EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 25 NOVEMBRE 2025

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M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement technique agricole. - Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à remercier d'emblée Annick Billon, Christian Bruyen, Marie-Pierre Monier et Stéphane Piednoir pour leur assiduité et pour avoir enrichi les auditions.

L'enseignement agricole est en passe de gagner son pari de l'attractivité retrouvée. Après une baisse des effectifs entre 2013 et 2019, ceux-ci connaissent désormais une hausse continue. À la rentrée 2025, la barre des 200 000 jeunes dans l'enseignement technique agricole est dépassée. La progression des effectifs est de 7 % ces cinq dernières années.

Cette augmentation concerne les trois familles de l'enseignement agricole : les lycées publics, les lycées privés et l'enseignement du rythme approprié, notamment les maisons familiales et rurales (MFR). Par ailleurs, les effectifs dans toutes les filières sont en hausse, à l'exception de ceux de la transformation agroalimentaire.

C'est dans ce contexte que s'inscrivent les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ». Ceux-ci s'établissent à 1,46 milliard d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », soit un budget stable par rapport à l'année dernière.

Je tiens toutefois à alerter sur le caractère extrêmement rigide des dépenses de ce programme, dont plus de 95 % sont contraintes : il s'agit des salaires et rémunérations des agents, des bourses sur critères sociaux et gratifications pour stage dont les conditions d'attribution sont communes aux élèves de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, ou encore de la dotation aux établissements privés, régie selon des critères définis par les textes législatifs et réglementaires.

Si l'on examine ce budget ligne à ligne, on constate certaines hausses. Il y a notamment 40 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires : 35 ETP pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture que nous avons votée en début d'année - j'y reviendrai - et 5 ETP pour renforcer le contrôle au sein des MFR.

Sur ce point, il s'agit de concrétiser la politique portée par les deux ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture pour mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans tous les établissements d'enseignement. Lors de son audition, le ministère de l'agriculture m'a indiqué souhaiter également mettre à profit ces 5 ETP afin de renforcer les contrôles du volet pédagogique des contrats liant les MFR à l'État.

L'objectif affiché est de contrôler annuellement 20 % des établissements de chaque famille de l'enseignement agricole, soit un contrôle de chaque établissement tous les cinq ans. Si ce ratio de 20 % d'établissements contrôlés est globalement atteint pour les lycées publics et privés, la marche est encore haute pour les MFR. En 2024, seules 4 MFR ont en effet été contrôlées sur le volet pédagogique sur les 373 établissements que compte le réseau.

Les autres lignes bénéficiant d'une augmentation correspondent à des dépenses contraintes. J'en citerai trois, à commencer par 2,7 millions d'euros pour l'établissement de Coconi à Mayotte, fortement touché par le cyclone Chido. Ensuite, une hausse de 11,5 millions d'euros est prévue en faveur des MFR, dont la dotation repose sur un calcul qui tient compte du coût de formation et du nombre de jeunes formés. Une revalorisation réglementaire du coût formateur est intervenue, tandis que les effectifs ont augmenté.

Je signale d'ailleurs que le budget a été construit l'été dernier sur une hypothèse d'augmentation des effectifs dans les MFR à la rentrée 2025 de 1,5 %. Cette hypothèse est désormais caduque puisque l'augmentation constatée à la rentrée est de 2,5 % : il appartiendra au ministère de faire le nécessaire pour respecter les textes régissant ses liens avec les MFR.

Enfin, une augmentation de 4 millions d'euros en faveur des projets de modernisation des systèmes d'information est prévue. Ces dernières années, cette ligne budgétaire a souvent été la variable d'ajustement lors des gels budgétaires et les systèmes d'information sont désormais obsolètes.

Je citerai un seul exemple, celui du projet de rapprochement avec le logiciel de l'éducation nationale, qui a pris du retard. La réforme de l'automatisation de l'attribution des bourses sur critères sociaux est entrée en vigueur à la rentrée dans les établissements publics de l'éducation nationale à la rentrée 2025, alors que cette réforme est reportée d'un an dans l'enseignement agricole, notamment pour des raisons informatiques.

