TITRE IV :

ENCOURAGEMENT À L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE ET DIVERSIFICATION DES PLACEMENTS

ARTICLE 9

Economie solidaire

Commentaire : le présent article a pour objet de proposer une définition de l'économie solidaire, des fonds d'épargne solidaire et de prévoir les incitations dont bénéficieraient les entreprises s'engageant dans la démarche de placement dans ces derniers.

I. L'INTENTION DU PROJET DE LOI : UN DOUBLE SOUHAIT

A. LA RECHERCHE D'UNE DÉFINITION DE L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE

La création d'un secrétariat d'Etat à l'économie solidaire, reflet des préoccupations d'une des composantes de la majorité plurielle, a porté sur la place publique le débat de sa définition et de sa traduction juridique.

Le II de l'article 41 ( * ) définit ainsi pour la première fois de manière législative ce qu'est l'épargne solidaire. Cela n'est pas inutile quand un récent sondage montre que 80 % des Français l'ignorent.

Le texte issu des discussions à l'Assemblée nationale montre bien les grandes difficultés qu'il y a à définir de manière précise et juridiquement opérationnelle le domaine de l'économie solidaire. Intuitivement, un certain nombre de facteurs concourt à faire relever une entreprise de ce secteur : le mode de désignation des dirigeants, le travail en réseau, l'origine des ressources, leur rémunération, le domaine d'activité. Cependant, aucun n'offre de critère juridique précis et suffisant.

Le II du texte proposé s'y emploie pourtant, en se fondant sur deux critères cumulatifs :

• l'obligation de ne pas avoir de titre de capital admis aux négociations sur un marché réglementé ;

• et un critère alternatif : soit avoir un tiers au moins de ses salariés ayant vocation à bénéficier d'un contrat initiative emploi 42 ( * ) , ou ayant vu un handicap reconnu par une COTOREP, ou ayant des emplois-jeunes, ces conditions pouvant s'appliquer aux entrepreneurs individuels ; soit avoir une forme juridique particulière.

Dans ce dernier cas, sont concernées : les associations, les coopératives, les mutuelles, les institutions de prévoyance et toutes les " sociétés dont les dirigeants sont élus directement ou indirectement par les salariés, les adhérents ou les sociétaires " .

Afin de vérifier l'application de ces critères, les entreprises concernées seraient agréées par décision conjointe des ministres de l'économie et de l'économie solidaire.

Par ailleurs, la discussion du texte à l'Assemblée nationale a permis de préciser que les organismes dont l'actif est composé d'au moins 80 % de titres de ces entreprises et les établissements de crédit ayant un encours de prêts et investissements de 80 % dans ces mêmes entreprises relèveraient aussi de la définition de l'économie solidaire.

B. LA PROMOTION D'UNE ÉPARGNE SOLIDAIRE

1. La création de fonds solidaires

Après avoir défini le champ de l'économie solidaire, l'article 9 du projet de loi introduit, par son III, dans la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, une nouvelle catégorie d'OPCVM sous la forme des fonds solidaires.

Ceux-ci revêtent la forme d'un fonds de commun de placement d'entreprise (FCPE) dits fonds de l'article 20 de la loi précitée. Ils en supportent donc toutes les obligations avec notamment l'existence d'un conseil de surveillance composé de représentants des salariés porteurs de parts et de représentants de l'entreprise ou de plusieurs entreprises. Ce conseil exerce les droits de vote attachés aux valeurs détenues par le fonds, sauf pour celles de l'entreprise. Il prend aussi les grandes décisions (fusion, transformation, etc.)

Au sein des FCPE, les fonds solidaires constituent une catégorie propre définie par la détention de titres émis par des entreprises solidaires agréées ou des organismes dont l'actif est composé en totalité de titres émis par elles, dans la limite de 5 à 10 % de l'encours du fonds.

Le fonds est constitué par ailleurs, comme pour les autres des FCPE, de valeurs mobilières et de liquidités. Le texte de l'article 9 introduit une clause de protection des épargnants en interdisant à ces fonds de détenir plus de 10 % de titres de l'entreprise ayant mis en place le plan.

2. La promotion du placement en fonds solidaires

Le IV de l'article 9 prévoit le mécanisme d'incitation fiscale au placement des sommes de l'épargne salariale dans les fonds solidaires. Cette incitation prend la forme d'une provision pour investissement.

