B. UNE ABSENCE D'AMBITION DEVENUE PROBLÉMATIQUE DANS UNE CONTEXTE DE GUERRE INFORMATIONNELLE

Le maintien des moyens prévus pour 2026 ne doit pas faire oublier le caractère structurellement limité des moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur ainsi que les coupes claires opérées ces dernières années.

Une « procédure d'alerte » pour mieux lutter contre les infox

Le contexte international demeure préoccupant avec la multiplication des conflits et guerres partout dans le monde, l'essor des infox et des manipulations accentué par l'émergence de l'intelligence artificielle générative, les atteintes croissantes aux libertés (censures et coupures, risques sécuritaires pour les journalistes...), concurrence exacerbée dans le paysage audiovisuel mondial. Comme le remarque la direction de FMM : « l'ensemble de ces phénomènes participent d'un chaos informationnel et d'une guerre « hybride » dont la guerre de l'information est l'une des composantes majeures ».

Face à cette situation, FMM a développé une action d'envergure pour lutter contre la désinformation en proposant près d'une quinzaine d'émissions dédiées à la lutte contre les infox, en français et en langues étrangères. Le groupe s'est « organisé et est monté encore davantage en puissance dans ses capacités de riposte en formalisant une procédure d'alerte, de veille, de traitement éditorial et de dissémination rapide. Cette procédure prévoit également des signalements auprès des plateformes et de l'Arcom, ainsi qu'un lien étroit avec les autorités publiques compétentes (Viginum, ministère de l'Europe et des affaires étrangères) ».

Cette procédure d'alerte peut amener à « débunker » les infox en donnant plus de visibilité aux démentis qu'aux fausses publications. Dernièrement, France 24 a ainsi démenti une fausse publication de la chaîne annonçant à tort le décès du président ivoirien Alassane Ouattara tandis que RFI était amenée à « débunker » une infox selon laquelle la France aurait fait imprimer de faux billets pour déstabiliser l'économie malienne.

1. Une absence de visibilité budgétaire préjudiciable à France Médias Monde

Si les moyens de France Médias Monde ont été globalement préservés pour 2026, il convient de rappeler qu'ils demeurent limités et incertains pour l'avenir. En premier lieu en effet, il faut rappeler qu'une partie de la dotation publique de 303,9 M€ correspond à des compensations fiscales qui ne profitent pas à l'entreprise et gonflent facialement ses moyens.

La suppression de la contribution à l'audiovisuel public en août 2022 a eu pour effet pour FMM la perte du droit à déduction intégrale de TVA ainsi que son assujettissement à la taxe sur les salaires. Ces impacts fiscaux sont, depuis lors, compensés à l'euro près par l'État ce qui a pour effet d'augmenter facialement le budget de FMM dans la loi de finances.

Si le projet de loi de finances pour 2026 fixe, dans le programme 844, une dotation globale de 303,9 M€ incluant donc les compensations fiscales pour un montant de 30,8 M€, le montant inscrit dans le compte de résultat prévisionnel de l'entreprise s'élève pour sa part à 308 M€ compte tenu d'un montant de compensations fiscales de 34,9 M€. La dotation « socle » est la même dans les deux documents, à 273,1 M€, mais le compte de résultat de l'entreprise tient compte d'une réévaluation de la compensation du fait de la prise en compte de l'effet de l'autoliquidation de la TVA sur les achats de biens et services extracommunautaires. Là encore, ce montant supplémentaire ne profite pas à l'entreprise.

Source : FMM

Concernant la programmation pluriannuelle des moyens, l'abandon du COM intervenu l'année dernière avant même que le projet n'ait été examiné par les commissions compétentes des assemblées a sonné le glas d'une hausse des moyens qui était pourtant déjà insuffisante. La DGMIC a convenu, par ailleurs, que l'enveloppe de 14,9 M€ issue du programme 209 n'avait pas à date de caractère pérenne tout en indiquant qu'il était envisageable qu'un processus de rédaction d'un nouveau COM soit prochainement relancé.

