III. POLITIQUE DE L'INTÉGRATION : UN RENFORCEMENT DES EXIGENCES PERMIS PAR UNE RATIONALISATION DES DISPOSITIFS DE FORMATION
A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 104
Après une diminution importante en 2025 (- 15 %), les crédits demandés pour 2026 pour le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » s'élèvent à 368,4 M€ (+ 2,3 M€, soit + 0,65 %). Ce programme soutient le financement de la politique d'accueil et d'intégration des étrangers primo-arrivants, portée principalement par deux actions :
· l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants » (268,4 M€, montant identique à celui inscrit en LFI 2025) finance les formations à destination des étrangers primo-arrivants non encore admis à séjourner durablement en France. Principalement mis en oeuvre par l'OFII, ces crédits financent notamment la mise en oeuvre du contrat d'intégration républicaine (CIR) et les formations associées, civiques et linguistiques ;
· l'action 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants » (97,3 M€ et 12 M€ de fonds de concours, en hausse de 1,7 M€ par rapport à la LFI 2025, soit + 2 %) finance les actions à destination des étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire français, dont les bénéficiaires de la protection internationale.
En 2025, les contraintes budgétaires se sont traduites par une baisse sensible du nombre de CIR conclus, qui s'élève à 44 000 pour le premier semestre 2025, contre 114 443 en 2024 et 127 876 en 2023. L'OFII prévoit le retour en 2026 à un niveau comparable à celui des années précédentes (122 000). Ces mêmes considérations ont également conduit à un redimensionnement du programme « AGIR », déployé dans l'ensemble des départements de France métropolitaine depuis l'été 2025 : il a été recentré sur les publics les plus vulnérables, sans hébergement ou sans emploi et le nombre de bénéficiaires actifs plafonné à 25 00018(*).
La stabilité des crédits affectés au programme 104 intervient toutefois dans un contexte marqué, d'une part, par l'augmentation continue du public cible et, d'autre part, par le renforcement des exigences en matière de formation civique et linguistique.
B. FAIRE BEAUCOUP PLUS ET MIEUX À MOYENS CONSTANTS : UN DÉFI POUR LA FORMATION LINGUISTIQUE DES ÉTRANGERS
1. Un rehaussement des exigences linguistiques qui devrait se traduire par une forte augmentation du besoin de formation
L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 a opéré, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, un rehaussement des exigences linguistiques pour la délivrance de certains titres de séjour et pour la naturalisation19(*).
Exigences linguistiques
(niveaux du CECRL)
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Situation antérieure à la loi du 26 janvier 2024 |
Situation à compter du 1er janvier 2026 |
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Carte de séjour pluriannuelle |
Pas d'exigence linguistique |
A2 (art. L. 433-4 et R. 433-5 du CESEDA) |
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Carte de résident |
A2 |
B1 (art. L. 413-7 et R. 413-15 du CESEDA) |
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Accès à la nationalité française |
B1 (art. 21-24 du code civil, art. 14 et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993) |
B2 (art. 21-24 du code civil, art. 14 et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993) |
Il en résulte, pour les étrangers signataires d'un CIR, une obligation de résultats en la matière, la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel étant désormais subordonnée à la justification de l'atteinte du niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues (CECRL)20(*),21(*), en lieu et place de l'obligation de moyens antérieure - sous la forme d'une exigence d'assiduité et de progression vers le niveau A1 du CECRL.
Ce rehaussement des exigences linguistiques se traduit non seulement par l'allongement prévisible de la durée de formation nécessaire pour atteindre les niveaux requis, mais aussi par l'augmentation du nombre d'étrangers orientés vers cette formation, estimé à près de 40 % par le ministère de l'intérieur.
2. Une mise en oeuvre à budget constant permise par de nouvelles modalités de formation et de certification
Le cadre juridique de la formation linguistique et civique a fait l'objet d'une réforme à l'été 2025, qui trouve une traduction juridique dans le décret du 15 juillet 2025 et l'arrêté du 22 juillet 202522(*) ainsi qu'une traduction opérationnelle dans les marchés de formation passés par l'OFII, poursuivant un double objectif de maîtrise des dépenses et de responsabilisation des personnes concernées.
La formation linguistique proposée par l'OFII devient facultative, ce qui constitue une souplesse d'organisation pour les intéressés, qui peuvent se former par d'autres moyens. Cet assouplissement s'inscrit dans la continuité de la loi du 26 janvier 2024, dont l'article 23 vise à favoriser l'apprentissage du français dans le cadre de la formation professionnelle.
