteur considère que la transition numérique doit être l'une des grandes priorités de la recherche publique française.
Les enjeux portent à la fois sur la nécessité de lever les verrous scientifiques et technologiques pour accéder aux technologies d'avenir, mais aussi sur l'étude des conséquences des nouvelles technologies et des nouveaux usages numériques afin de mieux comprendre les transitions à l'oeuvre dans notre économie et dans notre société.
Alors que le Sommet mondial pour l'action sur l'intelligence artificielle (IA) qui s'est tenu à Paris en février 2025 est apparu comme un succès et a donné lieu à l'annonce de 109 Md€ d'investissements en France dont il faudra voir dans la durée s'ils se concrétisent effectivement, le rapporteur se félicite que notre pays connaisse une dynamique très positive, avec plus de 1 000 start-up dans ce domaine et une place de 3e pays au monde en nombre de chercheurs spécialisés en IA.
Beaucoup a été fait ces dernières années dans le cadre de la Stratégie nationale de l'IA et du plan d'investissement France 2030, avec quelque 2,5 Md€ de fonds publics qui ont notamment permis la construction du supercalculateur Jean Zay du CNRS ou bien encore la création de centaines de chaires de recherche et de programmes doctoraux.
Cet effort devra impérativement se maintenir dans la durée et il faudra également veiller à ce que celui-ci ne se fasse pas au détriment des stratégies nationales d'accélération en matière d'informatique en nuage (cloud), de technologies quantiques et de cybersécurité.
2. Les grands opérateurs de recherche devraient poursuivre leurs efforts pour aligner leurs projets de recherche avec les priorités nationales définies en matière de numérique
Le rapporteur salue la forte mobilisation des équipes du CNRS dans le domaine du numérique et plus particulièrement de l'intelligence artificielle (IA), à travers ses instituts de sciences, d'informatiques et de mathématiques, mais également en tant que coordinateur du programme et équipements de recherche (PEPR) dédié à l'IA, de partenaire de 9 clusters IA ou bien encore d'opérateur du supercalculateur Jean Zay mentionné supra. Les recherches menées à la fois pour inventer des solutions numériques nouvelles ou alternatives permettant de dépasser les limites connues aujourd'hui mais également pour rendre soutenables sur les plans économique, social, environnemental ou bien encore cognitif les technologies numériques actuelles sont décisives pour notre avenir collectif.
Le rapporteur relève également que le CEA contribue activement à ces enjeux en soutenant les filières de la microélectronique et des technologies numériques, et en facilitant la transformation des filières industrielles (systèmes énergétiques, technologies de santé, automobile, industrie du futur, défense...).
Il se félicite tout particulièrement du rôle de coordinateur joué par l'établissement dans le cadre du projet de ligne pilote européen Fames, programme clé dans le réseau d'infrastructures technologiques européennes qui réunit plusieurs organismes de recherche et laboratoires européens dans le cadre du European Chips Act, avec un budget de 728 M€. Ce programme a d'ores et déjà permis la livraison de nouvelles infrastructures remarquables (bâtiments et équipements à l'état de l'art mondial) au profit d'une industrie européenne des semiconducteurs plus compétitive, en appui sur des technologies plus écoresponsables.
Le rapporteur se réjouit enfin d'une plus grande importance accordée à la transition numérique dans les actions de l'ANR, et notamment à l'IA, depuis 2018 : plus de 150 projets de recherche en IA ont ainsi été financés au titre de l'appel à projets générique, ce qui témoigne de la montée en puissance de ce champ de recherche.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 19 novembre 2025, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Patrick Chaize sur la mission « Recherche » du projet de loi de finances pour 2026.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons ce matin le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèvent pour 2026 à 31,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit des hausses respectives de 1,87 % et 1,83 % par rapport à l'an dernier. Celles-ci bénéficient principalement aux programmes de la mission dédiés à l'enseignement supérieur.
Le périmètre suivi par la commission des affaires économiques ne porte pas sur l'ensemble de cette mission, mais uniquement sur les programmes consacrés à la recherche, et en particulier sur le programme 172 qui porte les subventions pour charges de service public des organismes de recherche. Le budget alloué à ce programme diminue de 0,53 % en AE et augmente de 0,54 % en CP ; il s'établit ainsi à une hauteur stabilisée de 8,2 milliards d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 - supposée porter un réinvestissement de 25 milliards d'euros pour la période 2021-2030 - n'est pas respectée, alors que les trajectoires budgétaires et les plafonds d'emplois l'avaient été au cours des quatre premières années d'exécution.
