N° 142

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

TOME I

MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

Par Mme Jocelyne GUIDEZ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Alain Milon, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Brigitte Bourguignon, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Brigitte Micouleau, Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, M. Jean Sol, Mmes Nadia Sollogoub, Anne Souyris.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Avec une dotation en 2026 de 1,7 milliard d'euros, les crédits de la mission diminueraient de 6,27 % par rapport au montant prévu en loi de finances initiale (LFI) pour 2025.

Cette baisse s'explique, en grande partie, par la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et des autres prestations octroyées aux combattants. Elle est en outre accentuée cette année par l'absence de revalorisation de la valeur du point de PMI.

La commission a émis un avis favorable sur cette mission

*

**

Le PLF 2026 propose un montant de 1,736 milliard d'euros de crédits pour la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Cette enveloppe budgétaire serait donc en baisse de 118 millions d'euros (- 6,27 %) par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. Au sein de la mission, le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », portant la quasi-totalité des crédits de la mission (1 660 millions d'euros), se rétracterait de 6,18 % par rapport à 2025. Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » (78 millions d'euros) diminuerait de 8,12 %.

La rapporteure se réjouit que cet exercice budgétaire soit marqué par un nouvel intitulé de la mission, comprenant les termes plus appropriés « Monde combattant ». Demeure néanmoins la dénomination de « ministre des armées et des anciens combattants » qui doit encore évoluer en cohérence.

Évolution des crédits ouverts en lois de finances initiales (2019-2025) et demandés par le PLF 2026

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

Source : Commission des affaires sociales, données PAP

I. LES CRÉDITS ALLOUÉS AUX ALLOCATIONS EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT S'AJUSTENT AU DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE DE LEURS BÉNÉFICIAIRES ET À LA STABILITÉ DE LA VALEUR DU POINT DE PMI

A.  LA POURSUITE DE LA BAISSE NATURELLE DES DÉPENSES DE PENSIONS ET D'ALLOCATIONS VERSÉES AU MONDE COMBATTANT

Les crédits demandés pour le versement des pensions militaires d'invalidité s'élèvent à 617 millions d'euros, soit une diminution de 44,8 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2025. Cette diminution s'explique par la diminution tendancielle du nombre des bénéficiaires de ces pensions. L'hypothèse retenue par le Gouvernement est celle d'une diminution du nombre de pensionnés de 145 494 en 2025 à 138 102 en 2026 (- 4,7 %).

Évolution des dépenses de PMI (2020-2026)

(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, données RAP/PAP

L'allocation de reconnaissance du combattant est attribuée par l'Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG) aux titulaires de la carte du combattant ayant atteint l'âge de 65 ans, en témoignage de la reconnaissance de la Nation. Le montant de cette allocation, équivalent à 52 points de PMI, s'élève à 835,64 euros en 2025.

Le PLF 2026 propose une enveloppe de 463 millions d'euros, en baisse de 41 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2025. L'année 2024 exceptée, l'augmentation exceptionnelle étant liée à un décalage des paiements, les montants versés décroissent en continu en raison de la baisse du nombre des titulaires de la carte du combattant.

Évolution des dépenses de l'allocation
de reconnaissance (retraite)du combattant (2020-2026)

(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, données RAP/PAP

Entre 2025 et 2026, le nombre de bénéficiaires diminuerait encore de 8,4 % pour atteindre 513 329. Ces dernières années, les effectifs des bénéficiaires de l'ARE décroissent pour toutes les catégories de conflit, à l'exception des bénéficiaires au titre des opérations extérieures (voir graphiques ci-dessous). Leur nombre ne grandit toutefois qu'en raison de la mesure prise en 2019 afin d'octroyer la reconnaissance de combattant au titre des missions menées en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.

Répartition des bénéficiaires de l'ARC par rattachement à un conflit

Effectifs au 31/12/20211(*)

(797 887 titulaires)

Effectifs au 31/12/2025 (estimation)2(*)

(560 667 titulaires)

 
 
 

Source : Commission des affaires sociales, données du ministère des armées

Si l'on exclut les opérations au Liban et au Tchad3(*), s'étant prolongées sur plus de trente ans, ainsi que les cartes attribuées pour des théâtres d'opération non précisés dans la base de données, depuis la Guerre du Golfe, 187 594 cartes du combattant ont été octroyées. Les combattants issus de la quatrième génération du feu ne peuvent donc numériquement remplacer les effectifs déclinants des guerres d'Indochine et de Corée (211 060 cartes attribuées au 1er juillet 2025) et surtout de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie (1 689 842 cartes).

Répartition des cartes du combattant délivrées au titre d'une Opex concomitante ou postérieure à la Guerre du Golfe (au 1er juillet 2025)

Source : Commission des affaires sociales, données transmises par le ministère des armées

B. UNE NON REVALORISATION DU POINT DE PMI LOURDE DE CONSÉQUENCES

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI), qui fonde le calcul du montant des PMI et de l'ARC, évolue en fonction de l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l'État. Cette modalité de calcul a conduit à une stagnation du montant des PMI du fait du gel du point d'indice des fonctionnaires, malgré l'inflation constatée.

