II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS À LA HAUTEUR DES BESOINS DE MODERNISATION DES MOYENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Après un budget pour 2025 marqué par une légère contraction des ressources allouées aux moyens nationaux de la sécurité civile, le programme 161 connaît une augmentation substantielle de ses crédits pour 2026.
Les autorisations d'engagement s'élèvent ainsi à 994,9 millions d'euros, soit une hausse de 134 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025 (860 millions d'euros), et les crédits de paiements à 882,7 millions d'euros pour 2026, soit une hausse de 6,2 % par rapport à 2025 (831,4 millions l'an passé).
Ces hausses se traduisent premièrement par une forte augmentation des dépenses d'investissement : alors que les autorisations d'engagement ne représentaient, en 2025, que 49 millions d'euros, elles s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2026, à 264 millions d'euros - soit une hausse de 428 %. Cette croissance doit permettre de poursuivre le projet de modernisation et de renforcement des moyens aériens de la sécurité civile, avec l'acquisition de deux nouveaux avions bombardiers d'eau représentant 209 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Les crédits de paiement pour l'investissement, en hausse de 21 %, permettront en outre la poursuite des projets pluriannuels structurants nécessaires à la sécurité civile de faire face à la multiplication des crises, parmi lesquels le plan de renouvellement des hélicoptères, le soutien à l'investissement des services d'incendie et de secours (pactes capacitaires) et la modernisation des moyens de communication.
En outre, l'augmentation de 12 millions d'euros en dépenses de personnel doit permettre de revoir le nombre d'emplois du programme à la hausse, après un exercice 2025 caractérisé par le gel du schéma d'emplois. 30 militaires supplémentaires viendront ainsi renforcer la montée en charge progressive du 4ème régiment des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) à Libourne, et 20 nouveaux personnels techniques et administratifs seront recrutés.
Aussi, la hausse des crédits alloués au programme 161 pour 2026 devrait se traduire par la poursuite de la modernisation et du renforcement des moyens nationaux de la sécurité civile, en cohérence avec la multiplication des crises nécessitant leur mobilisation.
A. LA PRÉSERVATION DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES AÉRIENNES DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Le projet de loi de finances pour 2026 prend premièrement en compte les enjeux liés à la disponibilité des appareils de la sécurité civile, afin de garantir une pleine capacité opérationnelle des moyens nationaux pour la lutte contre les incendies.
Vieillissement et disponibilité de la flotte nationale de la sécurité civile pour 2025
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Appareils |
Vieillissement moyen |
Dont opérationnels au 01/07/25 |
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Groupement « Avions » |
12 Canadair CL 415 amphibies |
27,5 ans |
9 |
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8 bombardiers lourds polyvalents Dash 8 |
Génération 1 (2 appareils) : 30 ans Génération 2 (6 appareils) : 3,8 ans |
6 |
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3 avions de liaison de type Beechraft King 200 |
29 ans |
3 |
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Location d'un Dash et de 4 Air Tractor |
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TOTAL : 20 avions bombardiers d'eau + 3 avions de liaison + 5 avions loués |
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Groupement « Hélicoptères » |
26 hélicoptères EC 145 biturbines |
20,5 ans |
18 |
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10 hélicoptères H 145 |
1,7 an |
9 |
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Location de 10 hélicoptères lourds bombardiers d'eau « super puma » |
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TOTAL : 36 hélicoptères de la DGSCGC + 10 en location |
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Source : commission des lois d'après données DGSCGC.
En effet, bien que la doctrine française d'attaque massive des feux naissants ait permis, cette année encore, d'obtenir des résultats très satisfaisants, des inquiétudes quant à la disponibilité des moyens aériens nationaux demeurent, au regard des indicateurs de performance présentés dans le projet annuel de performance :
· le taux de disponibilité de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile en base demeure significativement inférieur à la cible fixée pour l'année 2024 (81 % de disponibilité alors que l'objectif cible est de 95 %) ;
· le taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile, de la même façon, n'avait toujours pas atteint sa cible en 2024, marquant même une baisse (disponibilité de 86 % en 2024 contre 89,1 % en 2023, avec un objectif cible de 98 %).
Ces performances en demi-teinte sont à mettre en regard avec la capacité à gérer des fronts de lutte contre les incendies simultanés, dans des territoires éloignés. De fait, comme l'a rappelé la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, « le sous-dimensionnement du nombre d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit cet été à arbitrer entre des demandes simultanées d'engagement du commandant des opérations de secours dans deux territoires distincts en juillet dernier dans l'Aude et les Bouches-du-Rhône »3(*). Le risque de rupture capacitaire ne peut donc plus être écarté.
Cette situation s'explique principalement par la vétusté de la flotte patrimoniale de la sécurité civile, bien que le projet de renouvellement des hélicoptères, lancé en 2023, permette progressivement d'améliorer les résultats. En 2023, la disponibilité des hélicoptères n'était que de 63,8 %, taux fortement en hausse en 2024 grâce aux premières acquisitions réalisées.
1. La poursuite du renouvellement de la flotte d'hélicoptères
Inscrit au sein de la LOPMI 2023-2027 et de la loi de finances pour 2023, le programme de renouvellement de la flotte d'hélicoptères prévoit l'acquisition sur sept ans de 36 appareils H 145 en remplacement des 33 EC 145. Ce programme est préservé au sein du projet de loi de finances pour 2026. En effet, 98 millions d'euros sont prévus pour l'achat de huit appareils H 145 en 2026, qui viendront s'ajouter aux onze acquis depuis 2023.