Au regard de la stabilité des crédits de l'enseignement technique agricole, les hausses que je viens de mentionner entraînent mécaniquement des baisses sur d'autres lignes budgétaires de ce programme.

La principale diminution concerne le pacte enseignant. Pour l'année scolaire 2024-2025, l'enveloppe du pacte enseignant a été consommée dans l'enseignement agricole à hauteur de 97,7 %. Le nombre d'enseignants qui y ont recours est significatif, 67 % des enseignants de l'enseignement agricole ayant assuré au moins une brique de pacte. À titre de comparaison, ils sont seulement 33 % dans l'enseignement secondaire de l'éducation nationale.

Cette ligne budgétaire baisse de 20 millions d'euros. Je n'ai pas souhaité déposer d'amendements au regard des montants et de la configuration de la mission « Enseignement scolaire ». En effet, il s'agirait de trouver 10 millions d'euros à 20 millions d'euros sur un programme de 1,43 milliard d'euros. Concernant la perspective d'abonder le programme 143 à partir d'autres programmes de la mission, nous nous heurtons au même problème que les années précédentes, car les cinq autres programmes relèvent d'un ministère différent - celui de l'éducation nationale.

Toutefois, il me semble important d'alerter sur toute tentation d'effectuer des économies supplémentaires qui auraient certes un effet à très court terme, mais qui seraient préjudiciables à moyen terme pour l'attractivité de l'enseignement agricole.

En l'état, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143, mais, si un coup de rabot venait à être présenté par le ministère en séance, comme ce fut le cas l'année dernière, j'espère que nous nous y opposerons collectivement.

Avant de conclure, je souhaite vous présenter une première analyse de la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dont Christian Bruyen était notre rapporteur pour avis.

Que prévoit cette loi ? Tout d'abord, une promotion et une découverte des métiers, notamment auprès des enfants et des personnels de l'éducation nationale. Le programme national d'orientation et de découverte des métiers du vivant est en cours d'élaboration avec l'ensemble des acteurs et devrait être déployé à compter de 2026. Des crédits de communication sont également prévus.

Le deuxième point concerne les objectifs ambitieux d'augmentation des effectifs. Si les dynamiques constatées ces dernières années se poursuivent, cet objectif est atteignable.

Toutefois, cela implique d'augmenter les crédits de l'enseignement agricole à moyen terme : en effet, pour les établissements du rythme approprié, comme je l'ai indiqué, l'augmentation de leurs effectifs implique une hausse de leur dotation.

Pour les établissements du temps plein - les lycées publics et privés -, le nombre moyen d'élèves par classe dépasse désormais vingt. Il est supérieur à celui des lycées professionnels de l'éducation nationale.

Le projet de loi de finances (PLF) 2026 prévoit certes 30 ETP d'enseignants supplémentaires afin d'accompagner cette hausse des effectifs constatée ces dernières années. Cela constitue également un rattrapage sur les suppressions opérées cette année. Je rappelle qu'en raison du coup de rabot de l'année dernière, le schéma d'emplois est devenu négatif de 45 ETP dans le budget 2025. Dans tous les cas, il appartiendra aux futurs budgets d'en tirer toutes les conséquences pour atteindre l'objectif d'une augmentation de 30 % des effectifs entre 2017 et 2030.

Le troisième enseignement de la loi d'orientation agricole a trait à la création du « Bachelor Agro ». La forte instabilité politique a compliqué la réalisation des consultations obligatoires et la prise des décrets nécessaires. En effet, ceux-ci ne pouvaient pas être pris au titre des affaires courantes, mais l'ensemble du cadre réglementaire est désormais fixé.

La première vague d'accréditation des établissements devrait avoir lieu en janvier et février pour une ouverture des premiers bachelors à la rentrée 2026. Plus précisément, 5 ETP sont mobilisés afin d'ouvrir en septembre prochain 10 bachelors Agro sous voie scolaire, tandis que 10 autres bachelors verront le jour sous voie d'apprentissage.

L'objectif pour 2027 est l'ouverture de 200 bachelors Agro puis, à l'horizon 2030, de 300 diplômes. Ce déploiement se veut ambitieux et ne pourra pas se faire à moyens constants, ni même avec une très légère hausse du nombre d'ETP.