Le projet de loi complétait le code général des impôts, au 1 du II de son article 237 bis A, en précisant que les sommes investies dans les fonds solidaires donnaient lieu en franchise d'impôt à une provision pour investissement de 100% à condition que le fonds conserve durant deux ans les titres concernés.

Ce dispositif était cependant extrêmement complexe et flou. Il ne concernait que les sommes investies dans l'économie solidaire, maintenant donc la provision de droit commun pour les 90 % restants du fonds, soit 25 % en cas de blocage inférieur à trois ans. En ce cas, la PPI effective sur les sommes totales versées par l'entreprise dans le fonds aurait été comprise entre 28,75 et 32,5 % selon que le fonds détienne entre 5 et 10 % de son encours en titres solidaires.

Malgré un avis défavorable difficilement explicable du gouvernement, et à l'initiative du rapporteur de la commission des finances, notre collègue M. Jean-Pierre Balligand, l'Assemblée nationale a simplifié le régime de la PPI en prévoyant une PPI unique de 35 % pour les versements complémentaires de l'entreprise si le PPESV est investi en fonds solidaires.

Enfin, le gouvernement a complété son dispositif en précisant que le seuil figurant à l'article 25 de la loi de 1988 est porté de 10 à 25 % si l'émetteur du titre est une entreprise solidaire dont les fonds propres sont inférieurs à un million de francs.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UN DISPOSITIF TROP LARGE ET TROP IMPRÉCIS

A. UNE DÉFINITION DANGEREUSE DE L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE

1. Une définition opportuniste

Il convient tout d'abord de souligner le caractère pour le moins étonnant de la définition proposée par le projet de loi pour l'économie solidaire.

Elle frappe par la diversité des situations qu'elle recouvre. Quoi de commun entre la PME employant 30 % d'emplois jeunes, de bénéficiaires du CIE, de travailleurs handicapés, etc... et les grandes mutuelles occupant des positions importantes dans le secteur des assurances ou des banques ? Elle relèveraient toutes de l'économie solidaire. Cette très large définition ne semble pas la meilleure si le gouvernement veut promouvoir l'épargne dirigée vers ce secteur. Certains risquent de préférer investir dans les grandes sociétés mutuelles, plutôt que dans les petites entreprises d'insertion qui elles rencontrent certainement de plus grandes difficultés dans leur accès aux capitaux du point de vue de leur financement. Le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire l'a d'ailleurs reconnu lors des débats à l'Assemblée nationale en s'interrogeant sur le " risque de qualifier d'entreprises solidaires des sociétés qui, d'abord, n'en ont pas besoin et qui, ensuite, par leur poids financier, pourraient assécher une partie du flux nécessaire aux autres " 43 ( * ) .

Elle frappe aussi par son champ normatif extrêmement restreint. Cette définition complexe a révélé son caractère difficilement opérationnel dans l'adoption d'un amendement tendant à préciser que ce nouvel article du code du travail ne vaudrait que pour la présente loi. C'est à dire que l'on pourrait concevoir dans un autre texte de loi une définition différente de l'économie solidaire, qui ne vaudrait que pour ce texte, etc. Ceci n'est guère sérieux : alors que ce texte pouvait permettre au gouvernement de faire part à la représentation nationale de sa définition de l'économie solidaire, élevée au rang de département ministériel, il n'a produit qu'une définition floue, vague, opportuniste.

Votre commission estime donc que cette définition, loin de consacrer l'économie solidaire, lui nuit plutôt. Par ailleurs, elle ne partage pas cette conception de la loi qui ne serait là que pour définir ponctuellement une notion, quitte à lui en donner un autre contenu à une autre occasion. L'article L. 433-3-1 du code du travail donne une définition de l'économie solidaire. Il ne saurait être question d'en donner une autre pour un autre texte. Votre commission vous proposera donc de supprimer la clause restrictive introduite au premier alinéa de cet article.