Selon la DGSCGC, le programme de renouvellement, qui portera la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile à 40 appareils au total d'ici 2029, permettra de doter l'ensemble des bases et des détachements de la sécurité civile et de disposer par ailleurs de moyens suffisants pour la formation et le maintien en compétence des équipages.
Source : commission des lois d'après données DGSCGC.
Le rapporteur souligne néanmoins, comme l'année passée, que cette montée en puissance opérationnelle doit s'accompagner d'une révision de la doctrine d'engagement des hélicoptères de la sécurité civile, afin d'assurer un dialogue clair et équilibré entre le centre opérationnel de zone et le médecin régulateur du SAMU. Il doit également s'inscrire dans une accélération de l'expérimentation relative à la mutualisation des plateformes d'appel afin de mieux coordonner les moyens dédiés aux secours à personne. La résorption de ces problématiques d'engagement des hélicoptères de la sécurité civile est en effet une condition sine qua non de l'efficience des dépenses consenties par l'État pour l'acquisition et la préservation des aéronefs.
2. L'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau
Le projet de loi de finances pour 2026 marque également la poursuite de la stratégie de lutte et de prévention contre les incendies, annoncée par le Président de la République à la suite de la saison des feux exceptionnelle qu'a connu la France en 2022. Cette stratégie passe par le renouvellement et l'extension de la flotte de Canadairs afin de porter la flotte patrimoniale à seize avions bombardiers d'eau et permettre son rajeunissement, l'âge moyen étant aujourd'hui de 28 ans. Il s'agit ainsi de garantir la disponibilité des aéronefs pour assurer les missions de lutte contre les feux de forêts, de liaison et de transport dans le cadre de la gestion de crise.
Les premières acquisitions de canadairs ont ainsi été actées en 2024, dans le cadre d'un contrat d'acquisition porté par la Commission européenne auprès de l'entreprise De Havilland Canada. En effet, au terme d'un processus de candidature, six États membres de l'Union européenne4(*) pourront bénéficier de la commande de 22 appareils Canadair (DHC 515), pour partie financés par l'Union européenne. La France a ainsi signé un contrat d'acquisition de deux DHC 515 le 12 août 2024, dont les coûts d'acquisition, de 98,8 millions d'euros, seront couverts par la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG ECHO). La France a néanmoins pris à sa charge des coûts annexes (taxe sur la valeur ajoutée, coût de la parité euro/dollar, frais de douanes et commande de lots de pièces de rechange et de provisions) dont le montant est évalué à 40 millions d'euros.
Une option d'achat portant sur 14 appareils supplémentaires, activable à l'unité, a été intégrée au contrat, avec une échéance contractuelle fixée au 30 juin 2030.
Contractuellement, et grâce à la primauté de son contrat de subvention « GRANT » avec la Commission européenne, la France devrait être livrée en priorité. Ainsi, et sous réserve du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, dont la Grèce, les deux avions devraient être disponibles respectivement en mars et novembre 2028.
En complément de cette première commande, le rapporteur se réjouit de constater que le programme 161 prévoit, pour 2026, 209 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 20 millions d'euros de crédits de paiement consacrés à la commande de deux avions supplémentaires. Selon la DGSCGC, ces deux appareils seraient livrés entre fin 2032 et courant 2033.
La DGSCGC a en outre indiqué opérer une veille stratégique sur l'émergence de nouveaux acteurs industriels en mesure de fournir la France pour ses besoins en avions bombardiers d'eau. En effet, la dépendance de la chaîne de production des ABE à un unique acteur extra-européen doit conduire à la prudence, dans un contexte de besoins accrus de la part du Canada et des États-Unis et compte tenu des commandes déjà effectives dont les livraisons sont échelonnées jusqu'en 2034. Le rapporteur s'est ainsi vu confirmer par la DGSCGC l'émergence de trois projets français auprès desquels une veille technologique est effectuée.
Le rapporteur a également noté les éléments rassurants de la DGSCGC quant à la disponibilité des ABE de la flotte existante, la direction générale ayant notamment indiqué vouloir lutter contre la vétusté des appareils grâce à des opérations de maintenance à compter de 2027. Le rapporteur sera donc vigilant aux suites données à ce projet.
3. Le maintien du dispositif de location d'aéronefs
Enfin, en complément de la poursuite des deux programmes d'acquisition d'aéronefs pilotés par la DGSCGC depuis plusieurs années, les besoins opérationnels ont conduit cette année encore au maintien de la stratégie de location d'appareils supplémentaires afin de garantir une pleine capacité opérationnelle.
Le programme 161 conserve ainsi, pour 2026, le montant alloué pour la location d'aéronefs en 2025, soit 30 millions d'euros (en autorisations d'engagement et en crédits de paiement). Ce montant permet de disposer de dix hélicoptères bombardiers d'eau et de six aéronefs de type Air Tractor. Les appareils, prépositionnés en zone sud-ouest, sont mobilisables de juillet à septembre.
* 3 Contribution écrite de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France au rapporteur.
* 4 France, Espagne, Italie, Croatie, Grèce, Portugal.