Enfin, la loi prévoit la mise en place d'une cartographie régionale pluriannuelle des formations. Il s'agit d'analyser les besoins d'ouverture et de consolidation de sections de formation à petits effectifs lorsqu'elles répondent à un besoin du territoire.

C'est la mesure pour laquelle la mise en oeuvre est la moins avancée. Si le ministère assure que les premiers contrats avec l'ensemble des parties prenantes seront signés à la fin de l'année 2025, les syndicats de l'enseignement public m'ont indiqué ne pas être au courant d'avancées dans ce domaine.

Ils m'ont dit avoir interrogé les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) à ce sujet en septembre lors des comités sociaux d'administration uniques régionaux de l'enseignement agricole, qui ne disposaient pas non plus d'informations à ce sujet.

Par ailleurs, il me semble important que notre commission porte la nécessité d'un effort financier pluriannuel à partir de 2027 pour accompagner la mise en oeuvre du volet enseignement de la loi d'orientation agricole. L'enjeu est particulièrement sensible, car il s'agit de répondre à la nécessité du renouvellement des générations d'agriculteur et de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays. L'enseignement agricole constitue en cela un rouage essentiel.

Je vous propose donc, chers collègues, de donner un avis favorable à ce programme.

M. Christian Bruyen. - Je salue la qualité du travail du rapporteur, qui nous livre une analyse pertinente des perspectives induites par ce projet de budget pour 2026. Les auditions ont permis de relever des éléments positifs quant à la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole, malgré quelques regrets sur différents sujets.

Parmi les sujets de satisfaction, soulignons la mise en place relativement rapide du bachelor Agro avec de premières ouvertures dès 2026, ce qui répond à une forte attente de la profession. Un partie des ETP supplémentaires inscrits sont d'ailleurs dédiés au développement de ce diplôme. Pour autant, rappelons que la barre est haute avec un objectif de hausse du nombre d'apprenants de 30 % d'ici à 2030.

De plus, cet indispensable renouvellement des générations d'agriculteurs devra s'appuyer sur des efforts plus importants sur le système éducatif agricole, tant pour les établissements publics que pour les établissements privés, car si l'on évoque souvent cette pépite qu'est l'enseignement agricole, c'est bien parce qu'il sait s'appuyer sur une salutaire complémentarité public-privé.

Un contentieux porté par le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) devrait d'ailleurs conduire le ministère à corriger une approche budgétaire non conforme aux règles qui s'imposent et aux principes d'équité entre public et privé, d'autant plus lorsque l'on connaît le nombre assez alarmant d'établissements en difficulté.

Par ailleurs, les MFR, dont les effectifs progressent très significativement, peuvent prétendre à une révision de leur dotation : en théorie, cette dernière est bien déterminée en fonction des effectifs, mais ce n'est pas tout à fait le cas dans la pratique. Dans le cas contraire, il est à craindre que les formations dans le domaine des services à la personne - elles sont aussi proposées par les MFR - soient les victimes collatérales de cette insuffisance de crédits, alors qu'elles sont essentielles au développement socio-économique du monde rural et qu'elles semblaient retrouver un peu de souffle.

J'alerte aussi, de nouveau, sur la formation des vétérinaires, car la protection de la santé animale est un sujet de plus en plus préoccupant qui touche, dans certains cas, la protection de la santé humaine. Il convient donc de renforcer la formation et la recherche dans ce domaine, car il s'agit d'un levier de prévention des zoonoses et de maîtrise des risques épidémiques.

Si le contexte général est difficile et nécessite un effort global de réduction des dépenses publiques, la trajectoire de l'enseignement agricole d'ici à 2030 devra être protégée tant la préservation de notre souveraineté alimentaire est cruciale, d'autant que les tensions internationales s'aggravent.

En clair, le différentiel entre la progression des effectifs et la stagnation des dotations ne sera plus une approche appropriée demain. Il faut également corriger, sans attendre, la distorsion d'équité de financement entre établissements publics et privés ; renforcer à un juste niveau l'accompagnement des MFR ; et enfin, prendre en compte l'accueil d'élèves à besoins particuliers qui présentent des niveaux de handicap plus élevés que par le passé.

