II. UN MOMENT CHARNIÈRE POUR LA CRÉATION ARTISTIQUE QUI APPELLE UNE RÉFLEXION GLOBALE ET COLLECTIVE

A. LA CRISE SYSTÉMIQUE D'UN SECTEUR AU MODÈLE ÉCONOMIQUE MENACÉ

Le secteur de la création artistique repose sur un modèle subventionné, fruit de ce pacte coopératif entre l'État et les collectivités territoriales, qui encourage la diversité de la production artistique, garantit l'accessibilité des oeuvres, et soutient un réseau dense d'établissements publics et de structures labellisées.

La succession des « chocs » sanitaire, énergétique et inflationniste a plongé ce modèle économique dans une crise profonde : le niveau des subventions publiques ne permet plus de compenser la hausse continue et généralisée des charges fixes. En dépit d'une fréquentation dynamique, le levier de la billetterie demeure limité, d'une part, parce que les recettes qui en découlent ne représentent qu'un quart des recettes globales, d'autre part, parce qu'il doit être actionné avec prudence, le maintien de tarifs modérés ou, à tout le moins, différenciés étant nécessaire pour garantir l'accès de tous à l'offre culturelle.

Lorsqu'elles ne sont pas menacées de fermeture, les structures labellisées, prises dans une impasse budgétaire, n'ont pas d'autre choix que de revoir à la baisse leur activité de production et de diffusion. Programmations moins risquées, créations reportées, représentations moins nombreuses, tournées restreintes, actions de médiation culturelle annulées, autant d'arbitrages qui fragilisent leurs missions de service public. Cette diminution de l'activité a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des départs de professionnels vers d'autres secteurs, le non-renouvellement de contrats à durée déterminée et des suppressions de postes de permanents.

Dans le même temps, le secteur de la création est confronté à des enjeux non strictement budgétaires - écologiques (réduction de l'empreinte carbone), technologiques (intégration du numérique et de l'intelligence artificielle), sociaux (évolution des pratiques culturelles), idéologiques (défense de la liberté de création et de diffusion) - qui viennent questionner ses pratiques et ses missions.

Au final, c'est d'une réflexion globale et collective dont le secteur de la création a aujourd'hui besoin, chantier qui peine à prendre corps dans la politique du ministère.

La concertation sur l'avenir des festivals :

un premier pas, mais peu de décisions concrètes.

La grande fragilité économique des festivals, documentée par le baromètre national 20242(*), et les contraintes spécifiques (aléas climatiques, réglementation sonore) auxquelles ils sont soumis, a conduit le ministère de la Culture à mener au premier semestre 2025 une concertation nationale avec les représentants de la filière pour envisager l'avenir de leur modèle économique.

À l'issue de celle-ci, plusieurs mesures ont été annoncées en juillet par le ministère, parmi lesquelles la mise en place d'un groupe de travail interministériel sur la révision du décret « Son », le lancement d'une concertation sur la réglementation relative aux ensembles démontables, l'inscription du sujet festivals à l'ordre du jour d'un prochain Conseil des Territoires pour la Culture, l'incitation des directions régionales des affaires culturelles (Drac) à se saisir des conclusions de la concertation nationale dans le cadre des Conseils Locaux des Territoires pour la Culture (CLTC), un projet de travail conjoint du ministère de la Culture et du Centre national de la musique (CNM) sur la diversité artistique et la rémunération des artistes, l'élaboration d'un guide du bénévolat dans le secteur culturel, l'élaboration d'un plan d'action pour la transition écologique des festivals...

Ces mesures doivent faire l'objet d'« une feuille de route partagée », dont le directeur général de la création artistique a indiqué lors de son audition qu'elle devrait être prochainement signée. Il a précisé que la date du prochain CTC consacré aux festivals n'était pas encore fixée, mais que les CLTC devraient se réunir sur ce sujet au cours du premier trimestre 2026. Quant au groupe de travail sur la réglementation sonore, il a dressé un diagnostic du cadre juridique en vigueur et de son application sur l'ensemble du territoire. Ses travaux devraient se poursuivre jusqu'en février prochain, l'objectif étant de parvenir à des mesures d'effet équivalent aux textes en vigueur, mais mieux adaptées à la réalité.

Rappelant que les festivals jouent un rôle structurant dans le maillage culturel des territoires, notamment en milieu rural, et qu'ils constituent une activité économique par nature risquée (risque programmatique, risque climatique...), la rapporteure doute que, sans moyens dédiés, la feuille de route du ministère réponde véritablement aux enjeux de la filière.


* 2 Outil de mesure de l'activité festivalière, ce baromètre a été lancé à titre expérimental en 2023 auprès d'une centaine de festivals, puis élargi en 2024 à l'ensemble des plus de 7 000 festivals identifiés dans la cartographie des festivals (2022), par le ministère de la Culture, en partenariat avec le Centre national de la musique (CNM) et avec l'appui de plusieurs fédérations professionnelles.

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