CHAPITRE III -
LES CRÉDITS
CONSACRÉS
À LA PRÉVENTION DES RISQUES
Réunie le 26 novembre 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur pour avis Pascal Martin, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2026 au titre des programmes « prévention des risques » et « sûreté nucléaire et radioprotection » de la mission « écologie, développement et mobilités durables », sous le bénéfice de l'adoption de trois amendements visant à :
- octroyer des moyens à la lutte contre l'érosion côtière et au recul du trait de côte dans les territoires concernés par ce fléau insidieux, qui menace nos territoires littoraux. Les recettes nouvelles qui seraient ainsi générées auront vocation à financer des actions de lutte contre le phénomène d'érosion et à constituer un fonds ad hoc.
- éviter à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) d'être contrainte de juguler ses dépenses en faveur de la recherche, dans un contexte de relance et de technicisation de la filière nucléaire.
La stabilisation des crédits consacrés à la prévention des risques dans un contexte de rationalisation des dépenses de l'État témoigne de la volonté du Gouvernement de répondre à la recrudescence des risques. Toutefois, cette stabilisation conjoncturelle ne doit pas, à moyen terme, alimenter une forme de passivité budgétaire, synonyme d'immobilisme. La commission veillera à ce que les financements dédiés aux projets pluriannuels soient pleinement effectifs dans les années à venir.
Enfin, la commission appelle le Gouvernement à renforcer ses actions de prévention à destination des populations afin de favoriser une meilleure conscience du risque : fluidifier l'information disponible et encourager les initiatives locales sont autant de leviers essentiels pour faire des citoyens de véritables acteurs de leur propre protection.
I. LA PRÉVENTION DES RISQUES : UN IMPÉRATIF AUX MOYENS LIMITÉS, EN MAL D'UNE VÉRITABLE « CULTURE DU RISQUE »
Pour 2026, le projet de loi de finances prévoit de doter le programme 181 de 2,6 Mds€ en autorisations d'engagement (AE) et 1,5 Md€ en crédits de paiement (CP) et le programme 235 de 345 M€ en AE et 350 M€ en CP. La tendance haussière des crédits attribués au programme 181 résulte essentiellement d'une augmentation des crédits de l'Ademe en AE à hauteur de + 135 % à des fins de rattrapage technique pour couvrir les besoins en CP des actions engagées ultérieurement par l'agence.
Cette hausse est donc purement faciale et s'apparente à un « trompe-l'oeil », ne traduisant nullement une hausse des moyens en faveur de la prévention des risques. Ce constat est d'autant plus regrettable que, ainsi que le soulignait M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes :
« Chaque euro investi en prévention économise trois euros en dommages évités. La transition écologique est très coûteuse, mais constitue bien un investissement rationnel, économiquement pertinent, socialement protecteur et humainement indispensable. »
Audition de Pierre Moscovici par la commission - Extrait du compte rendu du 1er octobre 2025
Le rapporteur appelle à un changement de doctrine dans la manière d'appréhender la prévention des risques en France. Largement encore fondée aujourd'hui sur une logique curative et indemnitaire des incidents naturels et technologiques, l'approfondissement d'une véritable « culture du risque », faisant de la prévention le maître-mot, apparaît indispensable tandis que le changement climatique intensifie la fréquence et l'intensité des aléas naturels.
A. LE RISQUE INONDATION : PREMIER RISQUE NATUREL BUDGÉTAIRE DE FRANCE, PARENT PAUVRE DE LA CONSCIENCE COLLECTIVE
Sous l'effet du changement climatique et de plus fortes variabilités saisonnières, le phénomène d'inondation tend à s'intensifier dans son ampleur et sa récurrence. Ainsi, « la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 2050 »6(*). Malgré ce constat, une enquête réalisée pour la Cour des comptes montre que « la connaissance par la population de l'Hexagone et de Corse des risques auxquels elle est effectivement exposée reste faible : seuls 24 % des habitants exposés à un risque d'inondation le jugent très ou assez important et 66 % considèrent qu'il n'y a pas de risque »7(*).
Dans une logique de renforcement des politiques de prévention des inondations, le rapporteur salue le déploiement du plan Vigicrues 2030, dont l'ambition est d'étendre la surveillance hydrologique -- aujourd'hui limitée aux lits majeurs -- à l'ensemble des 110 000 km de cours d'eau recensés. Il souligne toutefois la nécessité, pour mener à bien ce projet, de créer 60 ETPT supplémentaires sur la période 2026-2030. Il regrette en revanche que le dispositif Vigicrues flash, dont l'efficacité a été démontrée à plusieurs reprises, fasse l'objet d'une faible acculturation : seuls 18,5 % des communes éligibles sont aujourd'hui abonnées.
L'aléa inondation représente chaque année plus de la moitié des engagements financiers (voir ci-après) du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « Fonds Barnier » (action 14).
Part des engagements financiers
« inondations »
sur la totalité des
dépenses du Fonds Barnier
(en millions d'euros)
Source : Commission de l'aménagement du
territoire et du développement durable
à partir des
réponses aux questionnaires
Enfin, alors que, selon les informations de la DGPR, « 98 % des décès par inondation auraient pu être évités par une meilleure culture du risque », le rapporteur invite les associations et initiatives citoyennes locales à faire émerger des solutions innovantes. Lors d'un déplacement aux Pays-Bas en juillet dernier, le rapporteur a ainsi pu apprécier l'initiative locale Tegelwippen, consistant à dépaver les rues pour favoriser l'infiltration de l'eau dans les sols et lutter contre le ruissellement.
Pour le rapporteur, la diffusion de la « culture du risque » et le perfectionnement de nos mesures de prévention gagneraient à s'appuyer sur l'engagement actif de citoyens.
* 6 Rapport d'information n° 775 du 25 septembre 2024, J-F. Rapin et J-Y. Roux, mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.
* 7 Cour des comptes, 14 novembre 2025, « Les systèmes d'alerte et de communication à la population en situation de crise ».