Cela étant, dans la mesure où la direction empruntée est la bonne, nous suivrons le rapporteur.

Mme Karine Daniel. - Ce volet de l'enseignement est très important et doit être suivi, car il renvoie à des enjeux en termes de souveraineté alimentaire et de développement de nouvelles technologies agricoles, ces dernières soulevant un réel enjeu de souveraineté numérique associé à la souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, les jeunes filles sont, contrairement à une idée reçue, bien représentées dans cette filière. Il faudra avoir une attention particulière sur leur insertion professionnelle dans le prolongement de leurs études agricoles et agroalimentaires, car elles sont souvent moins bien traitées, qu'il s'agisse de facilités d'installation ou de leur intégration dans des entreprises qui ne sont pas nécessairement les plus performantes en termes d'égalité.

Mme Annick Billon. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour son travail et toutes les auditions qui ont pu être menées. Alors que la loi d'orientation agricole est extrêmement ambitieuse, les moyens sont stables : les différents acteurs que nous avons attendus n'ont pas surenchéri compte tenu de la contrainte budgétaire, dans un esprit de responsabilité que je salue.

Pour ce qui est des aspects positifs, la hausse des effectifs permise par une volonté politique affirmée traduit le redressement notable de l'enseignement agricole après une période de déclin entre 2013 et 2019. L'objectif des 200 000 apprenants a été atteint et la loi d'orientation agricole vise une progression encore plus ambitieuse, ce qui nécessitera forcément des moyens d'ici à 2030.

L'essentiel des dépenses du programme étant contraintes, la moindre coupe serait intenable pour l'enseignement agricole, certaines MFR n'ayant d'ailleurs pas touché la dotation à laquelle elles devraient avoir droit. Les crédits inscrits pour ces établissements sont globalement insuffisants et le Gouvernement devra trouver plusieurs millions d'euros pour combler ce manque.

La construction budgétaire a donc été effectuée à l'euro près et aucune marge de manoeuvre n'existe sur ce programme : il faudra, dès 2027, augmenter les crédits afin d'accompagner la hausse des effectifs et de financer les futures formations, dont le bachelor Agro, si seules 10 ouvertures sont prévues en 2026, la montée en charge sera très importante en 2027 et les années suivantes.

Le groupe Union Centriste suivra l'avis du rapporteur et restera vigilant si des coupes supplémentaires devaient être proposées au cours de la discussion.

Mme Monique de Marco. - Je remercie le rapporteur, à la fois mesuré et très optimiste. Je me réjouis comme lui de l'attractivité retrouvée de l'enseignement agricole avec une progression des effectifs de 1,3 % par rapport à l'année précédente, même si elle intervient après une baisse importante au cours de la décennie 2010.

Cette hausse est cependant largement inférieure au rythme nécessaire pour atteindre l'objectif de la loi d'orientation agricole, à savoir une hausse de 30 % du nombre d'apprenants à l'horizon 2030. Lors de l'examen de cette loi, mon groupe avait estimé que ce même objectif était insuffisant pour parvenir à l'installation de 400 000 exploitants d'ici à 2035.

La création de 40 postes supplémentaires pour ouvrir 10 classes est ainsi largement insuffisante, alors qu'il faudrait créer 684 postes pour ouvrir 264 nouvelles classes afin de répondre à l'immense enjeu du renouvellement des générations : la moitié de la profession doit en effet partir à la retraite d'ici cinq à huit ans.

Nous sommes encore donc loin de l'objectif et nous émettrons un avis défavorable.

Mme Nathalie Delattre. - Vous connaissez mon attachement à l'enseignement agricole : le rapport d'information intitulé Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique, que j'avais rédigé avec plusieurs d'entre vous, avait permis d'obtenir de haute lutte une hausse de crédits, à l'époque où Julien Denormandie était ministre de l'agriculture. Il ne faut pas faiblir, l'objectif d'une hausse de 30 % des effectifs fixé par la loi d'orientation agricole étant en cohérence avec les besoins de la profession et de nature à répondre au défi de notre souveraineté alimentaire.

