B. LE PROGRAMME DE 1986

1. L'EPALA

Il convient, avant d'évoquer le programme d'aménagement défini en 1986 par l'accord des principaux partenaires intéressés à la gestion du fleuve, d'expliquer le rôle de l'Établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA).

L'idée d'un aménagement intégré de la Loire n'a pas surgi avec le plan du 4 janvier 1994. Pour s'en tenir à la période contemporaine, on cite la création en 1952 d'un comité parlementaire de défense du bassin de la Loire dont l'objectif fut d'améliorer la rentabilité économique des eaux du bassin. En 1975 fut créée l'Institution interdépartementale pour la protection des vals de Loire contre les inondations, à l'occasion de la création du barrage de Villerest. L'EPALA, qui a pris la suite de cette Institution fut instituée, en réaction contre les crues du début des années 1980, à l'initiative de M. Jean Royer, maire de Tours, par un arrêté du ministre de l'Intérieur en date du 22 novembre 1983.

Il s'agit du plus grand syndicat mixte de France : il groupe 6 régions, 15 départements, 19 villes de plus de 30.000 habitants, 10 syndicats départementaux de communes de moins de 30.000 habitants et couvre ainsi le bassin de la Loire à l'exception de la Sarthe, de la Mayenne, de l'Indre et de la Vienne.

Constitué pour une durée illimitée, il a pour but de « réaliser ou de faire réaliser les études, la construction et l'exploitation des ouvrages publics, ainsi que les aménagements destinés, sur les cours de la Loire et de ses affluents :

- à assurer la protection contre les inondations ;

- à favoriser le développement des activités économiques et la protection de l'environnement, dans le respect des compétences des collectivités territoriales intéressées et dans le respect des options régionales ».

Son action est financée de la manière suivante :

- dépenses de fonctionnement

Réparties entre les quinze départements membres, elles s'élèvent à 4 millions de francs par an. Au 1er janvier 1995, les effectifs propres de l'EPALA étaient de 9 personnes.

- dépenses d'exploitation

L'EPALA a pour vocation, on l'a vu, de lancer à l'échelle du bassin de la Loire des actions structurantes ou exemplaires d'aménagement hydrauliques et d'environnement, qui ne peuvent être réalisées directement par les collectivités territoriales membres.

L'EPALA assure ainsi l'exploitation du barrage de Villerest et le fonctionnement du réseau CRISTAL (le personnel est mis à disposition par l'État). Les dépenses correspondantes s'élèvent à 7 millions de francs par an dont 80 % réparties entre les quinze départements membres de l'EPALA, l'Agence de l'eau couvre les 20 % restants.

- dépenses d'investissement

Le financement des ouvrages et des actions est assuré par des contributions de l'État et de l'Agence de l'eau, avec une part de l'EPALA de l'ordre de 50 %, répartie entre les départements selon les règles suivantes : 10% en fonction du potentiel fiscal de chaque département et 90% en fonction de critères techniques (surfaces protégées contre les inondations, consommations d'eau, intérêt local). Il faut aussi noter que 25 % des dépenses de fonctionnement, d'exploitation et d'investissement réparties entre les 15 départements, sont prises en charge par les régions dont ils font partie.

Quant aux structures administratives de l'EPALA, son assemblée délibérante, le comité syndical est constitué de 72 élus des collectivités adhérentes désignées par celles-ci (deux par région, deux par département, ou par syndicat intercommunal d'aménagement de la Loire et de ses affluents, un par ville).

Le fonctionnement de l'établissement est assuré par un comité directeur (10 membres), un bureau (36 membres), une commission des finances et de la planification, une commission de l'aménagement et de l'environnement et une commission « information et communication ». Son président est élu pour 3 ans. La personnalité de M. Jean Royer, président de l'EPALA depuis sa fondation jusqu'aux dernières élections municipales, n'a pas peu contribué à assurer à cette structure la capacité d'initiative qui lui a permis d'élaborer, en opérant les arbitrages nécessaires entre des collectivités aux besoins et intérêts souvent dissemblables, un programme cohérent d'aménagement de la Loire, de lui obtenir l'adhésion de l'État, d'en lancer les premières mesures d'exécution.