L'histoire de l'économie sociale selon le ministère de l'emploi et de la solidarité

Les origines de l'économie sociale sont à rechercher au Moyen-Age : les guildes, confréries et jurandes, corporations et compagnonnages constituent en effet les prémices de ce secteur. Les premiers théoriciens de l'économie sociale apparaissent au début du XIXème siècle, en réaction à la révolution industrielle. Face à la pensée libérale, se positionnent des penseurs comme Saint-Simon (1760-1825) qui prône un socialisme utopique. Selon lui, l'objectif du système industriel est de procurer le plus de bien-être possible aux classes laborieuses unies en associations de citoyens, la redistribution équitable des richesses étant, elle, du ressort de l'Etat. A la même époque, Charles Fourier (1772-1837) invente le Phalanstère où la répartition des biens s'effectue selon le travail fourni, la capital apporté et le talent. Pierre Proudhon (1809-1865) sera, lui, le précurseur d'un système mutualiste où l'argent est remplacé par des " bons de circulation " et où les sociétaires échangent des services. Penseur anarchiste, il refuse toute intervention de l'Etat. Ce n'est pas le cas de Louis Blanc pour qui l'Etat a la responsabilité de généraliser un système de production basé sur la création de coopératives. A noter que l'économie sociale s'inspire également du christianisme social.

Reste que ce n'est qu'à la fin de l'année 1981 que l'expression " économie sociale " entre par voie réglementaire dans le droit français, pour désigner " les coopératives, les mutuelles et celles des associations dont les activités de production les assimilent à ces organismes " (décret du 15 octobre 1981 créant la Délégation à l'économie sociale ; il sera modifié en 1991, date à laquelle est créée une Délégation générale à l'innovation sociale et à l'économie sociale). A noter que l'un des actes fondateurs de l'économie sociale date de 1980, année qui donne jour à la charte de l'économie sociale adoptée par des organisations groupées dans le Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (CNLAMCA) depuis 1976. D'un côté, des organisations tendent à se reconnaître entre elles comme constituant un même ensemble, bien qu'elles se soient antérieurement identifiées par des statuts juridiques, des activités économiques et des compositions sociales différents. D'un autre côté, elles se solidarisent pour faire reconnaître leurs caractères communs par les pouvoirs publics. Même au niveau européen, l'économie sociale est prise en compte. Une communication de la Commission au Conseil des ministres, en 1989, définit sous le même nom, un ensemble d'entreprises coopératives, mutualistes et associatives. En France, la nomination de Guy Hascoët au secrétariat d'Etat à l'économie solidaire, en 2000, entérine encore davantage l'importance de ce secteur.

Source : site internet du secrétariat d'Etat à l'économie solidaire.

2. Les risques de distorsion de concurrence

Par ailleurs, l'inclusion dans le champ de l'économie solidaire des grandes sociétés mutuelles et des institutions de prévoyance risque de faire renaître le débat sur les risques d'accentuer les distorsions de concurrence au sein du secteur de la couverture des risques.

Déjà, les sociétés d'assurances dénoncent non sans raison la distorsion que représente leur soumission à la taxe sur les conventions d'assurance et à l'impôt sur les sociétés dont sont exemptées, pour l'instant même pour leurs activités concurrentielles, les mutuelles et institutions de prévoyance. Voici que le projet de loi ferait faire bénéficier ces dernières d'un nouvel atout sous forme d'un avantage fiscal à l'orientation de l'épargne en leur faveur.

Pour limiter ce risque, le gouvernement avait introduit dans le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale une clause de rémunération. Au delà d'un certain niveau de rémunération des dirigeants, une entreprise n'aurait ainsi pas pu bénéficier du caractère d'économie solidaire. Mais cette limitation a été supprimée, contre l'avis du gouvernement qui avait proposé un amendement dont la complexité l'emportait sur toute autre considération, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, notre collègue député Pascal Terrasse.

Votre commission estime certes qu'il serait extrêmement dangereux de conserver ce champ large de l'économie solidaire, mais que puisque le gouvernement n'y parvient pas elle ne saurait s'y risquer elle-même. Elle vous proposera seulement de reprendre la condition de rémunération des dirigeants qui constituait un certain garde-fou, permettant de revenir dans des limites plus conformes à l'idée qu'elle se fait de l'économie solidaire et dans laquelle les grandes banques et mutuelles ne se trouvent pas.

3. Les risques pour les salariés

Enfin, la faculté, incitée par le gouvernement, d'investir dans des fonds solidaires dans le cadre des PPESV paraît à coup sûr revêtir un certain risque pour les salariés.

Votre commission est certes la première à reconnaître que les seuils retenus sont de nature à limiter ces risques et que chacun a le droit de placer comme il l'entend le fruit de son épargne.