Néanmoins, à titre personnel je m'abstiendrai sur ce budget, car aucune anticipation de la nécessaire hausse des moyens pour les années à venir n'y est inscrite, alors même que nous avons mentionné cette exigence pour le budget précédent et que nous recevons des alertes.

Historiquement, l'enseignement agricole s'est appuyé sur un réseau d'enseignement privé, notamment autour des MFR. Si les établissements privés ferment, leurs équivalents publics ne prendront pas le relais et nous avons donc besoin de maintenir une complémentarité.

Pourtant, les disparités persistent entre les dotations du public et du privé, ainsi qu'en termes de coût unitaire de formation par élève (Cufe) : en Gironde, l'établissement de Cudos a été placé en redressement judiciaire sans que l'État intervienne. Je nourris les mêmes inquiétudes vis-à-vis des MFR.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je salue à mon tour la qualité du rapport. La souveraineté alimentaire est bien au coeur des enjeux de l'enseignement agricole et je me félicite des financements complémentaires qui ont été accordés à l'établissement de Coconi à Mayotte, indispensable pour contribuer à la montée en puissance de l'agriculture dans ce territoire si éloigné de l'Hexagone.

Je partage aussi les préoccupations exprimées par plusieurs collègues concernant le financement des MFR : si le budget n'est pas en baisse, la nécessaire montée en puissance de la filière n'apparaît pas dans les éléments présentés.

En outre, je note qu'une campagne de communication bienvenue a été lancée l'an passé afin de promouvoir ces métiers : il faudra continuer sur cette lancée. Un autre point positif a trait à la bonne mobilisation des crédits du pacte enseignant, et il serait d'ailleurs utile de comprendre les causes de l'écart avec l'enseignement général.

Le défi principal réside, selon moi, dans le renouvellement des générations d'agriculteurs. Si la hausse des effectifs de l'enseignement agricole est à saluer alors que les publics scolaires diminuent globalement, nous devons rester vigilants sur la diminution du financement de l'apprentissage, car cette politique est liée à l'enseignement agricole. Il reste donc nécessaire de veiller à une progression des moyens alloués, afin d'être en mesure de répondre à l'ensemble des enjeux.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue à mon tour la qualité du travail du rapporteur.

Ce budget est le premier que nous examinons depuis l'adoption de la loi d'orientation agricole et son objectif ambitieux d'une hausse de 30 % des effectifs formés aux métiers de l'agriculture d'ici à 2030, dans un contexte où plus d'un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d'ici à dix ans. Cette ambition ne se retrouve pas dans les crédits et le schéma d'emploi qui nous sont présentés aujourd'hui et qui ne permettent même pas de réparer les erreurs d'hier.

Rappelons que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022, soit l'équivalent de 10 000 postes dans l'éducation nationale, ce qui a entraîné une dégradation des conditions d'apprentissage dans l'enseignement agricole que nous avions d'ailleurs collectivement dénoncée dans le cadre de la mission d'information consacrée à l'enseignement agricole, dont la rapporteure était Mme Nathalie Delattre.

La dernière rentrée scolaire dans l'enseignement agricole a été durement marquée par un coup de rabot de 18 millions d'euros, la suppression de 45 ETP opérée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 ayant eu des répercussions sur le terrain : des fermetures de classes de brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) sont ainsi intervenues dans la précipitation, à rebours de la dynamique de hausse du niveau de formation des agriculteurs et des agricultrices de demain, que souhaite pourtant encourager la loi d'orientation agricole.

Certains enseignants nous ont indiqué que des travaux pratiques avec de gros animaux ne pouvaient pas être effectués en raison d'effectifs trop importants ne permettant pas d'assurer des conditions de sécurité suffisantes. Dans ce contexte, les 40 ETP prévus sur le schéma d'emploi dans ce PLF 2026, qui seront notamment dédiés aux heures d'enseignement sur des classes de bachelors Agro, paraissent nettement insuffisants pour accompagner l'essor des effectifs souhaité. Rappelons d'ailleurs que le ministère lui-même considérait que près de 200 ETP seraient nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation agricole.

Sur une note plus positive, la hausse de plus de 7,54 % des crédits dédiés à l'aide sociale aux élèves et à la santé scolaire viendra abonder les bourses sur critères sociaux et le fonds social lycéen. Cependant, il convient de rappeler que cette augmentation fait suite à quatre années successives de baisses de crédits.

