II. À L'INSTAR DU RESTE DU MONDE, UNE CONTRIBUTION FRANÇAISE QUI POURSUIT SA BAISSE

A. LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU SENS LARGE SE CARACTÉRISE PAR LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS

Répartition de la contribution française en 2025

 

La contribution de la France au sens de l'OCDE s'élève en 2025 à un peu plus de 13 milliards d'euros, dont les deux-tiers de crédits budgétaires répartis sur 24 programmes différents selon le document de politique transversale (DPT) annexé au PLF pour 2026. Elle a connu une baisse de 10,7 % entre 2024 et 2025.

Les crédits de la mission APD représentent 28 % de l'effort de l'État en faveur de l'aide au développement.

Évolution de la contribution française au sens de l'OCDE

 

En 2025, la contribution française représenterait 0,43 % du RNB, soit un chiffre très éloigné du montant de 0,7 % fixé à l'article 2 de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, mais qui demeure supérieur de 0,1 point à la moyenne des pays du CAD. Les perspectives pour 2026 semblent à ce stade encore orientées à la baisse.

B. UNE MISSION APD QUI POURSUIT SA CHUTE...

En 2026, la mission APD enregistre par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 des diminutions de :

Ø 16 % en CP, soit une diminution de 704 millions d'euros ;

Ø 13,6 % en AE, soit une diminution de 698 millions d'euros.

Depuis 2024, les crédits de la mission APD auront ainsi diminué de plus de deux milliards d'euros.

Le poids de la mission APD ne cesse de se réduire dans le budget de l'État. Alors qu'elle représentait 0,75 % de l'ensemble des dépenses du budget général en 2025, elle s'établirait en 2026 à 0,62 %.

Le PLF 2026 ne fait que traduire un mouvement observé depuis 2024, avec une baisse massive qui touche aussi bien le projet initial que les crédits réellement disponibles après régulation.

Crédits de la mission APD entre 2024 et 2026

(en centaines de milliers d'euros)

- 36 %

C. ... AU PRIX DE CHOIX DOULOUREUX

La diminution des crédits de l'APD a nécessité des choix et une plus grande sélectivité de la part de la France. Tous les programmes de la mission sont ainsi touchés, à l'exception du programme 384 qui porte le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et dont les crédits demeurent stables.

Évolution des crédits par programme

(en centaines de milliers d'euros)

 

AE

Variation/25

CP

Variation/25

P. 110 « Aide économique et financière au développement

1 352

- 45,05 %

1 289

- 14,78 %

P. 365 « Renforcement des fonds propres de l'AFD »

100

- 31,03 %

100

- 31,03 %

P. 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »

1 129

- 35,36 %

1 541

- 22 %

P. 384 « FSD »

1 843

+ 149,82 %

738

=

Le Gouvernement a actionné trois types de leviers pour comprimer les crédits.

a) Une réduction programmée de l'aide multilatérale

Entre 2017 et 2023, la France a choisi d'augmenter ses contributions volontaires aux organisations internationales, passant du 10ème au 8ème rang mondial. Le contexte budgétaire a conduit à une évolution de cette doctrine.

 

Les crédits consacrés à l'aide bilatérale baissent de 12 %.

Ainsi, la réduction de l'aide est plus concentrée sur les dotations multilatérales en 2026. Ce mouvement accentue la tendance à une plus grande bilatéralisation de l'aide française, qui passe entre 2025 et 2026 de 53 % à 55 % du total.

Une grande partie de l'aide multilatérale fait l'objet d'engagements internationaux pluriannuels. Depuis 2024, la France a donc cherché à réduire ses contributions à des fonds multilatéraux de développement, en particulier trois des plus importants :

 

Les crédits de l'aide multilatérale diminuent de 22 %.

 

Le Fonds africain de développement (FAD) était doté sur la période 2023-2025 de 582,6 millions d'euros. Pour la période 2026-2028, la France s'est engagée sur un montant deux fois moins élevé de 275 millions d'euros, dont 30,55 millions en 2026.