En 2025, l'écart représentait déjà 136 millions d'euros. En 2026, l'enveloppe allouée à ce programme 172 sera par conséquent inférieure de 453 millions par rapport aux prévisions de la LPR. La prévision indicative pour 2027 fournie par le Gouvernement étant de 8,2 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2026, cet écart devrait continuer à se creuser. Si l'on prend en compte également les 250 millions d'euros d'annulation de crédits en cours de gestion, on peut s'interroger sur la pertinence de la LPR. Cinq années seulement après son adoption, celle-ci est-elle devenue caduque ?
L'effort de recherche français - à savoir, la dépense intérieure de recherche et développement rapportée au PIB - s'élève à 2,2 %. Ce taux s'avère en deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne (UE) dans le cadre du plan stratégique « Horizon Europe », et très inférieur à l'effort consenti par des pays tels que la Corée du Sud, Israël ou les États-Unis.
Or, les dépenses de recherche et d'innovation sont fondamentales pour assurer la croissance future de notre pays, comme l'ont montré les travaux de notre récent prix Nobel d'économie, M. Philippe Aghion. S'il existe une « bonne » dépense publique, c'est bien celle favorable à la recherche et l'innovation.
Si une stabilisation temporaire de la dynamique impulsée par la LPR peut se concevoir, eu égard à la dégradation des finances publiques, il conviendra de relancer celle-ci dans les années à venir afin de ne pas perdre le bénéfice des premières années d'exécution de la LPR, même si cela devait impliquer d'adopter un mode de financement de la recherche publique plus sélectif et plus en adéquation avec les grandes priorités économiques de notre pays.
Concernant les organismes de recherche généralistes, les moyens de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ont été renforcés, avec une hausse significative de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024. Celle-ci était nécessaire pour améliorer le taux de sélection des projets soumis par les chercheurs. Après une année de stabilité en 2025, les crédits d'intervention de l'ANR en faveur des appels à projets connaissent une légère hausse de 20 millions d'euros en 2026. Un quart des projets de recherche déposés à l'ANR devraient ainsi bénéficier d'un financement ; un tel ratio permet, en principe, d'éviter de sacrifier d'excellents projets et de décourager les chercheurs comme cela s'avérait le cas dans les années 2010.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) doit poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie de renforcement de son attractivité dans un contexte de forte compétition internationale, pour attirer et fidéliser les talents scientifiques. Si cette attractivité demeure importante, comme en témoignent les 700 candidatures de chercheurs étrangers reçues dans le cadre du programme « Choose CNRS » mis en place à la suite de la remise en cause des libertés académiques aux États-Unis, il s'agit de veiller à ce que le CNRS puisse mener une politique de rémunération et de carrière dynamique.
Or, cette politique apparaît aujourd'hui menacée par l'accumulation des charges non compensées transférées à l'établissement, qui assèchent la trésorerie libre d'emploi. Il importera de limiter le recours à ce type d'expédients budgétaires dans les prochaines années, sous peine de fragiliser le premier organisme de recherche de notre pays. Il s'agit d'armer celui-ci dans tous ses domaines d'expertise, afin qu'il demeure au meilleur niveau mondial.
Au-delà de ces grands organismes transversaux, je souhaite insister sur trois politiques sectorielles de recherche qui me paraissent nécessiter un soutien ciblé, continu et appuyé : le nucléaire, le spatial et le numérique.
Dans le domaine du nucléaire, les crédits de recherche et développement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont en forte baisse de 15 millions d'euros, alors que 18,5 millions d'euros avaient déjà été supprimés en 2025. Cela avait conduit le CEA, pour ne pas pénaliser ces dépenses indispensables, à réduire celles - pourtant nécessaires - portant sur l'assainissement et le démantèlement.
Cette diminution des crédits entre en contradiction avec l'objectif de relance de la filière nucléaire, portée de longue date par notre commission des affaires économiques. Depuis 2022, le Gouvernement a également adopté cette position, qu'il n'a cessé ensuite de rappeler dans le cadre des réunions du Conseil de politique nucléaire (CPN). C'est la raison pour laquelle je soutiens l'amendement de notre collègue Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la recherche et de l'enseignement, visant à rétablir ces 15 millions d'euros destinés à financer la recherche et le développement nucléaire.
Le financement de la politique spatiale se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors que le Président de la République a présenté le 12 novembre dernier une ambitieuse stratégie spatiale pour notre pays jusqu'en 2040, la réalité de cette ambition sera mise à l'épreuve dans les prochains jours à l'occasion de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA).