Cependant, il n'en reste pas moins qu'il s'agit aussi de concilier ces principes avec d'une part la nécessaire protection de l'épargnant et, d'autre part, la prise en compte du caractère collectif de cette épargne : le salarié n'achètera pas lui-même une SICAV mais confiera son épargne à d'autres qui pourront investir dans l'économie solidaire. Il ne s'agit donc plus de la liberté individuelle de placement mais de la promotion fiscale d'un placement qui revêt un risque plus grand pour le salarié. Ce dernier devrait pourtant légitimement bénéficier de l'Etat de garanties de sûreté et de sécurité pour le placement de son épargne salariale. Ici, ce n'est manifestement pas le cas.

Il ne convient donc pas de faire une promotion fiscale excessive de ces placements qui doivent rester une faculté de choix comme une autre pour le gestionnaire du fonds.

Par ailleurs, l'introduction du V pose un véritable problème quant à la sécurité des salariés épargnants. En effet, la possibilité pour un FCPE de détenir jusqu'à 25 % du capital d'une entreprise solidaire pourrait faire qualifier ce dernier de dirigeant de fait ou de droit de l'entreprise en question et donc, si cette dernière connaissait des difficultés, faire engager la responsabilité de chaque porteur de parts sans la limiter à la valeur de cette part. On imagine sans peine les risques qu'encourraient les salariés dans ce cas de figure. Votre commission vous proposera donc de fixer la limite maximale à 10 %.

B. UNE DÉFINITION FLOUE DES FONDS SOLIDAIRES

Le texte issu des discussions à l'Assemblée nationale présente d'ailleurs un caractère tautologique puisque les fonds solidaires doivent détenir soit des parts d'entreprises solidaires agréées au titre de l'article L. 443-1-2 du code du travail, soit des parts d'organismes dont l'actif est composé en totalité de titres émis par ces entreprises.

Or l'article L. 143-1-2 en question, introduit par le II du présent article, assimilait justement les organismes détenant au moins 80 % de titres émis par les entreprises solidaires à des entreprises solidaires. La lecture croisée du II et du III conduit donc à définir le fonds solidaire comme l'OPCVM détenant 5 à 10 % de titres émis par des entreprises solidaires agréées ou par des entreprises solidaires agréées ce qui semble pour le moins redondant aux yeux de votre commission...

La clause de sauvegarde de la détention de 10 % au plus de titres de l'entreprise ayant mis en place le plan apparaît par ailleurs tout aussi imprécise dans la mesure ou elle ne prend pas en compte la situation des fonds mis en place par plusieurs entreprises. Si un plan est mis en place par plusieurs sociétés d'une même branche professionnelle et que le fonds est investi uniquement dans les actions de ces entreprises, il y a tout lieu de craindre pour le devenir de l'épargne des salariés en cas de retournement sectoriel de conjoncture. Il conviendrait donc de prévoir une clause de protection adaptée à cette situation des plans mis en place par plusieurs sociétés.

C. UN AVANTAGE FISCAL HEUREUSEMENT PRÉCISÉ MAIS CONTESTABLE

Votre commission estime que la précision apportée par l'Assemblée nationale sur l'avantage fiscal proposé pour le placement en fonds solidaire a été heureuse et ne parvient toujours pas à s'expliquer l'avis défavorable émis par le gouvernement à son égard.

Cet avantage fiscal peut sembler contestable dans la mesure où il tend à accentuer la distorsion de concurrence dont bénéficie le secteur de l'économie solidaire.

Cependant, son caractère limité d'une part, et la proposition de votre commission d'exclure du champ de l'économie solidaire les grandes entreprises du secteur mutualiste concurrentiel (bancaire, assurantiel et de prévoyance), peuvent justifier son maintien.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10

Obligation d'offrir des modes de placement sécurisés dans le cadre du PEE

Commentaire : le présent article renforce les conditions de sécurité dans lesquelles les épargnants salariés peuvent investir.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 443-3 du code du travail définit de façon limitative les instruments à l'acquisition desquels les sommes recueillies sur les PEE peuvent être affectées :

- des actions de sociétés d'investissement collectif en valeurs mobilières (SICAV) ;

- des parts de fonds communs de placement (FCP) ;

- des titres de l'entreprise ou d'autres valeurs mobilières ;

- des actions de sociétés créées par les salariés pour racheter une entreprise.