Depuis le 1er juillet 2025, la formation linguistique est entièrement dématérialisée, les signataires du CIR recevant une licence, valable douze mois, qui donne accès à une plate-forme d'apprentissage en ligne proposant des modules d'enseignement asynchrones, accessibles à tout moment. La formation en présentiel, sous la forme d'un forfait unique de 600 heures, n'est maintenue que pour les publics les plus fragiles, notamment les non-lecteurs et non-scripteurs. L'orientation vers l'une de ces formules a lieu à l'issue d'un positionnement linguistique réalisé par un prestataire externe ; il peut donner lieu à une dispense si l'étranger maîtrise déjà le niveau A2. Selon le ministre, le programme de 600 heures devrait néanmoins bénéficier à une part plus importante des signataires de CIR (35 % contre 8 % en 2024)23(*).
Alors que le besoin de financement au titre des nouvelles exigences linguistiques avait été estimé à 100 M€ en année pleine, la dématérialisation de la formation linguistique devrait engendrer des économies considérables - le coût d'une licence s'élevant, selon le directeur général de l'OFII, à 25 euros, quand le coût moyen pondéré d'une heure de formation linguistique était estimé à 7,40 euros en 202424(*).
Si les rapporteurs regardent avec intérêt ces nouvelles modalités de formation, qui permettent une mise en oeuvre à budget constant des nouvelles exigences linguistiques, ils soulignent l'importance qui s'attache à ce que soient préservées la qualité de l'enseignement ainsi que des conditions d'apprentissage permettant aux publics concernés, particulièrement les plus fragiles et ceux en emploi, d'atteindre les niveaux requis.
Ils saluent également la suppression de la prise en charge par l'État du coût de la certification linguistique et civique25(*), qui participe de la même démarche de rationalisation de la dépense publique et de responsabilisation des demandeurs. Le ministère indique, dans le même sens, étudier l'institution d'une redevance ou d'un droit de timbre à la signature du CIR.
Une majoration bienvenue des taxes et droits de timbre
L'article 30 du PLF 2026 propose la majoration de quatre taxes et droits de timbre en matière de titres de séjour et de demandes d'accès à la nationalité, dont la taxe pour la délivrance, le renouvellement, le duplicata ou le changement d'un titre de séjour prévue à l'article L. 436-1 du CESEDA (portée de 200 à 300 euros) ainsi que le droit de timbre perçu lors d'une demande d'accès à la nationalité française (porté de 55 à 255 euros). Une taxe de 100 euros est également créée pour la délivrance et le renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour. Les recettes supplémentaires attendues au profit du budget de l'État s'élèvent à 152,4 M€ en 2026.
Les rapporteurs saluent cette mesure, qui tend à aligner les montants pratiqués en France sur les montants moyens constatés dans l'Union européenne et participera du financement des politiques d'immigration et d'intégration.
* 18 S'agissant des résultats de ce programme, le PAP 2026 fait état d'un taux de sorties positives en emploi et en logement pérennes, pour les BPI accompagnés depuis au moins 6 mois, de 37 %, un taux de sorties positives en emploi pérenne uniquement de 42 %, et un taux de sorties positives en logement pérenne uniquement de 67 %.
* 19 Cette mesure a été étendue à la procédure d'acquisition par déclaration à raison d'un mariage avec un ressortissant français par le décret n° 2025-648 du 15 juillet 2025 portant modification du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.
* 20 Cette délivrance - comme celle de la carte de résident - est désormais subordonnée à la réussite de l'examen civique prévu par l'article L. 413-3 du CESEDA.
* 21 Ces obligations ne s'appliquent toutefois pas aux bénéficiaires de la protection internationale, aux apatrides ainsi qu'aux Algériens, les conditions de séjour de ces derniers étant régies par l'accord du 27 décembre 1968.
* 22 Décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025 relatif aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et autres mesures relatives à l'évolution du contrat d'intégration républicaine et arrêté du 22 juillet 2025 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine en France.
* 23 Audition du 12 novembre 2025.
* 24 Rapport d'information n° 772 (2023-2024) de Marie-Carole Ciuntu, au nom de la commission des finances du Sénat, septembre 2024, p. 37.
* 25 Article R. 413-13 du CESEDA dans sa rédaction issue du décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025.