La rédaction d'un nouveau COM devra impérativement clarifier les ambitions de l'État pour France Médias Monde, le choix à réaliser consistant soit à accroître les moyens pour permettre de répondre aux enjeux de la guerre informationnelle soit à modifier le périmètre de l'entreprise afin de réaliser des arbitrages.

À cet égard, les rapporteurs ont été étonnés d'apprendre qu'à la demande de la tutelle l'entreprise avait été amenée à chiffrer le montant des économies qui pourrait résulter d'une suppression de la chaîne France 24 en espagnol ou de la fermeture de MCD. Si une telle réduction du périmètre a heureusement été écartée en 2026, les rapporteurs estiment que sa mise à l'étude est significative d'une tentation qui doit être combattue en particulier en veillant à ce que le futur COM de FMM préserve absolument le périmètre existant.

2. Un développement de TV5 Monde contraint par un sous-investissement persistant

La remise en cause de la trajectoire budgétaire initialement envisagée pour TV5 Monde en 2025 et 2026 a eu pour effet de priver l'entreprise de ressources plus importantes encore compte tenu de l'alignement des autres bailleurs de fonds forçant l'entreprise à multiplier les économies, les redéploiements et la recherche de financements complémentaires.

En 2026, les ambitions du nouveau plan stratégique seront financées en particulier par de nouvelles mesures d'économies pour 0,5 M€ (arrêt du satellite de la chaîne Style en Afrique, nouvelle progression de l'IA sur le sous-titrage, réduction des déplacements), 0,5 M€ sur le marketing et la communication, 1 M€ de redéploiements (arrêt des trois journaux d'information du matin) et la recherche de financements complémentaires (nouveaux pays adhérents, publicité et parrainages, financements institutionnels...).

Toutefois, la direction de TV5 Monde estime que ces mesures d'ajustement ne suffiront pas alors que « TV5 Monde est en situation de décrochage par rapport au marché et sous-investit depuis de nombreuses années, alors que les dotations des opérateurs britanniques, allemands, russes ou chinois sont plus élevées et en croissance (...) ». L'entreprise doit, en effet, installer une nouvelle régie de production dont le coût, estimé à 4,9 M€, ne permet pas de programmer cet investissement indispensable. De même, l'entreprise estime ne pas être en mesure de mettre à jour son dispositif de post production afin qu'il soit nativement multimédia (coût estimé de 1,6 M€) ni de déployer des outils IA comme cela serait nécessaire (coût évalué à 1 M€/an) ou d'ouvrir un bureau en Afrique (coût évalué à 0,6 M€).

Face aux dépenses nécessaires pour renouveler et développer l'outil industriel, l'entreprise ne peut augmenter significativement ses ressources propres qui sont elles-mêmes contraintes. Si les recettes publicitaires sont en hausse dans le budget adopté en 2025 à 3,12 M€, ce montant reste limité compte tenu de la faiblesse du marché publicitaire africain tandis que les recettes issues de la distribution connaissent une tendance structurelle baissière et devraient s'établir à 5,75 M€ en 2025. La reprévision budgétaire laisse entrevoir une progression des recettes issues de la publicité et des parrainages (+0,6 M€) amoindrie par une baisse des recettes de distribution (- 0,2 M€).

Des besoins estimés à 71 M€ sur la période 2025-2028

La direction de TV5 Monde a évalué à 71,4 M€ les besoins d'investissements nécessaires à la mise en oeuvre du plan stratégique sur trois ans jusqu'à 2028 en tenant compte de l'inflation (dont le coût non compensé est estimé à 15 M€ entre 2017 et 2025). Les investissements nécessaires seraient de 18,7 M€ en 2026, 24,3 M€ en 2027 et 28,4 M€ en 2028 afin d'investir dans les contenus (25,1 M€), la modernisation technologique et numérique (24,9 M€) et le marketing et la distribution (16,4 M€).

Les équipes de TV5 Monde rappellent qu'ARTE investit chaque année 24 M€ dans l'acquisition de programmes numériques contre 1,4 M€ pour TV5 Monde.

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