Comme tous ces instruments ne sont pas liquides, l'actuel article L. 443-4 du code du travail prévoit que le règlement du PEE doit offrir une possibilité d'acquérir au moins :

- soit des actions de SICAV,

- soit des parts de FCP n'employant pas plus de 10 % de son actif en titres de l'entreprise ou d'une entreprise du groupe.

Toutefois, par dérogation à la disposition précédente, les sommes recueillies peuvent être affectées à un seul FCPE si et seulement si l'actif de celui-ci comporte au moins un tiers de titres liquides (c'est à dire d'autres instruments que les titres de l'entreprise si ceux-ci ne sont pas négociables ; dans le cas contraire, le FCPE pourra être investi à 100 % dans les titres de l'entreprise).

II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT

L'exposé des motifs du projet de loi précise qu'il convient " d'être particulièrement vigilant sur la sécurité de l'investissement des salariés en titres non cotés de leur entreprise, car ils cumulent alors, plus que les salariés des grands groupes, des risques sur leur emploi et sur leur épargne ".

C'est dans cette optique que le présent article propose une réécriture de l'article L. 443-4 du code du travail afin de prévoir que le règlement du plan d'épargne salariale (PEE et PPESV) doit offrir une possibilité d'acquérir au moins :

- soit des actions de SICAV (disposition inchangée par rapport au droit existant) ;

- soit des parts de FCP dont l'actif est composé de titres cotés (sans pouvoir détenir plus de 5 % de son actif en titres d'un même émetteur ni plus de 10 % d'une même catégorie de valeurs mobilières d'un même émetteur 44 ( * ) ) et à titre accessoire de liquidités (par rapport au droit existant les contraintes de liquidité, de négociabilité et de dispersion des risques sont donc accrues) ;

- soit des parts d'OPCVM dont l'actif est composé de la même façon.

Afin d'offrir un peu de souplesse dans ce dispositif, ces dispositions ne s'appliquent pas si un plan d'épargne de groupe ou un PEI de même durée minimum de placement offre aux participants de l'entreprise la possibilité de placer les sommes dans un OPCVM présentant les mêmes caractéristiques.

Les sommes recueillies sur les PEE pourront toujours être affectées à un FCPE investi en titres de l'entreprise, mais désormais, la condition du respect du tiers de titres liquides ne pourra plus constituer une dérogation aux règles de sécurisation des fonds exposées ci-dessus. Il conviendra toutefois que ce FCPE, s'il est investi en titres non cotés de l'entreprise, ait au moins un tiers de son actif en titres liquides.

La nouvelle rédaction proposée par le gouvernement supprime la disposition de l'actuel article L. 443-4 du code du travail qui prévoit que ces règles " ne s'appliquent pas aux actions acquises pour un PEE ou un FCPE dans le cadre d'une opération de reprise d'entreprise par ses salariés ".

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre une modification rédactionnelle, l'Assemblée nationale a adopté un amendement proposé par le gouvernement et qui prévoit que le FCPE investi en titres non cotés de l'entreprise peut déroger à la condition d'un tiers de son actif en titres liquides en prévoyant un mécanisme garantissant la liquidité des valeurs qui composent son actif. Les conditions que devra remplir ce mécanisme de garantie seront fixées par décret.

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, sur proposition de sa commission des finances et contre l'avis du gouvernement, un amendement qui dispose qu'un FCP qui recueille des sommes placées sur un PEE peut détenir des titres émis par un FCPR ou un FCPI, dans la limite de 30 % de son actif.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

La proposition de l'Assemblée nationale relative à la possibilité pour des FCP de détenir des parts de FCPR ou de FCPI dans la limite de 30 % de son actif est intéressante. Mais, outre qu'une des références inscrites dans la loi est erronée 45 ( * ) , les engagements pris par le ministre en séance publique 46 ( * ) semblent suffisants : " le gouvernement est favorable à rendre éligible les parts de FCPR à hauteur de 100 % de l'actif des FCPE sous certaines conditions tenant à la nature des FCPE. En l'occurrence, ne seraient éligibles que les FCPR agréés par la COB et offerts au public et, le cas échéant, en prévoyant des règles additionnelles de liquidité ". Votre commission estime souhaitable que ces règles soient définies au niveau réglementaire.