Plusieurs industriels du spatial ont alerté sur le fait que le Gouvernement envisagerait une contribution d'un montant à peine supérieur aux 3,2 milliards d'euros versés pour la période 2022-2025. Dans le même temps, l'Allemagne et l'Italie - les deux autres grands pays européens du spatial - devraient augmenter leur contribution, ce qui leur permettrait de peser davantage sur les orientations de l'ESA. Berlin serait ainsi prêt à investir au moins 5 milliards d'euros, tandis que Rome investirait 4 milliards d'euros. La France verrait le pourcentage de sa participation nettement diluée et rétrograderait au rang de troisième contributeur de l'ESA, avec des conséquences sur les retours géographiques auxquels elle pourrait prétendre.
Si la France investit moins de 4,5 milliards d'euros, l'industrie spatiale française pourrait durablement souffrir. Dans cette hypothèse, la part réservée à l'activité satellitaire, priorité nationale sur laquelle travaillent en particulier Thalès Alenia Space et Airbus Defence and Space, risquerait de diminuer. Alors que ces acteurs ont dû supprimer des emplois en 2024 et en 2025, un tel résultat serait très dommageable.
Dans les prochains jours, il importe que le Gouvernement consente l'effort nécessaire pour mettre en adéquation l'ambition affichée dans le domaine spatial et les moyens permettant à la France de demeurer une grande puissance spatiale européenne.
En conclusion de mon rapport, je tiens à saluer les actions mises en oeuvre par les grands opérateurs de recherche, notamment l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le CEA, le CNRS et l'ANR, pour orienter et adapter leurs projets de recherche en fonction des grandes priorités nationales définies en matière de numérique, en particulier pour poursuivre les objectifs fixés par la stratégie nationale d'intelligence artificielle.
Malgré une ambition moindre et un avenir compromis pour la LPR, je vous propose d'adopter les crédits de la mission, car la dynamique de réinvestissement dans la recherche publique à l'oeuvre ces dernières années, à défaut de progresser comme cela était prévu, du moins ne régresse pas. Si en revanche une diminution des crédits devait se produire, cela constituerait une difficulté majeure.
M. Franck Montaugé. - Je suis surpris par la proposition de vote, compte tenu du constat alarmant qui vient d'être dressé. La logique voudrait que la proposition budgétaire ne soit pas approuvée. De notre côté, notre groupe ne sera pas favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Yannick Jadot. - Le rapporteur évoque le déficit budgétaire pour justifier son avis, en indiquant que tout ira mieux l'année prochaine. Notre débat concerne les dépenses d'investissement indispensables. Or, nous savons que les dépenses en matière de recherche produisent de la richesse et des recettes budgétaires. Il convient de réduire le déficit budgétaire sans pour autant sacrifier la croissance de demain.
M. Daniel Gremillet. - En cohérence avec les travaux du Sénat, je me réjouis des propos de notre rapporteur concernant la question nucléaire. Notre capacité à être compétitif dans ce domaine est nécessaire.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Nous sommes sur une ligne de crête. Cette année, cela passe encore, le budget demeure à peu près à l'équilibre, avec une masse financière toujours importante. Les responsables des organismes comprennent que, dans la situation budgétaire actuelle, ils doivent participer à l'effort.
Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir, à chaque jour suffit sa peine. Je partage le constat de M. Jadot sur la nécessité d'investir dans la recherche. Toutefois, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2026, avec les réserves évoquées dans mon propos.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Vendredi 31 octobre 2025
- Centre national de la recherche scientifique : MM. Antoine PETIT, président-directeur général, et Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.
- Centre national d'études spatiales : M. François JACQ, président-directeur général.
Jeudi 6 novembre 2025
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives : Mmes Anne-Isabelle ETIENVRE, administratrice générale, Anne-Hélène BOUILLON, directrice des finances et des programmes, et Louise THOMAS-VAILLANT, conseillère parlementaire.
Lundi 17 novembre 2025
- Direction générale des entreprises (DGE) : Mmes Élodie MORIVAL, secrétaire générale, Leila WUHL, cheffe du bureau des affaires budgétaires, Éléonore LE BIHAN, adjointe à la cheffe de bureau des affaires budgétaires et M. Jean-Baptiste AUTISSIER, chef du projet espace.
- Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) : M. Jean-Luc MOULLET, directeur général de la recherche et de l'innovation.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Agence nationale de la recherche (ANR)
- Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
* 2 Au-delà des dispositions prises pour prolonger l'exploitation du parc nucléaire existant, ce discours avait notamment acté la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR 2 sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey.
* 3 Cette réduction de subvention avait vocation à être compensée en gestion par un versement en provenance du ministère des Armées, qui est attendu par le CEA d'ici la fin de l'année 2025.
* 4 Équivalent temps plein travaillé.
* 5 Blue Origin, l'entreprise spatiale du fondateur d'Amazon Jeff Bezos, a réussi à récupérer pour la première fois le 13 novembre 2025 le propulseur de sa grande fusée New Glenn en la faisant atterrir de manière contrôlée sur une barge en mer.

