II. ASILE : UNE NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS QUI REPOSE SUR UNE AMÉLIORATION DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES
A. UNE DEMANDE QUI ATTEINT DES NIVEAUX RECORDS, DES DÉLAIS DE TRAITEMENT QUI AUGMENTENT DE NOUVEAU
Après un pic historique en 2024 (153 715 demandes), le nombre de demandes d'asile devrait légèrement refluer en 2025, avec 110 750 demandes déposées sur les neuf premiers mois de l'année12(*) (- 4,5 % par rapport à la même période en 2024). Le volume de demandes d'asile demeure toutefois plus du double de celui observé avant 2014.
La demande d'asile en France depuis 2004
Source : OFPRA
L'activité décisionnelle de l'OFPRA connaît une augmentation continue : 113 688 décisions ont été rendues sur les neuf premiers mois de l'année 2025, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la même période en 2024. L'OFPRA estime que le seuil des 150 000 décisions devrait être franchi en 2025, dépassant le pic historique de l'année 2024 (141 911). Le taux de protection connaît également une augmentation prononcée : il s'est élevé à 38,8 % en 2024 (contre 32,9 % en 2023) et à 39,9 % en 2025. Le taux global de protection, qui tient compte des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), s'est élevé à 50,1 % en 2024 (contre 44,9 % en 2023). L'OFPRA l'explique par la présence accrue de nationalités à fort taux de protection (Afghanistan, Ukraine, Haïti). Les récentes évolutions de la jurisprudence, qui tend à étendre les catégories en droit d'obtenir le statut de réfugié13(*), vont également dans le sens d'une augmentation tendancielle du taux de protection.
Les rapporteurs relèvent avec préoccupation la dégradation des délais de traitement en 2025 (10,8 mois en moyenne contre 9,8 en 2024), qui met fin à la dynamique de réduction des délais engagée depuis 2020. Cette dégradation s'observe sur l'ensemble des étapes de la procédure :
· le délai d'enregistrement en guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) s'élève à 4,3 jours sur les neuf premiers mois de l'année 2025, soit au-delà de l'objectif de 3 jours, contre 2,7 jours en 2024 et 3,8 en 2023 ;
· en ce qui concerne l'OFPRA, le délai moyen d'examen s'élève à 5,3 mois sur les neuf premiers mois de l'année 2025, pour un objectif fixé à 2 mois ; ce délai s'élevait à 4,6 mois en 2024 et 4,2 en 2023. L'OFPRA explique cette dégradation par l'augmentation des demandes constatée en 2024 ainsi que par la réduction de son stock de dossiers en instance, qui a baissé de 6 600 dossiers depuis le début de l'année 202514(*) ; l'octroi de 48 ETP supplémentaires en 2026 (dont 41 fléchés vers l'instruction des demandes), après les 29 ETP créés en 2025, devrait permettre la poursuite de l'augmentation de l'activité décisionnelle et la réduction des délais d'instruction ;
· le délai moyen de jugement de la CNDA atteint 5,5 mois sur la même période, pour un objectif fixé à 4 mois ; ce délai s'élevait à 5,3 mois en 2024 et à 6,1 en 2023. Son président l'explique par un ralentissement de son activité juridictionnelle au premier semestre 2025, du fait des effets transitoires de la création des chambres territoriales à Lyon, à Nancy, à Bordeaux et à Toulouse ainsi que par le transfert au Conseil d'État de la gestion des assesseurs du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) à compter du 1er janvier 2025.
L'augmentation des délais de traitement en 2025 résulte en partie de facteurs conjoncturels propres à l'OFPRA et à la CNDA, laissant ainsi entrevoir - sous réserve de l'évolution de la demande d'asile - une amélioration en 2026. Les rapporteurs constatent toutefois que l'objectif d'un délai global moyen de traitement de six mois paraît difficilement atteignable sans évolution des procédures et des méthodes d'instruction. De telles évolutions seront d'ailleurs requises dès 2026 pour respecter les délais particulièrement exigeants de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, pour laquelle le règlement « Procédure » 2024/1348 fixe un délai de 12 semaines pour l'examen au fond de la demande, y compris en cas d'exercice d'un recours.
À cet égard, les rapporteurs relèvent avec satisfaction les premiers retours positifs de l'espace France Asile (EFA) de Cergy, ouvert le 19 mai 2025. L'introduction des demandes d'asile par les agents de l'OFPRA, plutôt que l'envoi d'un formulaire papier, permettrait à lui seul un gain de 21 jours. Le traitement des demandes serait également accéléré du fait de la fiabilisation des dossiers ainsi déposés et d'une meilleure anticipation des besoins en interprète15(*).
Enfin, les rapporteurs regardent avec intérêt la dématérialisation de la procédure d'état civil des bénéficiaires de la protection internationale envisagée par l'OFPRA, qui devrait contribuer à réduire les délais importants de reconstitution de ces actes (environ 10 mois en moyenne) et améliorer la qualité de service.
* 12 Si les primo-demandes baissent (- 14 %), les demandes de réexamen sont en forte hausse (+ 51 %), majoritairement portées par les ressortissants haïtiens. Quatre pays représentent plus d'un tiers (36 %) des demandes : la République démocratique du Congo (9,4 % des demandes ; + 37,5 % par rapport à 2024), l'Afghanistan (9,3 %), l'Ukraine (8,9 % ; + 20,9 % par rapport à 2024) et Haïti (8,5 % ; + 16,8 % par rapport à 2024). Les ressortissants de ces trois derniers pays comptent pour 49,3 % des protections accordées par l'OFPRA.
* 13 À la suite de la Cour de justice de l'Union européenne, la CNDA a jugé que l'ensemble des femmes afghanes peuvent être considérées comme appartenant à un certain groupe social au sens de la directive 2011/95, en tant que motif de la persécution, et ainsi se voir reconnaître la qualité de réfugiée (CNDA, 11 juillet 2024, n° 23014128) ; elle a récemment jugé qu'il en allait de même pour les femmes iraniennes (CNDA, 3 avril 2025, n° 24024165) et somaliennes (CNDA, 16 octobre 2025, n° 24015934).
* 14 Au 31 décembre 2024, ce stock s'élevait à 66 370, contre 53 570 fin 2023, soit une augmentation de 13 000 dossiers (+ 24 %) sous l'effet de la hausse du nombre de demandes.
* 15 L'ouverture des autres sites pilotes de Toulouse et Metz demeure à ce jour suspendue, en attente des moyens nécessaires et d'une première évaluation de l'EFA de Cergy.