Par ailleurs, pour supprimer toute ambiguïté, votre commission vous propose de spécifier que les FCP dont traite l'article sont bien des FCPE afin que les règles posées ne s'appliquent pas à tout fonds commun de placement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 bis (nouveau)

Prise en compte des considérations éthiques

Commentaire : le présent article instaure une obligation pour les OPCVM recueillant des sommes provenant de l'épargne salariale de remettre un rapport annuel sur leur prise en compte des " considérations sociales, environnementales et éthiques " dans les placements qu'elles effectuent.

I. LE TEXTE PROPOSÉ

A. LE DÉVELOPPEMENT DES FONDS ÉTHIQUES

Nés aux Etats-Unis, les fonds éthiques connaissent un relatif essor en France depuis quelques années. Il s'agit d'OCVM classiques qui proposent à leurs clients d'adjoindre à leurs objectifs de placement traditionnel (à commencer par le rendement) une composante éthique, socialement responsable.

Un organisme de notation spécialisé sur ce secteur est ainsi né qui a mis en valeur cinq critères : la gestion des ressources humaines, l'implication dans la société civile, le respect de l'environnement, les relations avec les actionnaires et les rapports avec les fournisseurs. A chaque société par la suite, dans sa communication financière, de mettre en valeur tel ou tel aspect.

A la fin du mois de septembre 2000, environ 20 fonds de ce type étaient proposés en France, ayant déjà collecté environ 700 millions d'euros d'épargne et présentant des critères de performance équivalents aux autres produits financiers classiques. Aux Etats-Unis, il s'agirait de 2.200 milliards de dollars déjà collectés et au Royaume-Uni de 75 milliards d'euros. Par ailleurs, les enquêtes auprès des petits porteurs montrent leur souci croissant de l'image de l'entreprise dans laquelle ils envisagent d'investir.

Plusieurs voix se sont ainsi fait entendre pour demander que ces fonds éthiques bénéficient d'une reconnaissance particulière afin de les promouvoir auprès du grand public.

Les 20 impératifs du bon placement éthique

L'Association Ethique et Investissement questionne l'entreprise sur ses choix stratégiques ; vingt critères éthiques orientent les investisseurs dans leur choix d'investissement :

1. Politique d'innovation et de développement, créatrice d'emploi.

2. Participation des salariés à la valeur ajoutée de l'entreprise.

3. Importance donnée à la formation des salariés.

4. Responsabilité des salariés dans l'organisation du travail.

5. Possibilités d'expression au sein de l'entreprise.

6. Conditions de travail et de sécurité.

7. Emploi de personnes handicapées et adaptation de leur poste de travail.

8. Emploi de jeunes ou de personnes peu qualifiées avec contrats d'apprentissage ou stages de qualification.

9. Accompagnement des personnes licenciées avec aide au reclassement.

10. Accompagnement des mises en retraite ou pré-retraite.

11. Contribution à des actions pour l'insertion de personnes défavorisées.

12. Politique d'intégration de salariés d'origine étrangère.

13. Utilité sociale des biens et services produits.

14. Participation active à la protection de l'environnement.

Pour les entreprises implantées dans les pays non-industrialisés :

15. Formation de cadres autochtones.

16. Transfert de la maîtrise technologique.

17. Création d'entreprises locales.

18. Coopération avec l'enseignement professionnel du pays.

19. Réponse aux besoins économiques réels du pays.

20. Part de la valeur ajoutée laissée, soit sous forme d'intéressement, soit d'aménagement des infrastructures .

Source : Association Ethique et Investissement citée par le rapport Balligand /de Foucauld.

B. LE DISPOSITIF DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Introduit à l'Assemblée nationale dans le présent projet de loi à l'initiative de notre collègue rapporteur de la commission des finances, M. Jean-Pierre Balligand, cet article se propose de créer un nouvel article du code du travail indiquant que les OPCVM accueillant des sommes issues de l'épargne salariale, qu'il s'agisse de PEE, de PEI ou de PPESV, devront rendre compte chaque année de la manière dont ils prennent en compte des considérations " sociales, environnementales ou éthiques " à la fois dans la sélection, dans la conservation, dans la liquidation et dans l'exercice des droits de vote des actifs de leur portefeuille.