2. Le protocole d'accord du 13 février 1986

Le « protocole d'accord pour la réalisation du programme relatif à l'aménagement hydraulique de la Loire et de ses affluents pour la protection contre les inondations et le maintien des étiages » a été signé le 13 février 1986 par le préfet de la région Centre, le directeur de l'Agence financière du bassin Loire-Bretagne, le président de l'EPALA ainsi que par Mme Huguette Bouchardeau, ministre de l'Environnement, et par M. Jean Auroux, ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Transports.

Il poursuivait pour l'essentiel un double objectif :


• La construction de quatre ouvrages structurants à l'échelle du bassin :

- Serre-de-la-Fare, sur la Haute Loire, barrage multi-fonctions à vocation prioritaire d'écrêtement des grandes crues (capacité de 130 millions de m 3 ) ;

- Chambonchard, sur le Cher, barrage multi-fonctions à vocation prioritaire de soutien des étiages (capacité de 140 millions de m 3 ) ;

- Le Veurdre, sur le bas Allier, ouvrage uniquement écrêteur de crues ;

- Naussac 2, sur le haut Allier, installation de pompage-turbinage destiné à faciliter le remplissage de Naussac 1.


• La réalisation d'ouvrages locaux en basse Loire :

- transfert de la prise d'eau de Nantes ;

- seuil mobile sur le Maine ;

- relèvement de la ligne d'eau d'étiage entre Nantes et Angers ;

- aménagement intégré des Ponts-de-Cé ;

- travaux de protection des berges ;

- réalisation de l'ouvrage mobile de Pont Rousseau.

L'estimation du coût de ces travaux se chiffrait à 2,3 milliards de francs à l'époque.

Le protocole prévoyait avec précision les étapes de sa mise en oeuvre. Il déterminait le financement des ouvrages, sa répartition ainsi que la programmation financière (1986, 1987 et 1988) jusqu'à l'achèvement du IXème plan pour certaines opérations, notamment les études relatives à la plupart des ouvrages et les acquisitions foncières.

L'analyse du protocole laisse apparaître un certain déséquilibre. Le préambule affirme le souci de concilier la protection des populations, l'exercice des activités économiques et la préservation de l'environnement. Les actions suivantes étaient prévues à ce titre :

- protection des zones humides,

- remise en eau des bras morts,

- mesures pour améliorer la biologie des poissons migrateurs (aménagement d'obstacles existants, ouverture de zones de frayères, reconstitution des populations).

Toutefois, le volet relatif à l'environnement ne figure pas dans le protocole lui-même, qui retrace un échéancier des travaux. Il n'est fait référence à l'environnement que dans l'article 6, de manière très générale : « Des modifications portant notamment sur la protection et la mise en valeur des ressources piscicoles et des milieux naturels aquatiques pourront être décidées entre les parties ».

L'article 7 est tout aussi général dans sa rédaction : il prévoit que « les intérêts agricoles, industriels, touristiques et de protection des sites et des paysages des zones d'implantation des ouvrages seront préservés », et que « les opérations d'accompagnement de chaque ouvrage porteront également sur des actions en faveur de la protection des milieux naturels aquatiques de la Loire et de ses affluents ».

Ainsi l'imprécision des dispositions intéressant l'environnement contrastait-elle fortement avec la précision du programme de travaux. Cela n'a pas manqué de faire apparaître le volet « environnement » du protocole comme une clause de style, le coeur du projet étant la construction d'un ensemble de barrages sur la Loire, le Cher et l'Allier.

Cette démarche, à laquelle l'État s'est initialement ralliée sans réserve, il faut le rappeler, devait rapidement se révéler trop ambitieuse en termes d'aménagement, trop modeste en termes de préservation du milieu naturel.

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