B. QUELQUES SUJETS DE PRÉOCCUPATION

Les opérations mentionnées ci-dessus ont été lancées et suivent leur cours, de façon parfois encore insuffisamment active, mais dans la logique de mise en oeuvre du Plan Loire dont elles manifestent la capacité mobilisatrice.

D'autres opérations, souvent plus modestes, ou plus difficilement programmables compte tenu de l'ampleur de la tâche et de l'éparpillement des domaines d'application, restent en suspens en dépit de l'intérêt qu'elles présentent pour le succès du Plan Loire. Une attention particulière doit par ailleurs être accordée à la maîtrise de l'urbanisme, qui progresse inégalement selon les secteurs et dont l'échec, même partiel, porterait une grave atteinte à la crédibilité de la démarche suivie par le Gouvernement dans le cadre du Plan « Loire grandeur nature ».

1. La maîtrise de l'urbanisation en zone inondable

Il n'est pas aisé de passer en quelques mois du laisser-faire à la rigueur, mais la bonne exécution de ce volet du Plan Loire est indispensable : si le mitage des vals inondables est poursuivi, la logique de respect de la vie du fleuve qui a inspiré l'élaboration du Plan Loire perdra toute vraisemblance et un nouveau programme de barrages écrêteurs devra être lancé, dont la construction alors vraisemblable du Veurdre donnera le coup d'envoi.

L'établissement des atlas des zones inondables est achevé, semble-t-il, en ce qui concerne les vals situés à l'aval de Nevers. Ces documents permettent d'informer l'État, les collectivités et la population des risques liés aux crues. Ils présentent une carte des aléas d'inondation avec une délimitation des zones en fonction de la vitesse et de la hauteur de l'eau, et servent à l'élaboration de projets de protection dénommés projets d'intérêt général (PIG).

L'objectif du PIG est de freiner l'urbanisation des secteurs à risques. Il définit deux types de zones, dans lesquelles sont appliquées des prescriptions diverses :


Les zones d'expansion des crues à préserver de toute urbanisation nouvelle : il s'agit des zones non urbanisées ou peu aménagées où la crue peut stocker un volume d'eau important, dissipant ainsi son énergie au prix de risques limités pour les vies humaines ou les biens. Dans ces zones, seules quelques constructions peuvent être autorisées, en fonction du niveau d'aléa :

- en aléa très fort sont autorisés : la reconstruction de bâtiments sinistrés (incendie par exemple), les vestiaires et sanitaires non gardés de terrains de sports, les constructions nécessaires au fonctionnement des services publics (pylônes, stations de pompage ou d'épuration), les serres (30 % d'emprise au sol). Des extensions de bâtiments existants sont également admises.

- en aléa fort peuvent être autorisés aussi : les bâtiments agricoles nécessaires au fonctionnement des exploitations et les logements de gardiens indispensables aux équipements sportifs.

- en aléa moyen et faible peuvent au surplus être autorisées les habitations indispensables aux exploitants agricoles.


Les zones essentiellement urbaines, c'est-à-dire les secteurs construits où il est nécessaire de préserver les possibilités d'écoulement des crues et de limiter la densité des constructions nouvelles :

- pour les constructions existantes sont autorisées : la rénovation, l'amélioration et les modifications. Les possibilités d'extension sont les mêmes que dans les zones d'expansion des crues.

- en outre, des constructions nouvelles peuvent être autorisées, sauf dans les zones d'aléa très fort, sous réserve du respect de coefficients d'emprise au sol.

Les PIG doivent être intégrés dans les documents d'urbanisme, ce qui nécessite parfois l'active implication des préfets, spécialement dans le département de l'Indre-et-Loire, semble-t-il. Le département du Loiret fait en revanche figure d'élève modèle de l'urbanisation maîtrisée. L'élaboration du PIG d'Orléans, en particulier, qui concerne 15 communes et 205.000 habitants (dont 49.000 vivent en zone inondable), a été prise en compte en juillet 1994 dans le schéma directeur de l'agglomération orléanaise. Douze communes ont décidé de l'intégrer dans leur POS, pour les trois communes réfractaires, l'État a décidé de mettre en oeuvre la procédure de révision du POS.