Le second alinéa prévoit qu'un règlement de la COB viendra préciser le contenu de ces comptes-rendus annuels. Le troisième alinéa impose leur transmission aux conseils de surveillance qui les publieront avec leur rapport annuel.

Il s'agit là d'obligations nouvelles introduites aussi bien pour les produits et les fonds existants que pour ceux qui seraient amenés à voir le jour.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission ne peut que saluer le développement d'une forme éthique de placement collectif qui allie des considérations responsables à la performance financière. Bien sûr, elle estime qu'il ne devrait pas prévoir une obligation supplémentaire dans une matière où souplesse et liberté sont souvent les meilleures guides sur la voie de la promotion des formes d'épargne. Si les fonds éthiques correspondent, comme cela semble être le cas, à une attente croissante, ils devraient savoir par leurs démarches commerciales, par leur communication financière, par le travail de notation dont ils font l'objet, par les labels qu'ils sauront mettre en place, attirer vers eux les épargnants. Votre commission rejette donc toute obligation nouvelle trop lourde qui servirait à promouvoir en quelque sorte une forme d'épargne, aussi estimable soit-elle, sur les autres.

Cependant, elle comprend bien que les auteurs de cet amendement ont aussi été guidés par un souci pédagogique : il s'agissait, au moins autant que de promouvoir l'épargne éthique, de faire en sorte que les gestionnaires de fonds, à commencer par les membres des conseils de surveillance, se posent la question de l'utilisation de leur épargne. Là aussi, votre commission estime qu'il ne devrait pas revenir à la loi d'imposer une telle obligation. La réussite des placements éthiques plaidera elle-même de manière bien plus satisfaisante que le code du travail en leur faveur.

De plus, votre commission n'a pas bien compris le champ de l'obligation nouvelle : s'agit-il de tous les OPCVM recueillant directement ou indirectement des fonds de l'épargne salariale ou bien, ce qui serait plus logique et plus opérationnel, les seuls FCPE. Soit il s'agit de tous les OPCVM soit seulement des FCPE, mais pas des premiers au premier alinéa et des seconds au troisième...

Enfin, votre commission n'épiloguera pas longtemps sur cette étrangeté juridique qui revient à introduire des obligations pour le contenu du rapport annuel du conseil de surveillance de certaines OPCVM dans le code du travail et non pas dans la loi de 1988.

Il lui semble contraire à l'objet du code du travail de prévoir des dispositions relatives au contenu des rapports des FCPE.

Pour tenir compte du souci pédagogique et donner la possibilité d'améliorer le texte proposé dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne semble ni cohérent, ni simple, ni clair, votre commission, qui d'ailleurs a accepté un amendement assez proche lors des débats sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, vous propose de revoir complètement le contenu de cet article.

Il s'agirait d'abord de le réintégrer dans la loi de 1988 et, singulièrement, dans son article relatif au FCPE.

Ensuite, il conviendrait d'adopter une incitation plus opérationnelle. L'objectif étant de faire en sorte que les gestionnaires indiquent la manière dont ils prennent en compte certaines considérations, le mieux serait alors de prévoir que le conseil de surveillance le lui demande dans le cadre des orientations de gestion fixées par le règlement. Charge ensuite au gestionnaire d'en rendre compte dans son rapport d'activité.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 41 L'Assemblée nationale a préféré voir le I figurer dans l'article 7 et, en conséquence, l'a supprimé dans l'article 9.

* 42 Soit : demandeurs d'emploi de longue durée, bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) ou de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), femmes isolées à charge de famille, bénéficiaires d'une obligation d'emploi, bénéficiaires de l'assurance veuvage, demandeurs d'emploi de plus de 50 ans, Français ayant perdu leur emploi à l'étranger, personnes ayant des difficultés particulières d'insertion (article L. 322-4-2 du code du travail).

* 43 Journal officiel des débats , Assemblée nationale, 1 ère séance du 4 octobre 2000, page 6441, 1 ère colonne.

* 44 Prescriptions de l'article 25 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988.

* 45 L'article vise le chapitre V de la loi de 1988, relatif aux fonds communs d'intervention sur les marchés à terme, et non le chapitre IV bis qui est relatif aux FCPI.

* 46 Journal officiel des débats, Assemblée nationale, n° 64, 1 ère séance du 4 octobre 2000, p. 6447.

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