II. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE DES CHOIX POUR DÉVELOPPER LES OUTILS EXISTANTS

A. FRANCE MÉDIAS MONDE : UN RISQUE DE DÉCROCHAGE PAR RAPPORT À SES CONCURRENTS ET SES NOUVEAUX « COMPÉTITEURS »

1. La stratégie numérique « non financée » de France Médias Monde

Le projet de COM 2024-2025 de France Médias Monde prévoyait d'attribuer 5 M€ à l'entreprise en 2024 et 2025 puis 3 M€ en 2026 pour financer sa transformation numérique. Cependant ces crédits ont été amputés dès 2024 pour être ramenés à 1,4 M€ puis supprimés en 2025. L'entreprise considère que ces crédits étaient pourtant nécessaires pour financer sa stratégie numérique ce qui l'a amenée à maintenir le niveau des investissements en adaptant le rythme de déploiement pour atteindre les objectifs.

Une feuille de route pour la transformation numérique a ainsi été élaborée autour de trois axes prévoyant : la conception des grilles numériques pour RFI, France 24 et MCD à l'image des grilles « broadcast » en radio et télévision pour renforcer la structuration des offres de contenus ; une évolution du fonctionnement de l'entreprise à travers la constitution de « pôles numériques » ; et l'évolution des outils afin d'accélérer la convergence entre « broadcast » et numérique ainsi que le déploiement d'une feuille de route sur l'intelligence artificielle.

La direction de l'entreprise considère que « tous ces objectifs représentent des besoins de financement supplémentaires de l'ordre de 5 M€ par an à horizon 2028, non financés à ce stade. Si ces investissements dans la transformation numérique ne sont pas réalisés, le risque est réel d'un décrochage irréversible pour France Médias Monde dans le paysage audiovisuel et numérique international en pleine mutation ».

2. Un projet de « bouclier informationnel » pour pallier le retrait des Etats-Unis

À la suite de l'annonce de la suspension du financement des médias publics internationaux américains de l'US Agency for Global Media (USAGM) dans le cadre du « shutdown » budgétaire, France Médias Monde et Deutsche Welle ont réfléchi à une réponse coordonnée permettant de reprendre certaines fréquences laissées vacantes. Cette initiative vise à ne pas laisser le terrain libre avec le risque que le « vide informationnel » soit rempli par des contenus ni indépendants ni vérifiés.

Le « bouclier informationnel » proposé par FMM et DW vise à renforcer et étendre les réseaux des langues que les deux sociétés ont déjà en commun comme le russe et l'ukrainien mais aussi à développer de nouvelles langues pour compenser le retrait de Radio Free Europe. Ces nouvelles offres seront élaborées soit de manière conjointe soit de manière coordonnée et pourraient concerner le géorgien, l'arménien et le moldave au besoin en recrutant des journalistes de RFE/RL.

La mise en oeuvre de ce projet nécessiterait selon les premières estimations un budget de 50 M€ pris en charge à parité par la France et l'Allemagne.

Des médias européens pour pallier le retrait des médias américains ?

Le président des Etats-Unis a décidé en mars 2025 de cesser sans délai le financement des médias publics internationaux états-uniens rassemblés au sein de la US Agency for Global Media (USAGM) comprenant Voice of America (VOA), Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL) et Radio Free Asia (RFA) laissant le champ libre aux médias russes et chinois pour récupérer leurs fréquences. Avec un budget de près d'1 milliard de dollars (876 M€) USAGM couvrait la quasi-totalité des continents en télévision, radio et numérique avec plus de 60 langues de diffusion (dont 27 langues en Europe).

Le retrait de USAGM porte également en lui un affaiblissement des médias locaux sur certains continents qui bénéficiaient d'un soutien financier américain.

Cette situation a amené FMM et Deutsche Welle à concevoir une réponse au retrait américain notamment en Afrique où Voice of America diffusait ses programmes en 17 langues (anglais, français, portugais, swahili, haoussa, bambara, fulani, lingala, sango, kinyarwanda, kirundi, amharique/tigréen/oromo, somali, ndbele/shona). FMM propose ainsi de relancer l'offre de RFI en anglais pour l'Afrique en offre audio broadcast sur les fréquences laissées vacantes par VOA en étroite coopération avec France 24 en anglais. RFI pourrait également reprendre certaines langues comme le lingala en RDC ainsi que plusieurs langues parlées en Éthiopie (amharique/tigréen/oromo). Par ailleurs FMM estime qu'une centaine de radios partenaires de RFI qui bénéficiaient d'un soutien de USAGM et pourraient connaître de sérieuses difficultés.

Au Maghreb et au Moyen-Orient de nombreuses fréquences FM sont laissées vacantes par le retrait d'USAGM ce qui pourrait justifier la reprise d'une quinzaine de fréquences par MCD en Mauritanie, au Maroc, en Syrie et en Irak selon la direction de FMM.

En Europe centrale et orientale et au Caucase où USAGM diffusait en 27 langues (arménien, azéri, bachkir, biélorusse, bosniaque, dari, géorgien, kazakh, kirghize, macédonien, moldave, pachto, persan, russe, serbe, tadjik, tatar, turkmène, ukrainien, ouzbek...) FMM envisage de renforcer son « hub » à Bucarest pour diffuser des programmes en moldave et de déployer des offres en arménien (broadcast), géorgien (numérique) et russe (offre mixte numérique et radio envisagée).

Enfin, en Asie où VOA propose ses programmes en une douzaine de langues (birman, cantonais, indonésien, khmer, coréen, laotien, mandarin, thaï, tibétain, vietnamien, hindi, bengali) et RFA en 9 langues (mandarin, tibétain, coréen, birman, cantonais, khmer, laotien, ouïghour et vietnamien) FMM envisage de proposer les contenus de RFI en chinois, vietnamien et khmer ainsi que l'audio de France 24 en anglais.

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