 

La participation de la France à l'Association Internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque Mondiale qui octroie des prêts à des taux très faibles aux pays en développement les plus pauvres, s'est établi à 1,4 milliard sur la période 2021-2025. Pour le prochain cycle d'une durée de 9 ans (2026-2034), la France s'est engagée à hauteur de 1,1 milliard d'euros, soit une division par trois en moyenne annuelle.

 

La contribution de la France au Fonds pour l'environnement mondial (FEM) avait progressé de 40 % sur la période 2022-2026 pour s'établir à 298,7 millions. Notre pays devrait réduire des deux-tiers son engagement entre 2026-2030 à 100 millions d'euros.

Les prochaines négociations, en particulier pour le « Fonds vert » pour le climat, bras armé de l'accord de Paris, devraient vraisemblablement suivre une même logique.

b) Le décalage des paiements

En plus de négocier à la baisse ses contributions, la France a choisi d'étaler ses paiements, voire de les décaler, ce qui aura in fine un impact non négligeable sur les prochains budgets et aura tendance, si la baisse des crédits de l'APD ne s'inverse pas, à emboliser encore plus les prochains exercices budgétaires.

Deux exemples sont ainsi significatifs.

 

Le calendrier de décaissement pour l'AID 2026-2034 est de 50,3 millions d'euros en 2026, puis s'élève progressivement pour atteindre 196 millions en 2029.

Les prochains versements seront donc plus importants qu'en 2026 et ce jusqu'en 2034.

 

En ce qui concerne le Fonds Vert, la France a tout d'abord annulé sa contribution de 415 millions sous forme de prêts et une somme de 83 millions, puis a décalé les versements sur 2026 et 2027. Sa contribution finale devrait s'élever à 1,1 milliard sur 5 ans, contre 1,6 milliard sur 4 ans prévus initialement.

c) Des coupes budgétaires qui touchent notamment l'aide humanitaire

La plupart des lignes budgétaires font l'objet de réduction de crédits. Ceux dédiés à l'aide humanitaire sont particulièrement impactés par rapport au précédent PLF. Ils diminuent ainsi de 41 % entre 2025 et 2026, passant de 500 à 294 millions d'euros, et de deux tiers depuis 2024. La baisse la plus sensible s'observe pour la partie multilatérale qui recouvre la contribution volontaire de la France à l'ONU, en particulier pour le soutien aux réfugiés (HCR) ou les actions du programme alimentaire mondial (PAM).

- 30 %

294 M€

500 M€

Pour résumer, le reflux de l'aide française touche tous les segments de nos contributions.

La loi de finances pour 2025 a acté la rebudgétisation de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe sur les billets d'avion (TSBA), coupant ainsi le lien entre cette ressource et l'APD. Le programme 384 porte désormais les crédits du FSD qui demeurent en 2026, et conformément aux engagements, au niveau qui était le leur en 2025, soit 738 millions d'euros. Il n'existe donc plus de lien juridique entre ces deux taxes et l'aide au développement. En réalité, comme on peut le constater à l'occasion des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, il existe cependant toujours une relation de nature politique qui tient à l'origine de ces impôts.

Lors des discussions sur le projet de loi de finances pour 2025, l'Assemblée nationale avait fait passer le taux de la TTF de 0,3 à 0,6 %. Le texte final a fixé le taux à 0,4 %. On peut noter qu'une progression de 0,1 point supplémentaire représenterait 625 millions d'euros de recettes, soit un montant presque équivalent à la baisse des crédits de la mission APD. Comme les rapporteurs le soulignaient l'année dernière, il est a minima indispensable de mener une réflexion sérieuse sur la TTF, qui porterait sur son taux, son assiette et ses conditions de recouvrement, confiée à la société privée belge Euroclear.

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