Une fois connues les conclusions d'une commission tripartite (Gouvernement - parlementaires - associations d'anciens combattants) faisant état d'un écart de 5,9 % entre la valeur du point d'indice de PMI au 1er janvier 2020 et l'évolution de l'inflation depuis 2005, le Gouvernement a décidé d'une revalorisation par la loi du point de PMI au 1er janvier 20224(*). Un décret du 4 février 20225(*) a en outre fixé de nouvelles modalités de calcul du point de PMI en fonction de l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI).

Le droit prévoit désormais que l'évolution de la rémunération des fonctionnaires est répercutée sur la valeur du point de PMI une seule fois par an, au début de chaque année civile, sur la base d'une période de référence allant du troisième trimestre de l'année n-2 au deuxième trimestre inclus de l'année n-1. L'entrée en vigueur de cette mesure a toutefois été reportée et des modalités transitoires ont ainsi été prévues pour les années 2023, 2024 et 2025 afin d'anticiper les revalorisations induites par les rehaussements du point d'indice de la fonction publique des 1erjuillet 2022 et 2023.

Évolution de la valeur du point de PMI (2022-2026)

 

1er janv. 2022

1er janv. 2023

1er janv. 2024

1er janv. 2025

1er janv. 2026 (PLF 2026)

Valeur du point de PMI

15,05 €

15,63 €

15,90 €

16,07 €

16,07 €

Évolution annuelle

+ 2,4 %

+ 3,85 %

+ 1,73 %

+ 1,07 %

0 %

Inflation l'année n-1

1,6 % (en 2021)

5,2 % (en 2022)

4,9 % (en 2023)

2 % (en 2024)

1,1 % (prévision pour 2025)

Pour la fixation du point de PMI prévue au 1er janvier 2026, l'application de la formule de droit commun retient les périodes du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 pendant lesquelles l'ITB-GI n'a connu aucune évolution. Le Gouvernement ayant décidé cette année de ne pas se détacher de la formule règlementaire, le point de PMI pour 2026 ne devrait donc pas être revalorisé alors que l'inflation anticipée pour l'année 2025 est de 1,1 %.

La rapporteure estime que l'absence de toute revalorisation du point de PMI ne peut être juste et acceptable que si elle s'inscrit dans le gel général des pensions et des allocations sociales.

Or, le souhait exprimé par le Gouvernement de revenir sur ce gel, et le rejet par l'Assemblée nationale de cette mesure comprise à l'article 44 du PLFSS, s'ils étaient in fine confirmés dans les textes budgétaires contre la position du Sénat, rendrait incohérent et injuste l'effort demandé au monde combattant.

La rapporteure a en outre pris note du rapport du Gouvernement, prévu à l'article D. 125-5 du code des pensions militaires d'invalidité, et enfin transmis au Parlement en mai 2025, constatant que depuis la revalorisation exceptionnelle de 2022, l'écart entre le point de PMI et une indexation parfaite sur l'inflation hors tabac atteignait 0,71 € au 1er janvier 2024, ce qui représentait déjà une perte de 17,3 euros mensuelle en moyenne pour les bénéficiaires d'une PMI6(*).

Dès lors, la rapporteure appelle le Gouvernement à lier la question de la fixation du point de PMI à celle de la revalorisation des prestations sociales et, le cas échéant, à envisager pour 2026 un « coup de pouce » à la valeur du point de PMI.

La rapporteure note par ailleurs que des débats se font jour sur la formule générale à appliquer pour la détermination du point de PMI. Un amendement du président Jean-Michel Jacques7(*) a par exemple été adopté en commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale afin de demander un rapport sur les incidences d'une indexation « sur la rémunération indiciaire brute moyenne des militaires au lieu du traitement des fonctionnaires civils actuellement ».

Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants, entendue en audition, a mis en garde contre le risque de choisir une modalité pérenne de revalorisation sous le prisme déformant des circonstances de court terme. Cette analyse est partagée par le général Paul Dodane, conseiller de la Fédération nationale André Maginot (Fnam), entendu lors de l'audition du monde combattant par la rapporteure. Si depuis 2022 l'évolution de l'ITB-GI des militaires est plus favorable que celle des fonctionnaires civils, notamment grâce aux effets de la loi de programmation militaire, le pari risquerait d'être perdant sur le long terme, comme le montre l'évolution des deux indices de 2014 à fin 2019.

Évolution de l'ITB-GI des militaires, des fonctionnaires
civils de l'État et de l'inflation

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, données du ministère des armées (S2E)

La rapporteure note en outre que le basculement de l'ITB-GI de la fonction publique civile à l'ITB-GI des militaires avait été étudié lors de la commission tripartite réunie en 2021 pour finalement être écarté, considérant notamment que la faible ancienneté de cet indice ne permettait pas des comparaisons plus approfondies. Au demeurant, l'indexation sur cet indice ne règlerait pas la question du décrochage du point de PMI par rapport à l'inflation.


* 1 Les allocations de la catégorie « guerre 14-18 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.

* 2 Correspond à des allocations payées dans les États ayant accédé à l'indépendance dont la nature du conflit n'est pas codifiée et des allocations versées en France pour lesquelles le conflit n'est pas renseigné.

* 3 Théâtres d'opération respectivement du 22 mars 1978 au 22 mars 2007 et du 15 mars 1969 au 31 décembre 2013.

* 4 Art. 174 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 5 Décret du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité.

* 6 Le rattrapage de cet écart coûterait approximativement une cinquantaine de millions d'euros.

* 7 Amendement no II-DN16.

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