Enfin, comme nous le répétons depuis plusieurs années, l'enseignement agricole doit progresser dans le pilotage de l'inclusion scolaire, cette politique étant moins aboutie que dans l'éducation nationale alors que l'enseignement agricole accueille de nombreux élèves en situation de handicap en son sein.

L'intégration de la gestion des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) dans les services du ministère de l'agriculture ou la création d'AESH référents dans l'enseignement agricole public sont autant de solutions concrètes qu'il est temps de mettre en place. Pour toutes ces raisons, mon groupe se prononcera contre l'adoption des crédits alloués.

Mme Paulette Matray. - Femme et mère d'agriculteur, je suis étonnée par l'absence de fléchage financier sur l'agriculture biologique, alors qu'une ouverture sur une autre forme d'agriculture serait la bienvenue pour les jeunes. Pour prendre l'exemple du BTS du lycée agricole de Fontaines en Saône-et-Loire, seuls trois jours ont été consacrés à la sensibilisation à l'agriculture biologique en l'espace de deux ans.

M. Jacques Grosperrin. - Les MFR ont été évoqués à de nombreuses reprises à l'occasion de ce débat. Pourriez-vous rappeler l'évolution de leurs effectifs ?

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - Comme le souligne Christian Bruyen, il existe bien un contentieux avec le Cneap et il faudra trouver un financement.

Une augmentation du nombre d'élèves est à relever dans la filière des services à la personne ; en outre, les classes passerelles post BTS-BTSA, organisées autour d'un concours dédié, permettent d'assurer une partie du recrutement dans les écoles vétérinaires. Ce dispositif fonctionne plutôt bien, comme j'ai pu le constater à Lyon.

Plusieurs interrogations ont porté sur la trajectoire, qui, je le rappelle, est fixée pour la période 2022-2030 : nous devrions pouvoir atteindre l'objectif fixé dans ce laps de temps.

Mesdames Daniel et Matray, l'agriculture biologique est mise en avant dans certains établissements, dont le lycée viticole de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne faut pas oublier l'innovation technique - dont le recours aux drones pour les traitements, par exemple - et la sensibilité des nouvelles générations à la protection de l'environnement.

J'attire aussi votre attention sur le fait que la filière de la transformation agroalimentaire ne progresse pas alors que les débouchés y sont nombreux, avec des rémunérations élevées : un effort de promotion de ces métiers serait sans doute bienvenu.

Je souscris aux remarques d'Annick Billon sur la responsabilité dont on fait preuve les acteurs que nous avons auditionnés. Le succès du pacte enseignant, quant à lui, s'explique par une forte implication des enseignants pour assurer un accompagnement et faire de la promotion pour le recrutement en dehors de leurs heures classiques, ce qui me fait dire que la diminution des crédits du pacte posera problème.

Madame de Marco, nous avons des raisons d'être optimistes dans la mesure où les effectifs progressent dans un contexte de crise démographique ; j'ajoute qu'il est question, pour l'essentiel, de classes à petits effectifs qui pourraient absorber, dans un grand nombre de cas, une hausse du nombre d'élèves à moyens quasi constants. Les MFR, désormais financées en fonction de leur nombre d'élèves, devraient obtenir des moyens supplémentaires grâce à la progression des effectifs à hauteur de 2,5 %.

Par ailleurs, je tiens à nouveau à remercier Mme Delattre pour le travail qu'elle avait accompli. S'agissant du bachelor, seules dix ouvertures de classes sont prévues cette année, ce qui ne nécessite pas de nombreux ETP dans l'immédiat, mais la programmation de ces ouvertures de classes jusqu'en 2030 induira des efforts financiers importants : il faudra donc que nous nous armions de la même pugnacité dont nos prédécesseurs ont fait montre pour obtenir les moyens nécessaires.

Enfin, je ne reviendrai pas sur la problématique des AESH dans l'enseignement agricole, qui est similaire à celle qui est observée dans l'enseignement scolaire. Vous connaissez par ailleurs ma position sur la répartition des compétences en matière médico-sociale.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2026.

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