Il est évident que le Plan Loire n'a de raison d'être que si les PIG couvrent l'ensemble des vals inondables et sont pris dûment en compte par les documents d'urbanisme. On mesure alors le rôle crucial des préfets à qui il appartient de surmonter la réticence de nombreuses communes, les plus exposées aux risques, peut-on penser. Il est indispensable que les préfets reçoivent à cet égard un appui fort du Gouvernement et soient incités à mettre en oeuvre les mesures réglementaires nécessaires à une remise en ordre de l'urbanisation des vals inondables. Il est donc souhaitable que le ministre de l'environnement renouvelle périodiquement l'initiative qu'elle a prise de réunir autour d'elle le 21 octobre dernier l'ensemble des préfets impliqués dans la mise en oeuvre du Plan Loire afin de faire le point sur son déroulement.

2. Les opérations en suspens

Le recours aux instruments agri-environnementaux de la politique agricole commune n'a jusqu'à présent pas été envisagé très activement, semble-t-il, dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan Loire. Pourtant, la généralisation de pratiques agricoles moins intensives, spécialement en matière d'irrigation, l'utilisation pertinente de la jachère fixe sur les rives du fleuve, pourraient contribuer de façon utile à la restauration de la qualité hydrologique de la Loire.

De même, la politique du paysage mentionnée au point 3-4 du relevé de décisions du 4 janvier 1994 ne semble pas avoir été lancée. La création de la réserve naturelle de La Charité-sur-Loire progresse lentement.

Enfin, le volet culturel n'a pas reçu pour l'instant de contenu concret. Le ministère de la culture, promoteur de la valorisation culturelle de la Loire avec le ministère de l'environnement, ne semble pas avoir jusqu'à présent manifesté un intérêt très vif à l'égard de ce projet qui reste à définir.

Pourtant, cette dimension est nécessaire si l'on veut que par-delà la diversité du patrimoine et de l'histoire des peuples de la Loire, s'affirme une « âme ligérienne » qui servirait de point d'appui à la pérennité du Plan Loire. Celui-ci peut en retour être l'élément clé de l'affirmation de l'identité ligérienne : le fleuve n'est-il pas le seul véritable lien entre les populations qui gravitent autour ? Il est donc nécessaire de mobiliser les collectivités autour de quelques projets éclairant les réalités de la Loire, célébrant son histoire, mobilisant son patrimoine, assurant la promotion de son image. L'un des arguments de cette promotion peut d'ailleurs être le Plan Loire lui-même. Celui-ci apparaît, à un moment où l'image « écologique » de la France semble altérée aux yeux de l'opinion publique internationale, comme une opération exemplaire d'aménagement durable, un modèle « d'écologie à la française » susceptible de rehausser notre image à l'étranger, de mettre en avant notre capacité d'expertise en matière de gestion fluviale. Le Plan Loire ne justifierait-il pas, dans ces conditions, la création d'un label « Loire » qui estampillerait d'autres opérations d'aménagement durable d'une envergure comparable ?

Il convient aussi de signaler le problème non encore résolu des modalités techniques de vidange des retenues des barrages.

Votre rapporteur a tenu à présenter quelques pistes susceptibles d'être explorées en vue de la mise en oeuvre effective du volet culturel du Plan Loire. Il considère que l'État, une fois encore, doit donner l'initiative car en dépit de quelques initiatives récentes, aucune structure existante n'a actuellement la capacité de lancer le mouvement. Le relais devra ensuite être pris par les collectivités locales, groupées au sein d'une structure légère du type EPALA, dans un lieu emblématique de la Loire moyenne.

« La Loire est une reine et les rois l'ont aimée », écrivait Péguy 1 ( * ) Il était nécessaire qu'après des décennies d'apparent abandon, « la république, notre royaume de France », comme disait aussi le poète ligérien, marque à son tour, « selon la diversité des temps », la place de la Loire dans notre patrimoine.

Par son ampleur et son originalité, le Plan Loire répond à cette exigence. Il appartient encore à l'État, pour en faire la démonstration définitive, de le mener à bonne fin en concertation vigilante avec toutes les autres parties prenantes. Le ministre de l'environnement s'est attaché à assurer la continuité de l'effort engagé par son prédécesseur, puisse la même détermination se manifester durant les dix années d'exécution du plan et au-delà !

* 1 Cahiers de la quinzaine, premier cahier de la 9ème série, 6 octobre 1907

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